Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JO c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1325

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. O.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (455312) datée du 10 février 2022 rendue par la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : John Noonan
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 24 mai 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 29 mai 2022
Numéro de dossier : GE-22-856

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Après avoir fait une révision, la Commission a avisé l’appelant, J. O., un formateur en milieu de travail chez X, qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations régulières d’assurance-emploi du 14 février 2021 au 20 mars 2021. Elle lui a expliqué qu’il avait volontairement pris congé de son emploi chez X le 14 février 2021 sans justification au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Commission est d’avis que le congé de l’appelant était la seule solution raisonnable dans son cas. L’appelant affirme qu’il ne voulait pas être exposé à la COVID-19 en raison de problèmes liés à l’anxiété et au stress et qu’il a donc pris un congé. Le Tribunal doit décider si l’appelant doit se voir refuser des prestations parce qu’il a pris volontairement congé sans justification conformément aux articles 29, 30 et 32 de la Loi.

Questions en litige

[3] Question en litige no 1 : L’appelant a-t-il pris volontairement congé de son emploi chez X le 14 février 2021?

Question en litige no 2 : Dans l’affirmative, était-il fondé à le faire?

Analyse

[4] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites dans le document GD4 du dossier d’appel.

[5] Une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi si elle prend volontairement un congé sans justification (article 32(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi). Une partie prestataire est fondée à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ ou son congé était la seule solution raisonnable dans son cas (article 29(c) de la Loi).

[6] L’article 32 (1) de la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une partie prestataire qui prend volontairement un congé autorisé par son employeur pour une période convenue d’un commun accord n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi. L’article 32(2) prévoit que cette inadmissibilité dure, selon le cas, jusqu’à ce que la partie prestataire reprenne son emploi, le perde ou l’abandonne, ou, après le début de la période de congé, accumule dans un autre emploi le nombre d’heures d’emploi assurable requis pour établir une nouvelle demande de prestations.

[7] Il incombe à l’intimée de prouver que le congé était volontaire et, une fois ce fait établi, il incombe à l’appelant de démontrer qu’il était fondé à prendre congé. Pour établir qu’il était fondé à prendre congé, l’appelant doit démontrer que, compte tenu de toutes les circonstances, son congé était la seule solution raisonnable dans son cas (Canada (Procureur général) c White, 2011 CAF 190; Canada (Procureur général) c Imran, 2008 CAF 17). L’expression « fardeau de la preuve » qualifie la partie qui doit produire une preuve suffisante pour établir sa position de façon à satisfaire le critère juridique. Dans la présente affaire, le fardeau de la preuve relève de la prépondérance des probabilités, ce qui signifie qu’il est « plus probable qu’improbable » que les événements se soient déroulés comme ils sont décrits.

[8] Le critère permettant de décider si une partie prestataire est « fondée » à prendre congé au titre de l’article 29 de la Loi sur l’assurance-emploi est de savoir si, compte tenu de toutes les circonstances et selon la prépondérance des probabilités, la partie prestataire n’avait pas d’autre solution raisonnable que de prendre congé. (White, 2011 CAF 190; Macleod, 2010 CAF 301; Imran, 2008 CAF 17; Astronomo, A-141-97). Une partie prestataire qui quitte son emploi doit démontrer qu’il s’agit de la seule solution dans son cas (Tanguay, A-1458-84).

Question en litige no 1 : L’appelant a-t-il pris volontairement congé de son emploi chez X le 14 février 2021?

[9] Oui.

[10] Pour qu’un congé soit volontaire, c’est la partie appelante qui doit prendre l’initiative d’obtenir un congé.

[11] Les deux parties conviennent que l’appelant a pris congé de son emploi le 14 février 2021.

[12] Par conséquent, je conclus que l’appelant a bel et bien pris volontairement un congé volontaire de son emploi chez X le 14 février 2021.

Question en litige no 2 : Dans l’affirmative, était-il fondé à le faire?

[13] Non.

