Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c BW, 2022 TSS 1081

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant :  
Partie intimée : B. W.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 21 mars 2022
(GE-22-243)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 29 septembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Personne représentant l’appelante
Intimé
Date de la décision : Le 25 octobre 2022
Numéro de dossier : AD-22-217

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de droit. J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. Le prestataire n’a pas accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable pour être admissible aux prestations.

Aperçu

[2] À titre de mesure temporaire liée à la pandémie, les personnes qui demandaient des prestations pouvaient obtenir un crédit de 300 heures d’emploi assurableNote de bas de page 1. Elles pouvaient donc recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi après avoir travaillé pendant seulement 120 heures, car il fallait avoir accumulé 420 heures d’emploi assurable durant la période de référenceNote de bas de page 2. L’article prévoyant les heures additionnelles était en vigueur jusqu’au 25 septembre 2021.

[3] L’intimé, B. W. (le prestataire), a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi le 24 septembre 2021. Son emploi avait pris fin le 23 septembre 2021.

[4] L’appelante, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a décidé que le prestataire n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi. Elle a déclaré que le prestataire avait travaillé 121 heures durant sa période de référence et qu’il avait besoin de 420 heures pour établir une période de prestations. Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision, mais cette dernière l’a maintenue.

[5] Le prestataire a fait appel à la division générale et son appel a été accueilli. La division générale a décidé que le prestataire avait droit au crédit de 300 heures d’emploi assurable parce qu’il avait fait sa demande de prestations avant le 25 septembre 2021.

[6] La Commission a fait appel de la décision de la division générale. Elle soutient que la division générale a commis une erreur de droit en omettant de tenir compte de toutes les dispositions applicables de la Loi sur l’assurance-emploi lorsqu’elle a conclu que le prestataire avait droit aux heures supplémentaires. La Commission affirme que, sans le crédit, le prestataire n’a pas suffisamment d’heures pour être admissible aux prestations.

[7] J’ai décidé que la division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation de l’article 153.17 de la Loi sur l’assurance-emploi. J’ai donc rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. Malheureusement, le prestataire n’a pas droit aux 300 heures supplémentaires et n’a donc pas suffisamment d’heures d’emploi  assurables pour être admissible aux prestations.

Questions en litige

[8] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) La division générale a-t-elle fait une erreur dans son interprétation de l’article 153.17 de la Loi sur l’assurance-emploi?
  2. b) Si oui, comment doit-on corriger l’erreur?

Analyse

[9] Je peux seulement intervenir dans cette affaire si la division générale a commis une erreur pertinente, ce qu’on appelle un « moyen d’appelNote de bas de page 3 ». L’un des moyens d’appel est que la division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision. L’interprétation des lois est une question de droitNote de bas de page 4.

[10] La division générale a conclu que le prestataire avait subi un arrêt de rémunération le 23 septembre 2021. Il a fait une demande de prestations le 24 septembre 2021. Elle a jugé que sa période de prestations avait commencé le 26 septembre 2021 parce que c’était le dimanche suivant l’arrêt de rémunération et sa demande de prestations.

[11] La Loi sur l’assurance-emploi précise à quel moment une période de prestations commence. Les périodes de prestations commencent toujours le dimanche. La Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une période de prestations débute, selon le cas :

  • le dimanche de la semaine où survient l’arrêt de rémunération;
  • le dimanche de la semaine où la demande initiale de prestations est faiteNote de bas de page 5.

[12] Devant la division générale, la Commission a fait valoir qu’une interprétation stricte de cet article signifierait que la période de prestations du prestataire a commencé le 19 septembre, et non le 26 septembre 2021. Étant donné que le prestataire avait des heures d’emploi assurable cette semaine-là, la Commission a jugé que la période de prestations commençait le 26 septembre, puisque cela était à l’avantage du prestataireNote de bas de page 6.

[13] Pour être admissible aux prestations, le prestataire doit avoir accumulé 420 heures d’emploi assurable au cours de sa période de référence. La période de référence correspond habituellement aux 52 semaines précédant le début de la période de prestations. Le prestataire avait accumulé 127 heures d’emploi assurable au cours de la période du 27 septembre 2020 au 25 septembre 2021.

La division générale a commis une erreur de droit

[14] La division générale a décidé que le prestataire avait droit aux 300 heures supplémentaires malgré la cessation de l’application de cette disposition après le 25 septembre 2021. La division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation de la loi lorsqu’elle a rendu cette décision.

