Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

L’employeur du prestataire l’a placé en congé involontaire sans solde parce qu’il a refusé de se conformer à sa politique de vaccination. La division générale (DG) a conclu que le prestataire avait quitté son emploi. Par conséquent, elle a jugé que l’article 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) s’appliquait. Selon cet article, un prestataire est exclu du bénéfice des prestations si elle a perdu son emploi en raison d’une inconduite ou si elle a volontairement quitté son emploi sans justification. Le prestataire a fait appel de la décision de la DG à la division d’appel (DA).

La DA a conclu que la DG avait commis une erreur de fait en décidant que le prestataire avait quitté son emploi. Elle a ensuite conclu que la DG avait aggravé son erreur en appliquant l’article 30 de la Loi sur l’AE alors qu’il n’était pas pertinent aux circonstances du prestataire. Il ne peut y avoir aucun doute que le refus du prestataire de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur a mené à la fin de son emploi. Même si l’employeur a désigné la fin d’emploi comme étant un « congé », il a en fait suspendu le prestataire parce qu’il a refusé de se conformer à sa politique de vaccination.

La DA a accueilli l’appel en partie et a rendu la décision que la DG aurait dû rendre. La DA a conclu sa propre analyse objective au titre de l’article 30 de la Loi sur l’AE. Le prestataire a délibérément enfreint la politique de vaccination de son employeur. L’employeur a établi une série d’obligations générales selon lesquelles le prestataire devait se conformer à « toutes les politiques, règles et procédures de l’entreprise ». Cela s’étendait nécessairement à la politique d’immunisation contre la COVID-19 de l’employeur. En omettant de se conformer à la politique de son employeur, le prestataire ne s’est pas acquitté de ses devoirs envers celui-ci. La preuve démontre aussi que le prestataire savait, ou qu’il aurait dû savoir, que son employeur le placerait en congé sans solde (qu’il le suspendrait) s’il ne se conformait pas à sa politique liée à la COVID 19. Le refus du prestataire de se conformer à la politique de vaccination de son employeur a entraîné sa cessation d’emploi. La cessation d’emploi était en fait une suspension. Par conséquent, la DA a conclu que le prestataire était inadmissible aux prestations d’assurance-emploi au titre de l’article 31 de la Loi sur l’AE.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : NL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1139

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelante : N. L.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Anick Dumoulin

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 3 mars 2022
(GE-22-140)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 2 septembre 2022
Personnes présentes à l’audience :

Appelant
Représentante de l’intimée

Date de la décision : Le 1er novembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-156

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie. La division générale a commis une erreur de fait en concluant que l’appelant, N. L. (le prestataire), a quitté son emploi.

[2] Je rends la décision que la division générale aurait dû rendre. Bien que l’employeur du prestataire ait affirmé qu’il l’avait mis en congé involontaire, je conclus qu’il s’agissait d’une suspension pour l’application de la Loi sur l’assurance-emploi.

[3] Le prestataire ne s’est pas conformé à la politique de vaccination de son employeur. Cela constituait une inconduite. Il est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi en application de l’article 31 de la Loi sur l’assurance-emploi.

Aperçu

[4] Le prestataire interjette appel de la décision de la division générale. La division générale a conclu que le prestataire avait quitté son emploi. La division générale a également conclu que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi parce que son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, la division générale a conclu que le prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[5] Le prestataire soutient que la division générale a commis à la fois des erreurs de droit et des erreurs de fait. Il nie notamment avoir quitté son emploi. Et comme la division générale n’en a pas tenu compte, il affirme qu’elle a appliqué le mauvais article de la Loi sur l’assurance-emploi lorsqu’elle l’a exclu du bénéfice des prestations.

[6] Le prestataire soutient que son employeur l’a mis en congé involontaire. Il affirme que cela constitue une mise à pied et qu’il devrait donc avoir droit à des prestations conformément à l’article 32 de la Loi sur l’assurance-emploi. Il demande à la division d’appel de faire droit à son appel et de rendre une décision en ce sens.

[7] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, convient que la division générale a commis des erreurs de droit et de fait. La Commission convient également que la division d’appel dispose de tous les faits pertinents afin de pouvoir rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 1.

