Assurance-emploi (AE)

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Citation : PJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1312

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : P. J.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (453351) datée du 2 février 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Normand Morin
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 25 mai 2022
Personne présente à l’audience : L’appelant
Date de la décision : Le 29 juin 2022
Numéro de dossier : GE-22-788

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Je conclus que la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, en décidant de vérifier et de réexaminer la demande de prestations de l’appelantNote de bas de page 1. La Commission ne pouvait donc pas déterminer, rétroactivement, que l’appelant n’était pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[2] Du début de septembre 2020 jusqu’au 26 février 2021, l’appelant a travaillé pour l’employeur X, une entreprise de gestion de matières résiduelles dangereuses (traitement des eaux), dans le cadre d’un contrat de remplacement.

[3] Le 10 mars 2021, l’appelant présente une demande initiale de prestations d’assurance-emploi (prestations régulières). Une période de prestations a été établie à compter du 7 mars 2021Note de bas de page 2.

[4] Le 15 mars 2021, l’appelant entreprend une formation à temps plein en assurance de personne auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF) à X. Il s’agit d’une formation menant à l’obtention d’une accréditation comme conseiller en sécurité financière. Il a effectué sa période de formation du 15 mars 2021 au 11 juin 2021Note de bas de page 3.

[5] L’appelant a ensuite décidé de devenir travailleur indépendant comme conseiller en sécurité financière à compter du 12 juin 2021, à la suite de sa formationNote de bas de page 4. Le 4 septembre 2021, il a cessé d’être travailleur indépendant et a effectué des recherches d’emploiNote de bas de page 5.

[6] Le 24 novembre 2021, la Commission l’informe qu’elle ne peut pas lui verser de prestations du 8 au 12 mars 2021 parce qu’il s’est déclaré non disponible pour un emploi convenable à temps plein afin de se préparer à sa formation ou son stage de formation. Elle l’informe également qu’elle ne peut pas lui verser de prestations d’assurance-emploi du 15 mars 2021 au 11 juin 2021, car il suivait un cours de formation de sa propre initiative et qu’il n’a pas démontré qu’il était disponible à travailler. La Commission lui précise qu’elle considère qu’il n’était pas disponible à travailler. Elle l’informe aussi qu’elle ne peut pas lui verser de prestations d’assurance-emploi du 14 juin 2021 au 17 septembre 2021 puisqu’il travaille à son compte comme conseiller en sécurité financière et qu’elle considère qu’il n’était pas en chômage durant cette période. La Commission lui indique que s’il doit de l’argent, il recevra un avis de dette à cet effetNote de bas de page 6.

[7] Le 2 février 2022, à la suite d’une demande de révision, la Commission l’avise que la décision rendue à son endroit en date du 24 novembre 2021 concernant sa disponibilité à travailler du 8 au 12 mars 2021 a été annulée. Elle lui indique qu’elle maintient la décision rendue à son endroit, en date du 24 novembre 2021, concernant sa disponibilité à travailler pendant qu’il suivait une formation, soit du 15 mars 2021 au 11 juin 2021. La Commission lui indique également que sa décision à son endroit, également en date du 24 novembre 2021, concernant la semaine de chômage est remplacée par une nouvelle décision. Elle lui précise que selon cette nouvelle décision, il n’a pas droit aux prestations du 14 juin 2021 au 4 septembre 2021Note de bas de page 7.

[8] L’appelant explique avoir reçu des prestations après avoir présenté sa demande de prestations et après avoir déclaré à la Commission qu’il suivait une formation à temps plein. Il précise avoir indiqué dans toutes ses déclarations du prestataire qu’il suivait une formation et que ses demandes de prestations ont été acceptées. Ses déclarations du prestataire indiquent aussi les heures qu’il a accomplies comme travailleur indépendant. L’appelant explique que plusieurs mois après avoir reçu des prestations, la Commission lui a indiqué qu’il n’avait pas le droit d’en recevoir. Il fait valoir que dans le cas où il n’aurait pas pu recevoir des prestations, il aurait délaissé sa formation ou l’aurait alors suivie en demeurant disponible pour occuper un emploi. L’appelant précise qu’il aurait pu suivre sa formation à temps partiel. Il soutient qu’il ne devrait pas être pénalisé en raison d’une erreur de la Commission (Service Canada). Le 2 mars 2022, l’appelant conteste la décision en révision de la Commission. Cette décision fait l’objet de son recours devant le Tribunal.

