Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : YA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1072

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : Y. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Canada Employment Insurance Commission reconsideration decision (442546) dated January 7, 2022 (issued by Service Canada)

Membre du Tribunal : Catherine Shaw
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 10 mars 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 18 mars 2022
Numéro de dossier : GE-22-217

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi quand il l’a fait (c’est-à-dire qu’il n’avait pas une raison acceptable selon la loi). Son départ n’était pas fondé parce que ce n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[3] Le prestataire a toutefois prouvé qu’il était disponible pour travailler pendant ses études. Pour cette raison, il n’est pas inadmissible aux prestations d’assurance-emploi du 13 septembre 2021 au 3 janvier 2022.

Aperçu

[4] Le prestataire travaillait beaucoup d’heures. Il étudiait à temps partiel, mais devait alléger ses heures de travail pour pouvoir terminer ses études. Il a quitté son emploi début septembre 2021, parce que son employeur refusait de réduire ses heures. Il cherchait alors un emploi à temps plein qui lui permettrait de travailler pendant ses études. Entre-temps, il a demandé des prestations d’assurance-emploi.

[5] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que le prestataire avait quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il avait choisi de démissionner) sans justification. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui verser de prestations. Elle a aussi décidé que le prestataire n’était pas disponible pour travailler pendant qu’il était aux études.

[6] La Commission affirme que le prestataire aurait pu garder son emploi au lieu de le quitter pour étudier. Elle dit qu’il n’était pas disponible pour travailler parce que sa disponibilité se limitait aux heures en dehors de ses obligations d’étudiant.

[7] Le prestataire n’est pas d’accord et déclare qu’il a dû quitter son emploi parce qu’il travaillait trop d’heures et manquait de temps pour étudier. Il cherchait un emploi à temps plein pendant qu’il était aux études. Il est finalement retourné chez son employeur à des heures réduites (mais toujours à temps plein) peu après avoir cessé de travailler.

Question en litige

[8] Le prestataire était-il fondé à quitter volontairement son emploi?

[9] Le prestataire était-il disponible pour travailler du 13 septembre 2021 au 3 janvier 2022?

Analyse

Les parties sont d’accord sur le fait que le prestataire a quitté volontairement son emploi

[10] J’admets que le prestataire a quitté son emploi de façon volontaire. Le prestataire reconnaît qu’il a démissionné le 10 septembre 2021 pour accorder plus de temps à son programme d’études. Je n’ai aucune preuve du contraire.

Ce que veut dire « être fondé à » et « justification »

[11] Les parties ne sont pas d’accord sur la question de savoir si le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi quand il l’a fait.

[12] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé (c’est-à-dire qu’il y avait une justification).

[13] La loi explique ce que veut dire « être fondé à faire quelque chose ». Elle établit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 2.

[14] Le prestataire est responsable de prouver que son départ était fondéNote de bas de page 3. Il doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable. Pour rendre ma décision, je dois examiner toutes les circonstances entourant le départ du prestataire.

Circonstances présentes quand le prestataire a quitté son emploi

[15] Le prestataire a dit qu’il avait quitté son emploi parce qu’il travaillait trop d’heures. Il étudiait à temps partiel, mais devait réduire ses heures de travail pour pouvoir terminer son programme d’études.

[16] Le prestataire occupait un emploi que l’on peut qualifier de saisonnier. Il travaillait de longues heures en haute saison, parfois 60 heures par semaine ou même plus, à raison de 12 à 16 heures par jour. Il aimait gagner de l’argent, mais son emploi ne lui laissait aucun temps libre pour autre chose.

[17] Le prestataire était dans un programme d’études à temps partiel. Il a suivi un cours d’été. Le cours se déroulait en ligne et il pouvait faire les travaux à son propre rythme. Mais avec ses longues heures de travail, il sentait qu’il manquait de temps pour étudier. En septembre 2021, il a donc demandé à son employeur de réduire ses heures de travail. Il allait suivre deux cours ce trimestre-là, les derniers qu’il lui restait avant d’obtenir son diplôme.

[18] Malheureusement, l’employeur lui a répondu qu’il ne pouvait pas réduire ses heures. Il y avait encore beaucoup de travail, car la haute saison n’était pas terminée. Le prestataire savait qu’il ne pourrait pas suivre ses deux derniers cours s’il travaillait à ce rythme. Il a donc quitté son emploi.

