Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MF c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1100

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. F.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (458622) datée du 4 mars 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Audrey Mitchell
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 11 août 2022
Personne présente à l’audience : Partie appelante

Date de la décision : Le 29 août 2022
Numéro de dossier : GE-22-1586

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Cela signifie que le prestataire n’est pas admissible au bénéfice de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a été placé en congé sans solde. L’employeur du prestataire a dit qu’il a été placé en congé parce qu’il n’a pas respecté sa politique de vaccination contre la COVID-19.

[4] Le prestataire ne conteste pas que cela s’est produit. Mais il dit que son employeur l’a placé en congé involontaire sans solde, ce qui est la même chose qu’une mise à pied, donc il devrait avoir droit aux prestations d’assurance-emploi.

[5] La Commission a accepté le motif de l’employeur pour le congé sans solde. Elle a décidé que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que le prestataire n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi.

Question que je dois examiner en premier

Le prestataire n’a pas envoyé la décision de réexamen de la Commission

[6] Le prestataire doit envoyer au Tribunal une copie de la décision de la Commission avec son avis d’appelNote de bas de page 2. Il ne l’a pas fait. J’ai une copie du dossier de la Commission qui contient cette décision. Je n’ai donc pas besoin que le prestataire m’envoie cette décisionNote de bas de page 3.

Questions en litige

[7] Le prestataire a-t-il volontairement pris congé, a-t-il été suspendu de son emploi ou a-t-il été mis à pied?

[8] A-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

Le prestataire a-t-il volontairement pris congé, a-t-il été suspendu de son emploi ou a-t-il été mis à pied?

[9] Le prestataire a été suspendu de son emploi.

[10] Le congédiement pour inconduite et le départ volontaire sans motif valable sont traités pareillement par la loiNote de bas de page 4. Dans les deux cas, il s’agit d’actions prises par une partie prestataire qui entraînent la perte d’un emploiNote de bas de page 5. La question juridique en jeu dans les deux cas est celle de l’exclusion du bénéfice de prestataires d’assurance-emploi.

[11] Parfois, il n’est pas clair si une partie prestataire est au chômage parce qu’elle a été congédiée ou parce qu’elle a quitté volontairement son emploi. Dans ces cas-là, puisque la question juridique en jeu pour les deux est la même en droit, le Tribunal peut décider des motifs d’exclusion sur la base de la preuveNote de bas de page 6.

[12] Dans ce cas-ci, l’employeur du prestataire a envoyé un relevé d’emploi, lequel indiquait qu’il émettait ce relevé parce que le prestataire avait volontairement pris un congé. Pourtant, la Commission a avisé le prestataire qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations d’assurance-emploi parce qu’il avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[13] Le prestataire a d’abord dit à la Commission qu’il avait été suspendu sans solde. Il dit qu’il ne sait pas pourquoi le relevé d’emploi indique un congé volontaire. Il a envoyé à la Commission une copie d’un courriel qu’il a envoyé à son employeur. Il y dit qu’il n’a pas consenti à un congé et qu’il a plutôt été suspendu. Il demande à l’employeur de corriger le relevé d’emploi.

[14] Dans son avis d’appel, le prestataire a laissé entendre que son employeur l’avait mis à pied. Il a fait référence à l’article 32 de la Loi. Cet article traite des périodes de congé sans justification, quand l’employeur autorise le congé, et l’entente entre l’employeur et le prestataire concernant la reprise du travail.

[15] Le prestataire a également fait référence à l’article 6.6.2 du Guide de la détermination de l’admissibilité de la Commission.On dit que si un employeur impose le congé, c’est considéré comme une mise à pied. Le prestataire soutient que s’il est considéré comme ayant été mis à pied, il ne s’agit pas d’une suspension, donc il a droit aux prestations d’assurance-emploi.

[16] Je ne suis pas d’accord avec l’argument du prestataire selon lequel il devrait être considéré comme mis à pied. L’employeur a indiqué sur le relevé d’emploi du prestataire qu’il émettait ce document en raison d’un congé. Le prestataire ne dit pas, par exemple, qu’il y avait une pénurie de travail à son lieu de travail. Il convient plutôt qu’il a été placé en congé sans solde parce qu’il n’a pas fait ce que son employeur lui a demandé de faire; c’est-à-dire qu’il n’a pas reçu le vaccin contre la COVID-19.

