Assurance-emploi (AE)

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Citation : OB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1372

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : O. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (456287) datée du 25 février 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Normand Morin
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 23 juin 2022
Personne présente à l’audience : L’appelant
Date de la décision : Le 22 juillet 2022
Numéro de dossier : GE-22-1098

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Je conclus que la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, en décidant de vérifier et de réexaminer la demande de prestations de l’appelantNote de bas de page 1. La Commission ne pouvait donc pas déterminer, rétroactivement, que l’appelant n’était pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[2] En septembre 2020, l’appelant entreprend une formation à temps plein à l’Université X. Il s’agit d’une formation menant à l’obtention d’un baccalauréat en études littéraires. Il a effectué sa session d’automne 2020, du 8 septembre 2020 au 21 décembre 2020, et sa session d’hiver 2021, du 15 janvier 2021 au 4 mai 2021Note de bas de page 2. Il a ensuite effectué sa session d’automne 2021, à temps plein, à la même institution, du 7 septembre 2021 au 16 décembre 2021Note de bas de page 3.

[3] Du 9 octobre 2019 au 18 mars 2020 inclusivement et du 30 juin 2020 au 25 septembre 2020 inclusivement, l’appelant a travaillé comme préposé au service à la clientèle pour X (X ou l’employeur) et a cessé de travailler pour cet employeur en raison d’un manque de travailNote de bas de page 4.

[4] Le 6 octobre 2020, l’appelant présente une demande initiale de prestations d’assurance-emploi (prestations régulières). Une période de prestations a été établie à compter du 4 octobre 2020.

[5] Le 2 décembre 2021, la Commission l’informe qu’elle ne peut pas lui verser de prestations d’assurance-emploi à partir du 5 octobre 2020, car il suit un cours de formation de sa propre initiative et il n’a pas démontré qu’il était disponible à travailler. Elle lui indique aussi qu’il recevra un avis de dette et qu’elle pourrait déduire le montant qu’il doit de ses prestations futuresNote de bas de page 5.

[6] Le 25 février 2022, à la suite d’une demande de révision, la Commission l’avise que la décision rendue à son endroit en date du 2 décembre 2021 a été remplacée par une nouvelle décision. Elle lui explique que selon cette nouvelle décision, elle ne peut pas lui verser des prestations d’assurance-emploi du 5 octobre 2020 au 21 décembre 2020, du 15 janvier 2021 au 4 mai 2021 et du 7 septembre 2021 au 1er octobre 2021, car il suivait un cours de formation de sa propre initiative et qu’il n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler. La Commission lui spécifie qu’il allait recevoir un avis de dette et qu’il devra rembourser les montants des prestations auxquelles il n’avait pas droitNote de bas de page 6.

[7] L’appelant explique avoir cessé de travailler le 25 septembre 2020 à la suite de l’adoption, par le gouvernement du Québec, de mesures de restrictions sanitaires liées à la pandémie de COVID-19Note de bas de page 7, dont la fermeture des commerces, ce qui inclut les salles de cinéma. Il fait valoir qu’il a toujours indiqué qu’il suivait une formation dans ses déclarations à la Commission et qu’il était disponible à travailler, en fonction de l’horaire de ses cours. Il souligne avoir toujours été honnête et de bonne foi dans ses déclarations à la Commission. L’appelant indique que lorsqu’il a cessé de travailler le 25 septembre 2020, il a attendu que son employeur le rappelle au travail. Lorsqu’il a recommencé à travailler pour cet employeur, en février 2021, ses heures de travail ont été réduites en raison de la pandémie. Il déplore le fait que la Commission ait communiqué avec lui plus d’un an après avoir commencé à lui verser des prestations, soit en décembre 2021, pour l’informer qu’il allait devoir rembourser celles auxquelles il n’avait pas droit. L’appelant affirme avoir appris, également en décembre 2021, qu’il aurait pu recevoir des prestations de la Prestation canadienne de la relance économique (PCRE), mais qu’il n’a pas demandé ce type de prestations puisqu’il était persuadé qu’il était admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Il demande d’avoir le droit de recevoir rétroactivement des prestations de la PCRE pour lui permettre de rembourser la somme qui lui est réclamée par la Commission ou de réduire considérablement cette dette ou encore, de l’annuler complètement. Le 27 mars 2022, l’appelant conteste la décision en révision de la Commission. Cette décision fait l’objet de son recours devant le Tribunal.

