Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1160

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

appelante : A. S.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (477389) datée du 6 juin 2022 rendue par la Commission de l’assurance emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Amanda Pezzutto
Date de la décision : Le 7 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2041

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Décision

[1] A. S. est le prestataire dans la présente affaire. La Commission de l’assurance‑emploi du Canada dit qu’il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi. Le prestataire n’est pas d’accord avec cette décision et fait donc appel au Tribunal de la sécurité sociale.

[2] Je rejette l’appel du prestataire de façon sommaire. Son appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Il n’y a aucun argument qu’il pourrait présenter qui me permettrait d’accueillir son appel.

Aperçu

[3] L’employeur du prestataire a mis en place une politique de vaccination. L’employeur a dit au prestataire qu’il devait fournir une preuve de vaccination contre la COVID-19 avant le 1er novembre 2021 pour conserver son emploi. Le prestataire ne s’est pas fait vacciner dans le délai fixé par l’employeur. L’employeur l’a donc suspendu.

[4] Le prestataire affirme qu’il n’a pas cessé de travailler en raison d’une inconduite. Il dit avoir des raisons médicales de refuser le vaccin contre la COVID-19. Il soutient que son employeur ne peut pas le forcer à suivre un traitement médical. Il dit que l’employeur a violé sa convention collective.

[5] La Commission fait valoir que le prestataire a été suspendu pour inconduite. Elle affirme qu’il savait que son employeur exigeait qu’il soit vacciné contre la COVID-19 et qu’il ne pouvait pas travailler s’il n’était pas vacciné.

Questions que je dois examiner en premier

[6] Avant de rejeter un appel de façon sommaire, je dois aviser la partie prestataire. Je dois lui accorder un délai raisonnable pour présenter des arguments sur la question du rejet sommaire de son appelFootnote 1.

[7] Le personnel du Tribunal a envoyé un courriel au prestataire le 15 septembre 2022. Dans ce courriel, j’ai expliqué pourquoi j’envisageais de rejeter son appel de façon sommaire. Je lui ai demandé de répondre à ce courriel avant le 29 septembre 2022.

[8] Le prestataire a répondu à ce courriel avant la date limite. Je tiendrai compte de sa réponse au moment de rendre ma décision.

Question en litige

[9] Je dois décider s’il faut rejeter l’appel du prestataire de façon sommaire. Pour trancher cette question, je dois décider si son appel a une chance raisonnable de succès.

Analyse

[10] Je dois rejeter un appel de façon sommaire s’il n’a aucune chance raisonnable de succèsFootnote 2.

[11] On entend par « aucune chance raisonnable de succès » ce qui suit : est-il évident, à la lecture du dossier, que l’appel du prestataire est voué à l’échec? Il faut vérifier s’il existe des arguments ou des éléments de preuve qui permettraient au prestataire de gagner sa cause s’il les présentait dans le cadre d’une audienceFootnote 3.

[12] La loi dit qu’on ne peut pas toucher de prestations d’assurance-emploi si l’on perd son emploi en raison d’une inconduite. Cette règle s’applique tant en cas de suspension que de congédiementFootnote 4.

[13] Une personne suspendue de son emploi en raison d’une inconduite n’est plus admissible aux prestations d’assurance-emploi. La période d’inadmissibilité se poursuit jusqu’à ce que l’une des choses suivantes se produise :

  • la suspension prend fin;
  • la personne perd son emploi ou démissionne;
  • la personne occupe un autre emploi pendant un nombre d’heures suffisant pour qu’une nouvelle période de prestations soit établieFootnote 5.

[14] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. En d’autres termes, la conduite doit être consciente, voulue ou intentionnelleFootnote 6. Par inconduite, on entend aussi une conduite si insouciante qu’elle est presque délibéréeFootnote 7. Il n’est pas nécessaire que la personne ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite en vertu de la loiFootnote 8.

[15] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit suspendu ou congédiéFootnote 9.

[16] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la suspension du prestataire découle d’une inconduiteFootnote 10.

[17] La Commission dit que je devrais traiter la perte d’emploi du prestataire comme une suspension. Je suis d’accord. Je comprends que le prestataire affirme qu’il est en fait en congé sans solde involontaire. Il n’a cependant pas choisi de prendre congé. Il n’a pas arrêté de travailler à cause d’un manque de travail. Son employeur l’a mis en congé sans solde parce qu’il n’a pas suivi une politique. Je juge que c’est la même chose qu’une suspension.

