Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1019

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante (prestataire) : M. A.
Partie intimée (Commission) : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (448631) datée du 25 janvier 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Gerry McCarthy
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 31 mars 2022
Personnes présentes à l’audience :
Appelant
Témoin
Interprète
Date de la décision : Le 1er avril 2022
Numéro de dossier : GE-22-449

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Décision

[1] L’appel est accueilli. La Commission de l’assurance-emploi du Canada n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a révisé la demande du prestataire.

Aperçu

[2] Le prestataire a fait une demande initiale de prestations régulières d’assurance-emploi le 14 février 2021. Le prestataire a travaillé pour « X » jusqu’au 13 février 2021. En se fondant sur le relevé d’emploi du prestataire, la Commission a établi que le prestataire avait droit au taux maximal de prestations de 595 $. Le prestataire a par la suite reçu des prestations du 14 février 2021 au 27 novembre 2021.

[3] Le prestataire a communiqué avec la Commission en décembre 2021, car il a remarqué que ses prestations avaient diminué. La Commission a informé le prestataire que sa demande avait été réévaluée. La Commission a expliqué dans le dossier d’appel qu’elle avait réévalué la demande du prestataire après avoir examiné un relevé d’emploi modifié. Le relevé d’emploi modifié du prestataire (publié le 9 mars 2021) disait qu’il avait accumulé 644 heures d’emploi assurable au total et une rémunération assurable totalisant 12 613,59 $ du 26 septembre 2020 au 13 février 2021 (voir la page GD3-26 du dossier d’appel).

[4] La Commission a réévalué la période de prestations du prestataire et a établi que son taux de prestations hebdomadaires était de 425 $ par semaine. En raison des mesures d’intervention d’urgence temporairement en place, le taux des prestations du prestataire a été augmenté à 500 $ par semaine.

[5] Le 6 décembre 2021, la Commission a avisé le prestataire par écrit que sa demande de prestations avait été réévaluée et que son taux de prestation était passé de 595 $ à 500 $ par semaine. La diminution du taux de prestations hebdomadaire de 595 $ a créé un trop-payé de 3 895 $.

[6] Le prestataire a demandé une révision de la décision de la Commission. La Commission a maintenu sa position et a rendu deux décisions découlant d’une révision. La première décision découlant d’une révision portait sur le taux de prestations hebdomadaire du prestataire que la Commission a maintenu (voir la page GD3-36 du dossier d’appel). La deuxième décision découlant d’une révision précisait que le prestataire avait demandé à la Commission de radier son trop-payé. La Commission a soutenu que la demande du prestataire ne pouvait pas être accueillie parce que ses prestations avaient été reçues du 14 février 2021 au 27 novembre 2021, soit pas plus de 12 mois avant qu’il soit avisé du trop-payé. La décision découlant d’une révision de la Commission disait que si le prestataire n’était pas d’accord avec la décision concernant le trop-payé, il avait 30 jours après la réception de l’avis pour déposer un avis de demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale.

[7] Le prestataire affirme qu’il ne souhaitait pas faire appel du calcul du taux de prestations hebdomadaire. Le prestataire affirme qu’il faisait appel de son trop-payé et de la façon dont il avait été créé par la Commission. Le prestataire affirme que le relevé d’emploi modifié de son employeur a été émis dans les 24 heures suivant le relevé d’emploi initial. Il dit qu’il a seulement pris connaissance de la diminution du taux de prestations hebdomadaire 10 mois après la fin de son emploi. Il dit qu’il ne devrait pas être tenu responsable d’une erreur de la Commission. Il ajoute que le trop-payé lui avait causé beaucoup de stress et d’anxiété. Il a également déclaré qu’il avait dit à la Commission qu’il n’avait pas d’emploi et qu’il ne pouvait pas rembourser le trop-payé.

[8] La Commission affirme que le prestataire a reçu des prestations auxquelles il n’avait pas droit et que la révision de la demande a été effectuée dans le délai de 36 mois. La Commission ajoute qu’elle a exercé son pouvoir en vertu de la loi et qu’elle a tenu compte des quatre facteurs pertinents énumérés dans ses observations supplémentaires (voir la page GD7 du dossier d’appel).

Question en litige

[9] La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a révisé la demande du prestataire?

Analyse

[10] La loi prévoit que la Commission peut réviser une demande de prestations dans les 36 mois suivant le versement des prestations ou la date à laquelle celles-ci auraient été payablesNote de bas de page 1.

