Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : XN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1263

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : X. N.
Représentant : R. Z.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance emploi du Canada (452849) datée du 1er février 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Linda Bell
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 7 avril 2022
Personne présente à l’audience : Appelante (prestataire)
Représentant/témoin de l’appelante
Interprète
Date de la décision : Le 11 avril 2022
Numéro de dossier : GE-22-648

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel.

[2] La prestataire n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler. Cela signifie qu’elle n’a pas droit aux prestations régulières d’assurance‑emploi qu’elle a reçues du 10 janvier 2021 au 7 août 2021 pour cette raison.

[3] La prestataire a la responsabilité de rembourser les prestations régulières d’assurance‑emploi auxquelles elle n’avait pas droit du 10 janvier 2021 au 7 août 2021. Cela signifie que je ne réduis ni ne défalque le trop‑payé.  

Aperçu

[4] Lorsque la pandémie mondiale de  COVID-19 est survenue, l’employeur de la prestataire a fermé temporairement ses portes. Elle a cessé de travailler le 14 mars 2020 en raison d’un manque de travail.

[5] La prestataire a présenté une demande de prestations d’urgence. La Commission a établi sa demande de prestations d’assurance‑emploi d’urgence (PAEU) à compter du 15 mars 2020Note de bas de page 1.

[6] Lorsque la PAEU de la prestataire a pris fin, la Commission a automatiquement établi une autre demande de prestations régulières d’assurance‑emploi à compter du 27 septembre 2020. La prestataire a d’abord déclaré qu’elle n’était pas disponible pour travailler et ses prestations ont cessé. Elle s’est rendue au bureau de Service Canada et a appris qu’elle devait déclarer qu’elle était disponible pour travailler afin de recevoir des prestations régulières d’assurance‑emploi. La prestataire a touché 45 semaines de prestations régulières d’assurance‑emploi du 27 septembre 2020 au 7 août 2021. 

[7] Le 8 juillet 2021, l’employeur a émis un relevé d’emploi modifié. La raison indiquée pour l’émission du relevé est « D », soit une maladie ou une blessure. 

[8] La Commission a procédé à une révision. Elle a décidé que la prestataire avait droit à des prestations de maladie d’assurance‑emploi du 27 septembre 2020 au 9 janvier 2021.

[9] La Commission a également déterminé que la prestataire n’avait pas droit aux prestations régulières d’assurance‑emploi qu’elle a reçues du 10 janvier 2021 au 7 août 2021. Cela s’explique par le fait qu’elle n’était pas capable de travailler pendant qu’elle était malade et qu’elle subissait des traitements contre le cancer. Elle a imposé un arrêt de paiement rétroactif pour une période indéterminée (inadmissibilité) à compter du 10 janvier 2021. Il en résulte un trop‑payé de 15 000 $ de prestations régulières d’assurance‑emploi. 

[10] La prestataire interjette maintenant appel devant le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal). Elle affirme que [traduction] « pendant toute cette période, elle était toujours prête à travailler et cherchait du travail ». C’est parce qu’elle a besoin d’argent pour subvenir à ses besoins.

Questions que je dois examiner en premier

Anglais langue seconde

[11] Au cours de l’audience, la prestataire a présenté son témoignage avec l’aide d’un interprète. Tout au long de l’audience, l’interprète a traduit mes commentaires et mes questions lorsque je parlais directement avec la prestataire.

[12] La prestataire a expliqué qu’elle pouvait parler et comprendre l’anglais, mais qu’elle ne pouvait parfois pas s’exprimer pleinement en anglais. Elle affirme que c’est la raison pour laquelle elle a préféré parler par l’entremise de l’interprète à l’audience. Elle a confirmé avoir examiné les documents d’appel avec son fils (représentant/témoin). Elle a affirmé qu’elle n’avait pas besoin de l’interprète pour traduire ce que son représentant/témoin disait pendant l’audience.

