Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

L’intimée (prestataire) a demandé et a reçu des prestations de maternité, suivies par des prestations parentales de l’assurance-emploi (AE). Dans son formulaire de demande, elle a choisi les prestations parentales prolongées, qui sont offertes à un taux moins élevé sur une plus longue période. La prestataire a précisé dans son formulaire de demande qu’elle voulait recevoir 52 semaines de prestations, mais elle prévoyait de prendre un an de congé de maternité et de congé parental au total. La prestataire a repris le travail après un an et a reçu un autre versement de prestations parentales auquel elle ne s’attendait pas. Elle a communiqué avec la Commission pour savoir pourquoi elle recevait des prestations parentales après la fin de son congé parental. La prestataire a appris qu’elle avait choisi de recevoir 52 semaines de prestations parentales en plus des 15 semaines de prestations de maternité qu’elle avait reçues. La prestataire a demandé à la Commission de modifier son choix et de passer aux prestations parentales standards, mais celle-ci a refusé, affirmant qu’il était trop tard pour changer d’option après que des prestations ont été versées. La Commission a maintenu sa décision après révision.

La prestataire a fait appel de cette décision à la division générale (DG), qui a accueilli l’appel. La DG a décidé que la prestataire avait fait une erreur en choisissant les prestations parentales prolongées, et qu’elle avait eu l’intention de choisir les prestations parentales standards au moment de faire sa demande. La division générale a conclu que la prestataire voulait un an de prestations de maternité et de prestations parentales au total. Puisque c’était l’intention de la prestataire, la DG a conclu qu’elle avait choisi les prestations parentales standards. La Commission a fait appel de cette décision à la division d’appel (DA), qui a rejeté l’appel. La Commission a alors demandé à la Cour d’appel fédérale (CAF) de réviser la décision de la division d’appel (DA). La CAF a conclu que la décision de la DA était déraisonnable et a renvoyé l’affaire à la DA pour qu’elle soit tranchée conformément à ses motifs. La DA a accueilli l’appel et a conclu que la DG avait commis une erreur de droit. Elle a ensuite rendu la décision que la DG aurait dû rendre.

Le choix que fait un prestataire dans son formulaire de demande, ainsi que le nombre précis de semaines au cours desquelles il souhaite recevoir des prestations, constitue son choix. Dès que le versement de prestations parentales commence, le choix qu’il a fait devient irrévocable. Autrement dit, il n’est pas possible de le modifier. L’intention du prestataire au moment de remplir le formulaire de demande n’est pas pertinente. Dans la présente affaire, la prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées pendant 52 semaines. Elle a touché des prestations conformément à ce choix à compter du 20 mars 2020, et le choix est alors devenu irrévocable. Comme l’a affirmé la CAF, cela veut dire qu’il était devenu « impossible pour la prestataire, la Commission, la DG ou la DA de révoquer ce choix ou de le modifier ». La DA a compris que la prestataire avait choisi les prestations prolongées par erreur. La preuve démontre qu’elle avait l’intention de retourner travailler après un an de congé de maternité et de congé parental au total, et qu’elle l’a fait. Cependant, la loi est claire, comme l’a confirmé la CAF. Par conséquent, la DA a conclu que la prestataire avait choisi les prestations parentales prolongées et que ce choix était irrévocable dès lors que des prestations étaient versées.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c JH, 2022 TSS 954

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie demanderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Tiffany Glover
Partie défenderesse : J. H.

Décision portée en appel : Décision de la division générale (GE-21-251)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Mode d’audience : Sur la foi du dossier
Date de la décision : Le 3 octobre 2022
Numéro de dossier : AD-22-285

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. La prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées et ce choix est irrévocable (il ne peut pas être modifié).

Aperçu

[2] L’intimée, J. H. (prestataire), a demandé et reçu des prestations de maternité de l’assurance-emploi suivies de prestations parentales. Dans sa demande, elle a choisi l’option des prestations parentales prolongées, qui sont versées sur une plus longue période, à un taux inférieur.

[3] Dans sa demande, la prestataire a choisi de recevoir 52 semaines de prestations parentales, mais elle prévoyait de prendre un an de congé de maternité et de congé parental combinés. La prestataire est retournée travailler après un an et a reçu un autre versement de prestation parentale qu’elle n’attendait pas.