Questions préliminaires

[9] Dans le présent dossier, l’appelant conteste le fait qu’il doive rembourser les prestations qui lui ont été versées en trop. Il fait valoir qu’il n’a pas à être pénalisé pour l’erreur commisse par la Commission, même si celle-ci a conclu, plusieurs mois après lui avoir versé des prestations, qu’il n’y était pas admissible.

[10] De son côté, la Commission fait valoir que l’article 153.161 de la Loi l’autorise à vérifier, à tout moment, après le versement des prestations, qu’un prestataire est admissible aux prestations en exigeant la preuve qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin pour tout jour ouvrable de sa période de prestationsNote de bas de page 8.

[11] Je vais donc effectuer mon analyse et rendre ma décision en tenant compte de cette situation.

Questions en litige

[12] Je dois déterminer si la Commission avait le pouvoir de décider, de façon rétroactive, si l’appelant était admissible au bénéfice des prestations et le cas échéant, déterminer si elle a utilisé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, en décidant de vérifier et de réexaminer la demande de prestations de ce dernierNote de bas de page 9.

[13] Si tel est le cas, je dois déterminer si l’appelant :

  1. a) Démontre qu’il était disponible à travailler au cours de la période du 15 mars 2021 au 11 juin 2021, pendant qu’il suivait une formationNote de bas de page 10 ;
  2. b) A effectué des semaines entières de travail au cours de la période du 14 juin 2021 au 4 septembre 2021 et si l’inadmissibilité au bénéfice des prestations, qui lui a été imposée au cours de cette période, parce qu’il ne démontre pas qu’il était en chômage, est justifiéeNote de bas de page 11 ;
  3. c) Doit rembourser les prestations qui lui ont été versées et qui lui sont réclamées par la CommissionNote de bas de page 12.

Analyse

Exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission dans sa décision de vérifier et de réexaminer une demande de prestations

Question no 1 : La Commission avait-elle le pouvoir de vérifier et d’examiner rétroactivement la demande de prestations de l’appelant?

[14] Concernant le « nouvel examen » d’une demande de prestations, la Loi prévoit que la Commission dispose d’un délai de 36 mois pour réexaminer toute demande au sujet de prestations payées ou payables à un prestataire, et que ce délai est de 72 mois si elle estime qu’une déclaration ou affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demande de prestationsNote de bas de page 13. 

[15] Si la Commission décide qu’une personne a reçu une somme d’argent en prestations pour lesquelles elle ne remplissait pas les conditions requises ou au bénéfice desquelles elle n’était pas admissible, elle calcule la somme payée et notifie sa décision au prestataireNote de bas de page 14.

[16] En raison de la pandémie de COVID-19, des modifications ont été apportées à la Loi pour faciliter l’accès aux prestations avec la mise en œuvre de « mesures temporaires ».

[17] L’article 153.161 de la partie VIII.5 de la Loi représente une de ces modifications. Cet article a été en vigueur du 27 septembre 2020 au 25 septembre 2021.

[18] Cet article permet à la Commission de vérifier, à tout moment, après le versement des prestations, que le prestataire y est admissible en exigeant la preuve qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin pour tout jour ouvrable de sa période de prestationsNote de bas de page 15.

[19] La Division d’appel du Tribunal (la Division d’appel) a déterminé que la Division générale du Tribunal (la Division générale) ne pouvait refuser d’exercer sa compétence afin de déterminer si la Commission avait le pouvoir de juger le prestataire inadmissible aux prestations de façon rétroactiveNote de bas de page 16.

[20] Dans le cas présent, l’appelant a présenté une demande de prestations le 10 mars 2021 et une période de prestations a été établie à compter du 7 mars 2021.