[13] Par souci de clarté, le représentant/témoin de la prestataire parlait couramment l’anglais. Il était pleinement réceptif à tout ce qui était dit en anglais. Il affirmait aussi bien comprendre ce que disait l’interprète en mandarin. Il a demandé à présenter sa preuve et ses arguments en anglais, sans services de traduction. Il a dit avoir examiné ses déclarations avec la prestataire avant l’audience. Il a également confirmé qu’il avait examiné attentivement les documents d’appel avec la prestataireNote de bas de page 2. 

[14] Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincue que même si l’anglais était la langue seconde de la prestataire, elle a eu une possibilité complète et équitable de présenter sa preuve et ses arguments pendant l’audience.

Question en litige

[15] La prestataire satisfait‑elle aux exigences de disponibilité des prestations régulières d’assurance‑emploi?

[16] La Commission a‑t‑elle effectué son examen dans le délai prescrit?

[17] La prestataire doit‑elle rembourser le trop‑payé de prestations régulières d’assurance‑emploi?

Analyse

Disponibilité

[18] Deux dispositions différentes de la loi exigent que la prestataire démontre qu’elle est disponible pour travailler. La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible en vertu de l’article 18 de la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi)Note de bas de page 3.

[19] L’article 18 de la Loi dispose qu’un prestataire doit prouver qu’il est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’il est incapable de trouver un emploi convenable.

Capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable

[20] Je dois établir si la prestataire a prouvé qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin et incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 4. La prestataire doit prouver trois choses pour démontrer qu’elle était disponible en vertu de cette disposition : 

  1. a)  Le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable est offert.
  2. b)  L’expression de ce désir par des démarches pour se trouver un emploi convenable.  
  3. c)  Le non‑établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travailNote de bas de page 5.

[21] Je dois tenir compte de chacun de ces facteurs pour trancher la question de la disponibilitéNote de bas de page 6. Ce faisant, je dois examiner l’attitude et la conduite de la prestataireNote de bas de page 7.

Désir de retourner au travail

[22] Je conclus que la prestataire a démontré qu’elle avait le désir de retourner au travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert.

[23] Elle affirme constamment qu’elle avait le désir de retourner au travail. C’est qu’elle a des dépenses à payer pour subvenir à ses besoins. 

[24] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la prestataire a présenté suffisamment d’éléments de preuve pour établir qu’elle souhaitait retourner sur le marché du travail.

Démarches pour trouver un emploi convenable

[25] La prestataire n’a pas démontré qu’elle a déployé suffisamment d’efforts pour trouver un emploi convenable du 10 janvier 2021 au 1er décembre 2021.

[26] Je reconnais que le témoignage de la prestataire à l’audience contredit ses déclarations antérieures à la Commission et la preuve médicale au dossier. Cela soulève des doutes quant à la crédibilité de ses déclarations.

[27] La Commission documente que le 11 août 2021, la prestataire a déclaré qu’elle était incapable de travailler depuis son intervention chirurgicale du 8 mai 2021Note de bas de page 8. Puis, le 13 août 2021, la Commission a documenté que la prestataire a dit qu’elle n’avait pas cherché de travail depuis le 8 mai 2021 parce qu’elle n’était pas assez bien pour le faire et qu’elle était toujours incapable de travailler en raison de sa maladieNote de bas de page 9. Cela correspond à ce que la prestataire a dit à l’enquêteur de la Commission le 24 août 2021Note de bas de page 10.  

[28] La prestataire a présenté des copies de deux notes médicales signées par son médecin. Le 23 juin 2021, son médecin a écrit qu’elle était [traduction] « tout à fait incapable de travailler en raison de la fatigue chronique causée par une chimiothérapie continue »Note de bas de page 11. Le 7 octobre 2021, le médecin de la prestataire a écrit qu’elle recommande que la prestataire commence à travailler [traduction] « le 1er novembre et se limite à 6 heures/quart pour le premier mois et aucun quart de nuit pour le premier mois. À compter du 1er décembre 2021, si elle va bien, elle peut passer à des heures complètes ou à des quarts de travail complets. »

