Assurance-emploi (AE)

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Citation : SP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1323

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (457706) datée du 25 février 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Leanne Bourassa
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 20 avril 2022
Personne présente à l’audience :
Appelante

Date de la décision : Le 2 juin 2022
Numéro de dossier : GE-22-866

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a été séparée de son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi)Note de bas de page 1. Par conséquent, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] La prestataire a été mise en congé sans solde (suspendue de son emploi)Note de bas de page 2. Elle a fait une demande de prestations d’assurance-emploi. La Commission a accepté la raison de la mise en congé que l’employeur a fournie. Elle a conclu que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite. La Commission l’a donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[4] La prestataire ne conteste pas qu’elle n’était pas conforme avec la nouvelle politique de vaccination de son employeur. Cependant, elle affirme qu’elle ne devrait pas être exclue du bénéfice des prestations, car elle n’est pas d’accord avec la raison invoquée, soit l’inconduite. Elle a demandé la révision de sa demande. La Commission a encore une fois rejeté sa demande de prestations.

[5] La Commission affirme que la prestataire était informée des règles et des délais à respecter ainsi que des conséquences en cas de refus de s’y conformer. La prestataire a quand même délibérément refusé de s’y conformer. Ce refus est la raison de la suspension. La prestataire a donc été suspendue de son emploi en raison de son inconduite pour une période qui pourrait prendre fin en même temps que sa non-conformité.

Question que je dois examiner en premier

L’employeur n’est pas une partie à l’appel

[6] Parfois, le Tribunal envoie à l’ancien employeur de la partie appelante une lettre lui demandant s’il veut être ajouté comme partie à l’appel. Dans le cas présent, le Tribunal a fait parvenir une telle lettre à l’employeur. Celui-ci n’a pas répondu à la lettre.

[7] Pour être une partie à l’appel, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas ajouter l’employeur comme partie à cet appel, car rien dans le dossier ne laisse croire que ma décision lui imposerait des obligations légales.

Question en litige

[8] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[9] Pour décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison la prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle été mise en congé sans solde?

[10] J’estime que la prestataire a été mise en congé sans solde (suspendue) parce qu’elle a refusé de se conformer à la Politique sur la vaccination contre la COVID-19 applicable à l’administration publique centrale, y compris à la Gendarmerie royale du Canada.

[11] La Commission soutient que la prestataire a délibérément refusé de se conformer à la politique de l’employeur en refusant de se faire vacciner et de divulguer son statut vaccinal.

[12] Le 15 novembre, la prestataire a été avisée par lettre qu’étant donné qu’elle n’avait pas attesté son statut vaccinal, elle n’était pas conforme à la politique. En conséquence, elle était mise en congé administratif sans solde jusqu’à ce qu’elle se conforme à la politique.

[13] Je note que le relevé d’emploi produit par l’employeur explique aussi que la prestataire est en congé pour non-respect de la politique de vaccination de l’employeur.

[14] La prestataire a confirmé à la Commission lors de leur première discussion qu’elle avait été mise en congé sans solde à cause de la politique de vaccination de l’employeur. Elle a refusé de déclarer son statut concernant le vaccin.

[15] Je conclus que la prestataire a été suspendue de son emploi parce qu’elle n’a pas divulgué son statut vaccinal tel qu’exigé par la politique de son employeur.

La raison de la suspension de la prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[16] Selon la loi, la raison du congédiement de la prestataire est une inconduite.

[17] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupableNote de bas de page 5 (c’est-à-dire qu’elle a voulu faire quelque chose de mal).

[18] Il y a inconduite si la prestataire savait ou avait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 6.

[19] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi ou a été suspendue en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a été séparée de son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 7.

[20] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que la prestataire a délibérément refusé de se conformer à la politique de l’employeur. La prestataire avait été informée des règles et des délais à respecter ainsi que des conséquences en cas de refus de s’y conformer. Elle a néanmoins choisi de ne pas se conformer à la politique.

[21] La prestataire soutient qu’il n’y a pas eu inconduite. L’employeur avait fait une modification fondamentale de son contrat et de sa convention collective en demandant arbitrairement le respect de nouvelles politiques qu’elle n’a pas acceptées.

[22] La prestataire est employée du gouvernement du Canada. Elle est donc assujettie à la Politique sur la vaccination contre la COVID-19 applicable à l’administration publique centrale, y compris à la Gendarmerie royale du Canada.

