Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : XN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1262

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision sur la demande de prorogation de délai

Demanderesse  : X. N.
Représentant : R. Z.
Défenderesse  Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 11 avril 2022 (GE 22 648)

Membre du Tribunal : Stephen Bergen
Date de la décision : Le 10 novembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-686

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Décision

[1] Je refuse une prorogation du délai pour demander la permission de faire appel. Je n’examinerai pas la demande de permission d’en appeler.

Aperçu

[2] La demanderesse, X. N., est la prestataire en l’espèce. La défenderesse, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (Commission), a décidé qu’elle n’avait pas droit aux prestations régulières d’assurance‑emploi parce qu’elle a dit qu’elle n’était pas disponible pour travailler.

[3] Lorsque la prestataire a présenté une demande de prestations d’assurance‑emploi, elle s’est corrigée et a dit à la Commission qu’elle était disponible pour travailler. Elle a touché des prestations du 27 septembre 2020 au 7 août 2021. La Commission a par la suite examiné sa demande et lui a dit qu’elle ne pouvait pas recevoir de prestations régulières après le 10 janvier 2021. Elle a accepté qu’elle avait droit à 15 semaines de prestations de maladie à compter du 27 septembre 2020. Elle lui a toutefois demandé de rembourser les prestations qu’elle avait reçues pour la période postérieure au 10 janvier 2021.

[4] Lorsque la prestataire a demandé à la Commission de réviser la décision, cette dernière n’a pas modifié sa décision initiale. La prestataire a interjeté appel de la décision de révision devant la division générale. Elle a soutenu qu’elle était disponible pour travailler après le 10 janvier 2021 et qu’elle avait droit aux prestations qui lui avaient été versées.

[5] La division générale a souscrit à la décision de la Commission et a rejeté l’appel de la prestataire. La prestataire a demandé à la division générale de corriger sa décision, mais elle a refusé. Ensuite, la prestataire a écrit à la Commission pour expliquer pourquoi elle croyait qu’elle devrait avoir droit à des prestations. La Commission a transmis sa lettre à la division d’appel, qui l’a interprétée comme une demande d’appel de la décision de la division générale.

[6] La demande était toutefois tardive. Je refuse une prorogation de délai et je n’examinerai pas l’appel de la prestataire. Je ne suis pas convaincu qu’il est dans l’intérêt de la justice que j’examine l’appel tardif.

Analyse

La demande était tardive

[7] Je dois d’abord trancher la question de savoir si la demande de permission d’en appeler était tardive.

[8] La loi dispose qu’un demandeur doit présenter la demande à la division d’appel dans les 30 jours qui suivent la date à laquelle il a reçu la décision de la division généraleNote de bas de page 1.

[9] La prestataire a lancé son appel devant la division générale en déposant un formulaire d’avis d’appel. Dans le formulaire, elle a fourni une adresse courriel et a confirmé que la division générale devrait envoyer de la correspondance et des documents par courriel.

[10] La division générale a rendu sa décision le 11 avril 2022 et a envoyé la décision par courriel à la prestataire le même jour.

[11] La loi dispose qu’une décision est « présumée avoir été communiquée » le jour ouvrable suivant le jour où elle est envoyée par courrielNote de bas de page 2. Autrement dit, je peux présumer que la prestataire a reçu la décision de la division générale le jour ouvrable suivant son envoi par courriel, à moins qu’elle puisse démontrer qu’elle l’a reçue un autre jour.

[12] Le jour ouvrable suivant le 11 avril 2022 est le 12 avril 2022.

[13] Le 22 octobre 2022, j’ai écrit au représentant de la prestataire pour lui demander quand il avait effectivement reçu la décision de la division générale. Il a répondu à ma lettre le 24 octobre 2022. Il n’a pas contesté que la prestataire avait reçu la décision en date du 12 avril 2022.

[14] Je conclus que la décision avait été communiquée à la prestataire (par l’entremise de son représentant) le 12 avril 2022.

[15] Je dois maintenant décider quand la prestataire a déposé sa demande auprès de la division d’appel.