[21] Le 24 novembre 2021, la Commission l’a informé des décisions rendues à son endroit concernant sa disponibilité à travailler et du fait qu’elle considérait qu’il n’était pas en chômage puisqu’il travaillait des semaines entières comme conseiller en sécurité financièreNote de bas de page 17.

[22] La Commission fait valoir que l’article 153.161 de la Loi (Mesures temporaires pour faciliter l’accès aux prestations) lui donne le pouvoir de vérifier, à tout moment après le versement des prestations, qu’un prestataire visé est admissible aux prestations en exigeant la preuve qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin pour tout jour ouvrable de sa période de prestationsNote de bas de page 18.

[23] Pour sa part, dans sa déclaration du 8 avril 2021 à la Commission, l’appelant indique suivre une formation, à temps plein, depuis le 15 mars 2021 et y consacrer 25 heures ou plus par semaineNote de bas de page 19.

[24] Le 23 août 2021, il déclare à la Commission avoir commencé des activités de travail indépendant le 8 août 2021, à la suite de sa formation, et y consacrer plus de 15 heures par semaine, mais ne pas être encore rémunéré pour celles-ciNote de bas de page 20. Il indique aussi ne pas être prêt à consacrer d’heures pour travailler en dehors de son travail indépendantNote de bas de page 21.

[25] Dans ses déclarations du prestataire pour la période du 8 au 21 août 2021, l’appelant indique avoir travaillé 15 heures lors de chacune des deux semaines en cause et ne pas avoir reçu de rémunérationNote de bas de page 22. Il déclare aussi avoir été disponible à travailler durant cette périodeNote de bas de page 23.

[26] Le 5 octobre 2021, il déclare à la Commission qu’il n’est plus intéressé par le travail indépendant et qu’il est à la recherche d’un emploiNote de bas de page 24.

[27] Dans sa demande de révision et dans son avis d’appel, l’appelant explique que s’il n’avait pas eu accès à l’assurance-emploi, il aurait délaissé sa formation ou l’aurait suivie tout en étant disponible à travaillerNote de bas de page 25.

[28] Lors de l’audience, l’appelant précise aussi qu’il aurait pu suivre sa formation à temps partiel.

[29] Dans le cas présent, pour sa demande de prestations présentée le 10 mars 2021, l’appelant était assujetti aux dispositions prévues à l’article 153.161(2) de la partie VIII.5 de la Loi, malgré la nature temporaire de cet article, de même qu’à celles de l’article 52 de la Loi.

[30] Je considère que la décision rendue par la Commission s’appuie sur les articles 153.161(2) et 52 de la Loi.

[31] Je considère que même si la Commission indique s’être appuyée sur l’article 153.161 de la Loi pour rendre sa décision, les dispositions de l’article 52 de la Loi continuent tout de même de s’appliquer.

[32] L’article 52 de la Loi s’applique pour la question de la disponibilité à travailler, de même que pour celle visant à déterminer si l’appelant a effectué des semaines entières de travail pour les semaines où il a effectué du travail indépendant.

[33] Pour ce qui est de l’évaluation de la disponibilité à travailler, l’article 153.161(2) de la Loi donne à la Commission un pouvoir analogue à celui qu’elle détient en vertu de l’article 52(1) de la Loi. La seule différence entre ces deux articles est que selon les dispositions prévues à l’article 153.161(2) de la Loi, le pouvoir de la Commission n’est pas limité dans le temps, alors qu’il l’est dans le cas d’un réexamen en vertu de l’article 52(1) de la Loi.

[34] En effet, pour l’application de l’article 153.161(2) de la Loi, la Commission peut vérifier, à tout moment après le versement des prestations, que le prestataire est admissible aux prestationsNote de bas de page 26.

[35] Pour ce qui est de l’application de l’article 52 de la Loi, la Commission dispose dans ce cas d’un délai de 36 mois suivant le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables, pour examiner de nouveau toute demande au sujet de ces prestations, ou de 72 mois si elle estime qu’une affirmation fausse ou trompeuse a été faiteNote de bas de page 27.