[23] La politique inclut les renseignements suivants :

  • le personnel de l’employeur doit être vacciné;
  • l’obligation s’applique que la personne soit en télétravail ou qu’elle travaille à distance ou sur place dans les installations du gouvernement fédéral;
  • le personnel devait avoir produit son attestation au plus tard le 29 octobre 2021;
  • les informations seraient recueillies conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels et à la Politique sur la protection de la vie privée;
  • si une personne n’atteste pas son statut vaccinal ou ne veut pas se faire vacciner, elle sera placée en congé administratif non payé à partir du 15 novembre;
  • dans les cas exceptionnels où une personne ne peut pas se faire vacciner pour des motifs de discrimination illicites en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, elle peut demander des mesures d’adaptation;
  • les membres du personnel qui ne soumettaient pas leur attestation avant le 29 octobre devaient assister à une séance de formation sur les avantages de la vaccination contre la COVID-19.

[24] Bien que la prestataire ne soit pas d’accord avec la politique, pour la détermination de l’inadmissibilité au bénéfice des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite, ce sont les agissements des prestataires qui sont pertinents. La Commission n’est pas obligée de prouver que les politiques de l’employeur sont raisonnables ou équitables. De plus, le Tribunal n’a pas la compétence nécessaire pour décider si la mise en place de la politique sur la vaccination et les attestations obligatoires est raisonnable.

[25] La prestataire a déclaré qu’elle a été mise au courant de la politique par un courriel au travail. Les gestionnaires lui en ont parlé. La prestataire a vu la politique et les résumés des obligations et des conséquences envoyés au personnel. Elle savait que la date limite pour attester son statut vaccinal était le 29 octobre 2021 et que la date limite pour se faire vacciner était le 15 novembre 2021.

[26] La prestataire mentionne qu’elle a lu les détails de l’attestation et qu’elle avait demandé une version papier de l’attestation, car elle trouvait que les informations confidentielles seraient accessibles à un grand nombre de personnes. Elle a rempli l’attestation en exprimant son désaccord avec certains aspects de la confidentialité et en choisissant de ne pas dévoiler son statut vaccinal.

[27] La preuve démontre que le 4 novembre 2021, l’employeur a envoyé un courriel à la prestataire. Ce courriel précise que tout membre du personnel qui refuse de divulguer son statut vaccinal est considéré comme un employé non vacciné. La prestataire devait donc savoir que son employeur considérait qu’elle n’était ou n’allait pas être en conformité avec la politique.

[28] La prestataire a aussi déclaré qu’à cause de son refus de divulguer son statut vaccinal, elle savait qu’elle était obligée de suivre une formation sur les vaccins contre la COVID-19. Elle affirme qu’elle n’a pas visionné le vidéo tel que requis par la politique. Sa gestionnaire n’a pas fait de suivi à ce sujet. Une fois de plus, je vois qu’elle n’était pas en conformité avec la politique de l’employeur.

[29] Entre le 4 novembre 2021 et le 12 novembre 2021, la prestataire explique qu’elle ne rappelait plus la clientèle, car celle-ci avait cinq jours pour le faire. Elle savait qu’elle serait mise en congé sans solde et ne voulait pas que la clientèle tombe sur sa boîte vocale.

[30] Je note que le 12 novembre 2021, la prestataire et sa gestionnaire ont échangé des courriels au sujet du retour des dossiers physiques. Un courriel de la gestionnaire explique que selon la politique en matière de vaccination, les membres du personnel non vaccinés seront placés en congé administratif sans solde. Il était donc compris et prévu que la prestataire soit mise en congé administratif sans solde à cause de sa non-conformité avec la politique.

[31] Pour l’employeur, le congé sans solde est une mesure administrative et non pas une mesure disciplinaire. Cependant, pour les fins de l’assurance-emploi, j’estime que le fait que la prestataire ait été mise en congé sans solde la rendait incapable de répondre à ses obligations envers son employeur. La non-conformité découlait d’une décision éclairée de la prestataire de ne pas se faire vacciner, malgré les conséquences décrites dans la politique.

[32] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite. La prestataire a choisi de ne pas divulguer son statut vaccinal avant le 29 octobre 2021 et de ne pas se faire vacciner avant le 15 novembre 2021. L’employeur avait une politique à cet effet et la prestataire était au courant de ses obligations selon la politique, même si elle n’était pas d’accord. Le 4 novembre 2021, la prestataire a été directement avisée des conséquences du non-respect de la politique, c’est-à-dire qu’elle serait mise en congé administratif non payé si elle ne se faisait pas vacciner avant le 15 novembre 2021. Elle a quand même choisi de refuser le vaccin. La suspension découle directement de son choix éclairé de ne pas se conformer à la politique de l’employeur.

Alors, la prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[33] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[34] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[35] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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