[8] Toutefois, la Commission soutient que, bien que l’employeur ait mis le prestataire en congé involontaire, il y a eu inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Commission affirme que le congé involontaire répondait à la définition de la suspension au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[9] La Commission demande à la division d’appel de conclure que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite et de conclure qu’il était inadmissible au bénéfice des prestations en vertu de l’article 31 de la Loi sur l’assurance-emploi.

Questions en litige

[10] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :

  1. a) La division générale a-t-elle commis des erreurs de droit ou de fait?
  2. b) Dans l’affirmative, comment l’erreur devrait-elle être corrigée?

Analyse

[11] La division d’appel peut intervenir dans les décisions de la division générale s’il existe des erreurs de compétence, de procédure, de droit ou certains types d’erreurs de faitNote de bas de page 2.

La division générale a-t-elle commis des erreurs de droit ou de fait?

[12] Les parties conviennent que la division générale a commis à la fois des erreurs de droit et des erreurs de fait.

[13] La division générale a conclu que le prestataire avait quitté son emploi. Bien que l’enregistrement audio de l’audience de la division générale soit incomplet, rien dans les documents ne laisse entendre que le prestataire a quitté son emploi. Les parties conviennent que l’employeur du prestataire l’a mis en congé involontaire sans solde parce qu’il a refusé de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur.

[14] Comme la division générale a conclu que le prestataire avait quitté son emploi, elle a conclu que l’article 30 de la Loi sur l’assurance-emploi s’appliquait. Au sens de cette disposition, le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations s’il perd son emploi en raison d’une inconduite ou s’il quitte volontairement son emploi sans justification. Comme le prestataire n’a ni perdu ni quitté son emploi, l’article ne s’applique pas à lui.

[15] La division générale a commis une erreur de fait en concluant que le prestataire avait quitté son emploi. La division générale a ensuite aggravé son erreur en appliquant l’article 30 de la Loi sur l’assurance-emploi alors qu’il n’était pas pertinent à la situation du prestataire.

Réparation des erreurs

[16] À moins que le résultat demeure le même, la division d’appel dispose de deux options pour remédier aux erreurs : elle peut renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’elle rende une nouvelle décision, ou elle peut rendre la décision que la division générale aurait dû rendre en premier lieu.

[17] De façon générale, il m’appartient de substituer ma propre décision à celle de la division générale si les faits sous-jacents ne sont pas contestés, si le dossier de preuve est complet, et si les parties ont eu droit à une audience équitable devant la division générale et ont eu une occasion pleine et équitable de présenter leur position à la division générale.

[18] L’enregistrement audio de l’audience devant la division générale est incomplet. En fait, l’enregistrement audio ne va pas au-delà des observations préliminaires de la membre de la division générale. Malgré tout, les parties s’entendent sur les faits sous-jacents fondamentaux. La division générale n’a été saisie d’aucune question de procédure. Pour cette raison, je conclus qu’il convient en l’espèce de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

Faits convenus

[19] Les parties s’entendent sur les faits suivants :

  • L’employeur du prestataire a instauré une politique de vaccination contre la COVID-19 conformément à la directive 6 émise par le médecin hygiéniste en chef de la province.
  • Pour diverses raisons, le prestataire était au courant de la politique de vaccination de son employeur, mais a choisi de ne pas s’y conformerNote de bas de page 3.
  • Comme le prestataire ne s’est pas conformé à la politique, son employeur l’a mis en congé involontaire sans soldeNote de bas de page 4.
  • Les conditions du contrat de travail du prestataire ne mentionnaient rien au sujet de la vaccinationNote de bas de page 5.
  • L’employeur du prestataire avait des mesures progressives d’amélioration du rendement pour traiter les cas d’inconduite. L’employeur n’a mis en place ni appliqué aucune de ces mesures contre le prestataire.

Les arguments du prestataire

[20] Le prestataire soutient que la preuve démontre clairement que son employeur l’a mis en congé involontaire et que sa situation devrait être traitée comme un congé ou une mise à pied. Il nie qu’il y ait eu inconduite de sa part.

[21] Le prestataire soutient également qu’il ne pouvait pas savoir que son non-respect de la politique serait traité comme une inconduite ou qu’il serait considéré comme ayant été suspendu pour les raisons suivantes : 1) rien dans son contrat de travail n’exigeait la vaccination; 2) il aurait fait face aux mesures disciplinaires qui précédaient la suspension.