[36] Pour rendre sa décision, la Commission a utilisé les pouvoirs qui lui sont conférés en vertu des articles 52 et 153.161(2) de la Loi. À la suite du réexamen et de la vérification qu’elle a effectuée, la Commission a changé sa décision en déterminant que l’appelant n’était pas admissible au bénéfice des prestations. Elle a rendu une nouvelle décision conformément à la procédure prévue à l’article 52(2) de la Loi.

[37] Dans ce cas, il faut se demander si la Commission a utilisé son pouvoir discrétionnaire de réexamen de façon conforme à la norme judiciaire.

[38] Concernant la question de la disponibilité à travailler, je souligne également que même si l’article 153.161(2) de la Loi prévoit que la Commission peut « vérifier à tout moment » après le versement des prestations, si un prestataire est admissible au bénéfice des prestations, cet article précise qu’elle peut le faire, mais « en exigeant la preuve » que celui-ci était capable de travailler et disponible à cette fin pour tout jour ouvrable de sa période de prestationsNote de bas de page 28.

[39] J’estime que dans le cas de l’appelant, la Commission n’a pas vérifié l’admissibilité de ce dernier au bénéfice des prestations en fonction de l’article 153.161(2) de la Loi. La Commission n’a pas appliqué les dispositions de cet article à cet égard.

[40] La Commission n’a pas demandé à l’appelant de prouver son admissibilité à recevoir des prestations en fonction de l’article 153.161(2) de la Loi.

[41] Je considère qu’avant de rendre sa décision le 24 novembre 2021, soit plus de huit mois après que l’appelant ait présenté sa demande de prestations, la Commission ne l’a pas informé des recherches qu’il devait faire pour démontrer sa disponibilité à travailler ou des preuves qu’il devait fournir à cet effet, avant de lui imposer une inadmissibilité au bénéfice des prestations, de façon rétroactive.

[42] Puisque j’ai établi que la Commission a fait le réexamen de la demande de prestations de l’appelant selon l’article 52 de la Loi, tout en s’étant prévalue des dispositions prévues à l’article 153.161(2) de la Loi, je dois maintenant déterminer si elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, lorsqu’elle a décidé de vérifier rétroactivement cette demande, d’en faire le réexamen et de changer sa décision.

Question no 2 : La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire, de façon judiciaire, lorsqu’elle a décidé de vérifier rétroactivement la demande de prestations de l’appelant, d’en faire le réexamen et de changer sa décision?

[43] La Cour d’appel fédérale (la Cour) a établi que les décisions discrétionnaires de la Commission ne peuvent être modifiées à moins qu’il soit démontré que cette dernière a « exercé son pouvoir discrétionnaire de manière non conforme à la norme judiciaire ou qu’elle a agi de façon abusive ou arbitraire sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance »Note de bas de page 29.

[44] Il appartient à la Commission de démontrer qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. En d’autres termes, la Commission doit démontrer qu’elle a agi de bonne foi, tenu compte de tous les facteurs pertinents et laissé de côté ceux qui ne l’étaient pasNote de bas de page 30.

[45] Puisque le pouvoir de réexamen de la Commission est un pouvoir discrétionnaire, les décisions qu’elle rend ne peuvent être modifiées que si elle n’a pas exercé ce pouvoir d’une manière judiciaireNote de bas de page 31. 

[46] La Cour a reconnu à diverses reprises que le fait pour la Commission de se doter de lignes directrices ou de guides en présence d’un pouvoir discrétionnaire permet de rendre ce pouvoir cohérentNote de bas de page 32. 

[47] Le Guide de la détermination de l’admissibilité, un document produit par la Commission, énonce des conditions de réexamen permettant de déterminer si elle a pris en compte tous les facteurs pertinents dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

[48] Ce document prévoit que la Commission procédera au réexamen d’une demande de prestations dans les cas suivants :

  • Il y a un moins-payé de prestations ;
  • Des prestations ont été versées contrairement à la structure de la Loi ;
  • Des prestations ont été versées à la suite d’une déclaration fausse ou trompeuse ;
  • Le prestataire aurait dû savoir qu’il recevait des prestations auxquelles il n’avait pas droitNote de bas de page 33.
Moins-payé de prestations

[49] Je considère que l’élément relatif au « moins-payé » de prestations ne s’applique pas au cas de l’appelant.