[17] Les déclarations initiales du prestataire montrent qu’il a compris qu’il avait été suspendu de son emploi. Je conclus qu’il a choisi de ne pas faire ce que son employeur lui a demandé de faire, ce qui a amené ce dernier à le placer en congé. J’estime que cela ne revient pas à dire que l’employeur a imposé un congé de façon arbitraire. Je trouve que ni l’article 32 de la Loi ni l’article 6.2.2 du Guide de la détermination de l’admissibilité de la Commission ne s’appliquent.

[18] J’estime que la question de savoir si une partie prestataire a volontairement pris congé d’un emploi ou si son employeur l’a suspendue est similaire à la question de distinguer le fait de quitter volontairement son emploi sans justification et le fait d’être congédié. La différence entre les deux questions est la suivante : la première porte sur l’inadmissibilité, alors que la seconde, comme il a été mentionné ci-dessus, porte sur l’exclusion.

[19] En l’espèce, je conclus que l’employeur du prestataire l’a placé en congé sans solde. L’employeur ne l’a pas fait parce que le prestataire a demandé un congé, mais plutôt en raison de sa conduite. Je ne peux conclure que le prestataire a volontairement pris congé de son emploi; je conclus plutôt que l’employeur du prestataire l’a suspendu.

Le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

[20] Pour répondre à la question de savoir si le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider de deux choses. Premièrement, je dois savoir pourquoi le prestataire a été suspendu de son emploi. Ensuite, je dois examiner si la loi considère que cette raison est une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi?

[21] Je conclus que le prestataire a été suspendu de son emploi parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[22] Le prestataire et la Commission s’entendent sur la raison pour laquelle le prestataire a été suspendu de son emploi. L’employeur a fourni à la Commission des renseignements généraux sur la raison de la cessation d’emploi des employés au moyen d’un bulletin d’information daté du 31 octobre 2021. Il indique que des employés ont été placés en congé sans solde parce qu’ils n’ont pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19.

[23] Le prestataire a dit à la Commission que son employeur l’avait suspendu sans solde à compter du 31 octobre 2021 parce qu’il ne lui avait pas fait part de son statut vaccinal. Il a confirmé à l’audience qu’il avait été placé en congé involontaire à cette date.

[24] Je conclus que le prestataire a été suspendu parce qu’il n’a pas informé son employeur de son statut vaccinal. J’accepte sa preuve comme un fait et je conclus qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

Le motif de la suspension du prestataire constitue-t-il une inconduite au sens de la loi?

[25] Le motif de la suspension du prestataire constitue une inconduite au sens de la loi.

[26] Pour qu’il y ait inconduite en vertu de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, délibérée ou intentionnelleNote de bas de page 7. Il y a aussi inconduite si la conduite est si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 8. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait une mauvaise intention (c’est-à-dire, savoir qu’il faisait quelque chose de mal) pour que son comportement constitue une inconduite en vertu de la loiNote de bas de page 9.

[27] Il y a eu inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit suspenduNote de bas de page 10.

[28] La Commission doit prouver que le prestataire a été suspendu en raison d’inconduite, et ce, selon la prépondérance des probabilités. C’est-à-dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire ait été suspendu en raison d’une inconduiteNote de bas de page 11.

[29] Il ne m’appartient pas de décider si le congédiement (ou, dans ce cas-ci, la suspension) par l’employeur était justifié ou constituait la sanction appropriée. C’est mon rôle de décider si l’action du prestataire est une inconduite en vertu de la loiNote de bas de page 12.

[30] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de l’employeur. Elle tire cette conclusion parce que le prestataire était au courant de la politique, il la comprenait et il savait qu’il pourrait perdre son emploi, mais il a choisi néanmoins de ne pas s’y conformer.

[31] Le prestataire affirme qu’il a cessé de travailler parce qu’il n’avait pas de preuve de vaccination. Il dit avoir envoyé un avis de responsabilité à son employeur au sujet de sa politique de vaccination contre la COVID-19. Il soutient que parce que son employeur n’a pas répondu à cet avis dans un délai de 14 jours, il est exempté de l’obligation de se conformer à la politique de l’employeur.

[32] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Je ne trouve pas que l’avis de responsabilité concernant la procédure médicale fait en sorte que le prestataire est exempté de la politique.

[33] La Commission a inclus une copie de la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur dans son dossier de réexamen. Le bulletin d’information de l’employeur indique que la politique a été communiquée aux employés le 25 août 2021. Par la suite, deux courriels ont été envoyés aux personnes qui n’avaient pas communiqué leur statut vaccinal. Le deuxième courriel indiquait que les employés qui n’avaient pas fourni leur statut vaccinal au plus tard le 31 octobre 2021 seraient placés en congé sans solde.

