Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : GV c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 872

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : G. V.
Représentant : Isaac Won
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Tiffany Glover

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (421712) datée du 26 avril 2021 rendue par la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Audrey Mitchell
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 2 juin 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant
Intimée
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 25 juillet 2022
Numéro de dossier : GE-22-14

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté avec des modifications. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a le pouvoir de déclarer le prestataire inadmissible aux prestations d’assurance-emploi après que des prestations lui aient été versées. Dans la présente affaire, la Commission a exercé ce pouvoir de façon judiciaire.

[3] Sauf pour sa semaine de congé des Fêtes, le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler pendant ses études. Cela signifie qu’il ne peut recevoir des prestations d’assurance-emploi que pour la période du 25 décembre 2020 au 3 janvier 2021.

Aperçu

[4] Le prestataire étudiait au Canada en tant qu’étudiant étranger. Il avait un permis qui l’autorisait à travailler un nombre d’heures limité pendant ses études. Il a demandé et reçu des prestations d’assurance-emploi après avoir perdu son emploi en raison de la pandémie. La Commission a décidé que le prestataire était inadmissible aux prestations régulières d’assurance-emploi du 5 octobre 2020 au 26 février 2021 parce qu’il n’était pas disponible pour travailler.

[5] Le prestataire a porté la décision de révision de la Commission en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a rejeté l’appel, estimant que le prestataire n’était pas disponible pour travailler jusqu’au 1er mars 2021. Cependant, la division générale a jugé que le prestataire avait prouvé qu’il était disponible pour travailler du 25 décembre 2020 au 3 janvier 2021 pendant son congé des Fêtes.

[6] Le prestataire a ensuite fait appel de la décision de la division générale à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale. Il a fait valoir que la Commission ne pouvait pas le déclarer inadmissible après lui avoir versé des prestations. En d’autres termes, il a dit que la Commission ne pouvait pas modifier de façon rétroactive sa décision initiale de lui verser des prestations.

[7] La division d’appel a renvoyé l’appel du prestataire à la division générale. Elle a conclu que la division générale n’avait pas évalué comme il se doit « si la Commission avait le pouvoir de juger le prestataire inadmissible aux prestations de façon rétroactive, et, si oui, si la Commission doit agir et a agi de façon judiciaire en décidant de réexaminer la demande de prestations ».

Questions que je dois examiner en premier

Admissibilité des affidavits présentés par la Commission

[8] Je conclus que les affidavits présentés par la Commission sont à la fois pertinents et admissibles en preuve.

[9] L’interprétation de l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi est au cœur du présent appel. Les parties ne s’entendent pas sur la signification de cet article. La Commission a déposé des éléments de preuve à l’appui de son interprétation. Ceux-ci comprennent deux affidavits de fonctionnaires d’Emploi et Développement social CanadaNote de bas de page 1.

[10] Les deux affidavits énumèrent les rôles des déposants, y compris au moment où la Loi sur l’assurance-emploi a été modifiée en raison de la pandémie de COVID-19. Ils donnent des renseignements sur les conditions requises pour recevoir des prestations d’assurance-emploi et l’admissibilité aux prestations d’assurance-emploi en général. Les affidavits parlent des exigences de la Loi pour les demandes qui impliquent une formation non dirigée et de ce que fait le personnel lorsqu’il traite de telles demandes. Ils renvoient à l’article 153.161 de la Loi.

[11] Le prestataire affirme que je dois traiter avec prudence les déclarations faites dans les affidavits. Il dit que les affidavits contiennent des arguments juridiques que je ne devrais pas prendre en considération. Le prestataire soutient aussi que je ne devrais pas m’en remettre à l’interprétation que les déposants font de l’article 153.161. Il cite deux décisions de la Cour suprême du Canada à l’appui de sa positionNote de bas de page 2. Le prestataire fait valoir que je devrais appliquer les principes d’interprétation des lois pour arriver à comprendre l’article.