Questions préliminaires

[8] Dans le présent dossier, l’appelant conteste le fait qu’il doive rembourser les prestations qui lui ont été versées en trop, alors qu’il a déclaré qu’il suivait une formation à temps plein et les heures qu’il y consacrait. Il souligne que la Commission a attendu plus d’un an avant de l’informer qu’il n’était pas admissible au bénéfice des prestations et qu’il devait rembourser celles qui lui avaient été versées en trop.

[9] De son côté, la Commission soutient qu’il y avait lieu de réexaminer le dossier de l’appelant, de lui imposer une inadmissibilité au bénéfice des prestations pour les périodes du 5 octobre 2020 au 21 décembre 2020, du 15 janvier 2021 au 4 mai 2021, ainsi que du 7 septembre 2021 au 1er octobre 2021, et de lui demander de rembourser celles qu’il a reçues parce qu’il n’y était pas admissibleNote de bas de page 8.

[10] Je vais donc effectuer mon analyse et rendre ma décision en tenant compte de cette situation.

Questions en litige

[11] Je dois déterminer si la Commission avait le pouvoir de décider, de façon rétroactive, si l’appelant était admissible au bénéfice des prestations et le cas échéant, déterminer si elle a utilisé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, en décidant de vérifier et de réexaminer la demande de prestations de ce dernierNote de bas de page 9.

[12] Si tel est le cas, je dois également déterminer si au cours des périodes du 5 octobre 2020 au 21 décembre 2020, du 15 janvier 2021 au 4 mai 2021 et du 7 septembre 2021 au 1er octobre 2021, pendant sa formation, l’appelant démontre qu’il était disponible à travaillerNote de bas de page 10.

[13] Je dois également déterminer si les prestations versées en trop à l’appelant (trop-payé), qui lui sont réclamées par la Commission, doivent être rembourséesNote de bas de page 11.

Analyse

Exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission dans sa décision de vérifier et de réexaminer une demande de prestations

Question no 1 : La Commission avait-elle le pouvoir de vérifier et d’examiner rétroactivement la demande de prestations de l’appelant?

[14] Concernant le « nouvel examen » d’une demande de prestations, la Loi prévoit que la Commission dispose d’un délai de 36 mois pour réexaminer toute demande au sujet de prestations payées ou payables à un prestataire, et que ce délai est de 72 mois si elle estime qu’une déclaration ou affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demande de prestationsNote de bas de page 12.

[15] Si la Commission décide qu’une personne a reçu une somme d’argent en prestations pour lesquelles elle ne remplissait pas les conditions requises ou au bénéfice desquelles elle n’était pas admissible, elle calcule la somme payée et notifie sa décision au prestataireNote de bas de page 13.

[16] En raison de la pandémie de COVID-19, des modifications ont été apportées à la Loi pour faciliter l’accès aux prestations avec la mise en œuvre de « mesures temporaires ».

[17] L’article 153.161 de la partie VIII.5 de la Loi représente une de ces modifications. Cet article a été en vigueur du 27 septembre 2020 au 25 septembre 2021.

[18] Cet article permet à la Commission de vérifier, à tout moment, après le versement des prestations, que le prestataire y est admissible en exigeant la preuve qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin pour tout jour ouvrable de sa période de prestationsNote de bas de page 14.

[19] La Division d’appel du Tribunal (la Division d’appel) a déterminé que la Division générale du Tribunal (la Division générale) ne pouvait refuser d’exercer sa compétence afin de déterminer si la Commission avait le pouvoir de juger le prestataire inadmissible aux prestations de façon rétroactiveNote de bas de page 15. 

[20] Dans le cas présent, l’appelant a présenté une demande de prestations le 6 octobre 2020 et une période de prestations a été établie à compter du 4 octobre 2020Note de bas de page 16.

[21] La preuve au dossier indique que l’appelant a reçu des prestations au cours de la période échelonnée de la semaine ayant commencé le 4 octobre 2020 à celle ayant commencé le 22 août 2021Note de bas de page 17.

[22] Le 2 décembre 2021, la Commission l’a informé de la décision rendue à son endroit sur la question de la disponibilité à travaillerNote de bas de page 18.

