Assurance-emploi (AE)

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Citation : AP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1409

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Partie demanderesse : A. P.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 3 novembre 2022 (GE-22-1468)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 5 décembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-850

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) travaille à titre d’agent de contrôle pour une entreprise de sécurité dans les aéroports. L’employeur a mis en place une politique de vaccination (politique) dans le cadre de la pandémie de la COVID-19. Le 14 novembre 2021, il a été suspendu parce qu’il a refusé de se conformer à la politique adoptée par l’employeur.

[3] La défenderesse (Commission) a déterminé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison de son inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Le prestataire a demandé la révision de la décision. La Commission a maintenu sa décision initiale. Le prestataire a interjeté appel devant la division générale.

[4] La division générale a déterminé que le prestataire a refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Il n’a pas obtenu d’exemption de son employeur. Elle a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que l'employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances et que son refus était volontaire, conscient et délibéré. La division générale a conclu que le prestataire a été suspendu en raison de son inconduite.

[5] Le prestataire demande à la division d’appel la permission d’en appeler de la décision de la division générale. Il fait valoir qu’il n’a pas commis d’inconduite au sens de la loi. Il fait valoir que la division générale n’a pas tranché des questions qu’elle aurait dû trancher.

[6] Je dois décider si on peut soutenir que la division générale a commis une erreur révisable qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[7] Je refuse la permission d’en appeler puisqu’aucun des moyens d’appel soulevés par le prestataire ne confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Est-ce que le prestataire soulève, dans ses moyens d’appel, une erreur révisable qu’aurait commise la division générale et qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, spécifie les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont que :

  1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable   d’une certaine façon.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû   trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question sans pouvoir de le faire.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait    importante.
  4. La division générale a commis une erreur de droit dans sa décision.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond de l'affaire. C'est une première étape que le prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui auquel il devra rencontrer à l'audience de l'appel sur le fond. À l’étape de la demande permission d’en appeler, le prestataire n’a pas à prouver sa thèse mais, il doit établir que son appel a une chance raisonnable de succès. En d’autres mots, il doit établir que l’on peut soutenir qu’il y a eu erreur révisable sur laquelle l’appel peut réussir.

[11] La permission d’en appeler sera en effet accordée si je suis convaincu qu’au moins l’un des moyens d’appel soulevé par le prestataire confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Est-ce que le prestataire soulève, dans ses moyens d’appel, une erreur révisable qu’aurait commise la division générale et qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès?

[12] Au soutien de sa demande pour permission d’en appeler, le prestataire soutient que :

  • Le fait de refuser un vaccin expérimental ne constitue pas de l’inconduite au sens de la loi;
  • L’efficacité des vaccins contre la COVID-19 n’a jamais été démontrée. De plus, ils n’empêchent aucunement la transmission;
  • La politique vaccinale de l’employeur constitue une extorsion du consentement à un acte médical pour forcer le prestataire à se faire vacciner. Cette pression sur le prestataire ne peut permettre un consentement valide;
  • L’employeur a agi contrairement à la loi et à la convention    collective, et n’a offert aucune mesure d’accommodement au    prestataire;
  • Lorsqu’un employeur abuse de son droit de gérance avec une politique qui est illégale, le prestataire ne peut pas se faire accuser d’inconduite pour avoir refusé de la suivre;
  • La politique de vaccination obligatoire de l’employeur contrevient à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne;
  • L’imposition d’un traitement médical met en cause les droits constitutionnels du prestataire;
  • La division générale a ignoré le fait que l’employeur a agi illégalement et a modifié unilatéralement son contrat d’emploi et la convention collective.

[13] La division générale devait décider si le prestataire a été suspendu en raison de son inconduite.

[14] La notion d’inconduite ne prévoit pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendue coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de sorte que sa suspension serait injustifiée, mais bien de savoir si le prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension.

[16] La division générale a déterminé que le prestataire a été suspendu parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de l’employeur en réponse à la pandémie. Le prestataire a été informé de la politique mise en place par l’employeur pour préserver la santé et la sécurité de tout le personnel et a eu le temps de s’y conformer. La division générale a déterminé que le prestataire a volontairement refusé de suivre la politique et qu’il n’a pas obtenu une exemption médicale ou pour des motifs religieux. C’est ce qui a directement entraîné sa suspension. La division générale a déterminé que le prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pourrait mener à sa suspension.

[17] La division générale a conclu de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[18] Il est bien établi que le non-respect délibéré de la politique d’un employeur est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) .Note de bas de page 1

[19] Il n’est pas vraiment contesté qu'un employeur a l'obligation légale de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés sur leur lieu de travail.

[20] Il n’appartenait pas à la division générale de trancher les questions concernant l’efficacité du vaccin ou le caractère raisonnable de la politique de l’employeur. En d'autres termes, le Tribunal n'a pas l'expertise ou la compétence pour décider si les mesures imposées par l'employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[21] Le prestataire soutient que l'employeur a refusé de suivre la convention collective, a refusé de l’accommoder, et qu’il a enfreint ses droits fondamentaux et ses droits constitutionnels. Ces questions relèvent d'un autre forum. Ce Tribunal n'est pas le forum approprié par lequel le prestataire peut obtenir la réparation qu'il demande.Note de bas de page 2

[22] Dans la récente affaire Paradis, le prestataire a demandé le contrôle judiciaire d’une décision de la division d’appel du Tribunal. Il a fait valoir que la politique de l’employeur en matière de drogues et d’alcool contrevenait à l’Alberta Human Rights Act.

[23] La Cour fédérale a décidé qu’il en revenait à une autre instance de régler cette question. Elle a souligné qu’il existe d’autres recours disponibles pour sanctionner le comportement d'un employeur que par le truchement du programme d’assurance-emploi.Note de bas de page 3

[24] La preuve prépondérante démontre que la politique de l'employeur s'appliquait au prestataire. Il a refusé de se conformer à la politique. Il savait ou aurait dû savoir que l'employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances et son refus était volontaire, conscient et délibéré.

[25] Le prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l'employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie et cela a entraîné sa suspension.

[26] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu'elle a tranché la question de l'inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d'appel fédérale, qui a défini l'inconduite en vertu de la Loi sur l'AE.Note de bas de page 4

[27] Je suis pleinement conscient que la prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établie.Note de bas de page 5 Cela ne change rien au fait qu'en vertu de la Loi sur l'AE, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été suspendu en raison de son inconduite.

[28] Après examen du dossier d’appel, de la décision de la division générale et des arguments au soutien de la demande de permission d’en appeler, je suis d’avis que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Le prestataire ne soulève aucune question dont la réponse pourrait mener à l’annulation de la décision contestée.

Conclusion

[29] La permission d’en appeler est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

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