[34] J’ai demandé au prestataire des détails sur la politique de vaccination contre la COVID-19. Il a confirmé que son employeur l’avait envoyée par courriel. Il a également confirmé qu’il savait que les employés devaient se faire entièrement vacciner, signaler leur statut vaccinal et consigner une preuve de vaccination dans l’outil de déclaration de l’employeur.

[35] Le prestataire a déclaré que son contrat avec son employeur ne comprenait pas de politique de vaccination. Il a dit qu’après avoir pris connaissance de la politique, il voulait obtenir plus d’information sur le vaccin. Il a dit avoir envoyé un courriel à l’employeur, mais que ce dernier l’a ignoré. Il a ajouté que l’employeur envoyait simplement des courriels vagues écartant toutes ses questions.

[36] Je peux comprendre que le prestataire avait des questions au sujet du nouveau vaccin contre la COVID-19. Mais je constate qu’il était au courant de la politique de son employeur et de ce qui l’attendait s’il ne la respectait pas.

[37] La politique de l’employeur prévoit des mesures d’adaptation fondées sur des motifs de discrimination d’ordre médical, religieux ou autres qui empêchent les employés de se faire vacciner. À l’exception de l’avis que le prestataire a envoyé à la Commission, il n’a pas dit qu’il avait demandé à son employeur de lui fournir des mesures d’adaptation d’une des façons décrites ci-dessus. Je conclus donc qu’il a choisi de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19 pour des raisons personnelles.

[38] J’ai posé des questions au prestataire au sujet de l’avis qu’il a envoyé à son employeur. Le prestataire a dit à la Commission que l’avis exigeait que l’employeur réponde dans un délai de 14 jours, sinon on ne pouvait pas le suspendre. Il fait référence à un article de l’avis qui dit que ne pas répondre « confère à l’entente [de l’employeur] toutes les modalités du contrat ».

[39] J’ai demandé au prestataire d’expliquer ce qu’acceptait son employeur s’il ne répondait à l’avis. Le prestataire a lu un article intitulé « Entente et renonciation aux droits ». Il a dit qu’étant donné qu’il n’a pas répondu à l’avis, l’employeur a renoncé à la politique de vaccination.

[40] Le prestataire a expliqué que si son employeur avait répondu à l’avis en disant qu’il (c’est-à-dire l’employeur) était responsable si quelque chose lui arrivait, il aurait dû se conformer à la politique. Comme son employeur n’a pas répondu, le prestataire se demandait qui serait responsable si quelque chose lui arrivait après avoir reçu le vaccin contre la COVID-19.

[41] Le prestataire a dit à la Commission qu’il n’avait pas communiqué avec un avocat au sujet de l’avis. Il a communiqué l’avis à son employeur de son propre chef. Je lui ai posé des questions à ce sujet. Le prestataire a déclaré que l’avis était un gabarit qui lui avait été donné. Il a ajouté qu’un professeur de droit aidait certains des employés où il travaillait.

[42] Je ne suis pas convaincue que l’avis de responsabilité signifie que le prestataire est exempté de la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Même si l’avis est notarié, je ne trouve pas raisonnable de conclure que l’employeur aurait automatiquement acquiescé et qu’il serait lié par l’avis, simplement parce qu’il n’a pas répondu. Le prestataire a reconnu qu’il ne connaît pas très bien la loi puisqu’il n’est pas un professionnel du droit. Et puisqu’il dit qu’il a utilisé un gabarit pour rédiger l’avis, je n’y accorde pas beaucoup d’importance.

[43] Je conclus que la conduite du prestataire, à savoir le non-respect de la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur, était délibérée. Il a fait le choix conscient, délibéré et intentionnel de ne pas se faire vacciner. Il l’a fait en sachant qu’il serait placé en congé sans solde. J’estime que cela signifie qu’il a été suspendu. Pour cette raison, je conclus que la Commission a prouvé qu’il y avait eu inconduite.

Donc, le prestataire a-t-il été suspendu en raison d’une inconduite?

[44] Compte tenu de mes conclusions ci-dessus, je conclus que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

Conclusion

[45] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, le prestataire est inadmissible au bénéfice de prestations d’assurance-emploi.

[46] Cela signifie que l’appel est rejeté.

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