[50] Dans sa décision rendue le 24 novembre 2021, la Commission indique à l’appelant que s’il doit de l’argent, il recevra un avis de detteNote de bas de page 34.

[51] De son côté, l’appelant indique avoir demandé une suspension de la dette à laquelle réfère la Commission dans la décision rendue à son endroit.

[52] Je retiens que dans le cas présent, il n’est pas question d’un « moins-payé de prestations » puisqu’une somme d’argent est réclamée à l’appelant par la Commission.

[53] Le Guide de la détermination de l’admissibilité précise que la Commission procède toujours au réexamen des demandes pour lesquelles le prestataire s’est vu refuser des prestations qui pourraient devenir payables à la suite d’un nouvel examenNote de bas de page 35.

[54] Dans le cas d’un trop-payé, la Commission peut réexaminer une demande de prestations, comme le prévoit la LoiNote de bas de page 36. 

[55] Les dispositions prévues à l’article 52 de la Loi confirment le caractère discrétionnaire des décisions de la Commission portant sur le réexamen des périodes de prestations dans le délai qui lui est imparti.

[56] Les dispositions prévues à l’article 153.161 de la Loi confirment aussi le caractère discrétionnaire du pouvoir de la Commission de décider de vérifier une demande de prestations.

Des prestations ont été versées contrairement à la structure de la Loi

[57] Je considère que l’établissement d’une période de prestations au profit de l’appelant et le versement de prestations a ce dernier ont été faits en conformité avec la « structure de la Loi », soit en fonction des éléments essentiels de la Loi à cet égard.

[58] Bien que le Guide de la détermination de l’admissibilité indique qu’une « période de non-disponibilité » et une « période à titre de travailleur autonome » ne représentent pas des éléments faisant partie de la structure de la Loi, ce document précise que ces éléments peuvent faire l’objet d’un nouvel examen s’ils respectent l’une des conditions énoncées dans la politique prévue à cet effet (politique de réexamen la Commission)Note de bas de page 37. 

[59] Je considère que la Commission n’a pas rendu une décision contraire à la structure de la Loi.

Des prestations ont été versées à la suite d’une déclaration fausse ou trompeuse

[60] Lorsque des prestations ont été versées à la suite de déclarations fausses ou trompeuses, la Commission peut procéder à un nouvel examen de la demande de prestations.

[61] La Commission dispose d’un délai de 36 mois suivant le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables à un prestataire, pour examiner de nouveau, toute demande au sujet de ces prestationsNote de bas de page 38. Si la Commission estime qu’une déclaration ou affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demande de prestations, celle-ci bénéficie alors d’un délai de 72 mois pour réexaminer la demande, suivant la date à laquelle les prestations ont été payées ou sont devenues payablesNote de bas de page 39.

[62] La Cour nous indique que la Commission peut réexaminer une demande de prestations dans un délai de 72 mois si elle estime qu’une déclaration fausse ou trompeuse a été faiteNote de bas de page 40.

[63] La Commission explique que l’appelant ne satisfait pas les exigences prévues à la Loi démontrant qu’il était disponible à travaillerNote de bas de page 41.

[64] Elle indique que l’appelant a bien déclaré sa formation lorsqu’il a rempli ses déclarations du prestataire, mais s’est aussi déclaré disponible alors qu’il ne l’était pasNote de bas de page 42.

[65] Selon la Commission, l’appelant savait qu’il n’était pas disponible puisqu’il devait se consacrer entièrement à sa formation et qu’il avait effectué un stageNote de bas de page 43.

[66] Elle indique que l’appelant a bien mentionné qu’il n’avait pas l’intention de travailler comme salariéNote de bas de page 44.