[4] La prestataire a communiqué avec l’appelante, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, pour demander pourquoi elle recevait encore des prestations parentales alors que son congé était terminé. La prestataire a appris qu’elle avait choisi de recevoir 52 semaines de prestations parentales en plus des 15 semaines de prestations de maternité qu’elle avait reçues.

[5] La prestataire a demandé à la Commission de modifier son choix pour des prestations parentales standards. La Commission a refusé. Elle a dit qu’il était trop tard pour modifier le choix après que des prestations avaient été versées. La prestataire a demandé une révision et la Commission a maintenu sa décision.

[6] La prestataire a eu gain de cause à son appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a estimé que la prestataire avait fait une erreur lorsqu’elle avait choisi les prestations parentales prolongées dans sa demande. Selon la division générale, la prestataire voulait des prestations parentales standards, et donc, un an de prestations de maternité et de prestations parentales combinées. Puisque c’était l’intention de la prestataire, la division générale a conclu qu’elle avait choisi les prestations parentales standards.

[7] La Commission a fait appel de cette décision à la division d’appel du Tribunal. Son appel a été rejeté. La division d’appel était d’avis que la division générale n’a pas excédé sa compétence et n’a commis aucune erreur de droit lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait choisi les prestations parentales standards, même si sa demande montrait qu’elle avait choisi les prestations prolongées.

[8] Par la suite, la Commission a demandé à la Cour d’appel fédérale de contrôler la décision de la division d’appel du Tribunal. La Cour a conclu que la décision de la division d’appel était déraisonnable et lui a renvoyé l’affaire pour qu’elle rende une décision conforme à ses motifsNote de bas page 1.

[9] J’estime que la division générale a commis une erreur de droit. J’ai décidé de rendre la décision qu’elle aurait dû rendre : la prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées et ce choix est irrévocable.

Questions préliminaires

[10] Étant donné la décision de la Cour d’appel fédérale, j’ai invité les parties à présenter des observations additionnelles. J’ai précisé que je déciderais après les avoir examinées s’il fallait tenir une autre audience.

[11] La Commission a présenté des observations disant qu’il ne restait plus rien à examiner et que la décision de la Cour d’appel fédérale avait force exécutoire. La prestataire n’a pas soumis d’observations. J’ai décidé qu’il n’était pas nécessaire de tenir une autre audience et avisé les parties que je rendrais ma décision sur la foi du dossier.

Questions en litige

[12] Voici les questions que je dois trancher :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit dans son interprétation de l’article 23(1.1) de la Loi sur l’assurance-emploi?
  2. b) Si oui, comment cette erreur devrait-elle être corrigée?

Analyse

[13] Je peux intervenir dans l’affaire seulement si la division générale a commis une erreur pertinente. En fait, je dois examiner si la division généraleNote de bas page 2 :

  • a omis d’offrir une procédure équitable;
  • a omis de décider d’une question qu’elle aurait dû trancher ou a décidé d’une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  • a mal interprété ou appliqué la loi;
  • a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.

Contexte

[14] Il y a deux types de prestations parentales :

  • les prestations parentales standards, qui permettent à un parent de recevoir jusqu’à 35 semaines de prestations à un taux de 55 % de sa rémunération hebdomadaire assurable, jusqu’à concurrence d’un montant maximal;
  • les prestations parentales prolongées, qui permettent à un parent de recevoir jusqu’à 61 semaines de prestations à un taux de 33 % de sa rémunération hebdomadaire assurable, jusqu’à concurrence d’un montant maximal.

[15] La Loi sur l’assurance-emploi établit que la partie prestataire doit faire un choix entre les prestations parentales standards ou prolongées et que ce choix est irrévocable dès que des prestations sont verséesNote de bas page 3.

[16] La prestataire a demandé des prestations de maternité et des prestations parentales le 17 novembre 2019Note de bas page 4. Elle a déclaré qu’elle voulait recevoir des prestations parentales immédiatement après les prestations de maternité. Elle a choisi l’option des prestations parentales prolongées. À la question sur le nombre de semaines, elle a choisi de recevoir 52 semaines de prestations à l’aide du menu déroulantNote de bas page 5.

[17] Le premier versement de prestations parentales prolongées a été traité le 20 mars 2020Note de bas page 6. Le 5 décembre 2020, la prestataire a demandé à la Commission de modifier son choix pour des prestations parentales standardsNote de bas page 7.