[23] La Commission fait valoir les éléments suivants :

  1. a) L’article 52(1) de la Loi lui permet d’examiner de nouveau toute demande au sujet des prestations payées, dans les 36 mois suivant le versementNote de bas de page 19 ;
  2. b) L’article 153.161(2) de la Loi lui permet de vérifier, à tout moment après le versement des prestations, que le prestataire est admissible aux prestations en exigeant la preuve qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin pour tout jour ouvrable de sa période de prestationsNote de bas de page 20 ;
  3. c) Selon sa politique de réexamen, elle procède au nouvel examen d’une demande dans les situations suivantes : il y a un moins-payé de prestations; des prestations ont été versées contrairement à la structure de la Loi; des prestations ont été versées à la suite d’une déclaration fausse ou trompeuse; le prestataire aurait dû savoir qu’il recevait des prestations auxquelles il n’avait pas droitNote de bas de page 21 ;
  4. d) Elle a procédé au réexamen des prestations versées conformément à sa politique de réexamen et dans le délai prévu à l’article 52 de la LoiNote de bas de page 22 ;
  5. e) Des prestations ont été versées à l’appelant à partir du 5 octobre 2020 et a procédé au réexamen de son dossier. L’appelant en a été avisé le 2 décembre 2021, soit dans le délai de 36 mois prévu par la LoiNote de bas de page 23 ;
  6. f) Elle a vérifié l’admissibilité de l’appelant au bénéfice des prestations à partir du début de la période de prestations et a appliqué la décision de manière rétroactive conformément aux articles 52(1) et 153.161(2) de la LoiNote de bas de page 24 ;
  7. g) À la suite de ce réexamen, il a été déterminé que l’appelant avait reçu des prestations auxquelles il n’avait pas droit. Celui-ci doit donc rembourser les prestations reçues en trop, comme le prévoit articles 43, 44, 52(2) et 52(3) de la LoiNote de bas de page 25 ;
  8. h) Il y avait lieu de réexaminer le dossier de l’appelant, de lui imposer une inadmissibilité au bénéfice des prestations pour les périodes du 5 octobre 2020 au 21 décembre 2020, du 15 janvier 2021 au 4 mai 2021, ainsi que du 7 septembre 2021 au 1er octobre 2021, et de lui demander de rembourser celles qu’il a reçues en tropNote de bas de page 26.

[24] Pour sa part, dans ses déclarations des 14 octobre 2020, 15 janvier 2021, 7 mai 2021 et 11 septembre 2021 à la Commission (questionnaires sur la formation), l’appelant indique suivre une formation à temps pleinNote de bas de page 27.

[25] Pour les sessions d’automne 2020 et d’automne 2021 (du 8 septembre 2020 au 21 décembre 2020 et du 7 septembre 2021 au 16 décembre 2021), il précise que toutes les obligations de son cours se déroulent à l’extérieur de ses heures normales de travailNote de bas de page 28.

[26] Pour ce qui est de la session d’hiver 2021 (du 15 janvier 2021 au 4 mai 2021), il déclare que toutes les obligations de son cours ne se déroulent pas à l’extérieur de ses heures normales de travailNote de bas de page 29.

[27] Pour les sessions d’automne 2020, d’hiver 2021 et d’automne 2021, l’appelant déclare aussi être disponible et capable de travailler dans le même genre d’emploi et dans les mêmes conditions ou de meilleures conditions (ex. heures de travail, genre de travail) qu’il l’était avant le début de son cours ou de son programmeNote de bas de page 30.

[28] Pour chacune des trois sessions en cause (automne 2020, hiver 2021 et automne 2021), il indique également ne pas avoir fait d’effort pour se trouver un emploi depuis le début de sa formation ou depuis qu’il est en chômageNote de bas de page 31. Dans l’un des questionnaires qu’il a remplis, il indique qu’il souhaite conserver l’emploi qu’il avait lorsque l’employeur allait reprendre ses activités et souligne qu’il s’agit d’un emploi avec un horaire de travail flexible lui permettant de suivre sa formationNote de bas de page 32.

[29] Pour chacune de ces sessions, l’appelant précise que s’il obtenait un emploi à temps plein, mais que cet emploi entrait en conflit avec sa formation, il finirait sa formationNote de bas de page 33.

[30] Il explique que dans ses déclarations du prestataire, il a aussi indiqué qu’il suivait une formation et qu’il était disponible à travailler en fonction des jours de disponibilité mentionnés dans les questionnaires qu’il avait remplis sur sa formationNote de bas de page 34.