[12] La Commission n’accepte pas que les affidavits contiennent des arguments juridiques. Elle dit que les affidavits ont été présentés pour fournir des éléments de preuves pertinents et factuels sur la façon dont la Loi sur l’assurance-emploi est appliquée.

[13] Le prestataire était un étudiant étranger qui suivait une formation non dirigée. Il a demandé des prestations pendant la pandémie de COVID-19. J’estime donc que les renseignements contenus dans les affidavits sont pertinents et peuvent être utiles pour déterminer l’intention de l’article 153.161 de la Loi en ce qui concerne les demandes présentées pendant la pandémie et impliquant une formation non dirigée. Je ne crois pas que le fait d’examiner les affidavits et de leur accorder un poids approprié soit incompatible avec l’une ou l’autre des décisions de la Cour Suprême du Canada mentionnées par le prestataire.

[14] La Commission a cité une décision de la division d’appel pour démontrer que le Tribunal avait accepté des affidavits de fonctionnaires du ministère dans le passéNote de bas de page 3. La Commission souligne également une décision connexe de la Cour d’appel fédérale dans laquelle celle-ci a confirmé une décision de la division d’appel en se fondant sur sa propre interprétation de la loi en questionNote de bas de page 4.

[15] La Commission a raison de dire que les règles strictes de la preuve ne s’appliquent pas aux tribunaux administratifs, à moins que cela ne soit expressément prescritNote de bas de page 5. En me fondant sur la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, mon rôle est d’écouter les deux parties et de leur donner une occasion équitable de répondre à toute déclaration pertinente qui va à l’encontre de leur point de vueNote de bas de page 6.

[16] Je conclus que les affidavits présentés par la Commission sont conformes à ceux acceptés par le Tribunal dans le passé. J’estime qu’il s’agit d’éléments de preuve pertinents et fiables qui facilitent l’interprétation de l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi. Je juge que leur admission en preuve n’empêche pas le prestataire d’argumenter quant au poids que je devrais leur accorder. Je conclus donc que les affidavits sont admissibles en preuve dans le présent appel.

Document reçu après l’audience

[17] Lors de l’audience, la Commission a fait référence à un document qui ne figurait pas dans le recueil conjoint de documents. Il s’agit d’une lettre envoyée par courriel au prestataire. Elle concerne la fin de la Prestation canadienne d’urgence et avise le prestataire qu’il peut demander des prestations d’assurance-emploi s’il a besoin d’une aide financière. La Commission affirme que la lettre n’est pas déterminante, mais qu’elle est plutôt utile parce qu’elle permet de parfaire la preuve au dossier.

[18] Le prestataire a répondu à la lettre après l’audience. Il est d’avis que le document a peu de valeur probante. Par conséquent, il ne présentera pas d’observations à ce sujet.

[19] Dans les circonstances, j’admets en preuve le document.

Question en litige

[20] Voici les trois questions que je dois trancher :

  1. a) La Commission a-t-elle le pouvoir au titre de la Loi sur l’assurance-emploi de déclarer le prestataire inadmissible aux prestations après lui avoir versé des prestations?
  2. b) Si oui, la Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire?
  3. c) Le prestataire est-il admissible aux prestations d’assurance-emploi?

Analyse

La Commission a-t-elle le pouvoir au titre de la Loi sur l’assurance‑emploi de déclarer le prestataire inadmissible aux prestations après lui avoir versé des prestations?

[21] Oui, la Commission a le pouvoir au titre de la Loi de déclarer le prestataire inadmissible aux prestations après lui avoir versé des prestations.

[22] En réponse à la pandémie mondiale de COVID-19, le gouvernement du Canada a modifié la Loi sur l’assurance-emploi en prenant une série d’arrêtés d’urgence. L’objectif déclaré de ces arrêtés est d’atténuer les répercussions économiques de la COVID-19. Des arrêtés d’urgence ont été pris pour ajouter des dispositions à la Loi, adapter les dispositions de la Loi et faire en sorte que certaines des dispositions de la Loi ne s’appliquent pasNote de bas de page 7.

