Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1103

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Parties demanderesse  : J. P.
Partie défenderesse  : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 14 septembre 2022 (GE-22-1746 )

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 28 octobre 2022
Numéro de dossier : AD-22-735

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a perdu son emploi. Son employeuse l’a congédié parce qu’il ne respectait pas sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19. Par la suite, il a demandé des prestations d’assurance-emploi. La défenderesse (Commission) a décidé que le prestataire n’avait pas droit aux prestations d’assurance-emploi parce qu’il avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Après avoir fait une révision, la Commission a maintenu sa décision initiale. Le prestataire a porté la décision de révision en appel à la division générale.

[3] La division générale a établi que le prestataire avait été congédié après avoir refusé de suivre la politique de l’employeuse. Elle a décidé qu’il savait ou aurait dû savoir que, dans de telles circonstances, l’employeuse allait probablement le congédier. La division générale a conclu que le non-respect de la politique était la cause du congédiement. Elle a aussi conclu que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[4] Le prestataire demande la permission de porter la décision de la division générale en appel devant la division d’appel. Il soutient que l’employeuse avait tort de lui refuser une exemption pour motifs religieux et qu’il ne va pas s’écarter de sa foi religieuse pour recevoir le vaccin. Il affirme que la politique de l’employeuse ne faisait pas partie de son contrat de travail et contrevient à sa convention collective. Elle viole aussi ses droits de la personne et ses droits constitutionnels. Il fait valoir que l’employeuse n’a même pas essayé de mettre en place des mesures d’adaptation pour lui. Il dit qu’il va en arbitrage pour contester la politique de l’employeuse. Le prestataire soutient que la division générale a fait une erreur de droit lorsqu’elle a interprété la notion d’inconduite.

[5] Je dois décider si le prestataire a invoqué une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[6] Je refuse la permission de faire appel puisque l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[7] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès? 

Analyse

[8] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Il s’agit des erreurs révisables que voici :

  1. 1. La procédure de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a décidé d’une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

 

[9] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. C’est une première étape que le prestataire doit franchir, mais où la barre est moins haute que celle qu’il faut franchir durant l’instruction de l’appel sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. En d’autres termes, il doit démontrer la possibilité de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable pouvant faire que l’appel soit accueilli.

[10] Par conséquent, pour accorder la permission, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés plus haut et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès.

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[11] Le prestataire demande la permission de porter la décision de la division générale en appel devant la division d’appel. Il soutient que l’employeuse avait tort de rejeter sa demande d’exemption pour motifs religieux et qu’il ne s’écartera pas de sa foi religieuse pour recevoir le vaccin. Il affirme que la politique de l’employeuse ne faisait pas partie de son contrat de travail et contrevient à sa convention collective. Elle viole aussi ses droits de la personne et ses droits constitutionnels. Il fait valoir que l’employeuse n’a même pas essayé de mettre en place des mesures d’adaptation pour lui. Il dit qu’il va en arbitrage pour contester la politique de l’employeuse. Le prestataire soutient que la division générale a fait une erreur de droit lorsqu’elle a interprété la notion d’inconduite.

[12] La preuve montre que le prestataire a perdu son emploi. Son employeuse l’a congédié parce qu’il ne respectait pas la politique instaurée au travail. Elle a refusé de l’en exempter pour des raisons religieusesNote de bas de page 1.

[13] La division générale devait décider si le prestataire a été congédié en raison d’une inconduiteNote de bas de page 2.

[14] La notion d’inconduite ne veut pas nécessairement dire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, l’acte reproché doit avoir été délibéré ou, à tout le moins, être d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé d’ignorer les répercussions de ses actes sur son rendement au travail.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction imposée par l’employeuse ni de décider si l’employeuse s’est rendue coupable d’inconduite en congédiant le prestataire de telle manière que son congédiement était injustifié. Son rôle est plutôt de décider si le prestataire était coupable d’inconduite et si l’inconduite a entraîné la perte de son emploiNote de bas de page 3.

[16] La division générale a conclu que le prestataire avait été congédié parce qu’il a refusé de respecter la politique que l’employeuse a mise en place dans son milieu de travail.

[17] L’employeuse a mis en œuvre une politique pour protéger la santé et la sécurité de son personnel, conformément à ses obligations aux termes de la Loi sur la santé et la sécurité au travail. La politique précise que les membres du personnel qui ne la respectent pas peuvent faire l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiementNote de bas de page 4. Le 17 novembre 2021, l’employeuse a envoyé un courriel à tout son personnel. Elle écrit qu’à compter du 31 décembre 2021, les personnes n’ayant toujours pas reçu le vaccin seraient congédiées pour motif valable, sauf si des mesures d’adaptation ou une exemption pour raisons médicales ont été accordéesNote de bas de page 5.

[18] La division générale a conclu qu’on avait informé le prestataire de la politique et qu’on lui avait donné le temps de s’y conformer. L’employeuse ne lui a pas accordé une exemption pour des raisons religieuses. La division générale a jugé que le refus du prestataire était intentionnel. C’était un refus délibéré. C’était la cause directe de son congédiement. La division générale a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner son congédiement.

[19] La division générale a conclu que la preuve prépondérante démontrait que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[20] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeuse est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 6.

[21] Le prestataire soutient que l’employeuse aurait dû accepter sa demande d’exemption de la politique de vaccination en raison de ses croyances religieuses. Il ajoute qu’elle n’a pas mis de mesures d’adaptation en place pour lui, qu’elle a fait preuve de discrimination à son égard et qu’elle a violé ses droits constitutionnels en le forçant à suivre sa politique. Malheureusement pour le prestataire, ces questions relèvent d’une autre autorité. Le Tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que le prestataire demandeNote de bas de page 7.

[22] Comme je l’ai mentionné plus haut, la question soumise à la division générale n’était pas de savoir si l’employeuse s’est rendue coupable d’inconduite quand elle a congédié le prestataire, ce qui aurait rendu le congédiement injuste. La question était plutôt de savoir si le prestataire était coupable d’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et si l’inconduite a entraîné la perte de son emploi.

[23] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que le prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique mise en place en réponse à la situation unique et exceptionnelle engendrée par la pandémie, ce qui a entraîné son congédiement.

[24] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait fait une erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement d’après les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi Note de bas de page 8.

[25] Je suis pleinement conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre autorité, si l’existence d’une violation est établieNote de bas de page 9. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite.

[26] Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire n’a relevé aucune erreur susceptible de révision comme la compétence de la division générale ou le non-respect d’un principe de justice naturelle. En ce qui a trait à l’inconduite, il n’a cerné aucune erreur de droit dont la décision serait entachée ni de conclusion de fait erronée, que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[27] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments que le prestataire a présentés pour appuyer sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[28] La permission de faire appel est refusée. Cela met donc un terme à l’appel.

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