[67] Le 8 avril 2021, l’appelant indique dans sa déclaration à la Commission qu’il suit une formation depuis le 15 mars 2021 et y consacre 25 heures ou plus par semaineNote de bas de page 45. Il précise que sa formation allait prendre fin le 6 juin 2021Note de bas de page 46.

[68] Il fait valoir qu’il a indiqué dans toutes ses déclarations du prestataire qu’il suivait sa formation.

[69] Les déclarations du prestataire remplies par l’appelant pour la période du 8 au 21 août 2021 précisent aussi le nombre d’heures qu’il a effectuées au cours de cette période comme travailleur indépendantNote de bas de page 47.

[70] J’estime que la Commission n’était pas en présence de déclarations fausses ou trompeuses relativement à la demande de prestations de l’appelant.

[71] Je trouve d’ailleurs paradoxal l’argument de la Commission selon lequel l’appelant a déclaré qu’il était disponible à travailler, alors que selon elle, ce n’était pas le cas, en référant aux déclarations du prestataire que ce dernier a remplies pour la période du 8 au 21 août 2021Note de bas de page 48. Je souligne que pour chacune des deux semaines en question, l’appelant a indiqué avoir effectué 15 heures de travail après avoir commencé son travail indépendant, ce qui démontre qu’il avait travailléNote de bas de page 49.

[72] Le critère selon lequel des prestations ont été versées à la suite d’une déclaration fausse ou trompeuse ne s’applique pas dans le cas de l’appelant. J’estime que ce dernier a tout le temps fait preuve d’honnêteté dans ses déclarations en indiquant qu’il suivait une formation ou qu’il effectuait du travail indépendant.

[73] Je considère que malgré cette situation, la Commission pouvait réexaminer ou vérifier la demande de prestations de l’appelant.

Le prestataire aurait dû savoir qu’il recevait des prestations auxquelles il n’avait pas droit (conscient de l’inadmissibilité)

[74] Je considère que rien ne démontre que l’appelant aurait dû savoir qu’il n’avait pas droit aux prestations qui lui ont été versées et qu’il était ainsi « conscient » qu’il n’y était pas admissible.

[75] Le témoignage et les déclarations de l’appelant indiquent les éléments suivants :

  1. a) Il demande pourquoi sa demande de prestations a été acceptée et plusieurs mois après avoir reçu des prestations, la Commission lui a dit qu’il ne pouvait plus en recevoir, que ce « n’était plus correct » ;
  2. b) Il a déclaré à la Commission qu’il suivait une formation à temps plein et l’a mentionné dans toutes ses déclarations du prestataireNote de bas de page 50 ;
  3. c) Ses déclarations du prestataire indiquent les heures qu’il a accomplies comme travailleur indépendantNote de bas de page 51 ;
  4. d) S’il n’avait pas pu recevoir de prestations, il aurait délaissé sa formation ou l’aurait alors suivie en étant disponible pour occuper un emploiNote de bas de page 52. En général, sa formation était donnée du lundi au vendredi, de 9 h 00 à 16 h 00Note de bas de page 53. Il aurait pu la suivre à temps partiel ;
  5. e) Il ne devrait pas être pénalisé en raison d’une erreur de la CommissionNote de bas de page 54;
  6. f) Il a appris de la part de la Commission que les demandes de prestations de plusieurs personnes suivant une formation avaient été acceptées.

[76] J’estime que la Commission ne démontre pas que l’appelant pouvait présumer qu’il recevait des prestations auxquelles il n’avait pas droit.

[77] Je considère que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire, de façon judiciaire, en décidant de vérifier la demande de prestations de l’appelant et en procédant au réexamen de cette demande.

[78] Je suis d’avis que la Commission ne démontre pas que l’appelant aurait dû savoir qu’il recevait des prestations auxquelles il n’avait pas droit ou qu’il aurait dû être « conscient » qu’il n’y était pas admissible, une des règles prévues au Guide de la détermination de l’admissibilité démontrant qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

[79] J’estime que la Commission n’a pas respecté la « politique de réexamen » qu’elle a élaborée afin d’assurer une application uniforme et juste de l’article 52 de la Loi et d’empêcher la création de trop-payés lorsque le prestataire a touché des prestations en trop pour une raison indépendante de sa volonté, comme le précise cette politiqueNote de bas de page 55.