[23] En vertu de l’arrêté d’urgence no 10, la Loi sur l’assurance-emploi a été modifiée par l’ajout d’un nouvel article. L’article 153.161 de la Loi est ainsi libellé :

Disponibilité

Cours ou programme d’instruction ou de formation non dirigé

153.161 (1) Pour l’application de l’alinéa 18(1)a), le prestataire qui suit un cours ou programme d’instruction ou de formation pour lequel il n’a pas été dirigé conformément aux alinéas 25(1)a) ou b) n’est pas admissible au versement des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il est incapable de prouver qu’il était, ce jour-là, capable de travailler et disponible à cette fin.

Vérification

(2) La Commission peut vérifier, à tout moment après le versement des prestations, que le prestataire visé au paragraphe (1) est admissible aux prestations en exigeant la preuve qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin pour tout jour ouvrable de sa période de prestations.

[24] L’article connexe 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi dit ceci :

18 (1) Le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour-là :

  1. a) soit capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable;

Que signifie l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi?

[25] Comme il a été mentionné précédemment, les parties ne s’entendent pas sur la signification de ce nouvel article.

[26] Pour déterminer le sens de l’article 153.161 de la Loi, je m’inspire de la Cour suprême du Canada qui a affirmé ce qui suit :

« Il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateurNote de bas de page 8. »

[27] J’examinerai donc d’abord le sens des termes de l’article, leur contexte et l’intention du législateur.

[28] Le prestataire affirme qu’il suffit de lire l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance‑emploi pour voir que celui-ci permet à la Commission de vérifier l’admissibilité d’une partie prestataire aux prestations d’assurance-emploi en obtenant d’elle une preuve confirmant l’exactitude du dossier de preuve sur lequel repose son « admissibilité ». Le prestataire ajoute que l’article ne confère pas à la Commission le pouvoir de réexaminer ou de modifier une décision existanteNote de bas de page 9.

[29] La Commission dit qu’à la simple lecture de l’article 153.161 de la Loi, il est clair que la vérification de l’admissibilité d’une partie prestataire aux prestations d’assurance‑emploi ne peut avoir lieu qu’après le versement des prestations. La Commission compare cela au libellé de l’article 18(1)(a) de la Loi, en ce sens que le défaut d’une personne de prouver son admissibilité au titre de cet article peut être fatal à sa demande des prestationsNote de bas de page 10.

[30] L’article 153.161 concerne les parties prestataires qui poursuivent des études sans y être dirigées par la Commission. La première partie renvoie à l’article 18(1)(a) et dit qu’une partie prestataire qui poursuit des études sans y être dirigée n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi si elle ne peut pas prouver qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin. La deuxième partie porte sur la vérification de l’admissibilité d’une partie prestataire aux prestations ainsi que sur comment et quand la Commission peut mener une telle vérification.

[31] Le prestataire soutient d’abord que l’article 153.161 vise à vérifier que les renseignements déjà fournis sont complets et exacts. Le prestataire fait référence aux définitions du mot « vérifier » dans le Règlement sur les certificats d’enregistrement d’armes à feu et au processus de vérification prévu dans la Employment and Assistance Act pour appuyer ce point de vueNote de bas de page 11. Ces deux définitions font référence à la vérification de renseignements.

[32] Je ne suis pas d’accord avec le premier argument du prestataire. Pour ce qui est de la définition du mot « vérifier », la Loi sur l’assurance-emploi ne le définit pas de la même façon que les lois sur lesquelles le prestataire s’appuie. Cependant, je ne trouve pas que les définitions sur lesquelles le prestataire s’appuie sont utiles.

[33] La définition dans le Règlement sur les certificats d’enregistrement d’armes à feu fait expressément référence à l’exhaustivité et à l’exactitude des renseignements présentés à l’appui d’une demande de certificat d’enregistrement. Le libellé de l’article 153.161 de la Loi ne traite pas de cela. J’estime qu’il ne fait pas référence à l’exhaustivité et à l’exactitude des renseignements présentés à l’appui d’une demande de prestations d’assurance‑emploi. Il parle plutôt de la vérification de l’admissibilité de la partie prestataire.