Le prestataire nie toute inconduite

[22] Le prestataire soutient que l’inconduite ne survient que lorsqu’il y a manquement à la relation employeur-employé. Il nie qu’un manquement soit survenu. Il renvoie à son contrat de travail. Il ne mentionnait rien sur la vaccination. Il affirme donc que son non-respect de la politique de vaccination de son employeur ne devrait pas être considéré comme un manquement.

[23] Le prestataire soutient également que, s’il y avait eu inconduite, son employeur aurait pris des mesures disciplinaires contre lui. Il lui aurait notamment envoyé une ou des lettres d’avertissement, l’aurait ensuite suspendu, pour une période d’un à cinq jours, et finalement l’aurait congédié. Comme il n’a reçu aucun avertissement ni n’a fait l’objet d’aucune des mesures disciplinaires progressives, il affirme que sa cessation d’emploi n’était pas attribuable à une inconduite.

Le prestataire soutient que l’article 32 de la Loi sur l’assurance-emploi s’applique

[24] Le prestataire soutient que l’article 32 de la Loi sur l’assurance-emploi s’applique. La disposition traite de l’inadmissibilité découlant d’un congé pris volontairement sans justification. Il soutient que parce que son employeur lui a imposé le congé ou la mise à pied, il a droit à des prestations en application de l’article.

[25] L’article 32 de la Loi sur l’assurance-emploi est ainsi rédigé :

32. (1) Inadmissibilité : période de congé sans justification – Le prestataire qui prend volontairement une période de congé sans justification n’est pas admissible au bénéfice des prestations si, avant ou après le début de cette période :

  1. a) d’une part, cette période a été autorisée par l’employeur;
  2. b) d’autre part, l’employeur et lui ont convenu d’une date de reprise d’emploi.  

[26] L’article ne traite pas directement de la situation factuelle du prestataire, car celui-ci n’a pas volontairement pris une période de congé.

Le prestataire soutient que le Guide de la détermination de l’admissibilité s’applique

[27] Enfin, le prestataire soutient que le chapitre 6 du Guide de la détermination de l’admissibilité (le Guide) vise expressément sa situation. Pour cette raison, il soutient que le Guide devrait s’appliquer.

[28] Le prestataire souligne que le Guide précise que, dans les cas où un employeur met un employé en congé ou le met à pied, l’inadmissibilité ne sera pas imposéeNote de bas de page 6. Le prestataire soutient que cela décrit bien son cas. Il affirme qu’il n’a pas pris de congé volontairement. Il soutient donc que, selon le Guide, il est admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[29] La section 6.6.2 du Guide est rédigée en partie comme suit :

6.6.2 Période de congé autorisée – Article 32

[…] Si c’est l’employeur qui impose le congé ou s’il est établi dans le contrat de l’employé que le prestataire doit prendre un congé (non rémunéré ou rémunéré à un taux moindre), on considérera qu’il s’agit d’une mise à pied. Même si le prestataire était en mesure de choisir la période au cours de laquelle il pouvait prendre un tel congé forcé, cela ne changera rien au fait que celui-ci n’aura pas été pris volontairement. En de telles circonstances, le prestataire ne sera pas rendu inadmissibleNote de bas de page 7.

[30] Le prestataire affirme que le Guide est un manuel qui sert à interpréter la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi. Il cite l’introduction au Guide, qui dit qu’il contient les principes appliqués par la Commission pour fournir des renseignements et des conseils sur les exigences législatives et réglementaires. Le prestataire souligne que le Guide précise également que ces mêmes principes sont appliqués pour prendre des décisions sur les demandes de prestations d’assurance-emploi.

[31] Le prestataire soutient que je devrais suivre la section 6.6.2 du Guide et conclure qu’il était en congé involontaire plutôt que suspendu de son travail et qu’il n’était pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Les arguments de la Commission

[32] La Commission soutient que le Guide n’est qu’un outil de référence et ne remplace pas la loi. La Commission soutient que l’article 32 de la Loi sur l’assurance-emploi n’est pas pertinent. La Commission affirme que c’est plutôt l’article 31 qui s’applique.