[19] Parfois, la Commission (ou un programme que la Commission a approuvé) dirige les gens vers un cours, un programme ou une formation. Une des circonstances dont je dois tenir compte est la question de savoir si la Commission a dirigé le prestataire vers ses cours.

[20] La jurisprudence établit clairement qu’une personne qui quitte son emploi seulement pour suivre ses cours, sans avoir été dirigée vers ceux-ci, n’est pas fondée à démissionnerNote de bas de page 4.

[21] Les parties conviennent que le prestataire n’a pas été dirigé vers ses cours. Ses études étaient la seule circonstance liée à sa décision de démissionner. Par conséquent, cet aspect de la jurisprudence s’applique au prestataire. J’estime donc qu’il n’était pas fondé à quitter son emploi.

[22] Les longues heures de travail ont amené le prestataire à démissionner, mais il était d’accord pour travailler ainsi parce qu’il gagnait un bon salaire. La seule raison pour laquelle il ne voulait plus travailler de longues heures était qu’elles compromettaient ses études. Il ne pouvait pas travailler à ce rythme lorsqu’il suivait ses cours parce qu’il manquait de temps pour étudier.

[23] Je comprends que le prestataire avait peut-être de bonnes raisons de quitter son emploi pour étudier. C’est toutefois un choix personnel, contraire aux principes de base du régime d’assurance-emploiNote de bas de page 5.

Le prestataire était-il disponible pour travailler pendant ses études?

[24] Deux articles de loi différents exigent que la partie prestataire démontre sa disponibilité pour le travail.

[25] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une personne qui demande des prestations doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 6. Le Règlement sur l’assurance-emploi prévoit des critères qui aident à expliquer le sens de « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 7 ».

[26] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit que la partie prestataire doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 8. Selon la jurisprudence, il y a trois éléments que la partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 9.

[27] La Commission a décidé que le prestataire était inadmissible aux prestations parce qu’il n’était pas disponible pour travailler aux termes de ces deux articles de loi.

[28] Je vais maintenant examiner moi-même ces deux articles pour vérifier si le prestataire était disponible pour travailler.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[29] La loi énonce les critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches du prestataire étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 10. Je dois vérifier si ses démarches étaient soutenues et si elles visaient à trouver un emploi convenable. Autrement dit, le prestataire doit avoir continué à chercher un emploi convenable.

[30] Je dois évaluer les démarches du prestataire pour se trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte, commeNote de bas de page 11 :

  • évaluer les possibilités d’emploi;
  • rédiger un curriculum vitæ (CV) ou une lettre de présentation;
  • présenter des demandes d’emploi.

[31] La Commission affirme que les démarches du prestataire n’étaient pas suffisantes pour trouver un emploi. Elle s’appuie sur la déclaration du prestataire selon laquelle il ne cherchait pas d’emploi avant d’être diplômé, soit le 4 janvier 2022.

[32] Le prestataire n’est pas d’accord. Il cherchait activement un emploi à temps plein à partir du moment où il a arrêté de travailler, le 10 septembre 2021. Il a mis à jour son CV et a postulé des emplois en construction et en restauration. Il a aussi fait du réseautage avec ses amis pour parler de possibilités d’emploi. Après plusieurs semaines sans travail, il est retourné à son ancien emploi à des heures réduites (mais toujours à temps plein). Lorsqu’il a terminé ses études le 4 décembre 2021, il a commencé à chercher des emplois en programmation informatique parce qu’il était maintenant suffisamment qualifié.

[33] Le prestataire a dit à la Commission qu’il a commencé à chercher des emplois en programmation informatique dès qu’il a terminé ses études début décembre 2021, mais qu’il a obtenu son diplôme seulement le 4 janvier 2022.

[34] La Commission a fourni ses notes de la conversation qu’elle a eue avec le prestataire. Elles ne concordent pas avec le témoignage du prestataire. Lorsqu’il y a des éléments de preuve contradictoires, je dois décider quelle version des faits est la plus probableNote de bas de page 12. Je dois me pencher sur l’ensemble de la preuve et prendre une décision selon la prépondérance des probabilitésNote de bas de page 13. Je me pose la question : quel renseignement est le plus susceptible d’être vrai?

[35] Je reconnais que les comptes rendus de conversations de la Commission ne sont pas des transcriptions et qu’ils peuvent donc ne pas faire état exactement de tout ce qui a été discuté. Le prestataire a livré un témoignage ouvert et direct à l’audience. J’ai pu vérifier ses éléments de preuve en lui posant des questions, et il a répondu de façon directe. Pour cette raison, je préfère m’appuyer sur le témoignage du prestataire en cas de contradiction avec les notes de la Commission sur leurs conversations.