[31] L’appelant déclare qu’entre le moment où il a présenté sa demande de prestations le 6 octobre 2020, et le moment où la Commission a communiqué avec lui le 1er décembre 2021Note de bas de page 35, il n’a pas reçu d’autres communications de la part de cette dernière, exception faite de celle du 23 octobre 2020, comme l’indique le dossier d’appelNote de bas de page 36.

[32] Il explique avoir lui-même communiqué avec la Commission parce qu’il avait reçu un message à cet effet après avoir rempli ses déclarations du prestataire. Il explique ne pas se rappeler des dates de ses appels ni s’il s’agissait de la communication du 23 octobre 2020 à laquelle la Commission réfèreNote de bas de page 37.

[33] Dans le cas présent, pour sa demande de prestations présentée le 6 octobre 2020, l’appelant était assujetti à la fois aux dispositions prévues à l’article 52 de la Loi, de même qu’à celles de l’article 153.161(2) de la partie VIII.5 de la Loi, malgré la nature temporaire de cet article.

[34] Je considère que la décision rendue par la Commission s’appuie sur les articles 52 et 153.161(2) de la Loi.

[35] L’article 52 de la Loi démontre le pouvoir discrétionnaire que détient la Commission pour procéder au nouvel examen d’une demande de prestations.

[36] L’article 153.161(2) de la Loi donne à la Commission un pouvoir analogue à celui qu’elle détient en vertu de l’article 52(1) de la Loi. La seule différence entre ces deux articles est que selon les dispositions prévues à l’article 153.161(2) de la Loi, le pouvoir de la Commission n’est pas limité dans le temps, alors qu’il l’est dans le cas d’un réexamen en vertu de l’article 52(1) de la Loi.

[37] En effet, pour l’application de l’article 153.161(2) de la Loi, la Commission peut vérifier, à tout moment après le versement des prestations, que le prestataire est admissible aux prestationsNote de bas de page 38. Cet article démontre également le pouvoir discrétionnaire de la Commission de décider de vérifier une demande de prestations.

[38] Pour ce qui est de l’application de l’article 52 de la Loi, la Commission dispose dans ce cas d’un délai de 36 mois suivant le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables, pour examiner de nouveau toute demande au sujet de ces prestations ou de 72 mois si elle estime qu’une affirmation fausse ou trompeuse a été faiteNote de bas de page 39.

[39] Même si l’article 153.161(2) a une portée plus étendue dans le temps que l’article 52 de la Loi, il faut quand même se demander si la Commission a utilisé son pouvoir discrétionnaire de réexamen de façon conforme à la norme judiciaire.

[40] Pour rendre sa décision, la Commission a utilisé les pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de l’article 153.161(2) de la Loi. À la suite de la vérification qu’elle a effectuée, la Commission a changé sa décision en déterminant que l’appelant n’était pas admissible au bénéfice des prestations. Elle a rendu une nouvelle décision conformément à la procédure prévue à l’article 52(2) de la Loi.

[41] Je souligne également que même si l’article 153.161(2) de la Loi prévoit que la Commission peut « vérifier à tout moment » après le versement des prestations, si un prestataire est admissible au bénéfice des prestations, cet article précise qu’elle peut le faire, mais « en exigeant la preuve » que celui-ci était capable de travailler et disponible à cette fin pour tout jour ouvrable de sa période de prestationsNote de bas de page 40.

[42] J’estime que dans le cas de l’appelant, la Commission n’a pas vérifié l’admissibilité de ce dernier au bénéfice des prestations en fonction de l’article 153.161(2) de la Loi. La Commission n’a pas appliqué les dispositions de cet article à cet égard.

[43] La Commission n’a pas demandé à l’appelant de prouver son admissibilité à recevoir des prestations en fonction de l’article 153.161(2) de la Loi.

[44] Je considère qu’avant de rendre sa décision le 2 décembre 2021, soit plus d’un an après que l’appelant ait présenté sa demande de prestations, la Commission ne l’a pas informé des recherches qu’il devait faire pour démontrer sa disponibilité à travailler ou des preuves qu’il devait fournir à cet effet, avant de lui imposer une inadmissibilité au bénéfice des prestations, de façon rétroactive.

[45] Puisque j’ai établi que la Commission a fait le réexamen de la demande de prestations de l’appelant selon l’article 52 de la Loi, tout en s’étant prévalue des dispositions prévues à l’article 153.161(2) de la Loi, je dois maintenant déterminer si elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, lorsqu’elle a décidé de vérifier rétroactivement cette demande, d’en faire le réexamen et de changer sa décision.