[15] L’article 153.17 de la Loi sur l’assurance-emploi était une mesure temporaire ajoutée à cette loi en réponse à la pandémie de la COVID-19. Il dit qu’une personne qui présente une demande initiale de prestations régulières le 27 septembre 2020 ou après cette date, ou relativement à un arrêt de rémunération survenu à cette date ou après cette date, est réputée avoir un crédit de 300 heures d’emploi assurableNote de bas de page 7. Cela signifie que les parties prestataires avaient seulement besoin de 120 heures supplémentaires pour avoir les 420 heures nécessaires pour être admissibles aux prestations régulières.

[16] Cet article s’appliquait seulement jusqu’au 25 septembre 2021Note de bas de page 8. Par la suite, une loi transitoire (temporaire) est entrée en vigueur. Elle disait que l’article 153.17 de la Loi sur l’assurance-emploi continuait de s’appliquer aux parties prestataires dont la période de prestations commence le 27 septembre 2020 et se termine le 25 septembre 2021Note de bas de page 9.

Décision de la division générale

[17] La division générale a tenu compte du libellé de l’article 153.17 de la Loi sur l’assurance-emploi, qui se lit comme suit :

  1. (1) Le prestataire qui présente une demande initiale de prestations à l’égard de prestations visées à la partie I le 27 septembre 2020 ou après cette date, ou à l’égard d’un arrêt de rémunération qui survient à cette date ou par la suite, est réputé avoir, au cours de sa période de référence :
    1. (a) […]Note de bas de page 10
    2. (b) dans les autres cas, 300 heures additionnelles d’emploi assurable.

[18] La division générale a décidé que le prestataire pouvait bénéficier du crédit de 300 heures parce qu’il avait subi un arrêt de rémunération et qu’il avait présenté une demande de prestations après le 27 septembre 2020 et avant le 25 septembre 2021, date à laquelle cet article a cessé de s’appliquerNote de bas de page 11.

[19] Le prestataire soutient que l’interprétation de la division générale était correcte et qu’il devrait avoir droit aux 300 heures supplémentaires pour être admissible aux prestations. Il dit que le libellé de l’article est clair et prévoit que les heures supplémentaires sont disponibles lorsqu’une partie prestataire fait une demande de prestations avant le 25 septembre 2021.

[20] La Commission soutient que l’interprétation de la division générale était erronée parce qu’elle n’a pas tenu compte d’autres articles pertinents de la loi. La Commission dit que, lorsqu’elle examine ces autres dispositions, le sens de l’article 153.17 est clair : le crédit s’applique seulement aux personnes qui peuvent établir une période de prestations entre le 27 septembre 2020 et le 25 septembre 2021.

[21] La Commission s’appuie sur la disposition transitoire qui est entrée en vigueur après que l’article 153.17 de la Loi sur l’assurance-emploi a cessé de s’appliquer le 25 septembre 2021Note de bas de page 12. La disposition transitoire dit que l’article 153.17 continue de s’appliquer à l’égard d’une partie prestataire dont la « période de prestations commence durant la période commençant le 27 septembre 2020 et se terminant le 25 septembre 2021Note de bas de page 13 ».

[22] La Commission soutient que la disposition transitoire dit clairement que le crédit prévu à l’article 153.17 ne s’applique pas aux périodes de prestations commençant après le 25 septembre 2021. Elle soutient que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que le prestataire avait droit au crédit d’heures supplémentaires pour une demande dont la période de prestations commençait le 26 septembre 2021 parce qu’il avait présenté sa demande le 24 septembre 2021.

La division générale a mal interprété l’article 153.17

[23] Aucune décision de la Cour fédérale ou de la Cour d’appel fédérale ne traite précisément de cette question. Cependant, la division d’appel du Tribunal a rendu un certain nombre de décisions interprétant l’article 153.17 de la Loi sur l’assurance-emploi de façon contextuelle comme signifiant qu’il ne peut pas s’appliquer aux périodes de prestations commençant après le 25 septembre 2021Note de bas de page 14.

[24] Je ne suis pas obligée de suivre d’autres décisions de la division d’appel du Tribunal. Cependant, je suis d’accord avec le raisonnement dans ces affaires. Une interprétation contextuelle de l’article 153.17 de la Loi sur l’assurance-emploi signifie que le crédit ne s’applique pas aux périodes de prestations commençant après le 25 septembre 2021. J’estime que le prestataire ne peut pas bénéficier du crédit avec une période de prestations commençant le 26 septembre 2021.