[80] Je suis d’avis que la Commission était en présence de tous les éléments nécessaires pour établir une demande de prestations au profit de l’appelant et lui verser des prestations.

[81] J’estime le témoignage de l’appelant crédible et j’y accorde une valeur prépondérante. L’appelant est constant dans ses affirmations selon lesquelles il a déclaré la formation qu’il a suivie et le travail indépendant qu’il a effectué par la suite.

[82] Je considère que l’appelant a fait preuve de transparence à cet égard.

[83] Je suis d’avis que l’appelant pouvait raisonnablement croire que lorsque sa demande de prestations a été acceptée et qu’il a commencé à recevoir des prestations, cela signifiait qu’il y avait droit.

[84] En résumé, compte tenu des éléments de preuve présentés et des circonstances particulières au présent dossier, je considère que la Commission n’a pas utilisé son pouvoir discrétionnaire, de façon judiciaire, en décidant de vérifier la demande de prestations de l’appelant et en procédant à un nouvel examen de cette demande.

[85] J’estime que la Commission n’a pas pris en compte tous les facteurs pertinents pour le faire. Ces facteurs réfèrent à l’ensemble des renseignements fournis par l’appelant dans sa déclaration du 8 avril 2021 à la Commission au sujet de la formation qu’il avait entreprise, de même qu’aux renseignements qu’il a fournis dans ses déclarations du prestataire concernant cette formation et le travail indépendant qu’il a effectué.

[86] Je suis d’avis que la Commission a omis de mettre en pratique ses propres règles pour le faire. J’estime qu’elle a agi de façon abusive dans l’utilisation de son pouvoir discrétionnaire.

[87] Je considère qu’il n’y a pas lieu de procéder au réexamen de la demande de prestations de l’appelant, et ce, même si ce réexamen avait lieu dans le délai prévu par la Loi.

[88] En conséquence, je ne réexaminerai pas la décision initialement rendue à l’endroit de l’appelant.

Disponibilité à travailler, réalisation de semaines entières de travail (travail indépendant) et remboursement des prestations

[89] Puisque j’ai déterminé que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire, de façon judiciaire, en décidant de vérifier la demande de prestations de l’appelant et en procédant à un nouvel examen de cette demande, il n’y a pas lieu de procéder à un réexamen de la décision initialement rendue à son endroit.

[90] Il n’y a donc pas lieu de déterminer si l’appelant était disponible à travailler au cours de la période du 15 mars 2021 au 11 juin 2021, pendant qu’il suivait une formationNote de bas de page 56.

[91] Il n’y a pas lieu non plus d’évaluer si au cours de la période du 14 juin 2021 au 4 septembre 2021, l’appelant a effectué des semaines entières de travail et si l’inadmissibilité au bénéfice des prestations, qui lui a été imposée au cours de cette période parce qu’il ne démontre pas qu’il était en chômage, est justifiéeNote de bas de page 57.

[92] Il n’y a pas lieu de déterminer si l’appelant doit rembourser les prestations qui lui ont été versées et qui lui sont réclamées par la CommissionNote de bas de page 58.

Conclusion

[93] Je conclus que la Commission n’a pas utilisé son pouvoir discrétionnaire, de façon judiciaire, en décidant de vérifier et de réexaminer la demande de prestations de l’appelant. La Commission ne pouvait donc pas déterminer, d’une façon rétroactive, que l’appelant n’était pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[94] Il n’y a donc pas lieu de déterminer s’il était admissible au bénéfice des prestations pour la période du 15 mars 2021 au 11 juin 2021 pendant laquelle il a suivi une formation et pour celle du 14 juin 2021 au 4 septembre 2021 au cours de laquelle il était travailleur indépendant. Il n’y a pas lieu non plus de décider si l’appelant doit rembourser la somme d’argent que lui réclame la Commission pour des prestations versées en trop.

[95] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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