[18] La Commission a rejeté la demande de la prestataire, car il était trop tard pour changer d’option après que des prestations parentales avaient été versées. La prestataire a demandé une révision et la Commission a maintenu sa décision.

Décision de la division générale

[19] La division générale a accueilli l’appel de la prestataire. Elle a conclu que la prestataire avait choisi les prestations parentales prolongées dans sa demande, mais qu’elle souhaitait en réalité les prestations parentales standardsNote de bas page 8.

[20] La division générale a jugé que la prestataire avait confondu les renseignements dans le formulaire de demandeNote de bas page 9. La division générale a accepté son témoignage selon lequel elle avait l’intention de prendre un an de congé et avait choisi l’option des prestations prolongées en croyant qu’il s’agissait de 52 semaines de prestations de maternité et de prestations parentales combinéesNote de bas page 10.

[21] Selon la division générale, le fait que la prestataire a dit à son employeur qu’elle comptait prendre seulement un an de congé, comme le montre son relevé d’emploi, révèle qu’elle avait l’intention de choisir les prestations standards. La division générale a aussi remarqué que la prestataire s’est adressée à la Commission aussitôt qu’elle a reçu un versement inattendu une fois de retour au travailNote de bas page 11.

[22] Dans sa réflexion, la division générale a suivi des décisions précédentes de la division d’appel. Ces décisions montrent que le Tribunal peut tenir compte de toute preuve pertinente lorsqu’il doit décider de l’option qu’une partie prestataire a choisie dans sa demande de prestationsNote de bas page 12. La division générale a noté qu’un formulaire de demande peut comprendre des réponses contradictoires. Il incombe alors à la partie prestataire d’indiquer, selon la prépondérance des probabilités, l’option qu’elle comptait réellement choisirNote de bas page 13.

[23] La division générale a conclu que la prestataire avait choisi des prestations prolongées dans son formulaire de demandeNote de bas page 14. Elle a tenu compte des circonstances personnelles de la prestataire au moment de sa demande. Elle a conclu que l’interprétation de la prestataire était raisonnable quand elle a compris que la question du formulaire [traduction] « Combien de semaines de prestations souhaitez-vous demander? » concernait le nombre de semaines de congé qu’elle voulait prendre au total. La division générale était d’avis que la prestataire avait fait une erreur parce qu’elle avait mal comprisNote de bas page 15.

[24] Vu l’ensemble de la preuve, la division générale a estimé que la prestataire voulait recevoir des prestations parentales standards. Comme c’était ce que la prestataire avait l’intention de choisir, la division générale a conclu qu’elle avait en fait choisi de recevoir des prestations parentales standardsNote de bas page 16.

Appel de la Commission

[25] La division générale a décidé que la prestataire avait l’intention de choisir les prestations parentales standards, ce qui invalidait le choix qu’elle avait fait dans son formulaire. La Commission soutient que la division générale a commis des erreurs de fait et de droit dans sa décision. Voici ses arguments :

  • La division générale a commis une erreur de droit en modifiant le choix de la prestataire des prestations prolongées pour des prestations standards après le versement des prestations.
  • La division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation des articles 23(1.1) et 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi.

La division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation des articles 23(1.1) et 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi

[26] Dans sa décision, la division générale a reconnu qu’il devient impossible pour la partie prestataire de modifier son choix dès que des prestations parentales lui sont versées, peu importe la sommeNote de bas page 17. La division générale a fait remarquer que les articles 23(1.1) et 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi ont pour effet d’empêcher la partie prestataire de passer d’une option de prestations parentales à l’autre, soit des prestations standards aux prestations prolongées et vice versaNote de bas page 18.

[27] La division générale a noté qu’il est pertinent de tenir compte de l’intention de la partie prestataire quand elle demande des prestations, afin de déterminer le type de prestations qu’elle a choisi. Selon la division générale, le choix n’est pas seulement l’option inscrite dans le formulaire de demande. La division générale a admis que le choix de la partie prestataire devient irrévocable dès que des prestations lui sont versées, mais a décidé qu’il peut correspondre à l’intention plutôt qu’à l’option inscrite dans le formulaire.

[28] La division générale n’a pas effectué un exercice officiel d’interprétation de la loi lorsqu’elle a décidé que le choix de la prestataire pouvait être différent de l’option inscrite dans son formulaire de demande. L’article 23(1.1) exige que la partie prestataire choisisse les prestations standards ou prolongées dans sa demande. L’article 23(1.2) établit que ce choix est irrévocable dès que des prestations sont versées.