[34] De même, la Employment and Assistance Act fait référence à la possibilité pour le ministre d’ordonner à une personne de fournir des renseignements et d’en demander la vérification dans le but de prendre des décisions au titre de cette loi. Encore une fois, je ne trouve pas cette définition utile. Le libellé de la Loi sur l’assurance-emploi mentionne que la Commission peut exiger d’une partie prestataire une preuve qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin pour décider si elle est admissible aux prestations d’assurance‑emploi.

[35] Le Commission a cité une définition du mot « vérifier » tirée d’un dictionnaire. Selon cette définition, vérifier signifie [traduction] « prouver que quelque chose existe ou est vrai, ou s’assurer de l’exactitude de quelque choseNote de bas de page 12 ». Je trouve cette définition utile.

[36] Le prestataire soutient que la définition de la Commission appuie sa position. Il dit qu’elle présuppose l’existence de quelque chose à vérifier, à savoir [traduction] « l’affirmation par la partie prestataire de son admissibilitéNote de bas de page 13 ».

[37] Je ne suis pas d’accord avec cet argument. L’article 153.161(2) de la Loi sur l’assurance-emploi traite de l’admissibilité. J’estime qu’on y lit clairement que c’est ce que l’article cherche à vérifier. Autrement dit, la Commission peut vérifier si une partie prestataire aux études est admissible ou non aux prestations. Elle peut demander à une partie prestataire de prouver qu’il est vrai, certain ou exact qu’elle est admissible aux prestations d’assurance-emploi. Je ne trouve pas que ce que la partie prestataire a pu affirmer dans le passé ait de l’importance.

Le fait que la Commission verse des prestations d’assurance-emploi à une partie prestataire qui suit une formation non dirigée signifie-t-il nécessairement qu’elle a déjà vérifié son admissibilité?

[38] Non, je ne pense pas que ce soit le cas. Je conclus, à la simple lecture de la loi en question, que la Commission peut vérifier l’admissibilité d’une partie prestataire même si elle lui a versé des prestations. Je juge que le contexte appuie cela.

[39] Le prestataire soutient que l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi ne donne pas à la Commission le pouvoir de réexaminer ou de modifier une décision d’admissibilité existante. Il affirme que toute nouvelle information pertinente reçue par la Commission pourrait justifier le réexamen d’une demande au titre des articles 52 et 111 de la Loi sur l’assurance-emploi, mais que la Commission ne peut pas modifier de façon rétroactive sa décision sans de nouveaux éléments de preuveNote de bas de page 14.

[40] Cet argument laisse entendre que lorsque la Commission verse des prestations d’assurance‑emploi à des parties prestataires, c’est qu’elle a décidé qu’elles y sont admissibles. Le prestataire utilise le mot « admissibilité » lorsqu’il soutient qu’il s’agit d’une décision que la Commission ne peut pas réexaminer en l’absence de nouveaux renseignements. Il cite plusieurs décisions du juge‑arbitre du Canada sur les prestations (CUB) selon lesquelles la Commission ne peut pas modifier sa décision sur la base des mêmes faitsNote de bas de page 15.

[41] En ce qui concerne l’argument du prestataire, je trouve qu’il est utile de prendre en compte le contexte entourant le fonctionnement de la Loi sur l’assurance-emploi, les raisons pour lesquelles l’arrêté d’urgence 10 a été pris et l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance‑emploi a été adopté ainsi que la façon dont ils interagissent avec d’autres parties de la Loi.

[42] Entre autres, la Loi sur l’assurance-emploi précise les conditions que les parties prestataires doivent remplir pour recevoir des prestations d’assurance-emploi. Son objectif est d’indemniser les personnes qui ont perdu leur emploi et qui sont temporairement sans travailNote de bas de page 16. Il s’agit essentiellement d’un régime d’assurance dans le cadre duquel les parties prestataires doivent remplir certaines conditions pour recevoir des prestationsNote de bas de page 17.

