Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1127

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Prestataire : L. A.
Représentant : M. A.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (466551) datée du 28 avril 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Bret Edwards
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 30 août 2022
Personnes présentes à l’audience :

Prestataire
Représentant

Date de la décision : Le 8 septembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1766

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a posé un geste qui a entraîné la perte de son emploi). Par conséquent, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire a perdu son emploi. Son employeur a dit qu’elle a été licenciée parce qu’elle avait refusé de se conformer à sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[4] La prestataire admet avoir perdu son emploi pour cette raison. Elle affirme toutefois que son employeur l’a traitée injustement et a refusé de prendre en compte sa demande d’exemption de la politique.

[5] La Commission a accepté le motif de congédiement de l’employeur. Elle a décidé que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Questions que je dois examiner en premier

La prestataire a envoyé une demande d’ajournement avant l’audience

[6] La prestataire a envoyé une demande d’ajournement la veille de l’audience. Elle en a fait la demande parce qu’elle a affirmé que son employeur est en voie de modifier la raison pour laquelle il a émis son relevé d’emploi (RE) au congédiement sans motifNote de bas de page 2.

[7] J’ai rejeté la demande d’ajournement parce que la prestataire n’a pas fourni de raisons convaincantes pour lesquelles une éventuelle modification de son RE nécessite expressément un ajournement. J’ai également affirmé qu’il était important de procéder à l’audience en tenant compte de ces nouveaux renseignements parce que la prestataire aurait ainsi l’occasion de dire pourquoi le RE peut être modifié et qu’elle croit que cela appuie son argument selon lequel elle n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 3. L’audience a donc eu lieu à la date prévue.

J’accepterai les documents envoyés après l’audience

[8] J’ai accordé du temps à la prestataire après l’audience pour qu’elle envoie des documents supplémentaires concernant ses communications avec son employeur au sujet de sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19. La prestataire a présenté des documents à ce sujetNote de bas de page 4. J’ai accepté ces documents comme éléments de preuve, car ils se sont finalement révélés pertinents à la question de l’inconduite.

Question en litige

[9] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[10] Pour répondre à la question de savoir si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois trancher deux éléments. Premièrement, je dois établir pourquoi la prestataire a perdu son emploi. Je dois ensuite décider si cette raison constitue une inconduite selon la loi.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[11] Je conclus que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle a refusé de se conformer à la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[12] La prestataire et la Commission s’entendent sur la raison pour laquelle la prestataire a perdu son emploi. La prestataire admet qu’elle a perdu son emploi parce qu’elle a refusé de se conformer à la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19Note de bas de page 5. Son employeur affirme aussi qu’elle a perdu son emploi pour cette raisonNote de bas de page 6.

La raison du congédiement de la prestataire constitue-t-elle une inconduite au sens de la loi?

[13] La raison du congédiement de la prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[14] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 7. L’inconduite doit être une conduite à ce point insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 8. Il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 9.

[15] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit congédiéeNote de bas de page 10.

[16] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 11.

[17] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que la prestataire était au courant de la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID‑19 et savait qu’elle pouvait être congédiée si elle ne la respectait pas, mais a décidé de ne pas s’y conformer malgré toutNote de bas de page 12.

[18] La prestataire admet qu’elle n’a pas respecté la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19, mais affirme qu’il n’y a pas d’inconduite parce que son employeur l’a traitée injustement et n’a pas tenu compte de sa demande d’exemption à sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19Note de bas de page 13.

[19] La prestataire affirme également que la récente décision de son employeur de modifier son RE pour qu’il indique un congédiement sans motif démontre qu’elle n’a pas commis d’inconduiteNote de bas de page 14.

[20] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les motifs suivants.

[21] Je conclus que la prestataire a posé les gestes qui ont mené à son congédiement, car elle admet qu’elle a refusé de se conformer à la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[22] Je conclus en outre que les gestes de la prestataire étaient intentionnels, car elle a pris la décision consciente de ne pas se conformer à la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[23] La prestataire a déclaré qu’elle avait décidé de ne pas se faire vacciner pour des raisons personnelles après avoir consulté sa famille et avoir évalué les risques liés au vaccin contre la COVID-19. Elle a ajouté qu’elle avait fait tout ce que son employeur lui avait demandé concernant les protocoles liés à la COVID-19, comme le port du masque, l’éloignement physique et l’interdiction de manger dans les locaux de l’école, mais qu’elle ne s’était pas fait vacciner.

