Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1141

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (516737) rendue le 11 août 2022 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Bret Edwards
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 6 octobre 2022
Personne présente à l’audience : Appelant (prestataire)
Date de la décision : Le 19 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2736

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Je ne suis pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné la perte de son emploi). En conséquence, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a perdu son emploi. Son employeuse a expliqué qu’il avait été remercié parce qu’il refusait de se conformer à sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[4] Le prestataire convient qu’il a perdu son emploi pour cette raison. Cependant, il affirme que son employeuse a refusé d’examiner sa demande de renseignements supplémentaires sur le vaccin contre la COVID-19. Il ajoute qu’elle a été injuste envers lui.

[5] La Commission a accepté la raison fournie par l’employeuse pour expliquer le congédiement. Elle a décidé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle a donc conclu qu’il était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[6] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] Pour répondre à la question de savoir si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois vérifier pourquoi le prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[8] Je juge que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il refusait de se conformer à la politique de l’employeuse sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[9] Le prestataire et la Commission sont d’accord sur la raison pour laquelle il a perdu son emploi. Le prestataire convient qu’il a perdu son emploi parce qu’il a refusé de suivre la politique de son employeuse sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19. Son employeuse confirme que c’est la raison pour laquelle il a perdu son emploiNote de bas de page 2.

La raison du congédiement est-elle une inconduite au sens de la loi?

[10] La raison pour laquelle le prestataire a été congédié est une inconduite au sens de la loi.

[11] Pour être une inconduite au sens de la loi, il faut que la conduite soit délibérée. En d’autres termes, la conduite doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. Cela comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 5.

[12] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeuse et qu’en conséquence, son congédiement était une possibilité bien réelleNote de bas de page 6.

[13] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (qu’il y a plus de chances) que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 7.

[14] Selon la Commission, il y a eu inconduite parce que le prestataire connaissait la politique de son employeuse sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19 et il savait qu’il pouvait se faire congédier s’il ne la respectait pas, mais il a décidé de ne pas la suivre malgré toutNote de bas de page 8.

[15] Le prestataire convient qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19, mais il dit qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que son employeuse n’a pas répondu à sa demande de renseignements supplémentaires sur le vaccin contre la COVID-19 et elle a été injuste envers luiNote de bas de page 9.

[16] Je juge que la Commission a prouvé qu’il y avait eu inconduite. Voici pourquoi.

[17] Je juge que le prestataire a posé les gestes qui ont mené à son congédiement, car il convient qu’il a refusé de se conformer à la politique de son employeuse sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[18] Je juge aussi que les faits et gestes du prestataire étaient intentionnels, car il a décidé de façon consciente de ne pas suivre la politique de son employeuse sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[19] Le prestataire a dit à la Commission et au Tribunal qu’il n’avait pas demandé d’exemption de la politique de son employeuse sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19Note de bas de page 10.

[20] Le prestataire affirme qu’il ne s’est pas fait vacciner parce qu’il craignait que le vaccin contre la COVID-19 soit nuisible et son employeuse n’a pas abordé ses craintes. Il a dit à la Commission et au Tribunal qu’il avait peur que quelque chose de grave lui arrive s’il recevait le vaccin. Comme condition pour se faire vacciner, il a donc demandé à son employeuse de lui fournir plus de renseignements sur le caractère inoffensif du vaccin. Il a dit à la Commission et au Tribunal que son employeuse n’a pas répondu à sa demandeNote de bas de page 11.

[21] Le prestataire a déclaré qu’il estimait que c’était raisonnable de demander à son employeuse de plus amples renseignements sur le caractère inoffensif du vaccin contre la COVID-19 avant de décider de se faire vacciner ou non. Il n’a pas expliqué pourquoi il estimait qu’une telle demande était raisonnable.

[22] Je ne suis pas d’accord avec le prestataire. Il n’a pas pu expliquer pourquoi il pensait que son employeuse devait répondre à ses questions sur le caractère inoffensif du vaccin contre la COVID-19 avant qu’il puisse se faire vacciner. De plus, rien ne prouve que son employeuse possède l’expertise nécessaire pour répondre correctement à des questions pointues sur le caractère inoffensif du vaccin contre la COVID-19.

[23] Le prestataire invoque une autre décision du Tribunal qui aborde la question d’une politique obligatoire de l’employeuse concernant la COVID-19 pour faire valoir que son comportement n’était pas une inconduiteNote de bas de page 12.