[43] L’article 153.161 se trouve à la partie VIII.5 de la Loi sur l’assurance-emploi, intitulée « Mesures temporaires pour faciliter l’accès aux prestations ». Cela est conforme à l’approche globale adoptée par le gouvernement du Canada dans la Loi sur l’assurance-emploi, comme il a été mentionné ci-dessus, qui est d’aider les parties prestataires qui ont besoin de prestations à en recevoir. Cependant, les parties prestataires doivent quand même remplir les conditions requises pour obtenir des prestations grâce aux mesures temporaires, comme le précise cette partie de la Loi.

[44] La Commission affirme que la réalisation des conditions requises et l’admissibilité sont deux concepts juridiques distincts dans la Loi sur l’assurance‑emploi et que le mot « admissible » ne figure pas aux articles 7, 18(1)(a) et 153.161. Elle soutient que les exigences légales de ces deux concepts sont différentes pour les parties prestataires qui poursuivent des études non dirigéesNote de bas de page 18.

[45] La Commission fait valoir qu’habituellement, une décision d’admissibilité en application de l’article 18(a) est prise avant le versement des prestations. Cependant, une décision d’admissibilité au titre de l’article 153.161 est prise après le versement des prestations. La Commission affirme que les décisions d’admissibilité prises au titre de ces deux articles sont les premières décisions prises au sujet de l’admissibilité d’une partie prestataire. C’est à l’appui de cet argument que la Commission a présenté deux affidavits.

[46] Je juge que les deux affidavits sont utiles. Je constate d’après les rôles des déposants qu’ils connaissent bien tous deux les politiques et les procédures en matière d’assurance‑emploi. Pour cette raison, j’accorde beaucoup d’importance aux renseignements généraux qu’ils fournissent sur le traitement des demandes de prestations.

[47] Le premier affidavit porte sur deux décisions prises par la Commission, à savoir si une partie prestataire remplit les conditions requises pour recevoir des prestations et si elle est admissible aux prestationsNote de bas de page 19. L’affidavit mentionne que les parties prestataires qui remplissent les conditions requises pour recevoir des prestations peuvent être exclues du bénéfice des prestations ou déclarées inadmissibles aux prestations. Une partie prestataire peut notamment être déclarée inadmissible aux prestations parce qu’elle n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler pour un jour ouvrable de sa période de prestations.

[48] J’estime que la description qui figure dans cette partie du premier affidavit est conforme au régime de la Loi sur l’assurance-emploi, qui traite d’abord des conditions requises pour recevoir des prestations énoncées à l’article 7, puis des façons dont les parties prestataires peuvent être déclarées inadmissibles aux prestations ou exclues du bénéfice des prestations. Je conviens donc que la Commission décide d’abord si une partie prestataire remplit les conditions requises pour recevoir des prestations.

[49] Le deuxième affidavit traite du processus normal de décision pour les parties prestataires qui poursuivent des études non dirigées. Il donne également des renseignements sur le processus suivi en application de l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 20. L’affidavit dit que contrairement au processus normal, en application de l’article 153.161, la Commission ne procède pas immédiatement à une enquête pour décider de l’admissibilité aux prestations des parties prestataires; elle leur verse plutôt des prestations en premier.

[50] Le prestataire soutient que cet affidavit contient des arguments juridiques aux paragraphes 7 à 10 et 12 et 13. Dans ces paragraphes, le déposant fait référence à la différence quant au moment où la Commission vérifie l’admissibilité en application de l’article 18(1)(a) par rapport à l’article 153.16 de la Loi sur l’assurance-emploi, comme mentionné ci‑dessus.

[51] Je ne suis pas d’accord avec le prestataire. Encore une fois, j’estime qu’on lit clairement dans l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi que la Commission peut demander à une partie prestataire de prouver qu’il est vrai, certain ou exact qu’elle est admissible aux prestations d’assurance-emploi. Je juge aussi que l’article 153.161(2) permet à la Commission de le faire même après avoir versé des prestations. Le processus suivi par la Commission décrit dans ce deuxième affidavit est à mon avis conforme à ce que la Loi permet.