[24] La prestataire a également témoigné que son employeur avait tenté de la forcer elle ainsi que d’autres personnes à se faire vacciner et avait refusé sa demande d’exemption de la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[25] En ce qui concerne sa demande d’exemption, la prestataire produit un affidavit signé intitulé [traduction] « Déclaration de conscience et de croyance religieuse », daté du 19 août 2021Note de bas de page 15. Elle a affirmé que son employeur lui a refusé une exemption après qu’elle lui a envoyé ce document.

[26] La prestataire a également déclaré qu’elle avait montré ce document à son avocat, qui lui avait dit que ce n’était pas suffisant pour qu’une demande d’exemption soit acceptée conformément à la loi. Elle a également produit une lettre de son employeur, datée du 19 octobre 2021, qui dit qu’elle n’avait pas fourni une exemption acceptable conformément aux lignes directricesNote de bas de page 16.

[27] Je comprends que la prestataire estime que son employeur l’a traitée injustement en instaurant une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 et en ne lui accordant pas d’exemption.

[28] Malheureusement, je ne peux pas décider si la conduite d’un employeur, y compris ses politiques, est juste ou raisonnable lorsque j’examine la question de l’inconduiteNote de bas de page 17. Je ne peux examiner que les gestes de la prestataire compte tenu de ce que prévoit la loi au sujet de l’inconduite. Il est clair en l’espèce que la prestataire a pris la décision consciente de ne pas se conformer à la politique obligatoire de son employeur sur la COVID-19 en refusant de se faire vacciner.

[29] La prestataire a également témoigné que l’éventuelle modification de la raison de son RE pour qu’il indique un congédiement sans motif démontre qu’elle n’a pas commis d’inconduite. Elle a fourni une lettre de son employeur, datée du 29 août 2022, qui indique qu’elle n’a pas été relevée de ses fonctions pour un motif valableNote de bas de page 18.

[30] La prestataire a déclaré qu’elle ne sait pas pourquoi son employeur semble avoir changé de position sur cette question. La prestataire n’a pas non plus de renseignements de la part de son employeur au sujet de cette modification, à l’exception du bref énoncé dans la lettre, comme je l’ai déjà mentionné.

[31] Je comprends que la prestataire croit que cet élément de preuve démontre qu’elle n’a pas commis d’inconduite. Je ne suis pas d’accord.

[32] Il ne m’appartient pas de déterminer si un congédiement injuste ou abusif a eu lieu pour décider si la prestataire a commis une inconduiteNote de bas de page 19. Il ne m’appartient pas non plus de décider si la sanction imposée par l’employeur à la prestataire était trop sévère ou inappropriéeNote de bas de page 20. Je peux donc examiner le RE uniquement en ce qui concerne la question de savoir si la prestataire a commis une inconduite au sens de la loi.

[33] En l’espèce, je n’ai reçu aucun renseignement de la part de la prestataire sur la raison précise de l’éventuelle modification du RE.

[34] Par ailleurs, la preuve établit clairement que la prestataire a refusé de se conformer à la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19 et qu’elle a été congédiée pour cette raison, comme je l’ai mentionné précédemment.

[35] Par conséquent, je ne suis pas d’accord avec la prestataire pour dire qu’une éventuelle modification de son RE démontre qu’elle n’a pas commis d’inconduite.

[36] Je conclus également que la prestataire savait ou aurait dû savoir que le refus de se conformer à la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19 pourrait entraîner la perte de son emploi.

[37] La prestataire a témoigné que son employeur ne lui a jamais dit qu’elle pourrait être congédiée pour avoir refusé de se conformer à sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19. Elle a déclaré que la politique décrivait simplement la nouvelle obligation et qu’elle ne traitait pas expressément de la possibilité de congédiement pour les personnes qui refusaient de s’y conformer.

[38] La prestataire a également affirmé qu’elle ne pensait pas pouvoir être congédiée pour avoir refusé de se conformer à la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19 parce qu’elle était une employée modèle qui avait travaillé pour celui-ci pendant plus d’une décennie et qu’elle pensait donc pouvoir trouver une autre solution avec son employeur qui lui permettrait de conserver son emploi.

[39] Je remarque que l’employeur de la prestataire affirme que les employeurs ont été informés de la nécessité de se conformer à sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 afin de conserver leur emploiNote de bas de page 21.

[40] L’employeur de la prestataire a dit à la Commission qu’il avait envoyé un courriel à tous les employés au sujet de la politique de vaccination le ou vers le 5 septembre 2021Note de bas de page 22. La prestataire a dit à la Commission qu’elle avait reçu ce courriel et l’a répété dans son témoignageNote de bas de page 23.