[29] Questionnée au sujet des incohérences dans ses déclarations, la prestataire a répondu qu’elle ne pouvait pas travailler de nuit en raison de son diabète, mais qu’elle pouvait travailler de jour. Elle affirme que lorsque son employeur l’a appelée pour reprendre le travail en juin 2021, elle ne pouvait pas le faire parce qu’il lui offrait seulement des quarts de nuit. Elle dit avoir demandé à son médecin de remplir les formulaires médicaux pour indiquer qu’elle ne pouvait pas travailler de nuit. Toutefois, je constate que la note médicale du 23 juin 2021 mentionne clairement qu’elle est [traduction] « tout à fait incapable de travailler en raison de la fatigue chronique causée par une chimiothérapie continue »Note de bas de page 12.  

[30] La prestataire reconnaît qu’elle n’a postulé aucun emploi depuis le 10 janvier 2021. Elle dit qu’elle voulait postuler chez Kikuko pour un emploi de jour. Elle a parlé à quelqu’un qui y travaillait, mais il n’y avait pas de postes vacants. 

[31] La prestataire affirme avoir également parlé à son conseiller en France. Elle n’a pas précisé la date de cette conversation, mais a souligné qu’elle avait demandé à son conseiller de l’informer de tout emploi, sans toutefois obtenir de résultats. Elle a également mis à jour son curriculum vitae. 

[32] Bien qu’elles ne soient pas contraignantes pour statuer sur cette exigence en particulier, j’ai tenu compte de la liste des activités de recherche d’emploi, décrite ci-dessous, comme guide pour statuer sur ce deuxième facteur.

[33] Le Règlement sur l’assurance‑emploi (Règlement) dresse une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte. Voici quelques exemples de ces activitésNote de bas de page 13 :

  • Réseautage et dépôt de curriculum vitæ;
  • Présentation de demandes d’emploi.

[34] Je dois examiner des circonstances particulières au cas par casNote de bas de page 14. J’ai donc tenu compte de ce qui suit pour décider si la prestataire a satisfait à ce deuxième critère.

  • L’anglais est la langue seconde de la prestataire. Elle affirme qu’elle peut parler et comprendre l’anglais, mais qu’elle a préféré présenter son témoignage par l’entremise de l’interprète.
  • La Commission ne mentionne aucunement qu’ils ont eu de la difficulté à communiquer avec la prestataire en anglais. Il n’est pas non plus mentionné que la prestataire a demandé à quelqu’un de l’aider au cours de ces conversations.
  • J’accorde plus de poids aux déclarations initiales de la prestataire parce qu’elles sont plausibles et cohérentes avec la preuve médicale au dossier. Cette preuve médicale expose clairement l’état de santé de la prestataire et son incapacité de travailler jusqu’au 1er novembre 2021.
  • La prestataire n’a modifié ses déclarations qu’après avoir pris connaissance de la décision de la Commission, ce qui a entraîné le trop‑payé de 15 000,00 $.

[35] Je conclus que la prestataire n’a pas démontré que ses efforts étaient suffisants pour satisfaire aux exigences de ce deuxième facteur, en date du 10 janvier 2021. Je tire cette conclusion après avoir examiné l’ensemble de la preuve susmentionnée.

Limiter indûment les chances de retourner au travail

[36] Je conclus que la maladie de la prestataire est une condition personnelle qui a limité ses chances de reprendre le travail du 10 janvier 2021 au 1er décembre 2021.

[37] La Commission affirme que la prestataire n’avait pas droit à des prestations régulières d’assurance‑emploi depuis le début de sa demande le 27 septembre 2020. Cela s’explique par son incapacité à travailler depuis son intervention chirurgicale du 8 mai 2020.

[38] La Commission a modifié les demandes pour verser le maximum de 15 semaines de prestations de maladie d’assurance‑emploi, du 27 septembre 2020 au 9 janvier 2021Note de bas de page 15.