[24] Je comprends l’argument du prestataire, mais je ne suis pas lié par les décisions déjà rendues par le Tribunal et je dois trancher chaque affaire en fonction des faits qui sont portés à ma connaissance.

[25] De plus, je remarque que cette autre décision du Tribunal était fondée sur la preuve montrant que l’employeur avait donné à l’employé un préavis de seulement deux jours pour se faire vaccinerNote de bas de page 13. Aucune preuve démontrant que l’employeuse du prestataire avait une intention semblable ne m’a été présentée. Les éléments de preuve montrent plutôt qu’elle a clairement communiqué sa politique au prestataire deux ou trois mois à l’avance, comme je le mentionne plus loin. Par conséquent, je n’accorde pas beaucoup d’importance à cette autre décision.

[26] Le prestataire a aussi dit à la Commission et au Tribunal qu’il croyait que son employeuse avait été injuste envers lui lorsqu’elle lui avait demandé de se faire vacciner. Selon lui, la preuve démontrant que le vaccin est sûr n’est pas assez volumineuse et sa famille serait en difficulté si quelque chose lui arrivait parce qu’il serait tombé malade après avoir reçu le vaccinNote de bas de page 14.

[27] Malheureusement, je ne peux pas décider si la conduite d’une employeuse, y compris ses politiques, est juste ou raisonnable lorsque j’examine la question de l’inconduiteNote de bas de page 15. Je peux me pencher uniquement sur la conduite du prestataire et la comparer à ce que la loi dit au sujet de l’inconduite. Dans cette affaire‑ci, il est évident que le prestataire a décidé de façon consciente de ne pas respecter la politique obligatoire de son employeuse en refusant de se faire vacciner contre la COVID-19.

[28] De plus, je juge que le prestataire savait ou aurait dû savoir que le refus de suivre la politique de son employeuse sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19 pouvait entraîner la perte de son emploi.

[29] Je remarque que le prestataire a déclaré à la Commission et au Tribunal que son employeuse l’avait avisé en septembre 2021 et en octobre 2021 qu’elle instaurait une politique sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19 qui exigeait que le personnel se fasse vacciner au plus tard le 30 novembre 2021, sans quoi les personnes non vaccinées seraient placées en congé sans soldeNote de bas de page 16. L’employeuse a aussi dit à la Commission que le personnel avait été avisé de la nouvelle politique en septembre 2021 et en octobre 2021Note de bas de page 17.

[30] Je remarque aussi que, le 1er décembre 2021, l’employeuse a envoyé une lettre au prestataire pour l’informer qu’il était en congé sans solde parce qu’il avait choisi de ne pas se faire vacciner et qu’il n’avait pas demandé d’exemption. La lettre disait aussi que le statut du prestataire serait réexaminé quatre semaines plus tard et que s’il n’avait fait aucune démarche pour se faire vacciner, il serait probablement congédié pour un motif valableNote de bas de page 18.

[31] Durant son témoignage, le prestataire a dit qu’il avait reçu la lettre du 1er décembre 2021, mais qu’il ne pensait pas qu’il perdrait son emploi parce qu’il ne devrait pas avoir à suivre chaque directive de son employeuse, surtout si elle risquait de nuire à sa santé.

[32] Toutefois, comme je l’ai mentionné plus haut, je peux regarder les faits et gestes du prestataire seulement par rapport à ce que la loi dit au sujet de l’inconduite et, lorsque j’examine cette question, je ne peux pas décider si la conduite d’un employeur, y compris ses politiques, est juste ou raisonnableNote de bas de page 19.

[33] Dans la présente affaire, la lettre que l’employeuse a envoyée le 1er décembre 2021 décrit clairement les conséquences du non-respect de sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19, y compris la probabilité d’un congédiement quatre semaines plus tard, comme je l’ai déjà mentionné. La lettre n’indique pas non plus que la politique est souple.

[34] Je comprends que le prestataire ne pensait pas qu’il se ferait congédier même après avoir choisi de ne pas se faire vacciner, mais je juge que la preuve montre qu’il aurait dû savoir qu’il pouvait perdre son emploi.

[35] Par conséquent, je conclus que la conduite du prestataire constitue une inconduite au sens de la loi parce que c’est sa conduite qui a mené à son congédiement (il a refusé de suivre la politique de son employeuse sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19), ses faits et gestes étaient intentionnels et il savait ou aurait dû savoir que sa conduite lui ferait perdre son emploi.

Somme toute, le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[36] Compte tenu des conclusions que je viens de mentionner, je juge que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[37] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[38] L’appel est donc rejeté.

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