[25] Ces décisions ont tenu compte du libellé de la loi, dans le contexte de la Loi sur l’assurance-emploi, et conformément à l’objet de la dispositionNote de bas de page 15.

[26] Ces décisions ont permis de conclure que l’objet de l’article était de faciliter l’accès aux prestations d’assurance-emploi pour une période temporaire. À lui seul, le libellé de l’article 153.17 ne précise pas que le crédit s’appliquera seulement à une période de prestations commençant avant le 26 septembre 2021. Toutefois, cet article doit être interprété dans le contexte de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 16. La division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte du contexte du libellé de l’article.

[27] Selon l’interprétation de la division d’appel dans les autres affaires mentionnées, la date de la demande et la date de l’arrêt de rémunération sont liées à l’établissement d’une période de prestations. La date du début de la période de prestations est liée à la période de référence à laquelle s’appliquera le crédit d’heures supplémentaires. Lorsqu’on tient compte du contexte, il est évident que la période de prestations doit être établie avant le 25 septembre 2021 pour que le crédit d’heures supplémentaires s’appliqueNote de bas de page 17.

[28] La disposition transitoire connexe nous indique également comment l’article 153.17 continue de s’appliquer après avoir cessé d’avoir effet le 25 septembre 2021Note de bas de page 18. Cette disposition dit que l’article 153.17 de la Loi sur l’assurance-emploi continue de s’appliquer aux parties prestataires dont la période de prestations commence le 27 septembre 2020 et se termine le 25 septembre 2021. Ce libellé précise que l’article 153.17 de la Loi sur l’assurance-emploi devait s’appliquer uniquement aux périodes de prestations débutant entre le 27 septembre 2020 et le 25 septembre 2021.

[29] Je conclus que le crédit s’applique seulement aux parties prestataires dont la période de prestations commence entre le 27 septembre 2020 et le 25 septembre 2021. J’estime que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a décidé que l’article 153.17 de la Loi sur l’assurance-emploi pouvait être interprété comme signifiant que le crédit d’heures s’appliquerait au prestataire si sa période de prestations commençait le 26 septembre 2021, parce qu’il a présenté sa demande avant le 25 septembre 2021.

Corriger l’erreur

[30] J’ai conclu que la division générale avait commis une erreur de droit. Cela signifie que je peux renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen ou je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 19.

[31] J’estime que les faits pertinents ne sont pas contestés et que, comme il est question d’une erreur de droit, il convient de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

Le prestataire n’a pas suffisamment d’heures d’emploi assurable pour commencer une période de prestations.

[32] Puisque la période de prestations du prestataire commence le 26 septembre 2021, sa période de référence s’étend du 27 septembre 2020 au 25 septembre 2021. Le prestataire avait accumulé 127 heures d’emploi assurable au cours de cette période de référence, mais il avait besoin de 420 heures. Pour les raisons mentionnées ci‑dessus, il ne peut pas recevoir le crédit de 300 heures pour une période de prestations commençant après le 25 septembre 2021.

[33] J’ai également vérifié si le prestataire aurait suffisamment d’heures pour commencer une période de prestations le 19 septembre 2021, date à laquelle il aurait droit aux 300 heures supplémentaires.

[34] Comme l’a conclu la division générale, le prestataire avait seulement accumulé 91 heures d’emploi assurable au cours de sa période de référence, soit les 52 semaines précédant le 19 septembre 2021. Avec les 300 heures supplémentaires provenant des mesures temporaires, le prestataire avait 391 heures, ce qui n’est pas suffisant pour être admissible aux prestations.

[35] Je comprends que le prestataire croyait avoir présenté sa demande à temps pour obtenir les heures supplémentaires. Il lui manque seulement quelques heures pour établir une période de prestations le 19 septembre 2021.

[36] Je suis sensible à la situation du prestataire. Malheureusement, je dois appliquer la loi, quelles que soient les circonstances atténuantesNote de bas de page 20.

Conclusion

[37] L’appel de la Commission est accueilli.

[38] La division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation de la loi. Le prestataire ne peut pas commencer une période de prestations le 19 septembre 2021 ou le 26 septembre 2021 parce qu’il n’a pas accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable pour être admissible.

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