Assurance-emploi (AE)

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Citation : GL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1435

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : G. L.
Représentante ou représentant : Myriam Bohémier
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (455358) datée du 4 février 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Leanne Bourassa
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience  : Le 18 mai 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’appelant
Date de la décision : Le 21 juin 2022
Numéro de dossier : GE-22-966

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire, G. L., a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire, un technicien au service d’un cabinet d’avocats, a perdu son emploi. Son employeur a affirmé qu’il a été congédié parce qu’il n’a pas respecté leur nouvelle politique de vaccination contre la COVID-19. Le prestataire a fait une demande de prestations d’assurance-emploi. La Commission a accepté la raison de congédiement que l’employeur a fournie. Elle a conclu que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite. La Commission l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[4] Le prestataire ne conteste pas qu’il n’était pas conforme avec la politique de vaccination de son employeur. Cependant, il affirme qu’il ne devrait pas être exclu du bénéfice des prestations, car il n’est pas d’accord avec la raison invoquée, soit l’inconduite. Il avait des raisons raisonnables pour refuser de s’y conformer et la politique elle-même était déraisonnable. Il a demandé la révision de sa demande. La Commission a encore une fois rejeté sa demande de prestations.

[5] La Commission affirme que le prestataire était informé de la politique et des délais à respecter ainsi que des conséquences en cas de refus de s’y conformer. Le prestataire a quand même délibérément refusé de s’y conformer. Ce refus est la raison de son congédiement.

Questions que je dois examiner en premier

Le prestataire a demandé un ajournement (que l’audience soit reportée)

[6] L’audience a été prévue pour le 2 mai 2021. La représentante a demandé un ajournement. Cela lui a été accordé et l’audience a eu lieu le 18 mai 2022.

L’employeur n’est pas une partie à l’appel

[7] Parfois, le Tribunal envoie à l’ancien employeur de la partie appelante une lettre lui demandant s’il veut être ajouté comme partie à l’appel. Dans le cas présent, le Tribunal a fait parvenir une telle lettre à l’employeur. Celui-ci n’a pas répondu à la lettre.

[8] Pour être une partie à l’appel, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas ajouter l’employeur comme partie à cet appel, car rien dans le dossier ne laisse croire que ma décision lui imposerait des obligations légales.

Question en litige

[9] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[10] Pour décider si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison le prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[11] J’estime que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a refusé de se conformer à la nouvelle politique de l’employeur qui exige que les employés soient vaccinés contre la COVID-19.

[12] L’employeur et le prestataire ont tous les deux confirmé à la Commission que le prestataire a été congédié parce qu’il refusait de se conformer à la nouvelle politique sur la vaccination.

[13] Je ne vois rien dans le dossier qui contredit ces informations. Le relevé d’emploi du prestataire indique que le relevé a été produit à cause d’un congédiement (dismissal). De plus, en faisant sa demande de prestations, le prestataire a indiqué qu’il a été congédié à cause d’un refus de suivre une politique de l’entreprise qui demande aux employés d’avoir un passeport vaccinal et d’en fournir la preuve.

[14] Je dois donc décider si la raison du congédiement est une inconduite selon la loi.

La raison du congédiement du prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[15] Selon la loi, la raison du congédiement du prestataire est une inconduite.

[16] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 2. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 3. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupableNote de bas page 4 (c’est-à-dire qu’il a voulu faire quelque chose de mal).

[17] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas page 5.

[18] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas page 6.

[19] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • Dans le contexte de la pandémie, une exigence de vaccination peut être considérée comme raisonnable.
  • Le prestataire a agi délibérément et en toute connaissance de cause, car il savait qu’il aurait une conséquence s’il ne se conformait pas à la politique après le délai accordé.
  • Il a manqué à une obligation raisonnable de son employeur et ne fait pas état de circonstances exceptionnelles ou de contre-indications pour expliquer son refus.
  • Son comportement est incompatible avec les visées du contrat de travail, entre en conflit d’intérêts avec les activités de l’employeur et porte atteinte à la relation de confiance. Cela est la cause immédiate de la cessation d’emploi.

[20] Le prestataire soutient qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que :

  • l’employeur a mis en place une politique illégale sans accommodement possible, sauf pour cause médicale;
  • il n’avait aucune obligation de divulguer son statut vaccinale et l’employeur a agi par présomption;
  • il travaillait à temps plein à domicile depuis le début de la pandémie, donc les mesures de l’employeur n’étaient pas proportionnelles à l’objectif;
  • finalement, son employeur a plaidé la cause des médecins qui débattent le droit à la non-vaccination, mais congédie ses employés qui débattent ce même droit.

[21] Le 19 août 2021, un message du chef de direction a été envoyé à tous les employés avec la politique en annexe. Le message indique que la politique, approuvée par la direction, s’applique à tous les employés.

[22] La politique de l’employeur est sans équivoque. Elle exige que tous les membres du cabinet fournissent la preuve qu’ils sont pleinement vaccinés avant le 30 septembre 2021. Les employés ne sont pas autorisés à se rendre dans les bureaux jusqu’à ce que 14 jours se soient écoulés après la dernière dose de vaccin requise. Les employés pouvaient faire des demandes individuelles d’exemption pour des raisons médicales au plus tard le 3 septembre 2021. Les employés à qui une exemption est accordée seront tenus de participer au programme de dépistage rapide comme condition de leur présence en bureau.