La Commission soutient que l’article 31 de la Loi sur l’assurance-emploi s’applique

[33] La Commission reconnaît que l’employeur du prestataire a dit qu’il le mettait en congé involontaire sans solde. Toutefois, la Commission soutient que la situation du prestataire s’apparentait davantage à une suspension.

[34] La Commission affirme que le scénario décrit par le prestataire, soit le congé involontaire, s’applique habituellement lorsqu’il n’y a pas de travail disponible. Ce serait le cas, par exemple, lorsqu’il y a une fermeture générale de deux semaines dans le secteur de la construction.

[35] Toutefois, lorsque le congé découle de la conduite du prestataire, la Commission affirme qu’il s’agit effectivement d’une suspension, auquel cas l’article 31 de la Loi sur l’assurance-emploi s’applique.

[36] L’article 31 de la Loi sur l’assurance-emploi est ainsi libellé :

31.  Inadmissibilité : suspension pour inconduite – Le prestataire suspendu de son emploi en raison de son inconduite n’est pas admissible au bénéfice des prestations jusqu’à, selon le cas :

  1. a) la fin de la période de suspension;
  2. b) la perte de cet emploi ou son départ volontaire;
  3. c) le cumul chez un autre employeur, depuis le début de cette période, du nombre d’heures d’emploi assurable exigé à l’article 7 ou 7.1.

[37] La Commission soutient que, comme l’article 31 de la Loi sur l’assurance-emploi s’applique, le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Le Guide est un guide d’interprétation, mais il ne remplace pas la loi

[38] Dans une affaire intitulée Greey, la Cour d’appel fédérale a décrit le Guide comme « un manuel d’interprétation qui ne lie pas [la Cour] »Note de bas de page 8. Mais la Cour a admis qu’il « faut en tenir compte et qu’il peut constituer un facteur important dans l’interprétation des lois »Note de bas de page 9.

[39] La Cour fédérale a récemment réexaminé la question de savoir dans quelle mesure la division d’appel devrait s’appuyer sur le Guide. Dans l’affaire SennikovaNote de bas de page 10, la Cour a convenu que la division d’appel dans cette affaire aurait pu faire référence au Guide dans sa décision. Mais, en fin de compte, la Cour n’a pas été convaincue que la division d’appel avait agi de façon déraisonnable en ne le faisant pas. La Cour a écrit ce qui suit :

Le Guide est un document d’orientation qui ne lie pas la Cour [renvoi à l’arrêt Greey]. Il ne peut pas avoir pour effet d’annuler le libellé de la Loi [sur l’assurance-emploi] ou du Règlement [sur l’assurance-emploi] tel qu’il est interprété par la jurisprudence faisant autorité.

[40] Il est évident que je peux utiliser le Guide comme manuel pour interpréter la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi. Mais, il ressort aussi clairement de la jurisprudence que le Guide n’est pas contraignant et ne remplace pas la loi elle-même.

[41] Le prestataire s’est concentré sur la section 6.6.2 du chapitre 6 du Guide, qui porte sur le départ volontaire d’un emploi. Ni le prestataire ni la Commission n’a invoqué ou ne m’a renvoyée à la section 7 du Guide, qui porte sur l’inconduite.

[42] La section 6.3.0 définit le départ volontaire. Elle précise que le terme fait référence au fait que c’est l’employé qui a pris l’initiative de mettre fin à la relation employeur-employé.

[43] La section 6.3.1 compare le départ volontaire à l’inconduite. Elle indique que, dans les deux cas, le prestataire a « agi d’une manière telle qu’il a perdu son emploi. Ces deux notions sont liées en toute logique du fait qu’elles visent toutes deux une situation où la perte d’emploi est la conséquence d’un acte délibéré de l’employéNote de bas de page 11. »

[44] La section renferme la mise en garde suivante : toute décision ultime doit s’appuyer sur les faits et expliquer pourquoi il convient plus particulièrement de conclure à un congédiement pour inconduite ou à un départ volontaire sans justification. La section précise qu’il faudra déterminer qui a pris l’initiative de mettre fin à l’emploi.