Question no 2 : La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire, de façon judiciaire, lorsqu’elle a décidé de vérifier rétroactivement la demande de prestations de l’appelant, d’en faire le réexamen et de changer sa décision?

[46] La Cour d’appel fédérale (la Cour) a établi que les décisions discrétionnaires de la Commission ne peuvent être modifiées à moins qu’il soit démontré que cette dernière a « exercé son pouvoir discrétionnaire de manière non conforme à la norme judiciaire ou qu’elle a agi de façon abusive ou arbitraire sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance »Note de bas de page 41. 

[47] Il appartient à la Commission de démontrer qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. En d’autres termes, la Commission doit démontrer qu’elle a agi de bonne foi, tenu compte de tous les facteurs pertinents et laissé de côté ceux qui ne l’étaient pasNote de bas de page 42.

[48] Puisque le pouvoir de réexamen de la Commission est un pouvoir discrétionnaire, les décisions qu’elle rend ne peuvent être modifiées que si elle n’a pas exercé ce pouvoir d’une manière judiciaireNote de bas de page 43.

[49] La Cour a reconnu à diverses reprises que le fait pour la Commission de se doter de lignes directrices ou de guides en présence d’un pouvoir discrétionnaire permet de rendre ce pouvoir cohérentNote de bas de page 44.

[50] Le Guide de la détermination de l’admissibilité, un document produit par la Commission, énonce des conditions de réexamen permettant de déterminer si la Commission a pris en compte tous les facteurs pertinents dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

[51] Ce document prévoit que la Commission procédera au réexamen d’une demande de prestations dans les cas suivants :

  • Il y a un moins-payé de prestations ;
  • Des prestations ont été versées contrairement à la structure de la Loi ;
  • Des prestations ont été versées à la suite d’une déclaration fausse ou trompeuse ;
  • Le prestataire aurait dû savoir qu’il recevait des prestations auxquelles il n’avait pas droitNote de bas de page 45.
Moins-payé de prestations

[52] Je considère que l’élément relatif au « moins-payé » de prestations ne s’applique pas au cas de l’appelant.

[53] En fonction des documents présentés par la Commission et des calculs qu’elle a effectués à la suite de la révision du dossier de l’appelant, celui-ci a reçu des prestations en trop pour une somme de 12 904,00 $ (trop-payé)Note de bas de page 46. Il n’est pas question d’un « moins-payé de prestations » dans le cas présent.

[54] Le Guide de la détermination de l’admissibilité précise que la Commission procède toujours au réexamen des demandes pour lesquelles le prestataire s’est vu refuser des prestations qui pourraient devenir payables à la suite d’un nouvel examenNote de bas de page 47.

[55] Dans le cas d’un trop-payé, la Commission peut réexaminer une demande de prestations, comme le prévoit la LoiNote de bas de page 48.

[56] Les dispositions prévues à l’article 52 de la Loi confirment le caractère discrétionnaire des décisions de la Commission portant sur le réexamen des périodes de prestations dans le délai qui lui est imparti.

[57] Les dispositions prévues à l’article 153.161 de la Loi confirment aussi le caractère discrétionnaire du pouvoir de la Commission de décider de vérifier une demande de prestations.

Des prestations ont été versées contrairement à la structure de la Loi

[58] Je considère que l’établissement d’une période de prestations au profit de l’appelant et le versement de prestations a ce dernier ont été faits en conformité avec la « structure de la Loi », soit en fonction des éléments essentiels de la Loi à cet égard.

[59] Bien que le Guide de la détermination de l’admissibilité indique qu’une « période de non-disponibilité » ne représente pas un élément faisant partie de la structure de la Loi, ce document précise que cet élément peut faire l’objet d’un nouvel examen s’il respecte l’une des conditions énoncées dans la politique prévue à cet effet (politique de réexamen la Commission)Note de bas de page 49.

[60] Je considère que la Commission n’a pas rendu une décision contraire à la structure de la Loi.

Des prestations ont été versées à la suite d’une déclaration fausse ou trompeuse

[61] Lorsque des prestations ont été versées à la suite de déclarations fausses ou trompeuses, la Commission peut procéder à un nouvel examen de la demande de prestations.