[23] Le prestataire a confirmé à la Commission qu’il a reçu la communication de la direction en août et a compris que les employés devraient être vaccinés ou démontrer leur intention de le faire. Il a dit à son employeur le 15 septembre 2021 qu’il ne comptait pas se faire vacciner. Il n’avait aucune raison de faire une demande d’exemption pour des raisons médicales. Lors de l’audience devant le Tribunal, il a confirmé cette information.

[24] Le prestataire a fourni une copie de son contrat d’embauche. Je note que celui-ci demande expressément au prestataire de se familiariser avec toutes les politiques de l’employeur et de les respecter pendant toute la durée de la politique.

[25] Le prestataire soutient que si cette politique avait été en place au moment de son embauche, il n’aurait pas accepté le poste. À sa connaissance, il n’y a pas d’autres nouvelles politiques qui ont été mises en place depuis son embauche. Il dit que si oui, celle-ci est la seule qui soit injustifiée.

[26] Selon son contrat d’embauche, le prestataire s’engageait à respecter toutes les politiques de l’employeur, pas uniquement celles avec lesquelles il est d’accord. Refuser de respecter la politique de vaccination était un manquement aux obligations auxquelles il s’était engagé envers son employeur.

[27] Je comprends que le prestataire considère que le fait qu’il est en télétravail depuis le début de la pandémie fait en sort que la politique est déraisonnable à son encontre. Il n’était pas en contact avec le public, donc il ne posait pas de risque pour personne.

[28] Par contre, le prestataire a admis qu’avant la pandémie, il ne faisait pas normalement de télétravail, mais qu’il avait la possibilité d’en faire. C’était à son gestionnaire de l’autoriser. La preuve démontre que l’employeur planifiait un retour au bureau, bien que cela a dû être repoussé. La politique interdisait l’entrée des employés non vaccinés aux bureaux à partir du 1er octobre 2021. Le prestataire serait donc dans l’impossibilité de satisfaire à ses obligations envers son employeur si jamais il était nécessaire qu’il se rende au bureau après cette date. Le fait qu’il est en télétravail ne rend donc pas la politique de l’employeur déraisonnable.

[29] Je conclus que le prestataire savait qu’un refus de fournir une preuve qu’il a eu ses doses de vaccin, ou qu’il avait rendez-vous pour le faire, mènerait à son congédiement. J’arrive à cette conclusion, car son employeur l’a clairement avisé de cela.

[30] Le 21 septembre 2021, l’employeur a envoyé au prestataire une lettre précisant que s’il ne fournissait pas la preuve qu’il était complètement vacciné avant le 20 septembre 2021, ou s’il ne fournissait pas avant le 23 septembre une preuve de son intention de prendre rendez-vous pour recevoir le vaccin, l’employeur mettrait fin à son emploi à compter du 30 septembre 2021.

[31] Le prestataire a certainement lu et compris ce document, car le 23 septembre, il a écrit à son employeur pour s’opposer à son congédiement. Lorsqu’il écrit qu’il est dans ses droits de refuser la vaccination et que le fait de demander son statut vaccinal contrevient à ses droits en matière de vie privée, le prestataire confirme qu’il n’avait pas l’intention de se conformer à la politique de l’employeur.

[32] L’employeur a répondu le 26 septembre 2021 en confirmant qu’il est en désaccord avec la position du prestataire. Il a réitéré que si le prestataire n’acceptait pas de prendre rendez-vous pour recevoir la série de vaccins, son emploi sera résilié ‘pour cause’ à compter du 30 septembre.

[33] À la suite de ces préavis, le prestataire a choisi de continuer de refuser de se faire vacciner. Il a le droit de refuser de se faire vacciner et de choisir de ne pas se conformer à la politique de l’employeur. Cependant, il n’a pas droit à une protection contre les conséquences de ses choix.

[34] Le prestataire a fourni plusieurs documents démontrant que l’imposition d’une obligation de vaccination ne faisait pas consensus et que le Barreau du Québec était interpellé à intervenir auprès du gouvernement. À la suite de son congédiement, le prestataire a su que son employeur s’est intervenu à la demande de certains médecins pour contester la vaccination obligatoire dans le système de santé. J’ai pris connaissance de ces informations, mais je ne les trouve pas pertinents pour résoudre ce dossier.

[35] Le fait qu’un cabinet juridique présente des arguments pour un client ne confirme pas que ces arguments sont adoptés par le cabinet lui-même. De plus, je ne vois aucune preuve selon laquelle un tribunal quelconque aurait trouvé que la politique de l’employeur était illégale. Le Tribunal n’a pas la compétence d’arriver à une telle conclusion.

[36] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite. Le prestataire a choisi de ne pas fournir de preuve de vaccination avant le 30 septembre 2021. L’employeur avait une politique à cet effet et le prestataire était au courant de ses obligations selon la politique, même s’il n’était pas d’accord. Le 21 septembre 2021, le prestataire a été directement avisé des conséquences du non-respect de la politique, c’est-à-dire qu’il serait congédié s’il ne se faisait pas vacciner avant le 30 septembre 2021. Il a quand même choisi de refuser le vaccin. Le congédiement découle directement de son choix éclairé de ne pas se conformer à la politique de l’employeur.

Alors, le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[37] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[38] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[39] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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