Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : HM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1181

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : H. M.
Représentante ou représentant : S. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (483222) datée du 10 juin 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Audrey Mitchell
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 27 septembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 11 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2344

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La prestataire n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations. Un motif valable est une raison acceptable selon la loi pour expliquer le retard. Cela signifie que la demande de la prestataire ne peut pas être traitée comme ayant été présentée plustôtNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi le 21 octobre 2021. Elle demande maintenant que la demande soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 9 mai 2021. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a déjà rejeté cette demande.

[4] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle avait un motif valable de ne pas demander des prestations plus tôt.

[5] La Commission dit que la prestataire n’avait pas de motif valable parce qu’elle n’a pas fait de démarches pour se renseigner sur la possibilité de demander des prestations dès qu’elle a quitté son emploi en mai 2021.

[6] La prestataire n’est pas d’accord et dit qu’elle a attendu pour demander des prestations afin de pouvoir demander des prestations de maternité et des prestations parentales de l’assurance-emploi. Malheureusement, elle a fait une fausse couche et a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

Question que je dois examiner en premier

La prestataire n’a pas envoyé la décision de révision de la Commission

[7] La prestataire devait envoyer au Tribunal une copie de la décision de la Commission avec son avisd’appelNote de bas de page 2, mais elle ne l’a pas fait. J’ai une copie du dossier de la Commission qui contient cette décision. Je n’ai donc pas besoin que la prestatairel’envoieNote de bas de page 3.

Le représentant de la prestataire n’a pas assisté à l’audience

[8] La prestataire a mentionné dans son avis d’appel que son époux serait son représentant. Il s’est adressé à la Commission après sa décision initiale en raison de la barrière linguistique de la prestataire.

[9] La prestataire a comparu seule lors de l’audience. Un interprète était présent. J’ai demandé à la prestataire si son époux assisterait à l’audience. Elle a répondu qu’il était au travail. La prestataire a déclaré que son époux lui avait expliqué ce à quoi elle devait s’attendre à l’audience et qu’elle voulait donc procéder sans lui. L’audience s’est déroulée comme prévu.

[10] En raison de sa barrière linguistique, la prestataire n’avait pas lu les documents figurant dans son dossier d’appel. Je lui ai donné jusqu’au 30 septembre 2022 pour parler à son époux après l’audience, examiner les documents avec lui et envoyer tout commentaire supplémentaire au Tribunal.  

Question en litige

[11] La demande de la prestataire peut-elle être traitée comme si elle avait été présentée le 9 mai 2021? C’est ce qu’on appelle « antidater » la demande.

[12] Dans l’affirmative, la prestataire est-elle admissible à des prestations à la date antérieure?

Analyse

[13] Pour que sa demande de prestations soit antidatée, une personne doit prouver les deux chosessuivantesNote de bas de page 4 :

  1. a)  qu’elle avait un motif valable justifiant son retard durant toute la période écoulée. Autrement dit, qu’elle avait une explication acceptable selon la loi;
  2. b)  qu’à la date antérieure (c’est-à-dire la date à laquelle elle veut que sa demande initiale soit antidatée), elle remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations.

[14] Les arguments principaux dans cette affaire servent à décider si la prestataire avait un motif valable. C’est donc par cela que je commencerai.

[15] Pour démontrer qu’elle avait un motif valable, la prestataire doit prouver qu’elle a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstancessemblablesNote de bas de page 5. Autrement dit, elle doit démontrer qu’elle a agi comme une personne raisonnable et réfléchie aurait agi dans une situation semblable.

[16] La prestataire doit démontrer qu’elle a agi de la sorte pendant toute la période duretardNote de bas de page 6. Cette période s’étend du jour où elle veut que sa demande soit antidatée au jour où elle a présenté cette demande. Dans le cas de la prestataire, la période de retard est donc du 9 mai 2021 au 21 octobre 2021.