[45] La présente section ne traite pas directement de la cessation d’emploi involontaire. Toutefois, il ressort clairement de cette section et de l’application de ces principes qu’il convient de déterminer qui a pris l’initiative de mettre fin à la relation d’emploi. Il s’agit de déterminer selon le cas :

  • s’il y avait des facteurs externes non liés à l’employé qui ont amené l’employeur à mettre cet employé en congé;
  • si un comportement ou une omission de la part de l’employé a amené l’employeur à mettre l’employé en congé.

[46] Cette approche est conforme à la jurisprudence. Dans l’arrêt MacdonaldNote de bas de page 12, par exemple, la Cour d’appel fédérale a affirmé qu’il faut déterminer la cause réelle de la cessation d’emploi d’un prestataire. De cette façon, il est possible de bien déterminer ce qui s’est passé.

[47] Les deux scénarios entraînent un congé involontaire. La différence entre les deux scénarios réside dans la question de savoir si la conduite de l’employé amène l’employeur à mettre l’employé en congé. Si la conduite de l’employé amène l’employeur à mettre l’employé en congé, il s’agit en fait d’une suspension.

Qui a pris l’initiative de mettre fin à la relation d’emploi?

[48] Quelle était la véritable cause de la cessation d’emploi du prestataire ou qui a pris l’initiative de mettre fin à la relation d’emploi?

[49] En l’espèce, il ne fait aucun doute que le non-respect par le prestataire de la politique de vaccination de son employeur a entraîné la cessation de son emploi. Bien que l’employeur ait qualifié la cessation de [traduction] « congé », il a effectivement suspendu le prestataire en réponse à sa non-conformité à sa politique de vaccination.

La conduite du prestataire constituait-elle une inconduite?

Le contrat de travail du prestataire

[50] Le prestataire soutient que l’inconduite ne survient que lorsqu’il y a manquement à la relation employeur-employé. Il nie qu’un manquement soit survenu. Il renvoie à son contrat de travail. Il ne mentionnait rien sur la vaccination. Il affirme donc que son non-respect de la politique de vaccination de son employeur ne devrait pas être considéré comme un manquement.

[51] Sous la rubrique [traduction] « Évaluation de la santé et sécurité au travail », le contrat de travail du prestataire ne mentionne rien au sujet de la vaccination. Toutefois, dans les [traduction] « Conditions générales », le contrat prévoit que le prestataire doit [traduction] « respecter toutes les politiques, règles et procédures de l’entrepriseNote de bas de page 13 ».

[52] Bien que le contrat de travail de l’employeur ne traite pas expressément de la vaccination, il énonçait une exigence générale selon laquelle le prestataire devait respecter toutes les politiques, règles et procédures de l’entreprise. Cette exigence générale devait donc s’étendre à la politique sur la COVID-19 que l’employeur a mise en place pour l’ensemble de son effectif.

[53] Le prestataire n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeur. Il y a donc eu manquement à la relation employeur-employé.

Mesures disciplinaires progressives

[54] Le prestataire soutient également que, s’il y avait eu inconduite, son employeur aurait pris des mesures disciplinaires progressives contre lui conformément à ses mesures progressives d’amélioration du rendementNote de bas de page 14. Il lui aurait notamment envoyé une ou des lettres d’avertissement, l’aurait ensuite suspendu, pour une période d’un à cinq jours, et finalement l’aurait congédié.

[55] Mais aucune de ces mesures préliminaires n’a été prise. Il fait donc valoir que cela démontre clairement que son employeur estimait qu’il n’y avait pas eu d’inconduite. Il affirme que l’absence de mesures disciplinaires progressives précédant sa cessation d’emploi est la preuve qu’il n’y a pas eu d’inconduite. Il dit aussi que cela démontre que lorsque son employeur l’a mis en congé, il ne le traitait pas comme une suspension.

[56] Toutefois, la décision ou l’évaluation subjective de l’employeur pour déterminer si le prestataire a eu un comportement qui constituait une inconduite ne définit pas l’inconduite aux fins de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 15.

[57] Au lieu de me fier à la décision de l’employeur quant à savoir s’il y a eu inconduite aux fins de la Loi sur l’assurance-emploi, je dois faire ma propre analyse objective en application de l’article 30 de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 16.

Inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi

[58] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas ce qu’est l’inconduite, mais les tribunaux l’ont définie. Il est de jurisprudence constante qu’« il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié [ou suspendu]Note de bas de page 17 ».