[52] Comme je l’ai déjà mentionné, des arrêtés d’urgence ont été pris et l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi a été adopté en réponse à la pandémie mondiale de COVID-19. La Loi elle-même mentionne que son objectif est d’« atténuer les répercussions économiques découlant de la maladie à coronavirus 2019 ». Je juge que cela est conforme au processus suivi par la Commission lorsqu’elle verse dès le départ des prestations aux parties prestataires qui remplissent les conditions requises, puis évalue leur admissibilité à une date ultérieure, comme décrit dans les deux affidavitsNote de bas de page 21.

[53] Le prestataire soutient que le fait de reporter l’évaluation de l’admissibilité aux prestations semble contredire l’article 18(1) de la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne crois pas que ce soit le cas. Je crois plutôt que les articles 18(1) et 153.161 de la Loi sont complémentaires, ce dernier prévoyant une première décision d’admissibilité après que la Commission a versé des prestations.

[54] J’estime que l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi est conforme à l’approche modifiée de la Commission concernant les décisions d’admissibilité pour les parties prestataires qui poursuivent des études non dirigées dans le contexte de la pandémie. Plus précisément, la Commission peut vérifier que ces parties prestataires sont admissibles aux prestations, même après le versement des prestations.

La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire au titre de l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi de façon judiciaire?

[55] Oui, la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

[56] La décision de la Commission de vérifier l’admissibilité d’une partie prestataire en application de l’article 153.161 de la Loi est discrétionnaireNote de bas de page 22. Il faut éviter de modifier les décisions discrétionnaires de la Commission à moins qu’elle n’ait pas agi de façon judiciaire. Pour agir de façon judiciaire, elle doit faire preuve de bonne foi, tenir compte de tous les facteurs pertinents et ignorer les facteurs non pertinentsNote de bas de page 23.

[57] Le prestataire dit qu’avant de demander des prestations d’assurance-emploi, il a parlé à un agent de Service Canada. Il a dit à l’agent qu’il était étudiant et qu’il ne pouvait travailler qu’un nombre limité d’heures. Le 7 octobre 2020, il a demandé des prestations et a fourni des renseignements sur ses études.

[58] Le prestataire a rempli des déclarations. Dans chaque déclaration où le prestataire a dit qu’il étudiait, il a affirmé qu’il était prêt et disposé à travailler, et capable de le faire chaque jour.

[59] La Commission a parlé au prestataire le 17 mars 2021 au sujet de sa formation non dirigée. Le prestataire a parlé à la Commission de ses études, y compris de ses permis d’études et de travail, des cours qu’il suivait et du temps qu’il passait à étudier, des frais de scolarité et de sa capacité d’accepter un emploi à temps plein. La Commission a décidé que le prestataire n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi pendant ses études.

[60] Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision initiale. Il a dit avoir fourni des renseignements exacts et complets dans sa demande de prestations. La Commission a de nouveau parlé au prestataire et, le 26 avril 2021, a maintenu sa décision initiale.

[61] Le prestataire soutient que la « décision de la Commission de le déclarer inadmissible aux prestations de façon rétroactive représente un exercice arbitraire de son pouvoir discrétionnaireNote de bas de page 24 ». Il affirme que la Commission a pris sa décision sans tenir compte de quatre facteurs pertinents :

  • l’effet de devoir rembourser le trop-payé;
  • ses tentatives de fournir tous les renseignements pertinents dès le départ;
  • le fait qu’il s’est appuyé sur les renseignements que le personnel de la Commission lui a fournis;
  • le retard mis à vérifier son admissibilité, qui a donné lieu à trop‑payé importantNote de bas de page 25.

[62] La Commission affirme que le prestataire n’a pas démontré quel facteur pertinent a été négligé et quel facteur non pertinent a été pris en compte lorsqu’elle a décidé qu’il ne répondait pas aux critères prévus par la loi pour recevoir des prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 26.

