Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1115

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (487017) datée du 21 juin 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Catherine Shaw
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience  : Le 29 août 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 7 septembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2426

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi a prouvé que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). Par conséquent, la prestataire est inadmissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas page 1.

Aperçu

[3] La prestataire a été mise en congé sans solde parce qu’elle ne s’est pas fait vacciner contre la COVID-19. Son employeur a instauré une politique qui exigeait que tous les membres du personnel se fassent vacciner ou obtiennent une exemption approuvée. La prestataire n’a pas été vaccinée avant la date limite, alors elle a été mise en congé obligatoire sans solde (elle a été suspendue).

[4] La Commission a établi que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite. Elle l’a donc déclarée inadmissible aux prestations d’assurance-emploi.

[5] La prestataire n’est pas d’accord pour dire qu’il s’agit d’une inconduite. Elle avait des raisons valables de ne pas vouloir se faire vacciner, et la politique de l’employeur ne faisait pas partie de ses conditions d’emploi lorsqu’elle a été embauchée. Elle estime qu’il n’était ni juste ni justifié de la suspendre pour ses choix médicaux.

Questions que je dois examiner en premier

[6] La prestataire a deux dossiers d’appel distincts. J’ai choisi de traiter les deux appels dans la même audience pour procéder de façon aussi informelle et rapide que les circonstances, la justice naturelle et l’équité le permettent.

[7] Cependant, je n’ai pas joint les deux appels. Je peux le faire seulement si les appels soulèvent des questions communes de droit ou de fait, et si aucune injustice ne risque d’être causée aux partiesNote de bas page 2. Dans ce cas-ci, les deux appels ne partagent pas de questions communes de droit ou de fait. Je vais donc rendre deux décisions séparées.

L’employeur n’est pas une partie à l’appel

[8] Le Tribunal de la sécurité sociale a désigné l’ex-employeur de la prestataire comme partie mise en cause potentielle à l’appel. Il lui a donc envoyé une lettre pour lui demander s’il avait un intérêt direct dans l’appel de la prestataire et s’il souhaitait être ajouté comme partie mise en cause. L’employeur n’a pas répondu avant la date de la présente décision. Puisqu’il n’y a rien au dossier qui indique que l’employeur a un intérêt direct dans l’appel, j’ai décidé de ne pas l’ajouter comme partie mise en cause.

Question en litige

[9] La prestataire a-t-elle été suspendue en raison d’une inconduite?

Analyse

[10] La loi prévoit qu’une partie prestataire qui perd son emploi à cause d’une inconduite est exclue du bénéfice des prestationsNote de bas page 3.

[11] La loi précise aussi qu’une partie prestataire qui est suspendue en raison de son inconduite est inadmissible aux prestations jusqu’à ce que l’une des conditions suivantes soit remplie :

  • la période de suspension prend fin;
  • la partie prestataire perd ou quitte volontairement son emploi;
  • la partie prestataire a accumulé suffisamment d’heures chez un autre employeur depuis le début de la suspensionNote de bas page 4.

[12] Pour établir si la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison elle a été suspendue. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle été suspendue?

[13] Les deux parties conviennent que la prestataire a été mise en congé sans solde (suspendue) parce qu’elle n’a pas respecté la politique de l’employeur qui exigeait qu’elle soit vaccinée contre la COVID-19 ou qu’elle ait une exemption approuvée. C’est donc ce comportement qui a entraîné sa suspension.

La raison de la suspension est-elle une inconduite selon la loi?

[14] Selon la loi, la raison de la suspension de la prestataire est une inconduite.

[15] Pour constituer une inconduite selon la loi, la façon d’agir doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 5. Une inconduite peut aussi se présenter comme une conduite à ce point insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas page 6. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il ne faut pas nécessairement avoir une intention coupable (c’est-à-dire vouloir faire quelque chose de mal)Note de bas page 7.

[16] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas page 8.

[17] La Commission doit prouver que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduiteNote de bas page 9.

[18] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que la prestataire savait qu’elle devait se conformer à la politique de l’employeur pour continuer à travailler. La prestataire ne s’est pas fait vacciner ni n’a obtenu une exemption de la vaccination contre la COVID-19, comme l’exigeait la politique de l’employeur. Elle a délibérément choisi de ne pas se conformer à la politique.

[19] La prestataire soutient qu’il n’y a pas eu inconduite parce que la politique ne faisait pas partie des conditions d’emploi lorsqu’elle a été embauchée et n’était pas nécessaire pour son poste.

[20] La prestataire travaillait comme aide-enseignante. Le 6 octobre 2021, la province a mis en place un protocole de vaccination obligatoire contre la COVID-19 dans les milieux à risque élevé. Ce protocole exigeait que tous les membres du personnel des écoles publiques soient pleinement vaccinés contre la COVID-19 ou fassent l’objet d’une exception approuvée au plus tard le 30 novembre 2021Note de bas page 10. Toute personne qui n’avait pas fourni de preuve de vaccination à la date limite serait mise en congé sans soldeNote de bas page 11.