[59] Comme l’ont également dit les tribunaux, l’acte fautif doit avoir été posé, ou l’omission répréhensible faite, volontairement, c’est-à-dire consciemment, délibérément ou intentionnellementNote de bas de page 18.

[60] Il est maintenant bien établi qu’une violation de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 19. Dans l’arrêt Gagnon, la prestataire a décidé de ne pas dénoncer la fraude de sa collègue à son employeur. Le code de conduite de l’employeur exigeait qu’elle signale une fraude au travail. Le fait que Mme Gagnon n’ait pas dénoncé sa collègue contrevient au code de conduite de l’employeur. La Cour d’appel fédérale a conclu qu’il s’agissait d’un manquement évident et « très certainement d’une inconduite » au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 20.

[61] En l’espèce, le prestataire a délibérément enfreint la politique de vaccination de son employeur. Toutefois, le prestataire nie que son manquement était visé par la définition d’inconduite parce que, d’une part, il dit s’être acquitté de toutes ses obligations et, d’autre part, il ne pouvait pas savoir que son employeur pouvait le mettre en congé ou le suspendre sans passer par les mesures disciplinaires progressives.

Le non-respect du prestataire a-t-il entravé l’exécution de ses obligations envers son employeur?

[62] Comme je l’ai indiqué précédemment, l’employeur a établi un ensemble d’obligations générales selon lequel le prestataire était tenu de respecter [traduction] « toutes les politiques, règles et procédures de l’entrepriseNote de bas de page 21 ». Ces obligations s’étendaient nécessairement à la politique de vaccination contre la COVID-19 établie par l’employeur. En ne se conformant pas à la politique de son employeur, le prestataire ne s’est pas acquitté de toutes ses obligations envers son employeur.

Le prestataire savait-il ou aurait-il dû savoir que son employeur pouvait le placer en congé sans solde?

[63] Le prestataire soutient que, comme il n’a fait l’objet d’aucune mesure disciplinaire préliminaire, il ne savait pas et ne pouvait pas savoir que son employeur le mettrait en congé sans solde, en réponse à son non-respect.

[64] Toutefois, la preuve démontre que le prestataire savait ou aurait dû savoir que son employeur pouvait le mettre en congé sans solde (le suspendre en réalité) s’il ne se conformait pas à sa politique relative à la COVID-19 :

  • La politique de l’employeur relative à la COVID-19 prévoyait expressément que les employés qui ne s’y conformaient pas seraient mis en congé temporaire sans solde ou mis à pied. Les employés demeureraient en congé sans solde temporaire ou seraient mis à pied jusqu’à ce qu’une preuve d’immunisation contre la COVID-19 (au moins la première dose) soit fournie ou jusqu’à ce que le gouvernement provincial fournisse d’autres directives sur les exigences en matière de vaccinationNote de bas de page 22.
  • Dans la dernière phrase du courriel qu’il a envoyé le 17 septembre 2020, l’employeur a confirmé au prestataire que les employés qui ont choisi de ne pas se faire vacciner ou se soumettre à des tests ne seraient tout simplement pas en mesure de travailler parce que cela contreviendrait à la directive du médecin hygiéniste en chef, [traduction] « d’où le [congé]Note de bas de page 23 ».
  • Le prestataire a confirmé que, même s’il n’acceptait pas la politique de l’employeur ou n’était pas d’accord avec celle-ci, son employeur le mettrait quand même en congé autoriséNote de bas de page 24.

Conclusion

[65] L’appel est accueilli en partie. La division générale a commis une erreur de fait en concluant que le prestataire avait quitté son emploi.

[66] Je rends la décision que la division générale aurait dû rendre.

[67] L’employeur du prestataire a déclaré qu’il avait mis le prestataire en congé involontaire. Toutefois, le non-respect par le prestataire de la politique de vaccination de son employeur a entraîné la cessation de son emploi. La séparation était donc en réalité une suspension.

[68] La non-conformité du prestataire à la politique de l’employeur équivalait à une « inconduite » au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Le prestataire savait ou aurait dû savoir que la non-conformité à la politique de son employeur constituerait un manquement à ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit suspendu.

[69] Compte tenu de sa suspension pour inconduite, le prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi en application de l’article 31 de la Loi sur l’assurance-emploi.

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