[14] Le 30 décembre 2021, l’appelant a affirmé qu’il a pris un congé le 14 février 2021 avec l’approbation de son employeur parce qu’il y avait quelques eu cas d’infections à la COVID au travail et qu’il n’était pas à l’aise de travailler dans de telles circonstances. Cependant, je n’ai aucun élément de preuve montrant que l’appelant et l’employeur ont convenu d’une période de congé et d’une date de reprise d’emploi comme l’exige l’article 32(1) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[15] Le 7 février 2022, l’appelant a expliqué qu’il y avait une éclosion de COVID-19 dans sa région. L’entreprise n’a pas fermé ses portes, mais il a choisi de prendre congé. Il craignait d’attraper la COVID et s’occupait aussi d’une personne dont le système immunitaire était affaibli. Lorsqu’on l’a informé qu’il avait choisi de prendre congé et que, pour recevoir des prestations régulières, il devait être sans emploi et disponible pour chercher et accepter un emploi, il a déclaré que c’était le seul type de prestations offertes dans le système lorsqu’il a présenté sa demande. Il a dit qu’il obtiendrait une note de sa médecin indiquant qu’il était en congé pour cause de stress (page GD3-22).

[16] L’appelant a aidé son client à s’acquitter de ses tâches de conciergerie [traduction] « après les heures de travail ». Les employés étaient rentrés chez eux, ce qui réduisait considérablement la possibilité d’être en contact avec le virus. L’appelant a déclaré que pendant son congé de cinq semaines il est allé dans les supermarchés et dans d’autres endroits. Ces visites l’ont mis en contact avec plus de personnes qu’il n’en aurait rencontré après les heures de travail à l’immeuble X.

[17] Pour ce qui est de l’affirmation de l’appelant selon lequel les prestations régulières étaient le seul type de prestations offertes lorsqu’il a présenté sa demande, je le renvoie à la page GE3-3, qui montre qu’il a choisi les prestations régulières parmi une liste de sept différents types de prestations offertes au moment de présenter sa demande le 19 février 2021.

[18] L’employeur de l’appelant a confirmé que son congé était un choix personnel parce qu’il ne se sentait pas à l’aise de travailler.

[19] L’appelant a déclaré qu’il avait décidé qu’il valait mieux rester à la maison plutôt que d’aller au travail, car il avait peur du virus.

[20] Il a ajouté qu’il avait [traduction] « appuyé sur le mauvais bouton » lorsqu’il a demandé des prestations régulières plutôt que des prestations de maladie.

[21] Dans ses observations et son témoignage à l’audience, l’appelant a dit qu’il souffrait de [traduction] « aigu » qui l’avait obligé à prendre congé, mais il n’a jamais demandé de conseils médicaux à ce sujet avant de prendre congé.

[22] Dans cette affaire, la médecin de l’appelant a estimé plus d’un an après le congé que celui-ci était raisonnable, mais elle a aussi déclaré qu’elle n’avait jamais vu l’appelant à ce sujet avant son congé.

[23] Pour décider si une personne est « fondée » à prendre congé, il faut se demander si une personne raisonnable considérerait que son congé était la seule solution raisonnable dans son cas. Décisions CUB 75146B et 75719

[24] J’estime que l’appelant avait d’autres solutions raisonnables à sa disposition que de prendre un congé lorsqu’il l’a fait. Il aurait pu continuer de travailler et, comme l’a noté la Commission, prendre les mesures de sécurité nécessaires.

[25] Il avait aussi la possibilité de consulter sa médecin avant de prendre congé et d’obtenir éventuellement un avis médical lui recommandant de prendre congé.

[26] Il y avait aussi la possibilité de demander des prestations de maladie. Les exigences de disponibilité auxquelles il faut répondre pour obtenir ces dernières sont différentes.

[27] J’estime que l’appelant a fait le choix personnel de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait et que même si cette décision était possiblement une bonne décision pour lui, elle ne correspond pas à une justification permettant le versement de prestations.

