Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c KT, 2022 TSS 994

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelantes : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Dani Grandmaître

Partie intimée : K. T.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 11 avril 2022 (GE-22-605)

Membre du Tribunal : Jude Samson
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 20 septembre 2022
Personne présente à l’audience :
Représentante de l’appelante
Date de la décision : Le 7 octobre 2022
Numéro de dossier : AD-22-275

Sur cette page

Décision

[1] J’accueille cet appel en partie et je le renvoie à la division générale pour qu’elle réexamine une question.

Aperçu

[2] K. T. est la prestataire dans la présente affaire. La Commission de l’assurance-emploi du Canada lui a versé des prestations régulières de l’assurance-emploi pendant qu’elle fréquentait l’universitéNote de bas de page 1. La prestataire a communiqué plusieurs fois avec la Commission concernant son admissibilité aux prestations et lui a fourni des renseignements au sujet de ses études.

[3] Plusieurs mois plus tard, la Commission a décidé que la prestataire n’était pas admissible aux prestations pendant ses études universitaires. D’après la Commission, la prestataire n’était pas disponible pour travailler pendant qu’elle était aux études à temps pleinNote de bas de page 2.

[4] La prestataire a fait appel de la décision de la Commission devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Celle-ci a décidé que la Commission a agi de mauvaise foi lorsqu’elle a modifié sa décision antérieure de verser des prestations à la prestataire du 12 janvier au 30 avril 2021. Par conséquent, la division générale a conclu que la prestataire pouvait conserver les prestations qu’elle avait reçues durant cette périodeNote de bas de page 3.

[5] La Commission porte maintenant la décision de la division générale en appel devant la division d’appel du Tribunal. Elle soutient que la division générale a commis des erreurs de droit, ainsi que des erreurs importantes concernant les faits de l’affaire.

[6] La division générale a fondé sa décision sur des erreurs importantes concernant les faits de l’affaire lorsqu’elle a conclu que la Commission a agi de mauvaise foi. Ces erreurs me permettent d’intervenir dans la présente affaire.

[7] La Commission n’a pas agi de mauvaise foi lorsqu’elle a décidé que la prestataire devait rembourser une partie des prestations qu’elle avait reçues. Ainsi, une question demeure quant à savoir si la prestataire était disponible pour travailler du 12 janvier au 30 avril 2021. Je renvoie l’appel à la division générale pour qu’elle réexamine cette question.

L’audience a eu lieu sans la prestataire

[8] Le Tribunal a envoyé l’avis d’audience à la prestataire par courriel le 22 juin 2022. Rien au dossier du Tribunal ne donne à penser que les courriels n’ont pas été envoyés comme il se doit. Je suppose donc qu’elle a reçu l’avis d’audience le lendemainNote de bas de page 4.

[9] Le personnel du Tribunal a également appelé la prestataire et a laissé des messages vocaux lui rappelant que son audience approchait. Ces appels ont été faits dans les jours qui ont précédé l’audience et le jour de l’audience proprement dite.

[10] Quoi qu’il en soit, la prestataire ne s’est pas jointe à l’audience et n’a pas demandé qu’elle soit reportée.

[11] Dans les circonstances, j’étais convaincu que la prestataire avait été avisée de l’audience, et je l’ai poursuivie sans elle.

Questions en litige

[12] Voici les questions à trancher dans le cadre de cet appel :

  1. a) La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire lorsqu’elle a conclu que la Commission avait agi de mauvaise foi?
  2. b) Dans l’affirmative, comment devrais-je corriger l’erreur de la division générale?

Analyse

[13] Je peux intervenir dans le cas présent si la division générale a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaireNote de bas de page 5.

[14] Cela signifie que la division générale doit se fonder sur la preuve pour appuyer les faits importants de sa décision. La division générale n’est pas tenue de faire référence à chacun des éléments de preuve. Je peux plutôt présumer qu’elle a examiné tous les éléments de preuveNote de bas de page 6.

[15] Cependant, je peux intervenir si la preuve contredit carrément ou ne peut pas étayer un fait important de la décision de la division générale. Je peux également intervenir si la division générale néglige des éléments de preuve essentiels qui contredisent ses conclusionsNote de bas de page 7.

La division générale a fondé sa décision sur des erreurs importantes concernant les faits de l’affaire

Je n’ai pas à décider si la Commission examinait une décision qui a été rendue dans le passé

[16] La division générale a amorcé sa décision en se demandant si la décision rendue en décembre 2021 par la Commission était une décision initiale concernant l’admissibilité de la prestataire aux prestations ou si la Commission examinait une décision qui a été rendue dans le passé.