[21] La prestataire a dit qu’elle était au courant de la politique. L’employeur a envoyé plusieurs courriels annonçant la politique et rappelant au personnel les exigences et les échéances. Mais la prestataire n’a pas reçu ces courriels. Elle a entendu parler de la politique par des collègues, qui lui ont ensuite envoyé un des courriels de l’employeur le 25 octobre 2021. La prestataire était donc au courant de la politique et de ses exigences à cette date.

[22] La prestataire ne voulait pas se faire vacciner pour des raisons personnelles. Elle trouvait que le vaccin n’avait pas été suffisamment testé et qu’il n’était pas sûr. L’employeur a demandé aux membres du personnel de fournir leur preuve de vaccination au plus tard le 27 octobre 2021. La prestataire a attendu jusqu’au dernier jour, puis a expliqué à son employeur que rien ne prouvait scientifiquement que le vaccin était sûr. Elle a dit que l’employeur comprenait et qu’il n’y avait pas de souci.

[23] La prestataire a déclaré qu’elle savait à la fin d’octobre 2021 qu’elle serait mise en congé pour ne pas avoir été vaccinée. Le 24 novembre 2021, l’employeur a envoyé à la prestataire une lettre l’avisant qu’elle serait en congé non payé à compter du 1er décembre 2021, parce qu’elle n’avait pas fourni de preuve de vaccination conformément au protocole provincial de vaccination obligatoire contre la COVID-19 dans les milieux à risque élevéNote de bas page 12.

[24] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite.

[25] La prestataire a choisi délibérément et consciemment de ne pas se conformer à la politique de l’employeur. Il est clair, d’après la preuve, qu’elle savait que ce non-respect entraînerait la perte de son emploi.

[26] La prestataire a été avisée de la politique de l’employeur en octobre 2021. Elle devait fournir une preuve de vaccination pour continuer à travailler. Elle a choisi de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19 ni d’obtenir une exemption approuvée, comme l’exigeait la politique avant le 30 novembre 2021. Je comprends alors que la prestataire n’a pas respecté la politique de l’employeur.

[27] La prestataire savait que le non-respect de la politique entraînerait sa suspension. Je comprends alors que la prestataire aurait dû raisonnablement savoir qu’elle pouvait être suspendue pour non-respect de la politique de l’employeur.

[28] Je reconnais que la prestataire avait des préoccupations au sujet de l’innocuité du vaccin. Cependant, elle savait que l’employeur ne l’avait pas exemptée de l’obligation vaccinale. Elle a tout de même choisi de ne pas se conformer à la politique. Je comprends alors que la prestataire a choisi délibérément de ne pas respecter la politique de l’employeur.

[29] La prestataire a soutenu que la politique ne faisait pas partie des conditions d’emploi au moment de son embauche et que la décision de suspension violait sa convention collective.

[30] Un employeur a le droit de gérer son fonctionnement au quotidien, ce qui comprend le droit de créer et de mettre en œuvre des politiques en milieu de travail. Quand l’employeur a fait de sa politique une exigence pour l’ensemble du personnel, elle est devenue du même coup une condition d’emploi pour la prestataire.

[31] Je suis consciente des inquiétudes de la prestataire quant à l’absence d’options autres que la vaccination dans la politique de l’employeur. Je reconnais aussi son désaccord face à la politique et son sentiment que sa suspension était injustifiée.

[32] La Cour d’appel fédérale a établi que le Tribunal n’a pas à décider si la politique d’un employeur est raisonnable ou si le congédiement d’une partie prestataire est justifié. Le rôle du Tribunal est de décider si la façon d’agir de la partie prestataire constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 13.

[33] Je n’ai pas le pouvoir de décider si l’employeur a enfreint la convention collective de la prestataire en la suspendant. La prestataire a mentionné qu’elle a demandé à son syndicat de formuler un grief au sujet de sa suspension. C’est un moyen approprié pour soulever des allégations de violation d’une convention collective par un employeur.

Alors, la prestataire a-t-elle été suspendue en raison d’une inconduite?

[34] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite. Par conséquent, elle est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi à compter du 20 décembre 2021.

[35] La loi prévoit que cette inadmissibilité prend fin dans certaines circonstances, comme au moment où la période de suspension se termineNote de bas page 14. Je vais donc évaluer si la prestataire satisfait aux conditions pour mettre fin à son inadmissibilité.

La prestataire est retournée travailler

[36] La prestataire est retournée travailler le 21 mars 2022, lorsque le protocole provincial de vaccination obligatoire a été levé.

[37] Puisque la suspension de la prestataire a pris fin le 21 mars 2022, j’admets qu’elle satisfait aux conditions pour que son inadmissibilité prenne fin à cette date.

Conclusion

[38] La Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite. C’est pourquoi la prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi du 20 décembre 2021 au 20 mars 2022.

[39] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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