Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : JP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1114

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Partie demanderesse : J. P.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 7 septembre 2022 (GE-22-2426)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 31 octobre 2022
Numéro de dossier : AD-22-733

Sur cette page

Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La prestataire (partie demanderesse) a été mise en congé sans solde parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 mise en place par son employeur. La prestataire a alors demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La Commission (partie défenderesse) a décidé que la prestataire avait été suspendue en raison d’une inconduite. Elle l’a donc déclarée inadmissible aux prestations d’assurance-emploi. Après révision, la Commission a maintenu sa décision initiale. La prestataire a fait appel de la décision découlant de la révision devant la division générale.

[4] La division générale a estimé que la prestataire a été mise en congé sans solde parce qu’elle n’avait pas respecté la politique de l’employeur. Selon la division générale, la prestataire a été suspendue après avoir refusé de se conformer à la politique. La division générale était d’avis que la prestataire savait que, dans les circonstances, elle risquait de se faire suspendre. La division générale a jugé que le non-respect de la politique était à l’origine de la suspension. Elle a donc conclu que la prestataire avait été suspendue en raison de son inconduite.

[5] La prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale devant la division d’appel. Elle soutient que la politique de l’employeur est illégale et qu’elle viole les droits de la personne ainsi que les droits constitutionnels. Elle ajoute que ses choix médicaux ne constituent pas une inconduite selon la loi.

[6] Je dois décider si la prestataire a relevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel puisque l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social établit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. La procédure de la division générale était inéquitable d’une certaine façon.
  2. La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a décidé d’une question qui dépassait sa compétence.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’audience sur le fond. C’est une première étape que la partie prestataire doit franchir, mais le fardeau est inférieur à celui qu’elle devra assumer lors de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission de faire appel, la partie prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, elle doit démontrer qu’une erreur susceptible de révision a été commise et peut permettre à l’appel d’être accueilli.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés ci-dessus et qu’au moins un de ces motifs confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[12] La prestataire soutient que la politique de l’employeur est illégale et qu’elle viole les droits de la personne et les droits constitutionnels. Elle ajoute que ses choix médicaux ne constituent pas une inconduite selon la loi.

[13] La preuve montre que la province de la Nouvelle-Écosse avait mis en place un protocole de vaccination obligatoire contre la COVID-19 dans les milieux à risque élevé. Ce protocole exigeait que tous les membres du personnel des écoles publiques soient pleinement vaccinés contre la COVID-19 ou fassent l’objet d’une exception approuvée au plus tard le 30 novembre 2021. Toute personne qui n’avait pas fourni de preuve de vaccination à la date limite serait mise en congé sans solde.

[14] La province a élaboré son protocole en tenant compte des droits garantis par la Human Rights Act (Loi sur les droits de la personne) de la Nouvelle-Écosse. L’objectif était de maintenir l’équilibre entre les intérêts du public, y compris les droits garantis par la Constitution, et le risque de préjudice aux membres du personnel ainsi qu’aux personnes qui reçoivent des soins et des services dans des milieux à risque élevéNote de bas page 1.

[15] La prestataire est aide-enseignante. La politique de l’employeur, qui est entrée en vigueur en octobre 2021, s’applique à elle. La prestataire a refusé de s’y conformer et l’employeur n’a approuvé aucune exemption à son égard. L’employeur a mis la prestataire en congé sans solde à compter du 1er décembre 2021.

[16] La division générale devait décider si la prestataire avait été suspendue en raison de son inconduite.

[17] Dans la notion d’inconduite, ce n’est pas nécessaire que la façon d’agir découle d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, l’acte reproché doit être délibéré ou, du moins, d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a délibérément décidé d’en ignorer les répercussions sur son travail.

[18] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction imposée par l’employeur ni de savoir s’il a mal agi en suspendant la prestataire de sorte que la suspension serait injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si la prestataire était coupable d’inconduite et si l’inconduite a entraîné sa suspensionNote de bas page 2.

[19] La preuve montre que la prestataire a été suspendue (empêchée de travailler) parce qu’elle a refusé de respecter la politique de son employeur. On l’avait informée de la politique et on lui avait donné le temps de s’y conformer. Le refus de la prestataire était intentionnel et délibéré. C’est la cause directe de sa suspension. La division générale a jugé que la prestataire savait que son refus pouvait entraîner une suspension.

[20] La division générale a conclu, à partir de la preuve prépondérante, que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[21] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 3.

[22] La prestataire soutient que la division générale a ignoré que la politique de l’employeur viole les droits de la personne et les droits constitutionnels.

[23] Malheureusement pour la prestataire, ces questions relèvent d’une autre autorité. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que la prestataire demandeNote de bas page 4.

[24] Comme je l’ai mentionné plus haut, la question soumise à la division générale n’était pas de savoir si l’employeur avait mal agi en suspendant la prestataire, ce qui rendrait la suspension injuste. La question était plutôt de savoir si la prestataire était coupable d’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et si cette inconduite a entraîné la suspension.

[25] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que la prestataire a choisi délibérément pour des raisons personnelles de ne pas respecter la politique de l’employeur en réponse aux circonstances uniques et exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension.

[26] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait commis une erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question d’inconduite uniquement d’après les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 5.

[27] Je suis tout à fait conscient que la prestataire peut demander réparation devant une autre autorité, si l’existence d’une violation est établieNote de bas page 6. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite.

[28] Dans sa demande de permission de faire appel, la prestataire n’a relevé aucune erreur révisable, comme une faute de compétence ou un manquement de la division générale à un principe de justice naturelle. Elle n’a pas cerné d’erreur de droit ni de conclusion de fait erronée que la division générale pourrait avoir tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, au moment de rendre sa décision sur l’inconduite.

[29] Après avoir examiné le dossier d’appel et la décision de la division générale, ainsi que les arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[30] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.