Assurance-emploi (AE)

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Citation : GL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1382

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Partie appelante : G. L.
Représentante : Myriam Bohémier
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Dani Grandmaître

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 21 juin 2022 (GE-22-966)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 3 novembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’appelant
Représentant de l’intimée
Date de la décision : Le 18 novembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-458

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelant (prestataire) a été congédié par son employeur. Il a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi. La défenderesse (Commission) a conclu que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite, soit de ne pas s’être conformé à la politique de vaccination (politique) de son employeur. La Commission l’a donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Le prestataire a demandé la révision de sa demande. La Commission a rejeté sa demande de révision. Il a interjeté appel de la décision en révision devant la division générale.

[3] La division générale a déterminé que le prestataire a refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Elle a conclu que le prestataire savait que l'employeur était susceptible de le congédier dans ces circonstances et que son refus était volontaire, conscient et délibéré. La division générale a conclu que le prestataire a été congédié de son travail en raison de son inconduite.

[4] La division d’appel a accordé au prestataire la permission d’en appeler de la décision de la division générale. Il fait valoir que la division générale a commis une erreur puisqu’il n’était pas raisonnable pour son employeur de lui imposer une politique de vaccination alors qu’il était en télétravail complet, et qu’il n’était pas en contact avec les autres employés ou le public. Il fait valoir qu’il n’y a pas eu d’inconduite au sens de la loi.

[5] Je dois décider si la division générale a commis une erreur en droit lorsqu’elle a conclu que le prestataire a été congédié en raison de son inconduite.

[6] Je rejette l’appel du prestataire.

Question en litige

[7] Est-ce que la division générale a commis une erreur en droit lorsqu’elle a conclu que le prestataire a été congédié en raison de son inconduite?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[8] La Cour d’appel fédérale a déterminé que la division d’appel n’avait d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.Note de bas page 1

[9] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure.

[10] En conséquence, à moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, Je dois rejeter l'appel.

Est-ce que la division générale a commis une erreur en droit lorsqu’elle a conclu que le prestataire a été congédié en raison de son inconduite?

[11] Le prestataire soutien que la division générale a commis une erreur en droit lorsqu’elle a conclu à son inconduite puisqu’il ne rencontre pas les critères jurisprudentiels permettant de qualifier un comportement d’inconduite.

[12] Le prestataire soutient plus particulièrement que :

  • Il travaillait à domicile durant la pandémie. La politique de l’employeur n’était donc pas proportionnelle dans les circonstances puisque la protection des autres employés et clients étaient préservées. Même lorsqu’il travaillait au bureau, il entrait à distance dans les ordinateurs de ses collègues de travail;
  • Le fait de refuser un vaccin expérimental ne constitue pas de l’inconduite au sens de la loi;
  • L’efficacité des vaccins contre la COVID-19 n’a jamais été démontrée. De plus, ils n’empêchent aucunement la transmission du virus;
  • La politique vaccinale de l’employeur constitue une extorsion du consentement à un acte médical pour forcer le prestataire à se faire vacciner. Cette pression sur le prestataire ne peut permettre un consentement valide;
  • L’employeur ne lui a offert aucune mesure d’accommodement;
  • Lorsqu’un employeur abuse de son droit de gérance avec une politique qui est illégale, le prestataire ne peut pas se faire accuser d’inconduite pour avoir refusé de la suivre;
  • La conduite du prestataire n’était pas de nature à miner ou compromettre gravement la confiance de l’employeur dans le cadre particulier de leur relation;
  • La politique de vaccination obligatoire de l’employeur contrevient à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne;
  • L’imposition d’un traitement médical met en cause les droits constitutionnels du prestataire;
  • Il a institué un recours pour congédiement sans cause contre son employeur;
  • L’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) aurait dû être appliqué au prestataire.

[13] Le prestataire fait valoir que l’article 29(c) de la Loi sur l’AE est celui qui est applicable à sa situation.

[14] Au soutien de sa demande d’assurance-emploi, le prestataire a déclaré avoir été congédié par son employeur suite à son refus de suivre la politique de l’entreprise. Le relevé d’emploi du prestataire indique que le relevé a été produit à cause d’un congédiement. Le prestataire a déclaré à la Commission à plusieurs reprises avoir été congédié. Il a également déposé un recours pour congédiement injustifié devant le Tribunal du Travail du Québec.

[15] Il ressort clairement de la preuve que le prestataire n’a pas quitté volontairement son emploi. Il n’est pas celui qui a choisi de mettre un terme à son emploi. L’article 29(c) de la Loi sur l’AE ne reçoit donc pas application en l’espèce.