[28] L’appelant a pris congé de son emploi alors qu’il ne répondait à aucun des motifs admissibles énoncés à l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[29] Ni le Tribunal ni la Commission n’ont le pouvoir discrétionnaire ou général de déroger aux dispositions et aux conditions claires imposées par la Loi ou le Règlement, pas même pour des raisons d’équité ou de compassion, des difficultés financières ou des circonstances atténuantes.

[30] Je juge que l’appelant avait d’autres solutions raisonnables que de prendre congé lorsqu’il l’a fait et qu’il ne satisfait donc pas au critère prévu aux articles 29 et 32 de la Loi pour savoir si une personne est fondée à prendre congé.

[31] À l’audience, l’appelant a révélé qu’il avait été informé qu’il devait également rembourser un trop-payé de Prestation canadienne d’urgence qu’il n’a pas les moyens de rembourser.

[32] En ce qui concerne l’annulation du trop-payé que demande l’appelant, il s’agit d’une décision que seule la Commission peut prendre. Le Tribunal n’a pas le pouvoir de faire une telle chose. La décision de la Commission à ce sujet ne peut pas faire l’objet d’un appel devant le Tribunal. Seule la décision de la Commission qui a engendré le trop-payé est assujettie à une révision aux termes de l’article 112 de la Loi sur l’assurance-emploi. La responsabilité qui revient aux parties prestataires de rembourser un trop-payé et les intérêts qui en découlent ne peuvent pas faire l’objet d’une révision parce qu’il ne s’agit pas de décisions rendues par la Commission. De plus, la responsabilité devient celle d’une « personne endettée » plutôt que celle d’une « partie prestataire ». Le recours des prestataires à l’égard de telles questions consiste à demander un contrôle judiciaire à la Cour fédérale du Canada.

[33] Je n’ai pas le pouvoir de réduire ou d’annuler le trop-payé. Le Tribunal n’a pas la compétence nécessaire pour trancher de telles questions. C’est la Commission qui a le pouvoir de réduire ou d’annuler un trop-payé.

[34] L’appelant doit présenter sa demande à la Commission

[35] L’appelant demande l’annulation du trop-payé. Je suis d’accord avec la position énoncée par la Commission et je note que, selon la loi, la décision de la Commission concernant l’annulation d’une somme due ne peut pas être portée en appel devant le Tribunal de la sécurité sociale. Par conséquent, je ne peux pas régler les questions relatives à une demande d’annulation ou de réduction d’un trop-payé.

[36] La Cour fédérale du Canada a le pouvoir d’instruire un appel portant sur l’annulation d’un trop-payé. Si l’appelant souhaite déposer un appel en ce sens, il doit donc s’adresser à la Cour fédérale du Canada.

[37] Finalement, je ne vois rien dans le dossier qui laisse croire que la Commission a informé l’appelant au sujet du programme de remise de dette mis en place par l’Agence du revenu du Canada. Si le remboursement immédiat du trop-payé aux termes de l’article 44 de la Loi sur l’assurance-emploi lui cause des difficultés financières, l’appelant peut communiquer avec le Centre d’appels de la gestion des créances de l’Agence du revenu du Canada en composant le 1-866-864-5823. Il se pourrait qu’il puisse prendre d’autres dispositions de remboursement en fonction de sa situation financière personnelle

Conclusion

[38] Après avoir examiné attentivement toutes les circonstances, j’estime que l’appelant n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de prendre congé de son emploi lorsqu’il l’a fait. La question n’est pas de savoir s’il était raisonnable pour l’appelant de prendre congé de son emploi, mais plutôt si prendre ce congé était la seule solution raisonnable qui s’offrait à lui (Canada (Procureur général) c Laughland, 2003 CAF 129). J’estime que l’appelant avait d’autres solutions raisonnables que de prendre congé lorsqu’il l’a fait et que, par conséquent, il ne satisfait pas au critère prévu aux articles 29 et 32 de la Loi sur l’assurance-emploi permettant à une personne d’être fondée à prendre congé. L’appel est rejeté.

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