[62] La Commission dispose d’un délai de 36 mois suivant le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables à un prestataire, pour examiner de nouveau, toute demande au sujet de ces prestationsNote de bas de page 50. Si la Commission estime qu’une déclaration ou affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demande de prestations, celle-ci bénéficie alors d’un délai de 72 mois pour réexaminer la demande, suivant la date à laquelle les prestations ont été payées ou sont devenues payablesNote de bas de page 51.

[63] La Commission explique que des prestations ont été versées à l’appelant parce qu’il a indiqué qu’il était disponible à travailler dans ses déclarations du prestataireNote de bas de page 52. Elle soutient que même si l’appelant a fait ses déclarations de bonne foi, cette information était inexacte parce qu’il n’était pas disponible au sens de la LoiNote de bas de page 53. La Commission précise avoir procédé au réexamen de la demande de prestations de l’appelant parce que des prestations lui ont été versées à la suite de fausses déclarations de sa partNote de bas de page 54.

[64] La Commission explique qu’une déclaration fausse ou trompeuse signifie toute information présentée dans le cadre d’une demande de prestations qui est fausseNote de bas de page 55. Elle précise qu’une fausse déclaration peut découler d’un acte intentionnel, posé sciemment ou de façon négligente, ou d’une erreur commise de bonne foi donnant lieu au versement réel ou possible de prestationsNote de bas de page 56.

[65] L’appelant fait valoir qu’il a répondu de bonne foi aux questions dans sa demande de prestations en spécifiant qu’il était aux études dans les questionnaires qu’il a remplis concernant sa formationNote de bas de page 57.

[66] Dans les questionnaires de formation qu’il a remplis, l’appelant indique avoir déclaré qu’il était disponible et capable de travailler dans les mêmes conditions ou de meilleures qu’il l’était avant le début de sa formation en spécifiant qu’il s’agissait d’une formation à temps plein et le nombre d’heures qu’il y consacraitNote de bas de page 58.

[67] L’appelant explique que lorsqu’il a rempli ses déclarations du prestataire, il a déclaré qu’il suivait une formation et qu’il était disponible à travailler en fonction des renseignements fournis dans les questionnaires qu’il avait remplis relativement à sa formation.

[68] L’appelant dit ne pas comprendre ce que la Commission veut dire lorsqu’elle affirme qu’il a fait de fausses déclarations. Il affirme qu’en aucun moment la Commission ne l’a informé des fausses déclarations qu’elle lui reproche. L’appelant précise que lorsque la Commission a communiqué avec lui en décembre 2021, elle ne lui a pas dit, à ce moment, qu’il avait fait de fausses déclarations. Il précise que celle-ci lui a expliqué qu’il allait devoir rembourser une somme d’argent pour des prestations qui lui avaient été versées en trop, étant donné qu’il n’avait pas le droit d’en recevoir.

[69] J’estime que la Commission n’était pas en présence de déclarations fausses ou trompeuses relativement à la demande de prestations de l’appelant. Je suis d’avis qu’elle n’en fait pas la démonstration.

[70] Le critère selon lequel des prestations ont été versées à la suite d’une déclaration fausse ou trompeuse ne s’applique pas dans le cas de l’appelant. J’estime que ce dernier a tout le temps fait preuve d’honnêteté en remplissant les questionnaires sur sa formation et ses déclarations du prestataire.

[71] Je considère que malgré cette situation, la Commission pouvait réexaminer ou vérifier la demande de prestations de l’appelant.

Le prestataire aurait dû savoir qu’il recevait des prestations auxquelles il n’avait pas droit (conscient de l’inadmissibilité)

[72] Je considère que rien ne démontre que l’appelant aurait dû savoir qu’il n’avait pas droit aux prestations qui lui ont été versées et qu’il était ainsi « conscient » qu’il n’y était pas admissible.

[73] La Commission fait valoir les éléments suivants :