[18] Le prestataire affirme qu’il n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite. Il dit que son employeur ne peut pas le forcer à subir une intervention médicale et qu’il a des raisons médicales de refuser le vaccin contre la COVID-19. Il soutient qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que son employeur ne parle pas d’inconduite.

[19] La Commission fait valoir que le prestataire a cessé de travailler en raison d’une inconduite. Elle dit qu’il était au courant de la politique de vaccination de son employeur. Le prestataire savait que l’employeur exigeait qu’il soit vacciné contre la COVID-19 et qu’il ne pourrait pas continuer à travailler s’il ne fournissait pas une preuve de son statut vaccinal avant la date limite fixée par l’employeur.

[20] Je suis d’accord avec la Commission. Je conclus que le présent appel n’a aucune chance raisonnable de succès. J’estime que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Il n’y a pas d’argument ou d’élément de preuve qui pourrait m’amener à tirer une conclusion différente.

[21] Le prestataire et l’employeur s’entendent sur bon nombre des faits fondamentaux concernant l’exigence de la politique de vaccination et la date limite. Le prestataire convient que son employeur avait une politique qui exigeait qu’il soit vacciné contre la COVID-19 et qu’il fournisse une preuve de son statut vaccinal. Il convient que l’employeur lui a parlé pour la première fois de cette politique en octobre 2021. Il savait que la date limite pour la vaccination était le 1er novembre 2021. Il savait que l’employeur ne le laisserait pas continuer à travailler s’il n’était pas vacciné contre la COVID-19.

[22] Le prestataire affirme avoir des raisons médicales de refuser le vaccin contre la COVID-19. Il dit également que son employeur a modifié les modalités de son contrat de travail. Il soutient que l’employeur ne peut pas le forcer à subir une intervention médicale.

[23] Cependant, ce n’est pas au Tribunal de décider si l’employeur a agi équitablement en instaurant une politique de vaccinationFootnote 11. Il n’appartient pas au Tribunal de décider si le vaccin contre la COVID-19 est sûr ou efficace. Je ne peux pas décider si l’employeur aurait dû accorder au prestataire une exemption à la politique ou si l’employeur a violé les dispositions de la convention collective du prestataire. Le prestataire peut prendre d’autres mesures par l’entremise d’un tribunal des droits de la personne ou de son syndicat s’il souhaite présenter ces arguments.

[24] Mon seul rôle est de décider si l’appel du prestataire est voué à l’échec, peu importe les arguments ou les éléments de preuve qu’il pourrait présenter à une audience. Je conclus que l’appel du prestataire est voué à l’échec parce qu’il a perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. En effet, le prestataire et la Commission sont d’accord sur ce qui suit :

  • L’employeur a suspendu le prestataire parce qu’il n’était pas vacciné contre la COVID-19 et qu’il n’a pas fourni de preuve de son statut vaccinal. Autrement dit, son refus de se faire vacciner et de fournir une preuve de son statut vaccinal a entraîné la perte de son emploi.
  • Le prestataire savait que son employeur avait une politique exigeant que tous les employés soient vaccinés contre la COVID-19 avant le 1er novembre 2021. Malgré cela, il a délibérément choisi de refuser le vaccin contre la COVID-19.
  • Le prestataire savait qu’il perdrait son emploi s’il ne suivait pas la politique de vaccination.

[25] Si j’accepte tous ces faits, je dois alors conclure que l’employeur a suspendu le prestataire pour inconduite. Le défaut du prestataire de suivre la politique de vaccination a entraîné directement sa suspension. Il a agi délibérément. Il savait que ses actions étaient susceptibles d’entraîner la perte de son emploi.

[26] Même si l’employeur ne qualifie d’inconduite la perte d’emploi du prestataire, je dois tout de même décider pourquoi il a cessé de travailler. En effet, je dois examiner les arguments et les éléments de preuve et décider comment la Loi sur l’assurance‑emploi s’applique.

[27] D’après les faits de cet appel, il n’y a aucun argument que le prestataire pourrait présenter qui m’amènerait à tirer une conclusion différente. Aucun élément de preuve ne contredit ces faits. Son appel est voué à l’échec, quels que soient les arguments ou les éléments de preuve qu’il pourrait présenter à l’audience.

Conclusion

[28] Je conclus que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès. Je dois donc rejeter son appel de façon sommaire.

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