[63] Il est vrai que le prestataire a fourni à la Commission des renseignements véridiques et exacts à partir du moment où il a demandé des prestations. J’admets également qu’il a parlé au personnel de Service Canada et qu’il a compris qu’il pouvait demander des prestations d’assurance-emploi, après quoi une décision serait prise sur sa demande.

[64] Comme il a été mentionné ci-dessus, la décision discrétionnaire prise par la Commission était de savoir si le prestataire avait prouvé sa disponibilité pour travailler. Je ne crois pas que le fait que la Commission ait pris six mois pour prendre cette décision et que l’effet d’avoir à rembourser un trop-payé important soient des facteurs pertinents.

[65] Même si le prestataire a toujours été honnête avec la Commission, une fois que celle-ci a entrepris de vérifier son admissibilité aux prestations, il devait prouver qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin. Je conclus que la Commission a examiné les facteurs pertinents pour prendre une décision sur la disponibilité du prestataire, y compris la nature de ses études, les efforts qu’il a déployés pour trouver un emploi et ses limitations au travail.

[66] Je ne sais pas ce que l’agent de Service Canada a dit au prestataire. Il semble qu’il ait compris qu’il avait été autorisé à recevoir les prestations qui lui avaient été versées. Même si la Commission, par l’entremise de Service Canada, a fourni au prestataire des renseignements qui n’étaient pas clairs ou trompeurs, une personne n’est pas dégagée de l’application de la Loi sur l’assurance-emploi même si on lui a fourni des renseignements erronés. La loi doit être respectée même si la Commission a commis une erreurNote de bas de page 27.

[67] Il est malheureux que la Commission ait versé plus de 10 000 $ au prestataire avant de le déclarer inadmissible aux prestations. Le prestataire a parlé du défi qu’il devra relever pour rembourser le trop-payé. Je compatis avec lui, mais je ne vois aucune preuve que la Commission a agi de mauvaise foi en décidant s’il avait prouvé sa disponibilité pour travailler.

[68] Pour les raisons susmentionnées, je conclus que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a vérifié l’admissibilité du prestataire aux prestations d’assurance-emploi.

Le prestataire est-il admissible aux prestations d’assurance‑emploi?

[69] Le prestataire n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler, sauf pour la période du 25 décembre 2020 au 3 janvier 2021, et à compter du 1er mars 2021.

[70] Dans sa décision du 30 juin 2021, la division générale a estimé que le prestataire n’était pas disponible pour travailler avant le 1er mars 2021. Elle a toutefois conclu que le prestataire avait prouvé sa disponibilité du 25 décembre 2020 au 3 janvier 2021, pendant son congé des Fêtes.

[71] Le prestataire présente un argument subsidiaire à son argument principal selon lequel la Commission n’a pas le pouvoir de le déclarer inadmissible aux prestations après lui avoir versé des prestations. Il dit que la conclusion de la division générale voulant qu’il était disponible pour travailler pendant son congé des Fêtes devrait être rétablie. Il dit cela parce que son permis d’études l’autorisait à travailler à temps plein pendant cette période.

[72] La Commission dit que je devrais adopter les conclusions de fait de la décision de la division générale du 30 juin 2021.

[73] J’ai examiné tous les éléments de preuve présentés à la division générale lors de la première audience du présent appel. Compte tenu de cela et des conclusions que j’ai tirées à l’égard des deux premières questions en litige ci-dessus, je conclus que le prestataire n’était pas disponible pour travailler avant le 1er mars 2021. Cependant, je conclus également que puisque son permis d’études l’autorisait à travailler à temps plein pendant son congé des Fêtes, il a prouvé qu’il était disponible pour travailler du 25 décembre 2020 au 3 janvier 2021.

Conclusion

[74] La Commission a le pouvoir de déclarer le prestataire inadmissible aux prestations après lui avoir versé des prestations. Elle a exercé son pouvoir discrétionnaire au titre de la Loi sur l’assurance-emploi de façon judiciaire. Sauf pour la période du 25 décembre 2020 au 3 janvier 2021, et après le 1er mars 2021, le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler au sens de la loi.

[75] Par conséquent, l’appel est rejeté avec des modifications.

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