[16] La division générale devait décider si le prestataire a été congédié en raison de son inconduite.Note de bas page 2

[17] La notion d’inconduite ne prévoit pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[18] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendue coupable d’inconduite en congédiant le prestataire de sorte que son congédiement serait injustifié, mais bien de savoir si le prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné son congédiement.

[19] La division générale a déterminé que le prestataire a été congédié parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de l’employeur en réponse à la pandémie. Le prestataire a été informée de la politique de l’employeur afin de protéger son personnel dans le contexte de la pandémie et a eu le temps de s’y conformer. La division générale a déterminé que le prestataire a volontairement refusé de suivre la politique. Il n’a pas obtenu d’accommodements. C’est ce qui a directement entraîné son congédiement.

[20] La division générale a déterminé que le prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pourrait mener à son congédiement puisqu’il avait été informé des conséquences du non-respect de la politique. La division générale a conclu de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[21] Il est bien établi que le non-respect délibéré de la politique d’un employeur est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’AE.Note de bas page 3

[22] Le prestataire fait valoir qu’il n’est pas du ressort de son employeur de lui imposer une politique pour protéger sa santé et sa sécurité lorsqu’il est en télétravail complet, et qu’il n’est pas en contact avec les autres employés ou le public.

[23] Il n'est pas vraiment contesté qu'un employeur a l'obligation légale de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés sur leur lieu de travail. Il n'appartient pas au Tribunal de décider s'il était raisonnable pour l'employeur d'étendre cette protection aux employés travaillant à distance ou à domicile pendant la pandémie.

[24] En d'autres termes, le Tribunal n'a pas l'expertise ou la compétence pour décider si les obligations de l'employeur en matière de santé et de sécurité concernant la COVID-19 ont cessé au moment où le prestataire a commencé à travailler à domicile ou si elles ont continué de s'appliquer.

[25] Il n’appartenait donc pas à la division générale de trancher les questions concernant l’efficacité du vaccin ou le caractère raisonnable de la politique de l’employeur qui s'applique aux travailleurs travaillant à distance et en télétravail.

[26] Le prestataire soutient que l'employeur a refusé de l’accommoder, que la politique de l’employeur était déraisonnable, et qu’elle a enfreint ses droits fondamentaux et ses droits constitutionnels. Ces questions relèvent d'un autre forum. Ce Tribunal n'est pas le forum approprié par lequel le prestataire peut obtenir la réparation qu'il demande.Note de bas page 4

[27] Dans l’affaire Paradis, le prestataire a demandé le contrôle judiciaire d’une décision de la division d’appel du Tribunal refusant la permission d’en appeler. Il a fait valoir que la division d’appel n’avait pas tenu compte du fait que la politique de l’employeur en matière de drogues et d’alcool contrevenait à l’Alberta Human Rights Act.

[28] La Cour fédérale a décidé qu’il en revenait à une autre instance de régler cette question. La Cour a souligné qu’il existe d’autres recours disponibles pour sanctionner le comportement d'un employeur que par le truchement des prestations d’assurance-emploi.Note de bas page 5

[29] Il est également bien établi que la Charte canadienne des droits et libertés s'applique à l'action gouvernementale. Le prestataire n’est pas d’accord avec la politique de son employeur, une entreprise privée. La Charte ne s'applique pas aux interactions privées entre particuliers ou entreprises privées.Note de bas page 6

[30] Le prestataire est en complet désaccord avec la position de la Commission qui qualifie d’inconduite le refus d’accepter un vaccin expérimental. Cependant, il appartenait à la division générale de vérifier et d'interpréter les faits de la présente affaire et de faire sa propre évaluation sur la question de l'inconduite en vertu de la Loi sur l'AE.

[31] Tel que souligné par la division générale, le prestataire s’est engagé lors de son embauche à respecter toutes les politiques de l’employeur, pas uniquement celles avec lesquelles il était d’accord.Note de bas page 7

[32] La preuve prépondérante démontre que la politique de l'employeur s'appliquait au prestataire, même s’il travaillait à domicile. Il a refusé de se conformer à la politique malgré un retour prévu au bureau. Il savait que l'employeur était susceptible de le congédier dans ces circonstances et son refus était volontaire, conscient et délibéré. Le prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l'employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie et cela a entraîné son congédiement.

[33] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu'elle a tranché la question de l'inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d'appel fédérale, qui a défini l'inconduite en vertu de la Loi sur l'AE.Note de bas page 8

[34] Je suis pleinement conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établie.Note de bas page 9 Cela ne change rien au fait qu'en vertu de la Loi sur l'AE, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été congédié en raison de son inconduite.

Conclusion

[35] L’appel est rejeté.

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