[41] L’employeur de la prestataire a dit à la Commission que tous les employés avaient été informés que s’ils ne se faisaient pas vacciner, d’autres mesures seraient prisesNote de bas de page 24. L’employeur de la prestataire a également dit à la Commission qu’il avait appelé la prestataire pour l’encourager à se faire vacciner et qu’il devrait la laisser partir si elle ne se conformait pas à la politiqueNote de bas de page 25.

[42] L’employeur de la prestataire a également dit à la Commission que la prestataire avait affirmé qu’elle ne pouvait pas se conformer à la nouvelle politique et qu’elle avait été mise en congé sans solde le 22 octobre 2021. Elle a ensuite été congédiée le 8 novembre 2021 par courrielNote de bas de page 26.

[43] La prestataire a témoigné que le compte rendu fait par son employeur de leur conversation individuelle n’était pas tout à fait exact. Elle a déclaré que la conversation avait eu lieu en personne et non par téléphone, et qu’elle ne se souvenait pas avoir été informée qu’elle serait congédiée si elle ne se conformait pas à la politique.

[44] Toutefois, la prestataire a fourni d’autres éléments de preuve à la Commission, notamment des observations au sujet d’une poursuite contre son employeur. Selon ces observations, son employeur lui aurait dit qu’il modifiait les conditions d’emploi afin de l’obliger à se faire vacciner contre la COVID-19 [traduction] « pour pouvoir continuer à travaillerNote de bas de page 27 ».

[45] J’ai demandé à la prestataire si cet énoncé signifiait qu’elle savait qu’elle risquait d’être congédiée si elle refusait de se conformer à la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19. Elle a répondu que cela signifiait simplement qu’elle était largement consciente des conséquences possibles du non-respect et a réitéré son argument selon lequel elle n’aurait jamais pensé être congédiée parce qu’elle était une employée modèle. 

[46] Je crois la prestataire lorsqu’elle dit qu’elle pensait pouvoir trouver avec son employeur une solution qui lui permettrait de conserver son emploi. Mais cela ne signifie pas que la prestataire pouvait encore ne pas savoir qu’elle risquait d’être congédiée si elle refusait de se conformer à la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19. Autrement dit, il lui était tout à fait possible de croire ces deux choses en même temps.

[47] Je conclus que la déclaration de la prestataire dans ses observations au sujet de la poursuite ([traduction] « pour pouvoir continuer à travailler ») démontre qu’elle savait qu’elle risquait de perdre son emploi pour avoir refusé de se conformer à la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[48] De plus, les observations de la prestataire après l’audience font état d’une autre occasion où l’employeur de la prestataire lui a dit qu’elle pourrait perdre son emploi pour ne pas s’être conformée à sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID‑19. Dans une lettre datée du 19 octobre 2021, l’employeur de la prestataire affirme que la décision de celle-ci de ne pas se conformer à sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 [traduction] « entraîne des conséquences » et [traduction] « vous empêche de remplir les conditions de votre emploiNote de bas de page 28 ». Je remarque que l’employeur de la prestataire a envoyé cette lettre avant que la prestataire soit mise en congé sans solde.

[49] Je conclus donc que la conduite de la prestataire constitue une inconduite au sens de la loi puisqu’elle a adopté la conduite qui a mené à son congédiement (elle a refusé de se conformer à la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19), que ses gestes étaient intentionnels et qu’elle savait ou aurait dû savoir que ses gestes mèneraient à son congédiement. 

Donc, la prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[50] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées précédemment, je suis d’avis que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Autres éléments à prendre en compte

[51] La Commission propose de modifier sa décision initiale. Elle propose que l’inadmissibilité pour suspension en raison d’une inconduite soit imposée du 25 octobre 2021 au 5 novembre 2021 et que l’exclusion pour congédiement en raison d’une inconduite soit imposée à compter du 7 novembre 2021Note de bas de page 29.

[52] La Commission soutient que même si la prestataire a été mise en congé sans solde pour ne pas s’être conformée à la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19 le 22 octobre 2021 et que son employeur y a fait référence comme étant un congé, cela représente en fait une suspension de son emploi parce qu’il s’agit d’une initiative de l’employeurNote de bas de page 30.

[53] Je suis d’accord avec la Commission. Rien n’indique que la prestataire a pris un congé de sa propre initiative à compter du 22 octobre 2021 ou que son départ à cette date était lié à autre chose que son refus de se conformer à la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[54] Je conclus donc que la prestataire a été suspendue de son emploi à compter du 22 octobre 2021 jusqu’à ce qu’elle soit congédiée, comme le propose la Commission.

Conclusion

[55] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[56] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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