Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation: JP c Commission de l’assurance-emploi du Canada , 2022 TSS 1104

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (464071) rendue le 20 avril 2022 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Bret Edwards
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience :

Le 6 septembre 2022

Personnes présentes à l’audience :

Appelant (prestataire)
Témoin du prestataire

Date de la décision : Le 14 septembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1746

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné la perte de son emploi). En conséquence, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a perdu son emploi. Son employeuse a expliqué qu’il avait été remercié parce qu’il refusait de se conformer à sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[4] Le prestataire convient qu’il a perdu son emploi pour cette raison. Il affirme cependant que son employeuse l’a traité injustement et qu’elle ne lui a pas accordé une exemption religieuse.

[5] La Commission a accepté la raison fournie par l’employeuse pour expliquer le congédiement. Elle a décidé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle a donc conclu qu’il était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[6] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] Pour répondre à la question de savoir si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois vérifier pourquoi le prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[8] Je juge que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il refusait de se conformer à la politique de l’employeuse sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[9] Le prestataire et la Commission sont d’accord sur la raison pour laquelle il a perdu son emploi. Le prestataire convient qu’il a perdu son emploi parce qu’il a refusé de suivre la politique de son employeuse sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19 Note de bas de page 2. Son employeuse confirme que c’est la raison pour laquelle il a perdu son emploiNote de bas de page 3.

La raison du congédiement est-elle une inconduite au sens de la loi?

[10] La raison pour laquelle le prestataire a été congédié est une inconduite au sens de la loi.

[11] Pour être une inconduite au sens de la loi, il faut que la conduite soit délibérée. En d’autres termes, la conduite doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 4. Cela comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 5. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 6.

[12] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeuse et qu’en conséquence, son congédiement était une possibilité bien réelleNote de bas de page 7.

[13] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (qu’il y a plus de chances) que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 8.

[14] Selon la Commission, il y a eu inconduite parce que le prestataire savait qu’il pouvait être congédié pour non-respect de la politique de son employeuse sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19, mais qu’il a décidé de ne pas s’y conformer malgré toutNote de bas de page 9.

[15] Le prestataire convient qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19, mais il fait valoir qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que son employeuse l’a traité injustement et qu’elle a rejeté sa demande d’exemption religieuseNote de bas de page 10.

[16] Je juge que la Commission a prouvé qu’il y avait eu inconduite. Voici pourquoi.

[17] Je juge que le prestataire a posé les gestes qui ont mené à son congédiement, car il convient qu’il a refusé de se conformer à la politique de son employeuse sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[18] Je juge aussi que les faits et gestes du prestataire étaient intentionnels, car il a décidé de façon consciente de ne pas suivre la politique de son employeuse sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[19] Le prestataire invoque une autre décision du Tribunal qui aborde la question d’une politique obligatoire de l’employeur concernant la COVID-19 pour faire valoir que son comportement n’était pas une inconduiteNote de bas de page 11.

[20] Je comprends l’argument du prestataire, mais je ne suis pas lié par les décisions déjà rendues par le Tribunal et je dois trancher chaque affaire en fonction des faits qui sont portés à ma connaissance.

[21] Par ailleurs, je remarque que cette autre décision du Tribunal reposait sur la preuve que l’employeur n’accepterait aucune demande d’exemption pour motifs religieux, même si sa politique précisait que le personnel non vacciné pour des raisons médicales ou religieuses ne ferait pas l’objet de mesures disciplinairesNote de bas de page 12. Je ne dispose d’aucune preuve montrant que l’employeuse du prestataire avait une intention semblable. Par conséquent, je n’accorde pas beaucoup d’importance à cette autre décision.

[22] Le prestataire soutient aussi que les déclarations de son témoin montrent qu’il n’y a pas eu d’inconduite. Son témoin, qui travaillait avec lui, a déclaré que leur employeuse lui avait également refusé une exemption religieuse, mais que la Commission avait approuvé sa demande de prestations d’assurance-emploi.

[23] Je comprends l’argument du prestataire, mais je ne suis pas d’accord pour dire que le témoignage de son collègue démontre l’absence d’inconduite. Je ne suis pas obligé de suivre les décisions rendues par la Commission dans d’autres dossiers d’assurance-emploi. Je ne peux pas non plus faire des suppositions au sujet des renseignements précis sur lesquels la Commission s’est fondée pour prendre ces décisions. Je peux examiner les faits et gestes du prestataire seulement par rapport à ce que la loi dit au sujet de l’inconduite. Par conséquent, je n’accorde pas non plus beaucoup d’importance aux déclarations de son témoin.

[24] Le prestataire a déclaré qu’il avait décidé de ne pas se faire vacciner en raison de ses croyances religieuses. Il a expliqué qu’il est catholique depuis toujours et que la vaccination contre la COVID-19 va à l’encontre de la doctrine catholique.

[25] Le prestataire a ajouté que son employeuse avait refusé de lui accorder une exemption de sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 pour des motifs religieux.

[26] En ce qui concerne sa demande d’exemption religieuse, le prestataire a déposé les documents qu’il a soumis à son employeuse dans le cadre de sa demande. Ils contiennent une lettre rédigée par son prêtreNote de bas de page 13. Il a aussi déposé une lettre datée du 11 novembre 2021 dans laquelle son employeuse écrit que sa demande n’a pas été approuvée parce que les renseignements qu’il a fournis correspondaient à une préférence personnelle et ne répondaient pas aux exigences d’une mesure d’adaptation fondée sur les croyancesNote de bas de page 14. La lettre démontre clairement qu’avant de lui refuser l’exemption, l’employeuse a étudié la demande d’exemption du prestataire ainsi que les documents qu’il lui a présentés.