  1. a) La bonne foi de l’appelant n’est pas mise en doute. Bien que l’appelant croyait avoir droit aux prestations, il n’y était pas admissible pendant ses études, car il n’était pas disponible à travailler au sens de la Loi. Le fait que d’autres personnes aient reçu des prestations n’est pas déterminant, car chaque dossier est traité selon les faits qui leur sont propresNote de bas de page 59 ;
  2. b) Les prestataires dont les demandes de prestations ont été établies dans le cadre des mesures temporaires pour faciliter l’accès aux prestationsNote de bas de page 60 ne sont pas exemptés de prouver leur disponibilitéNote de bas de page 61. L’article 153.161 de la Loi spécifie qu’un prestataire suivant un cours de formation non dirigé n’est pas admissible au versement des prestations s’il ne prouve pas sa disponibilité. La législation tient déjà compte de la situation extraordinaire qu’est la pandémie et la Commission n’a pas le pouvoir de modifier la législationNote de bas de page 62 ;
  3. c) Les prestations n’ont pas été versées à l’appelant par erreur. Elles lui ont été versées parce qu’il en a fait la demande, qu’il se déclarait disponible à travailler et qu’aucune décision n’avait encore été rendue quant à sa disponibilitéNote de bas de page 63 ;
  4. d) L’admissibilité au bénéfice des prestations ne dépend pas des besoins personnels ou des obligations financières de la personne concernée. L’admissibilité dépend du respect des diverses conditions établies par la législation. Bien que la situation de l’appelant suscite la sympathie, il n’est pas admissible aux prestations pendant ses études, car il n’a pas prouvé qu’il était disponible au sens de la Loi. Il doit donc rembourser les prestations qu’il a reçues en tropNote de bas de page 64 ;
  5. e) Le versement de prestations de la PCRE est administré par l’Agence du revenu du Canada (ARC). La Commission n’est pas en mesure de déterminer l’admissibilité de l’appelant à ce genre de prestationsNote de bas de page 65.

[74] Le témoignage et les déclarations de l’appelant indiquent les éléments suivants :

  1. a) En octobre 2020, à la suite de la perte de son emploi en raison de la pandémie de COVID-19, il a présenté une demande de prestations afin de subvenir à ses besoins. Étant donné la situation « extraordinaire » et hors de son contrôle, liée à la pandémie, il croyait avoir le droit de recevoir des prestationsNote de bas de page 66 ;
  2. b) Il n’avait pas d’autres recours que de demander des prestations, car il était aux études. L’emploi qui l’attendait le satisfaisait entièrement et était accommodant pour ses étudesNote de bas de page 67 ;
  3. c) En demandant des prestations, il a agi de bonne foi, sans malice et au meilleur de ses connaissances dans une période trouble liée à la pandémie de COVID-19 et sans se douter un seul instant qu’il pouvait avoir commis une erreurNote de bas de page 68 ;
  4. d) Il a été très surpris d’apprendre plus d’un an après avoir présenté sa demande de prestations qu’il allait devoir rembourser un montant absolument « gigantesque » pour les prestations qu’il avait reçues en tropNote de bas de page 69 ;
  5. e) La Commission aurait dû l’avertir bien plus tôt qu’il n’était pas admissible au bénéfice des prestations. La décision de la Commission compromet non seulement ses études, mais tout son avenir. Il dit ne pouvoir passer sa « vingtaine » à rembourser la somme d’argent qui lui est réclamée en raison d'une pandémie hors de son contrôleNote de bas de page 70 ;
  6. f) Il demande de pouvoir recevoir rétroactivement des prestations de la PCRE auxquelles il avait droit, mais qu’il n’a pas demandées, étant persuadé qu’il était admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Cela lui permettrait de rembourser la somme d’argent qui lui est réclaméeNote de bas de page 71. S’il ne peut recevoir des prestations de la PCRE, il demande aussi que sa dette soit considérablement réduite ou qu’elle soit annulée complètement.

[75] J’estime que la Commission ne démontre pas que l’appelant pouvait présumer qu’il recevait des prestations auxquelles il n’avait pas droit.

[76] Je considère que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire, de façon judiciaire, en décidant de vérifier la demande de prestations de l’appelant et en procédant au réexamen de cette demande.

[77] Je suis d’avis que la Commission ne démontre pas que l’appelant aurait dû savoir qu’il recevait des prestations auxquelles il n’avait pas droit ou qu’il aurait dû être « conscient » qu’il n’y était pas admissible, une des règles prévues au Guide de la détermination de l’admissibilité démontrant qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

[78] J’estime que la Commission n’a pas respecté la « politique de réexamen » qu’elle a élaborée afin d’assurer une application uniforme et juste de l’article 52 de la Loi et d’empêcher la création de trop-payés lorsque le prestataire a touché des prestations en trop pour une raison indépendante de sa volonté, comme le précise cette politiqueNote de bas de page 72.

[79] Je suis d’avis que la Commission était en présence de tous les éléments nécessaires pour établir une demande de prestations au profit de l’appelant et lui verser des prestations.