[17] La division générale a tranché cette question parce qu’il y a des limites quant au pouvoir de la Commission d’examiner des décisions rendues dans le passé. Plus précisément, le pouvoir de la Commission d’examiner une décision qui a été rendue dans le passé est discrétionnaireNote de bas de page 8. De plus, les pouvoirs discrétionnaires doivent être exercés de façon judiciaire (c’est-à-dire correctement)Note de bas de page 9. À titre d’exemple, la Commission ne peut pas exercer ses pouvoirs judiciaires de mauvaise foi.

[18] Devant la division générale, la Commission a soutenu avoir versé des prestations à la prestataire parce que celle-ci remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations. En d’autres termes, la prestataire satisfaisait aux exigences juridiques de base pour établir une demande de prestationsNote de bas de page 10. Même si elle avait versé des prestations à la prestataire durant de nombreux mois, la Commission a nié avoir rendu une décision concernant son admissibilité aux prestations jusqu’en décembre 2021, lorsqu’elle a évalué si elle satisfaisait à l’exigence relative à la disponibilité.

[19] La division générale n’était pas d’accord. Elle a plutôt conclu que la Commission examinait une décision qui avait été rendue dans le passé, ce qui voulait dire qu’elle devait agir de façon judiciaireNote de bas de page 11.

[20] La Commission affirme qu’il y a des erreurs dans cette partie de la décision de la division générale. Cependant, je n’ai pas à trancher cette question, car, que la Commission ait ou non examiné une décision qui a été rendue dans le passé, la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que la Commission a agi de mauvaise foi.

Les erreurs de fait de la division générale

[21] La division générale a conclu que la Commission a agi de mauvaise foi parce qu’elle a modifié sa décision sur un coup de têteNote de bas de page 12. Plus précisément, la division générale a conclu que la Commission a examiné des renseignements au sujet des études de la prestataire et a approuvé sa demande. Puis, à une date ultérieure, une autre personne a examiné les mêmes renseignements, le résultat lui a déplu et elle a modifié la décision antérieureNote de bas de page 13.

[22] Il serait logique que la Commission examine tous les renseignements qu’elle avait au sujet de la disponibilité de la prestataire avant de lui verser des prestations. Cependant, la preuve dit exactement le contraire.

[23] La prestataire a donné à la Commission des renseignements contradictoires à propos de sa disponibilité. À un endroit, elle a dit qu’elle était [traduction] « prête, disposée à travailler et capable de le faire chaque jour, du lundi au vendrediNote de bas de page 14 ». À un autre endroit, cependant, elle a dit qu’elle avait des cours du lundi au jeudi, le matin et l’après-midi. En plus, étant donné tous les engagements qu’elle a pris, elle a déclaré être disponible seulement les dimanches après-midiNote de bas de page 15.

[24] Normalement, la Commission aurait évalué ces renseignements avant de verser des prestations à la prestataire. La Commission a toutefois expliqué qu’elle a adopté une approche opérationnelle modifiée dans le cadre de sa réponse à la pandémie de COVID-19Note de bas de page 16. Selon cette nouvelle approche [traduction] « la question de la disponibilité [pour les personnes aux études] n’était pas immédiatement examinée par une agente ou un agent, mais était plutôt automatiquement autorisée par le système automatisé de traitement des demandesNote de bas de page 17 ».

[25] La Commission a regardé de plus près la disponibilité de la prestataire lorsqu’elle a déclaré qu’elle était à l’université dans sa déclaration présentée le 12 septembre 2021Note de bas de page 18. À ce moment-là, la Commission a dit à la prestataire que ses paiements étaient suspendus jusqu’à ce qu’elle puisse examiner les renseignements concernant ses études.

[26] Dans le cadre de son processus, la Commission a demandé à la prestataire de remplir un autre questionnaire de formation et elle s’est entretenue avec la prestataire au téléphoneNote de bas de page 19. En décembre 2021, la Commission a décidé que la prestataire n’avait pas été admissible aux prestations qu’elle lui avait versées depuis janvier 2021Note de bas de page 20. La Commission a modifié sa décision quelque peu après révision et a décidé que la prestataire était admissible aux prestations qu’elle avait reçues au cours de l’été, alors qu’elle était aux études à temps partielNote de bas de page 21.

[27] La prestataire n’était pas seule. L’approche opérationnelle modifiée de la Commission s’appliquait plutôt à toutes les personnes aux études qui demandent des prestations d’assurance-emploi. En plus, cette nouvelle approche était accompagnée de modifications à la loi, qui ont renforcé le pouvoir de la Commission de vérifier si les étudiantes et les étudiants satisfaisaient à l’exigence relative à la disponibilité, même après que la Commission leur a versé des prestationsNote de bas de page 22.