[17] La prestataire doit aussi prouver qu’elle a pris des mesures raisonnablement rapides pour comprendre son admissibilité aux prestations et ses obligations au titre de laloiNote de bas de page 7. Cela veut dire que la prestataire a démontré qu’elle a fait de son mieux pour essayer de s’informer sur ses droits et ses responsabilités dès que possible. Si la prestataire n’a pas pris ces mesures, elle doit démontrer qu’il y avait des circonstances exceptionnelles qui expliquent pourquoi elle ne l’a pasfaitNote de bas de page 8.

[18] La prestataire doit prouver cela selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle avait un motif valable justifiant son retard.

[19] La prestataire affirme qu’elle avait un motif valable pour le retard parce qu’elle avait l’intention de demander des prestations de maternité et des prestations parentales de l’assurance-emploi plus tard dans l’année, mais elle a fait une fausse couche.

[20] La Commission dit que la prestataire n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable pour le retard parce qu’elle n’a pas fait de démarches pour se renseigner au sujet des demandes de prestations dès qu’elle a quitté son emploi.

[21] J’estime que la prestataire n’a pas prouvé qu’elle avait un motif valable pour le retard de sa demande de prestations. Je juge que pendant une partie de la période, la prestataire n’a pas fait suffisamment de démarches pour s’informer de ses droits et obligations concernant les prestations d’assurance-emploi.    

[22] La prestataire a quitté son emploi le 8 mai 2021. Mais, elle a seulement demandé des prestations régulières d’assurance-emploi le 21 octobre 2021. Elle a appelé la Commission pour antidater sa demande au 9 mai 2021. Elle a dit à la Commission qu’elle avait commencé à chercher du travail après avoir quitté son emploi, mais qu’elle ne pensait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi. La Commission a décidé que le prestataire n’avait pas de motif valable pour le retard de sa demande de prestations régulières d’assurance-emploi.

[23] La Commission a révisé sa décision initiale. Sa représentante s’est adressée à l’époux de la prestataire en raison de la barrière linguistique de celle-ci. Ce dernier a déclaré que la prestataire était enceinte, mais qu’elle avait fait une fausse couche. Il a ajouté qu’on leur avait dit que s’ils commençaient à demander des prestations régulières plus tôt, ils ne recevraient pas le montant total de prestations de maternité et de prestations parentales.

[24] La prestataire a témoigné lors de l’audience avec l’aide d’un interprète. Elle a expliqué qu’elle avait quitté son emploi parce qu’elle prévoyait une grossesse et que la charge de travail était trop lourde. Elle a dit qu’elle pensait trouver un autre emploi dans les deux semaines suivantes, mais cela ne s’est pas produit. La prestataire a dit qu’elle a appelé la Commission et a demandé comment faire une demande. Elle a dit à l’agent pourquoi elle a quitté son emploi. La prestataire a déclaré que l’agent lui avait dit qu’elle pouvait obtenir 52 semaines de prestations et trois mois supplémentaires de prestations pour la période qui s’était écoulée depuis qu’elle avait cessé de travailler.

[25] Les déclarations que la prestataire et son époux ont faites à la Commission sont quelque peu différentes de son témoignage lors de l’audience. Comme elle s’est adressée à la Commission pour la première fois sans recourir à un interprète, j’accorde moins de poids à ces déclarations qu’à son témoignage sous serment par l’intermédiaire d’un interprète. 

[26] De même, j’accorde moins de poids aux déclarations de son époux. Je ne trouve pas que les notes de la Commission montrent clairement qui faisait les déclarations. Par exemple, les notes disent que la prestataire a donné la permission à son époux de parler parce que son anglais n’est pas bon. Cependant, la phrase suivante commence par : « La prestataire déclare [...] ».