[11] Si la Commission décide qu’une personne a reçu de l’argent sous forme de prestations auxquelles elle n’était pas admissible ou auxquelles elle n’avait pas droit (ou qu’elle n’a pas reçu d’argent auquel elle était admissible et auquel elle avait droit) elle doit calculer la somme d’argent et aviser la partie prestataire de sa décision.Note de bas de page 2

[12] Une décision récente de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale a expliqué que la compétence de la division générale exigeait qu’elle examine si la Commission avait le pouvoir de rendre la partie prestataire rétroactivement inadmissible et, dans l’affirmative, si la Commission devait agir de façon « judiciaire » et si elle a agi ainsi au moment de décider de réviser la demandeNote de bas de page 3.

[13] La jurisprudence dit que le pouvoir discrétionnaire de la Commission doit être exercé de façon judiciaireNote de bas de page 4. Un pouvoir discrétionnaire est exercé de façon non judiciaire s’il est possible d’établir que la personne ayant rendu la décision :

  • a agi de mauvaise foi;
  • a agi dans un but ou pour un motif irrégulier;
  • a pris en compte un facteur non pertinent;
  • a ignoré un facteur pertinent;
  • a agi de façon discriminatoireNote de bas de page 5.

La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a révisé la demande du prestataire?

[14] Je juge que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire pour les raisons qui suivent.

[15] Premièrement, la Commission n’a pas tenu compte de la situation personnelle du prestataire en matière de chômage ni de son incapacité à rembourser son trop-payé. Je reconnais que la Commission a soutenu qu’elle avait exercé son pouvoir en vertu de la loi et qu’elle avait tenu compte d’un certain nombre de facteurs, y compris la question de savoir si les renseignements présentés justifiaient une révision (voir la page GD7 du dossier d’appel). Cependant, le dossier d’appel ne mentionne pas que la Commission a tenu compte de la situation financière du prestataire ni du fait qu’il était au chômage lorsqu’elle a révisé la demande.

[16] Deuxièmement, la Commission n’a pas tenu compte du stress et de l’anxiété graves que le trop-payé avait causés au prestataire. Plus précisément, le prestataire a déclaré que son trop-payé lui avait causé beaucoup d’anxiété et de cauchemars. J’accepte comme crédible le témoignage du prestataire à ce sujet, car ses déclarations étaient détaillées, franches et cohérentes. Je me rends compte que la Commission a soutenu qu’en vertu de la loi, elle peut réviser une demande de prestations dans les 36 mois suivant le versement des prestations ou la date à laquelle celles-ci auraient été payables. Toutefois, j’estime que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a révisé la demande parce qu’elle n’a pas tenu compte de la situation personnelle et financière difficile du prestataire.

[17] Troisièmement, la Commission n’a pas tenu compte du fait que le relevé d’emploi modifié du prestataire a seulement été produit 24 heures après l’émission du relevé d’emploi initial du prestataire le 8 mars 2021 (voir les pas GD3-17 et GD3-36). Le prestataire a affirmé que la Commission l’a seulement informé de son taux de prestations hebdomadaire réduit en décembre 2021. C’était près de 10 mois après l’émission du relevé d’emploi modifié le 9 mars 2021. Bref, il s’agissait d’une circonstance pertinente dont la Commission aurait dû tenir compte lorsqu’elle a révisé la demande.

Témoignage supplémentaire du prestataire

[18] Je comprends que le prestataire demandait que son trop-payé soit annulé ou radié. Cependant, je n’ai pas le pouvoir de réduire ou de radier un trop-payé en vertu de la loiNote de bas de page 6. Cependant, j’ai conclu que la Commission n’avait pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a révisé sa demande.

Observations supplémentaires de la Commission

[19] Je reconnais également que la Commission a affirmé que le requérant ne s’était pas conformé aux dispositions du Règlement sur l’assurance-emploi et qu’il ne pouvait se voir accorder un allègement du trop-payé qui en a résultéNote de bas de page 7 (voir les pages GD4-4, GD3-38 et GD3-39 du dossier d’appel). Comme je l’ai mentionné plus haut, je reconnais que je n’ai pas le pouvoir de réduire ou de radier un trop-payé. Cependant, j’ai conclu que la Commission avait ignoré plusieurs facteurs pertinents dans la présente affaire et qu’elle n’avait pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judicieuse lorsqu’elle a révisé la demande du prestataire.

Conclusion

[20] L’appel est accueilli.

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