[28] Ces éléments de preuve contredisent carrément les conclusions suivantes, sur lesquelles la division générale a fondé sa décision :

  • La Commission est revenue sur le dossier de la prestataire sur un coup de tête.
  • Il n’y avait rien d’autre dans le fait de revenir en arrière et de changer la décision qu’une apparente aversion pour la décision initialeNote de bas de page 23.

[29] Au lieu de cela, la Commission suivait les procédures qu’elle avait adoptées pour l’aider à gérer sa charge de travail accrue durant la pandémie de COVID-19 et donnait suite à de nouveaux renseignements que la prestataire avait fournis.

[30] Ces erreurs me permettent d’intervenir dans la présente affaire.

La meilleure façon de réparer les erreurs de la division générale

[31] Puisque la division générale a commis des erreurs, je peux rendre la décision qu’elle aurait dû rendre ou lui renvoyer l’appel pour réexamenNote de bas de page 24.

La Commission a exercé ses pouvoirs discrétionnaires de façon judiciaire

[32] Sur cette question, la Commission a affirmé que le dossier est complet et que j’ai tous les renseignements nécessaires pour rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Je suis d’accord.

[33] Que la Commission ait évalué ou réévalué sa disponibilité pour travailler en décembre 2021, la prestataire n’a pas respecté la norme élevée requise pour montrer que la Commission a agi de mauvaise foi. Plus précisément, la prestataire devait montrer que la Commission a agi de façon arbitraire ou dans un but ou pour un motif irrégulierNote de bas de page 25.

[34] À l’audience de la division générale, la prestataire a allégué que la Commission a agi de mauvaise foi en ne l’avertissant pas plus tôt des préoccupations concernant sa disponibilité. La prestataire affirme avoir parlé à plusieurs agentes et agents de la Commission, mais qu’aucun n’a mentionné d’éventuels problèmes.

[35] Malheureusement, il n’y a aucune trace de ce qui s’est dit exactement au cours de ces conversations. En plus, les tribunaux ont déjà décidé que des renseignements erronés et un piètre service de la Commission ne peuvent pas changer les exigences de la loi ou dégager une personne de l’obligation de rembourser des prestations qu’elle n’aurait pas dû recevoirNote de bas de page 26.

[36] Je suis sensible à la situation difficile dans laquelle la prestataire se trouve et je reconnais que les interventions de la Commission ont contribué à ses problèmes.

[37] Toutefois, je ne peux pas conclure que la Commission a agi de mauvaise foi dans son cas. Je dois plutôt reconnaître que la Commission a le vaste pouvoir de réexaminer la disponibilité d’une personne. En plus, elle utilisait une approche opérationnelle modifiée qu’elle jugeait nécessaire, quelle qu’en soit la sagesse, en raison de la pandémie de COVID-19Note de bas de page 27.

[38] Dans ce contexte, je ne peux pas conclure que la Commission a agi de façon arbitraire ou dans un but ou pour un motif irrégulier. En fait, un aspect du rôle de la Commission est de récupérer les prestations auprès de personnes qui n’y étaient pas admissiblesNote de bas de page 28.

La disponibilité de la prestataire du 12 janvier au 30 avril 2021

[39] La Commission a soutenu que je n’ai pas assez de renseignements pour trancher cette question et que la division générale doit la réexaminer. Je suis d’accord.

[40] Le Tribunal évalue la disponibilité d’une personne en fonction de trois facteurs, qui doivent tous être pris en considérationNote de bas de page 29. Elle ne peut pas faire cette évaluation dans l’abstrait. Elle se concentre sur la question de savoir si la personne a fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable, ce qui peut dépendre de son occupation ordinaire ou habituelle, de sa situation personnelle, de sa rémunération antérieure et de ses conditions d’emploiNote de bas de page 30.

[41] Dans ce cas, l’audience de la division générale a été très courte et a porté principalement sur la question de savoir si la Commission avait exercé ses pouvoirs discrétionnaires de façon judiciaire. La division générale a recueilli peu de renseignements au sujet des antécédents de travail de la prestataire et de ses démarches pour trouver un emploi. Par conséquent, il n’y a pas assez de renseignements pour me permettre d’évaluer sa disponibilité. Je dois donc renvoyer l’appel à la division générale pour que celle-ci obtienne plus d’éléments de preuve et réexamine cette question.

Conclusion

[42] J’accueille l’appel de la Commission en partie.

[43] J’interviens dans la présente affaire parce que la division générale a fondé sa décision sur des erreurs importantes concernant les faits de l’affaire. À mon avis, la Commission n’a pas agi de mauvaise foi lorsque, en décembre 2021, elle a évalué ou réévalué la disponibilité de la prestataire pour travailler.

[44] Je renvoie l’appel à la division générale pour que celle-ci réexamine la question de savoir si la prestataire était disponible pour travailler du 12 janvier au 30 avril 2021.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.