[27] Compte tenu de ce qui précède, je préfère le témoignage de la prestataire. Selon les notes de la Commission, la prestataire a mal compris qu’elle devait faire une demande de prestations après un jour ou une semaine. Mais il se peut que ce soit son mari qui ait dit cela. La note poursuit en disant qu’ils ont appelé en octobre et ont appris qu’ils pouvaient faire une demande. 

[28] J’ai demandé à la prestataire quand elle avait appelé Service Canada. Elle ne s’en souvenait pas. Toutefois, elle a dit qu’elle avait appelé plusieurs fois. 

[29] Même si la prestataire ne se rappelle pas quand elle a appelé Service Canada, elle a déclaré qu’elle avait parlé à trois agents qui lui ont tous dit que lorsqu’elle ferait une demande de prestations de maternité, elle pourrait obtenir les trois mois de prestations qu’elle avait perdues pour la période depuis laquelle elle avait cessé de travailler. Je conclus de ce témoignage que la prestataire a probablement communiqué pour la première fois avec Service Canada en août 2021, trois mois après avoir quitté son emploi.

[30] La prestataire a témoigné qu’elle n’avait jamais fait de demande de prestations d’assurance-emploi auparavant. Elle a dit qu’elle avait fait une demande de prestations durant la pandémie de COVID-19, mais que c’était différent. 

[31] J’estime qu’une personne raisonnable et prudente dans la même situation que la prestataire aurait appelé Service Canada ou pris des mesures sans tarder pour se renseigner sur l’obtention de prestations d’assurance-emploi. La prestataire n’a pas fait cela. Elle a plutôt cherché du travail et n’a pas appelé pendant environ trois mois. Je ne trouve pas que l’inexpérience de la prestataire avec le programme d’assurance-emploi ou la recherche d’un emploi sont des circonstances exceptionnelles qui la dispensent d’essayer de se renseigner sur ses droits et responsabilités entre le 9 mai 2021 et le mois d’août 2021 après qu’elle a quitté son emploi.

[32] Le témoignage de la prestataire sur ce que l’agent de Service Canada lui a dit n’est pas clair. Cependant, j’estime qu’il est probable que l’agent a expliqué les options offertes à la prestataire compte tenu de sa grossesse. Par exemple, il lui a peut-être expliqué la loi qui limite le nombre de semaines de prestations d’assurance-emploi d’une partie prestataire qui reçoit des prestations régulières et des prestations de maternité au cours de la même période de prestations. Cela peut avoir une incidence sur le temps qu’une mère passe avec son nouveau-né. 

[33] J’accepte comme un fait que la prestataire était enceinte lorsqu’elle a parlé à Service Canada. J’estime également qu’il est probable que la prestataire ait pris la décision de ne pas demander de prestations d’assurance-emploi lorsqu’elle a parlé à Service Canada afin de pouvoir obtenir des prestations d’une manière qui conviendrait le mieux pour elle et son bébé. Cependant, elle a témoigné qu’elle avait fait une fausse couche le 15 octobre 2021. La prestataire a fait une demande de prestations régulières d’assurance-emploi six jours plus tard.

[34] J’estime que la prestataire a démontré qu’elle avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations d’août 2021 au 15 octobre 2021. J’estime qu’une personne raisonnable dans une situation semblable aurait probablement tardé à demander des prestations afin d’obtenir le nombre maximal de semaines de prestations de maternité et de prestations parentales. Je considère que la prestataire ne pouvait pas savoir qu’elle ferait une fausse couche deux mois plus tard.   

[35] Toutefois, comme j’ai conclu que la prestataire n’avait pas démontré qu’elle avait un motif valable pour le retard du 9 mai 2021 au mois d’août 2021, elle n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable pour toute la période du retard.

[36] Je n’ai pas besoin d’examiner si la prestataire était admissible aux prestations à la date antérieure. Si la prestataire n’a pas de motif valable, sa demande ne peut pas être traitée comme si elle avait été faite plus tôt.

Conclusion

[37] La prestataire n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations pendant toute la période du retard.

[38] L’appel est rejeté.

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