[27] Je comprends que le prestataire estime que son employeuse l’a traité de façon injuste en instaurant une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 et en lui refusant l’exemption.

[28] Toutefois, je ne peux malheureusement pas décider si la conduite d’une employeuse, y compris ses politiques, est juste ou raisonnable lorsque j’examine la question de l’inconduiteNote de bas de page 15. Je peux me pencher uniquement sur la conduite du prestataire et la comparer à ce que la loi dit au sujet de l’inconduite. Dans cette affaire‑ci, il est évident que le prestataire a décidé de façon consciente de ne pas respecter la politique obligatoire de son employeuse en refusant de se faire vacciner contre la COVID-19.

[29] De plus, je juge que le prestataire savait ou aurait dû savoir que le refus de suivre la politique de son employeuse sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19 pouvait entraîner la perte de son emploi.

[30] Le prestataire a dit à la Commission et a répété durant son témoignage qu’il savait qu’il pouvait se faire congédier s’il ne respectait pas la politique de son employeuse sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19Note de bas de page 16.

[31] Je remarque que son employeuse a mis la politique en place le 7 septembre 2021. Elle exigeait que le personnel soit vacciné contre la COVID-19. La politique précisait que les membres du personnel devaient confirmer leur statut vaccinal au plus tard le 6 octobre 2021 et avoir reçu toutes les doses du vaccin au plus tard le 20 novembre 2021, mais qu’il était possible de demander des mesures d’adaptation aux termes de la politiqueNote de bas de page 17.

[32] Je remarque que la politique prévoyait aussi que le respect de la politique était une condition d’emploi et que son non-respect pouvait entraîner des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiementNote de bas de page 18.

[33] Même si le prestataire a dit à la Commission et au Tribunal qu’il savait qu’il pouvait perdre son emploi s’il ne respectait pas la politique de son employeuse sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19, il a aussi déclaré qu’il n’avait jamais vraiment cru qu’il serait congédié pour cela parce qu’il avait demandé une exemption religieuse et il pensait l’obtenir.

[34] Le prestataire a ajouté que, même après le refus de son employeuse de lui accorder une exemption, il continuait de croire qu’il ne serait pas congédié parce qu’il pensait encore pouvoir trouver un terrain d’entente qui lui permettrait de conserver son emploi.

[35] Je crois le prestataire lorsqu’il dit qu’il pensait pouvoir s’entendre avec son employeuse et garder son emploi même après qu’elle lui a refusé l’exemption. Mais cela ne veut pas dire que le prestataire ne pouvait pas aussi savoir qu’il pouvait se faire congédier après le refus de son employeuse de lui accorder une exemption. Autrement dit, il est tout à fait possible qu’il ait cru ces deux choses en même temps. Il a aussi confirmé qu’il connaissait les conséquences du non‑respect de la politique, comme je l’ai mentionné plus haut.

[36] De plus, des éléments de preuve montrent qu’après avoir rejeté la demande d’exemption le 11 novembre 2021, l’employeuse du prestataire lui a répété qu’il pouvait perdre son emploi pour non-respect de sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[37] Le 17 novembre 2021, l’employeuse a envoyé un courriel à tout le personnel pour lui rappeler que la date limite pour se conformer à la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 était le 20 novembre 2021, à la fin de la journéeNote de bas de page 19.

[38] Le courriel de l’employeuse précise que, dès le 21 novembre 2021, les membres du personnel qui ne respectaient pas la politique seraient en congé sans solde et auraient jusqu’au 30 décembre 2021 pour se conformer à la politique. Il mentionne aussi qu’à compter du 31 décembre 2021, le personnel toujours non vacciné serait congédié pour un motif valable, sauf si une mesure d’adaptation ou une exemption médicale avait été accordéeNote de bas de page 20.

[39] Les dates qui figurent dans la lettre sur le refus d’exemption et la lettre de rappel de la politique (respectivement le 11 novembre 2021 et le 17 novembre 2021) montrent que le prestataire savait que son employeuse ne lui avait pas accordé d’exemption lorsqu’elle a fait parvenir le courriel de rappel aux membres du personnel.

[40] Le courriel de rappel décrit clairement les conséquences du non-respect de la politique de l’employeuse sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19. Comme je l’ai déjà mentionné, cela comprend le congédiement dès le 31 décembre 2021. De plus, rien n’indique que la politique est souple, alors je ne vois pas pourquoi le prestataire a continué de croire que son refus de s’y conformer n’entraînerait pas la perte de son emploi.

[41] Je comprends que le prestataire espérait pouvoir trouver un terrain d’entente avec son employeuse pour conserver son emploi même après qu’elle lui a refusé l’exemption, mais je juge que la preuve montre également qu’il aurait dû savoir qu’il pouvait aussi perdre son emploi.

[42] Par conséquent, je conclus que la conduite du prestataire constitue une inconduite au sens de la loi parce que c’est sa conduite qui a mené à son congédiement (il a refusé de suivre la politique de son employeuse sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19), ses faits et gestes étaient intentionnels et il savait ou aurait dû savoir que sa conduite lui ferait perdre son emploi.

Somme toute, le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[43] Compte tenu des conclusions que je viens de mentionner, je conclus que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[44] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[45] L’appel est donc rejeté.

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