Assurance-emploi (AE)

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Citation : SP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1322

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : S. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Anick Dumoulin

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 2 juin 2022 (GE-22-866)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 1 novembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’intimée 
Date de la décision : Le 17 novembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-420

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelante (prestataire) a été mise en congé sans solde par son employeur. Elle a fait une demande de prestations d’assurance-emploi. L’intimée a conclu que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite, soit de ne pas s’être conformée à la politique de vaccination (politique) de son employeur. La Commission l’a donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. La prestataire a demandé la révision de sa demande. La Commission a rejeté sa demande de prestations. La prestataire a interjeté appel devant la division générale.

[3] La division générale a déterminé que la prestataire a refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Elle a conclu que la prestataire savait que l'employeur était susceptible de la suspendre dans ces circonstances et que son refus était volontaire, conscient et délibéré. La division générale a conclu que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite.

[4] La division d’appel a accordé à la prestataire la permission d’en appeler de la décision de la division générale. Elle fait valoir que la division générale a commise une erreur puisqu’il n’était pas raisonnable pour son employeur de lui imposer une politique de vaccination alors qu’elle était en télétravail complet, et qu’elle n’était pas en contact avec les autres employés ou le public. Elle fait valoir qu’il n’y a pas eu d’inconduite au sens de la loi.

[5] Je dois décider si la division générale a commis une erreur en droit lorsqu’elle a conclu que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite.

[6] Je rejette l’appel de la prestataire.

Question en litige

[7] Est-ce que la division générale a commis une erreur en droit lorsqu’elle a conclu que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[8] La Cour d’appel fédérale a déterminé que la division d’appel n’avait d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.Note de bas de page 1

[9] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure.

[10] En conséquence, à moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, Je dois rejeter l'appel.

Est-ce que la division générale a commis une erreur en droit lorsqu’elle a conclu que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite?

[11] La prestataire soutien que la division générale a commise une erreur en droit lorsqu’elle a conclu à son inconduite puisqu’elle ne rencontre pas les critères jurisprudentiels permettant de qualifier un comportement d’inconduite.

[12] La prestataire soutient également que :

  • La division générale n’a pas tranché la question relative au congé volontaire; La Commission n’a pas rencontré les exigences de l’article 32 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE);
  • La convention collective ne mentionne aucunement la possibilité pour l’employeur de lui imposer un congé sans solde;
  • Elle n’a pas fait l’objet d’une mesure disciplinaire prévue à la convention collective de la part de son employeur;
  • Il n’était pas du ressort de son employeur de lui imposer une politique pour protéger sa santé et sa sécurité lorsqu’elle est en télétravail complet, et qu’elle n’est pas en contact avec les autres employés ou le public;
  • Elle est retournée à son emploi le 20 juin 2022, suite à la décision du Conseil du Trésor en date du 14 juin 2022 de suspendre l’obligation vaccinale pour les fonctionnaires fédéraux de l’Administration Centrale.

[13] La prestataire fait valoir que la division générale n’a pas tranché la question relative au congé volontaire prévu à l’article 32 de la Loi sur l’AE.

[14] La prestataire a reconnu ne pas avoir volontairement pris une période de congé. Elle a confirmé à la Commission être en congé sans solde suite à son refus de se conformer à la politique de l’employeur.Note de bas de page 2 De plus, le relevé d’emploi, indique que la prestataire a été placée par l’employeur en « congé pour non-respect de la politique de vaccination de l’employeur, veuillez traiter comme un code M ». Le code M signifie congédiement ou suspension.

[15] Après révision, la Commission a décidé que la prestataire a été suspendue de ses fonctions en raison de sa propre inconduite et lui a imposée une inadmissibilité en vertu de l’article 31 de la Loi sur l’AE. La prestataire a interjeté appel de la décision en révision devant la division générale.

[16] Il est manifeste que l’article 32 de la Loi sur l’AE ne s’applique pas à la situation de la prestataire puisque c’est l’employeur qui lui a imposé, contre son gré, un congé sans solde pour non-respect de sa politique.Note de bas de page 3

[17] La division générale devait décider si la prestataire a été suspendue (cessation temporaire de travail) en raison de son inconduite.