[39] Je reconnais que la prestataire déclare qu’elle avait besoin de l’argent pour subvenir à ses besoins. Toutefois, j’accorde plus de poids aux documents médicaux et à ses déclarations initiales, tel qu’il est mentionné ci‑dessus. Le 23 juin 2021, le médecin de la prestataire déclare sans équivoque qu’elle est [traduction] « tout à fait incapable de travailler en raison d’une fatigue chronique et d’une chimiothérapie continue »Note de bas de page 16. La prestataire a confirmé qu’elle a subi une intervention chirurgicale le 8 mai 2021 et qu’elle a subi une chimiothérapie toutes les trois semaines de juin 2020 à juillet 2021.

[40] Le formulaire d’évaluation médicale du 7 octobre 2021 constitue la seule preuve médicale qui témoigne de la capacité de la prestataire de reprendre le travail. Ce document indique nettement que la prestataire pourrait retourner au travail graduellement à compter du 1er novembre 2021. Elle est limitée à des quarts de six heures et est incapable de travailler de nuit. Elle est en mesure de retourner travailler à temps plein ou de faire des quarts de travail complets à compter du 1er décembre 2021 si elle va bienNote de bas de page 17. C’est la première fois que son médecin lui demande si elle peut travailler de nuit.

La prestataire était‑elle capable de travailler et disponible à cette fin et incapable de trouver un emploi convenable?

[41] Après avoir examiné mes conclusions sur chacun des trois facteurs ensemble, je conclus que la prestataire n’était pas capable de travailler ou disponible à cette fin du 10 janvier 2021 au 1er novembre 2021Note de bas de page 18.

Le délai d’examen des demandes par la Commission

[42] La loi prévoit que la Commission dispose de 36 mois après avoir versé des prestations d’assurance‑emploi pour réexaminer une demande de prestationsNote de bas de page 19. Cette période est prolongée à 72 mois si, de l’avis de la Commission, une déclaration ou une représentation fausse ou trompeuse a été faite relativement à une réclamationNote de bas de page 20.

[43] La Cour d’appel fédérale reconnaît que la Commission ne peut revoir les modifications apportées aux demandes au moment exact où elles se produisent. C’est précisément pour cette raison que la Loi accorde à la Commission le temps d’annuler ou de modifier toute décision rendue dans une demande de prestations d’assurance‑emploi en particulierNote de bas de page 21. 

[44] La Commission a entrepris son examen des demandes après que l’employeur a émis le relevé d’emploi modifié le 8 juillet 2021. Cinq mois plus tard, le 16 décembre 2021, la Commission a informé la prestataire par écrit qu’elle n’avait pas droit aux prestations régulières d’assurance‑emploi reçues.

[45] C’est vraiment une situation malheureuse. Toutefois, la Commission a effectué son évaluation conformément à la loi. Cela signifie que le trop‑payé est valide.

Remboursement d’un trop‑payé

[46] La loi dispose qu’un prestataire est responsable du remboursement des prestations d’assurance‑emploi auxquelles il n’a pas droitNote de bas de page 22.

[47] Je n’ai pas le pouvoir de réduire le trop‑payé ou d’y renoncer.Note de bas de page 23 Ce pouvoir appartient à la Commission.

[48] La prestataire croit qu’elle ne devrait pas avoir à rembourser les prestations d’assurance‑emploi en raison de ses besoins financiers. Je compatis avec la prestataire compte tenu des circonstances qu’elle a présentées. Toutefois, l’assurance‑emploi n’est pas un programme fondé sur les besoins. Les prestataires doivent prouver leur droit à des prestations. Malheureusement, la prestataire n’a pas prouvé qu’elle a droit à des prestations régulières d’assurance‑emploi du 10 janvier 2021 au 1er novembre 2021. 

[49] La prestataire a donc deux options. Elle peut demander à la Commission d’envisager de défalquer le trop‑payé en raison de difficultés excessivesNote de bas de page 24. Si elle n’aime pas la réponse de la Commission, elle peut interjeter appel devant la Cour fédérale du Canada.

[50] La prestataire peut également communiquer avec le Centre d’appels de la gestion des créances de l’ARC au 1‑866‑864‑5823 au sujet d’un calendrier de remboursement ou d’un autre allégement de la detteNote de bas de page 25.

Conclusion

[51] L’appel est rejeté.

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