[80] Je souligne que la Commission a eu l’occasion de vérifier à plusieurs reprises les déclarations de l’appelant lorsqu’il a rempli les questionnaires sur sa formation les 4 octobre 2020, 15 janvier 2021, 7 mai 2021 et 11 septembre 2021Note de bas de page 73, en plus d’avoir communiqué avec ce dernier le 23 octobre 2020Note de bas de page 74.

[81] Je considère que l’appelant a fait preuve de transparence concernant sa formation et sa disponibilité à travailler. Il a été constant et précis dans ses déclarations à la Commission.

[82] Dans chacun des questionnaires qu’il a remplis pour les périodes de formation en cause, l’appelant a déclaré qu’il s’agissait d’une formation à temps plein en spécifiant le nombre d’heures qu’il y consacraitNote de bas de page 75.

[83] Il a aussi précisé qu’il était disponible et capable de travailler dans le même genre d’emploi et dans les mêmes conditions ou de meilleures (ex. heures de travail, genre de travail) qu’il l’était avant le début de son cours ou de son programmeNote de bas de page 76.

[84] L’appelant a également déclaré ne pas avoir fait d’efforts pour se trouver un emploi depuis le début de sa formation ou depuis qu’il était en chômage et a précisé que s’il obtenait un emploi à temps plein, mais que cet emploi entrait en conflit avec sa formation, il finirait sa formationNote de bas de page 77.

[85] Je retiens également que lorsqu’il a rempli ses déclarations du prestataire, l’appelant a continué de déclarer qu’il suivait une formation.

[86] Je suis d’avis que l’appelant pouvait raisonnablement croire que lorsque sa demande de prestations a été acceptée et qu’il a commencé à recevoir des prestations, cela signifiait qu’il y avait droit.

[87] En résumé, compte tenu des éléments de preuve présentés et des circonstances particulières au présent dossier, je considère que la Commission n’a pas utilisé son pouvoir discrétionnaire, de façon judiciaire, en décidant de vérifier la demande de prestations de l’appelant et en procédant à un nouvel examen de cette demande.

[88] J’estime que la Commission n’a pas pris en compte tous les facteurs pertinents pour le faire. Ces facteurs réfèrent à l’ensemble des renseignements fournis par l’appelant au sujet de la formation qu’il avait entreprise lorsqu’il a présenté sa demande de prestations et rempli les questionnaires sur sa formation.

[89] Je suis d’avis que la Commission a omis de mettre en pratique ses propres règles pour le faire. J’estime qu’elle a agi de façon abusive dans l’utilisation de son pouvoir discrétionnaire.

[90] Je considère qu’il n’y a pas lieu de procéder au réexamen de la demande de prestations de l’appelant, et ce, même si ce réexamen avait lieu dans le délai prévu par la Loi.

[91] En conséquence, je ne réexaminerai pas la décision initialement rendue à l’endroit de l’appelant.

Disponibilité à travailler et remboursement des prestations versées en trop

[92] Puisque j’ai déterminé que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire, de façon judiciaire, en décidant de vérifier la demande de prestations de l’appelant et en procédant à un nouvel examen de cette demande, il n’y a pas lieu de procéder à un réexamen de la décision initialement rendue à son endroit.

[93] Il n’y a donc pas lieu de déterminer s’il était disponible à travailler au cours des périodes du 5 octobre 2020 au 21 décembre 2020, du 15 janvier 2021 au 4 mai 2021, ainsi que du 7 septembre 2021 au 1er octobre 2021, pendant qu’il suivait une formation.

[94] Il n’y a pas lieu non plus de déterminer si l’appelant doit rembourser les prestations qui lui ont été versées en trop et qui lui sont réclamées par la Commission.

Conclusion

[95] Je conclus que la Commission n’a pas utilisé son pouvoir discrétionnaire, de façon judiciaire, en décidant de vérifier et de réexaminer la demande de prestations de l’appelant. La Commission ne pouvait donc pas déterminer, d’une façon rétroactive, que l’appelant n’était pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[96] Il n’y a donc pas lieu de déterminer s’il était disponible à travailler au cours des périodes du 5 octobre 2020 au 21 décembre 2020, du 15 janvier 2021 au 4 mai 2021, ainsi que du 7 septembre 2021 au 1er octobre 2021 et s’il était admissible au bénéfice des prestations.

[97] Il n’y a pas lieu non plus de décider si l’appelant doit rembourser la somme d’argent que lui réclame la Commission pour des prestations versées en trop.

[98] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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