[29] Dans le cadre du contrôle judiciaire de la décision précédente de la division d’appel, la Cour d’appel fédérale a interprété le sens du verbe « choisir » dans l’article 23(1.1). Elle a tenu compte du texte, du contexte et de l’objet des articles 23(1.1) et 23(1.2), puis a décidé qu’il y avait une seule interprétation raisonnableNote de bas page 19.

[30] La Cour a établi que selon le sens ordinaire du texte, le choix inscrit dans le formulaire de demande, soit les prestations standards ou prolongées, ainsi que le nombre de semaines, correspond au choix de la partie prestataireNote de bas page 20. La Cour a aussi montré que l’article 23(1.2) est clair en ce sens que le choix de la partie prestataire devient irrévocable dès que des prestations sont verséesNote de bas page 21.

[31] La Cour a examiné le contexte de ces articles. Elle s’est penchée sur les dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi entourant les prestations parentales, la procédure de demande et le formulaireNote de bas page 22. Elle a conclu que selon le contexte aussi, le fait de choisir les prestations standards ou prolongées, ainsi que le nombre de semaines, correspond au choix de la partie prestataireNote de bas page 23.

[32] La Cour a examiné l’objet des articles 23(1.1) et 23(1.2). Elle a établi que le législateur a décidé de rendre le choix de la partie prestataire irrévocable pour offrir une certitude aux autres parties touchées par ce choix et pour que le processus demeure efficaceNote de bas page 24.

[33] La Cour a conclu que le texte, le contexte et l’objet des dispositions laissent place à une seule interprétation possible du verbe « choisir » dans l’article 23(1.1) : le choix de la partie prestataire correspond au choix qu’elle inscrit dans son formulaire de demandeNote de bas page 25. La division générale a commis une erreur de droit en décidant que la prestataire avait choisi les prestations standards parce que c’était l’option qu’elle avait l’intention de choisir, alors que ce n’était pas le choix qu’elle avait inscrit dans son formulaire de demande.

Je vais corriger l’erreur de la division générale en rendant la décision qu’elle aurait dû rendre

[34] La Commission soutient que la division générale a commis des erreurs et que je dois rendre la décision qu’elle aurait dû rendreNote de bas page 26. La Commission ajoute que la décision de la Cour d’appel fédérale a force exécutoire et qu’il ne reste plus rien à examiner.

[35] Je suis d’accord. J’estime que, dans la présente affaire, il convient de remplacer la décision de la division générale par la mienne. Les faits ne sont pas contestés et la preuve au dossier est suffisante pour me permettre de rendre une décision.

La prestataire a choisi les prestations parentales prolongées et ce choix est irrévocable

[36] Comme je l’ai mentionné plus haut, la Cour d’appel fédérale s’est penchée sur l’interprétation des articles 23(1.1) et 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle a conclu que les articles ont une seule interprétation raisonnable.

[37] Ce que la partie prestataire décide d’inscrire dans son formulaire de demande, ainsi que le nombre de semaines où elle veut recevoir des prestations, constitue son choix. Dès que les versements de prestations parentales commencent, ce choix devient irrévocable. Il ne peut plus être modifié. Par conséquent, l’intention de la partie prestataire n’est pas pertinente.

[38] La prestataire a choisi de recevoir 52 semaines de prestations prolongées. Elle a commencé à toucher les prestations qui correspondaient à ce choix le 20 mars 2020, donc celui-ci est devenu irrévocable. Comme la Cour d’appel fédérale l’a précisé, il était alors [traduction] « impossible pour la partie prestataire, la Commission, la division générale ou la division d’appel de révoquer, de modifier ou de changer ce choixNote de bas page 27 ».

[39] Je comprends que la prestataire s’est trompée en choisissant les prestations prolongées. La preuve montre clairement qu’elle avait l’intention de retourner travailler après un an de congé de maternité et de congé parental combinés, et c’est ce qu’elle a fait. Cependant, la loi est claire, comme la Cour d’appel fédérale l’a confirmé. Je conclus que la prestataire a choisi des prestations parentales prolongées et que ce choix est devenu irrévocable lorsque les versements ont commencé.

Conclusion

[40] L’appel est accueilli.

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