Assurance-emploi (AE)

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Citation : NS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1280

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Partie demanderesse : N. S.
Représentante ou représentant : Jérémie Dhavernas
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 12 octobre 2022 (GE-22-1448)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 28 novembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-810

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a été suspendue parce qu’elle a refusé de respecter la politique de vaccination contre la COVID-19 adoptée par l’employeur. Elle a présenté une demande pour recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a refusé de lui verser des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a décidé que la prestataire avait pris volontairement un congé sans justification. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. La prestataire a demandé la révision de la décision. La Commission a maintenu sa décision initiale. La prestataire a interjeté appel devant la division générale.

[4] La division générale a déterminé qu’il ne s’agissait pas d’un congé sans justification mais bien d’une suspension pour inconduite. Elle a déterminé que la prestataire a refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Elle a déterminé que la prestataire savait ou aurait dû savoir que l’employeur était susceptible de la suspendre dans ces circonstances et que son refus était volontaire, conscient et délibéré. La division générale a conclu que la prestataire a été suspendu en raison de son inconduite.

[5] La prestataire demande à la division d’appel la permission d’en appeler de la décision de la division générale. La prestataire soutient que la division générale devait déterminer s’il était raisonnable pour l’employeur de lui appliquer la politique compte tenu de son travail à domicile. Elle fait valoir que la division générale devait déterminer si, en refusant de suivre une directive certes raisonnable, mais qui n’a pas été raisonnablement appliquée à elle, la prestataire avait l’élément psychologique nécessaire à l’inconduite.

[6] Je dois décider si on peut soutenir que la division générale a commis une erreur révisable qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[7] Je refuse la permission d’en appeler puisqu’aucun des moyens d’appel soulevés par la prestataire ne confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Est-ce que la prestataire soulève, dans ses moyens d’appel, une erreur révisable qu’aurait commise la division générale et qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, spécifie les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont que :

  1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une certaine façon.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question sans pouvoir de le faire.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a commis une erreur de droit dans sa décision.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond de l'affaire. C'est une première étape que la prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui auquel elle devra rencontrer à l'audience de l'appel sur le fond. À l’étape de la demande permission d’en appeler, la prestataire n’a pas à prouver sa thèse mais elle doit établir que son appel a une chance raisonnable de succès. En d’autres mots, elle doit établir que l’on peut soutenir qu’il y a eu erreur révisable sur laquelle l’appel peut réussir.

[11] La permission d’en appeler sera en effet accordée si je suis convaincu qu’au moins l’un des moyens d’appel soulevé par la prestataire confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Est-ce que la prestataire soulève, dans ses moyens d’appel, une erreur révisable qu’aurait commise la division générale et qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès?

[12] La prestataire soutient que la division générale devait déterminer s’il était raisonnable pour l’employeur de lui appliquer la politique compte tenu de son travail à domicile. Elle fait valoir que la division générale devait déterminer si, en refusant de suivre une directive certes raisonnable, mais qui n’a pas été raisonnablement appliquée à elle, la prestataire avait l’élément psychologique nécessaire à l’inconduite.

[13] La prestataire travaillait à domicile en vertu d’une entente avec l’employeur pour la période du 23 août 2021 au 31 décembre 2022. Au mois d’octobre 2021, l’employeur a mis en place une politique de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs contre le danger de la COVID-19. La politique s’applique à ceux et celles qui travaillent sur un lieu de travail, à distance de son lieu de travail et en mode hybride. La prestataire ne s’est pas conformée à la politique de l’employeur. Elle a été suspendue par l’employeur.

[14] La division générale devait décider si la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite.

[15] La notion d’inconduite ne prévoit pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[16] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendue coupable d’inconduite en suspendant la prestataire de sorte que sa suspension serait injustifiée, mais bien de savoir si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension.

[17] La division générale a déterminé que le prestataire a été suspendue parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de l’employeur en réponse à la pandémie. La prestataire a été informé de la politique mise en place par l’employeur pour préserver la santé et la sécurité de tout le personnel et a eu le temps de s’y conformer. La division générale a déterminé que la prestataire a volontairement refusé de suivre la politique et qu’elle n’a pas obtenu une exemption médicale ou pour des motifs religieux. C’est ce qui a directement entraîné sa suspension. La division générale a déterminé que la prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pourrait mener à sa suspension.

[18] La division générale a conclu de la preuve prépondérante que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi que le non-respect délibéré de la politique d’un employeur est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).Note de bas de page 1

[20] La question de savoir s’il était raisonnable pour l’employeur d’imposer une politique contre la COVID-19 aux employés travaillant à domicile pendant la pandémie, relève d'un autre forum. Ce Tribunal n'est pas le forum approprié par lequel la prestataire peut obtenir la réparation qu'elle demande.Note de bas de page 2

[21] Il n'est pas vraiment contesté qu'un employeur a l'obligation légale de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés sur leur lieu de travail. Il n'appartient pas au Tribunal de décider s’il était raisonnable pour l'employeur d'étendre cette protection aux employés travaillant à domicile pendant la pandémie.

[22] Tel que souligné par la Cour Fédérale dans l’affaire Paradis, il existe des recours disponibles pour sanctionner le comportement d'un employeur autres que le transfert des coûts de ce comportement au programme d’assurance-emploi.Note de bas de page 3

[23] La preuve prépondérante démontre que la politique de l'employeur s'appliquait à la prestataire qui travaillait à domicile. Elle ne voulait pas divulguer à son employeur si elle était vaccinée car elle estimait qu'il s'agissait d'informations médicales privées. Elle a donc refusé de se conformer à la politique. Elle savait ou aurait dû savoir que l'employeur était susceptible de la suspendre dans ces circonstances et son refus était volontaire, conscient et délibéré.

[24] La prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l'employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie et cela a entraîné la suspension de son emploi. Selon la preuve prépondérante au dossier, il n’était pas possible pour la division générale de conclure que la conduite de la prestataire n’était pas consciente et voulue.

[25] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu'elle a tranché la question de l'inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d'appel fédérale, qui a défini l'inconduite en vertu de la Loi sur l'AE.Note de bas de page 4

[26] Je suis pleinement conscient que la prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établie. Cela ne change rien au fait qu'en vertu de la Loi sur l'AE, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite.

[27] Après examen du dossier d’appel, de la décision de la division générale et des arguments au soutien de la demande de permission d’en appeler, je suis d’avis que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. La prestataire ne soulève aucune question dont la réponse pourrait mener à l’annulation de la décision contestée.

Conclusion

[28] La permission d’en appeler est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

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