Assurance-emploi (AE)

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Citation : AP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1410

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (462224) datée du 4 avril 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Manon Sauvé
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 18 octobre 2022
Personne présente à l’audience : L’appelant
Date de la décision : Le 3 novembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1468

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Depuis 2014, le prestataire travaille à titre d’agent de contrôle pour une entreprise de sécurité dans les aéroports.

[4] L’employeur a mis en œuvre une politique de vaccination dans le cadre de la pandémie de la COVID-19. Le transport aérien relève du gouvernement fédéral, l’entreprise doit suivre les règles dans les aéroports.

[5] Le 14 novembre 2021, le prestataire est suspendu de son emploi, parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination de l’employeur.

[6] Le 22 novembre 2021, il présente une demande à la Commission pour recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[7] La Commission refuse de lui verser des prestations, parce qu’il a été suspendu de son emploi en raison de son inconduite. En effet, il savait ou devait savoir qu’en ne respectant pas la politique de son employeur, il serait suspendu. Il n’est donc pas admissible à recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[8] Le prestataire n’est pas d’accord avec la Commission. Il a demandé une exemption religieuse, mais l’employeur a refusé de lui accorder pour ce motif. De plus, il est d’avis que la politique ne respecte pas ses droits, son droit de refuser un traitement médical et qu’il n’y avait pas d’obligation vaccinale prévue dans son contrat de travail.

Question en litige

[9] Le prestataire a-t-il été suspendu en raison d’une inconduite ?

Analyse

[10] Pour décider si le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison le prestataire a été suspendu de son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi ?

[11] Je constate qu’il n’est pas contesté que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison de son refus de respecter la Politique vaccinale de son employeur.

[12] Ainsi, il reconnait que l’employeur a mis en œuvre une politique de vaccination. Il a bénéficié d’un délai pour s’y soumettre. Il connaissait les conséquences d’un refus.

La raison de la suspension de son emploi est-elle une inconduite selon la loi ?

[13] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 2. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 3. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupableNote de bas de page 4.

[14] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit suspendu pour cette raisonNote de bas de page 5.

[15] La Commission doit prouver que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 6.

[16] Selon la Commission, le prestataire savait que l’employeur allait mettre en place une politique de vaccination. En effet, l’employeur œuvre dans le domaine de l’aviation civile et il doit se conformer aux exigences du gouvernement fédéral. 

[17] Toujours selon la Commission, il a été avisé par son employeur qu’il devait respecter la politique vaccinale, sinon il serait suspendu. Il a agi délibérément et il connaissait les conséquences, soit de perdre son emploi.

[18] Concernant les problèmes financiers engendrés par sa suspension, la Commission soutient que les versements ne sont pas en lien avec les besoins et les obligations des personnes. Il faut répondre aux exigences de la Loi pour être admissible à recevoir des prestationsNote de bas de page 7.

[19] Pour sa part, le prestataire allègue plusieurs motifs pour justifier son refus de respecter la politique de vaccination de l’employeur dont :

  • Il a le droit de refuser un traitement médical;
  • Les mesures sanitaires étaient suffisantes pour assurer la protection contre le virus de la COVID-19;
  • Il a des croyances personnelles pour refuser de se faire vacciner;
  • Il n’a pas été en mesure de rencontrer son médecin pour obtenir une exemption médicale;
  • L’employeur n’a pas respecté ses droits et libertés protégés par la Charte;
  • Le vaccin est encore en phase expérimentale.

[20] Je retiens que depuis plusieurs années, le prestataire travaille à titre d’agent de contrôle pour une agence de sécurité à l’aéroport.

[21] Le 6 octobre 2021, le gouvernement du Canada a mis en œuvre la Politique de la vaccination contre la COVID-19 pour le personnel de l’administration centrale. Les agences comme celle pour laquelle travaille le prestataire devaient également s’y soumettre.

[22] Le prestataire a bénéficié d’un délai pour fournir à son employeur l’attestation de son statut vaccinal ou une exemption pour des raisons de santé ou religieuses. Il devait fournir les informations avant le 15 novembre 2021. Ce qu’il n’a pas fait et il a été suspendu.

[23] En fait, il a présenté un formulaire pour être exempté de la vaccination en vertu de ses croyances personnelles. Il s’est basé également sur l’opinion du révérend Martin Hoegger. Ce dernier considère que le vaccin est expérimental. Le prestataire admet qu’il était désespéré lorsqu’il a proposé la position de ce révérend.

[24] Je suis d’avis que l’exemption pour les fins de ses croyances personnelles ne s’applique pas. Ce sont les croyances religieuses qui pouvaient permettre au prestataire d’être exempté de fournir son statut vaccinal. Il n’a pas fait cette preuve devant le Tribunal.

[25] Par ailleurs, le prestataire soutient qu’il n’a pas été en mesure de rencontrer son médecin spécialiste, avant l’entrée en vigueur de la Politique de vaccination. Il devait attendre plusieurs mois. Je ne retiens pas cet argument, le prestataire aurait pu rencontrer un médecin de famille ou fournir l’exemption plus tard. Visiblement, il n’a pas fait de démarches avant ni pendant sa suspension.

[26] Concernant la légalité de la politique de son employeur, le refus de transmettre des informations médicales à son employeur, le refus de recevoir un vaccin, le respect de ses droits en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que l’absence d’obligation vaccinale dans son contrat de travail ou la convention collective ; le Tribunal n’a pas le pouvoir de trancher ces questions. Il existe des instances spécialisées pour ces enjeuxNote de bas de page 8.

[27] Je n’ai pas à décider si la politique de l’employeur est justifiée ou raisonnable. Cependant, je suis d’avis qu’il faut prendre en compte le contexteNote de bas de page 9. Ainsi, le gouvernement du Canada a adopté un ensemble de mesures pour gérer la pandémie de la COVID-19, dont une politique de vaccination.

[28] Je n’ai pas non plus à me prononcer sur l’efficacité et la sécurité des vaccins. Je n’ai pas à décider si les mesures sanitaires sont adéquates sans la vaccination.

[29] En fait, j’ai à décider si la Commission a démontré que le prestataire a été suspendu en raison de son inconduite.

[30] Dans l’arrêt NelsonNote de bas de page 10, la Cour d’appel fédérale réitérait qu’il faut appliquer une appréciation objective comme l’exige la Loi. En effet, « il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié ».

[31] Ainsi, l’employeur du prestataire relève du gouvernement fédéral, parce qu’il offre des services de sécurité dans les aéroports. Il a été décidé que la Politique de vaccination s’appliquait également à l’entreprise. Il était légitime de protéger les employés ainsi que les voyageurs.

[32] Le prestataire a été informé que l’employeur a mis en œuvre une politique de vaccination pour contrer la pandémie de la COVID-19. Le prestataire disposait d’un délai pour s’y conformer, il a fait le choix de ne pas respecter la politique. C’est pour cette raison qu’il a été suspenduNote de bas de page 11. Il savait ou aurait dû savoir qu’il serait suspendu pour ce motif. Il a créé sa situation de chômageNote de bas de page 12.

[33] J’estime que l’inconduite peut prendre différentes formes dont le non-respect d’une politique de vaccination qui est une condition essentielle au maintien en emploiNote de bas de page 13. Ce qui est le cas du prestataire.

[34] Je suis donc d’avis que la Commission a démontré que le prestataire a été suspendu en raison de son inconduite.

Alors, le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite ?

[35] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[36] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[37] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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