[18] La notion d’inconduite ne prévoit pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[19] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendue coupable d’inconduite en suspendant la prestataire de sorte que sa suspension serait injustifiée, mais bien de savoir si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension.

[20] La division générale a déterminé que la prestataire a été suspendue parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de l’employeur en réponse à la pandémie. La prestataire a été informée de la politique de l’employeur afin de protéger son personnel dans le contexte de la pandémie et a eu le temps de s’y conformer. La division générale a déterminé que la prestataire a volontairement refusé de suivre la politique. Elle n’a pas obtenu des mesures d’accommodements. C’est ce qui a directement entraîné sa suspension.

[21] La division générale a déterminé que la prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pourrait mener à sa suspension puisqu’elle avait été informée à plus d’une reprise des conséquences du non-respect de la politique. La division générale a conclu de la preuve prépondérante que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[22] Il est bien établi que le non-respect délibéré de la politique d’un employeur est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’AE.Note de bas de page 4

[23] La prestataire fait valoir qu’il n’était pas du ressort de son employeur de lui imposer une politique pour protéger sa santé et sa sécurité alors qu’elle était en télétravail complet, et qu’elle n’était pas en contact avec les autres employés ou le public.

[24] Il n'est pas vraiment contesté qu'un employeur a l'obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés sur leur lieu de travail. Il n'appartient pas au Tribunal de décider s'il était raisonnable pour l'employeur d'étendre cette protection aux employés travaillant à distance ou à domicile pendant la pandémie.

[25] En d'autres termes, le Tribunal n'a pas l'expertise ou la compétence pour décider si les obligations de l'employeur en matière de santé et de sécurité concernant la COVID-19 ont cessé au moment où la prestataire a commencé à travailler à domicile ou si elles ont continué de s'appliquer.

[26] Je suis d’avis que statuer sur une question de santé publique dépasse largement la portée de l'expertise du Tribunal en matière d'assurance-emploi et ne relève pas de sa compétence.

[27] Il n’appartenait donc pas à la division générale de trancher les questions concernant l’efficacité du vaccin ou le caractère raisonnable de la politique de l’employeur qui s'applique aux travailleurs travaillant à distance et en télétravail.Note de bas de page 5

[28] La question de savoir si la politique de l’employeur était déraisonnable, abusive et discriminatoire, relève d'un autre forum. Ce Tribunal n'est pas le forum approprié par lequel la prestataire peut obtenir la réparation qu'elle demande.Note de bas de page 6

[29] La prestataire soutient que la division générale a conclu à l'inconduite même si son employeur n'a pris aucune autre mesure disciplinaire à son encontre. Elle avance que l'employeur l'a plutôt placée en congé administratif sans solde, alors que rien n’est prévu à cet effet dans la convention collective.

[30] Il appartenait à la division générale de vérifier et d'interpréter les faits de la présente affaire et de faire sa propre évaluation sur la question de l'inconduite en vertu de la Loi sur l'AE. Les motifs données par un employeur ne lient jamais la division générale.Note de bas de page 7 De plus, il n'était pas nécessaire que la division générale détermine si le « congé sans solde » imposé par l'employeur était de nature administrative ou disciplinaire. La procédure disciplinaire d'un employeur n'est pas pertinente pour déterminer une inconduite en vertu de la Loi sur l'AE.Note de bas de page 8

[31] La preuve prépondérante démontre que la politique de l'employeur s'appliquait à la prestataire, même si elle travaillait à domicile. Elle a refusé de se conformer à la politique. Elle savait que l'employeur était susceptible de la suspendre dans ces circonstances et son refus était volontaire, conscient et délibéré.

[32] La prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l'employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie et cela a entraîné la suspension de son emploi.

[33] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu'elle a tranché la question de l'inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d'appel fédérale, qui a défini l'inconduite en vertu de la Loi sur l'AE.Note de bas de page 9

[34] Même si la prestataire a fait valoir que son employeur l'a rappelé au travail, ce fait ne change pas la nature de l'inconduite qui a initialement mené à sa suspension.Note de bas de page 10

[35] Je suis pleinement conscient que la prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établie.Note de bas de page 11 Cela ne change rien au fait qu'en vertu de la Loi sur l'AE, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite.

Conclusion

[36] L’appel est rejeté.

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