[36] Le prestataire a prouvé qu’il faisait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable. Les efforts qu’il a déployés pour mettre à jour son CV, postuler des emplois et faire du réseautage montrent qu’il faisait des démarches raisonnables et soutenues pour trouver un emploi convenable.

Capable de travailler et disponible pour le faire

[37] La jurisprudence établit trois éléments que je dois prendre en considération pour rendre ma décision. Le prestataire doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 14 :

  • Il voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable lui serait offert.
  • Il a fait des démarches pour trouver un emploi convenable.
  • Il n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire beaucoup trop) ses chances de retourner travailler.

[38] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois tenir compte de l’attitude et de la conduite du prestataireNote de bas de page 15.

Vouloir retourner travailler

[39] Le prestataire a montré qu’il voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable lui serait offert.

[40] Le prestataire travaillait. Il a quitté son emploi le 10 septembre 2021 parce que ses longues heures de travail l’empêchaient de respecter ses obligations d’étudiant. Cependant, le prestataire s’est immédiatement mis à la recherche d’un travail à temps plein. Il a postulé plusieurs emplois au cours des deux semaines suivantes. Il a finalement accepté une offre de son ex-employeur qui l’invitait à retourner à son poste à des heures réduites (mais toujours à temps plein). À la fin de la haute saison, quand il a été mis à pied, il a commencé à chercher des emplois à temps plein en programmation informatique. Ces emplois correspondaient à ses compétences, alors qu’il avait terminé ses études le 4 décembre 2021.

[41] Le fait que le prestataire a quitté son emploi en raison de ses obligations d’étudiant ne montre pas qu’il voulait retourner travailler. Toutefois, je trouve que sa recherche d’emplois à temps plein immédiatement après sa démission démontre une attitude et une conduite satisfaisantes. J’estime que le prestataire a prouvé qu’il voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable lui serait offert du 13 septembre 2021 au 3 janvier 2022.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[42] Le prestataire a fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable.

[43] Le prestataire avait un CV à jour, a parlé avec ses amis de possibilités d’emploi et a postulé des emplois en construction et en restauration. Après avoir terminé ses études début décembre, il a commencé à chercher des emplois en programmation informatique qui correspondaient à ses compétences.

[44] Les démarches du prestataire sont suffisantes pour montrer qu’il cherchait un emploi convenable à occuper aussitôt que possible, puisqu’elles visaient à trouver un emploi à temps plein correspondant à ses compétences et à son expérience.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[45] Le prestataire n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner travailler.

[46] La Commission soutient que le prestataire a établi une condition personnelle parce qu’il était disposé à accepter seulement un emploi adapté à son horaire de cours.

[47] Le prestataire n’est pas d’accord et affirme qu’il n’avait pas un horaire de cours fixe. Il assistait à un séminaire et à une réunion pour un projet de groupe les mercredis. Mais le séminaire n’était pas obligatoire. S’il avait trouvé un emploi qui l’empêchait d’assister à sa réunion, il aurait pu facilement changer la date et l’heure de celle-ci.

[48] Le prestataire cherchait un travail à temps plein. Il a quitté son emploi début septembre parce que ses heures de travail dépassaient un horaire à temps plein. Il a témoigné qu’il était capable de travailler à temps plein même avec ses cours. Le retour à son emploi à temps plein fin septembre 2021 confirme qu’il en était capable.

[49] Je comprends que l’horaire de cours du prestataire était souple et qu’il était disponible pour travailler à temps plein pendant ses études. Je conclus donc que ses obligations d’étudiant ne constituaient pas une condition personnelle qui aurait pu limiter indûment ses chances de retourner travailler.

Alors, le prestataire était-il capable de travailler et disponible pour le faire?

[50] Selon mes conclusions sur les trois éléments examinés, je suis d’avis que le prestataire a démontré qu’il était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[51] Je conclus que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification. Par conséquent, son appel sur cette question est rejeté.

[52] Cependant, il n’est pas inadmissible aux prestations d’assurance-emploi du 13 septembre 2021 au 3 janvier 2022 parce qu’il a démontré qu’il était disponible pour travailler. C’est pourquoi j’accueille son appel sur cette question.

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