[16] La prestataire a écrit à la Commission le 13 septembre 2022 pour exprimer son insatisfaction à l’égard du [traduction] « résultat qu’elle a établi relativement à [son] dossier »Note de bas de page 3. Un Centre Service Canada a reçu cette lettre le 14 septembre 2022. Service Canada a transmis la lettre au Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal). Elle est parvenue à destination le 28 septembre 2022. La division d’appel a accepté cette lettre comme expression de l’intention de la prestataire d’interjeter appel de la décision rendue par la division générale.

[17] Lorsque j’ai écrit au représentant de la prestataire, je lui ai également demandé d’expliquer tout délai entre le moment où la division générale a envoyé la décision et le moment où la prestataire l’a reçu. Le représentant n’a pas répondu directement à cette question, mais il a mentionné un [traduction] « appel envoyé le 28 avril avec un formulaire d’appel transmis à la division d’appel »Note de bas de page 4.

[18] J’ai examiné les dossiers du Tribunal et j’ai confirmé que le représentant de la prestataire a envoyé un courriel au Tribunal le 28 avril 2022. Un formulaire d’appel n’était pas joint au courriel, qui n’exprimait pas par ailleurs l’intention d’interjeter appel. Le représentant a plutôt déclaré qu’il croyait que la décision de la division générale avait énoncé des faits erronés. Il a demandé au Tribunal de « clarifier » ces faits.

[19] En réponse au courriel du 28 avril 2022, la division générale a envoyé une lettre au représentant le 10 mai 2022. Elle a rejeté la demande de la prestataire de faire corriger la décision de la division générale. Elle a également ordonné au représentant d’examiner la lettre d’accompagnement qui a été envoyée avec la décision initiale de la division générale. Celle‑ci a déclaré que sa lettre d’accompagnement antérieure comprenait des renseignements sur la façon de demander la permission d’en appeler à la division d’appel.

[20] Je conclus que la lettre de la prestataire datée du 13 septembre 2022 exprime pour la première fois son intention d’interjeter appel de la décision de la division générale devant la division d’appel. J’accepte que cette lettre constitue la demande de la prestataire à la division d’appel.

[21] La prestataire pourrait s’attendre à ce que le Tribunal accepte son courriel du 28 avril 2022 comme demande d’appel de la décision de la division générale devant la division d’appel. Toutefois, la lettre du 10 mai 2022 de la division générale indique clairement qu’elle ne traitait pas ce courriel comme une demande d’appel. Le Tribunal n’a reçu aucune autre correspondance de sa part ou de son représentant entre le courriel du 28 avril 2022 et le jour où il a reçu la lettre du 13 septembre 2022.

[22] Service Canada agit à titre de mandataire de la Commission. Dans cette optique, j’accepte que la Commission ait reçu la lettre du 13 septembre 2022 le 14 septembre 2022, soit le jour même où Service Canada l’a reçue.

[23] Je conclus que la division d’appel a également reçu la lettre le 14 septembre 2022. Bien que le Tribunal soit distinct de la Commission, celle‑ci a choisi de transmettre directement la lettre de la prestataire au Tribunal. Elle n’a pas redirigé la prestataire vers le Tribunal. Pour cette raison, la prestataire ne devrait pas être lésée par le délai entre le moment où Service Canada a reçu la lettre et celui où le Tribunal l’a reçue.

[24] La date limite pour déposer la demande s’établissait à 30 jours à compter du 12 avril 2022, soit le 12 mai 2022. La division d’appel a reçu la demande le 13 septembre 2022. Par conséquent, la demande de la prestataire a été présentée en retard d’environ quatre mois.

Je ne prolonge pas le délai pour déposer la demande

[25] Pour décider s’il y a lieu d’accorder une prorogation de délai, je dois tenir compte des facteurs suivants :

  1. a)  Y avait‑il une intention persistante de présenter la demande?
  2. b)  La demande révèle‑t‑elle une cause défendable?
  3. c)  Le retard a‑t‑il été raisonnablement expliqué?
  4. d)  L’autre partie subit‑elle un préjudiceNote de bas de page 5?

[26] L’importance de chaque facteur peut varier selon le cas. Avant tout, je dois me demander si je servirais l’intérêt de la justice en accordant la prorogationNote de bas de page 6.

Intention persistante

[27] La division générale a dit à la prestataire comment demander la permission d’en appeler lorsqu’elle lui a envoyé la décision le 11 avril 2022. Elle lui a rappelé comment demander la permission dans son refus du 10 mai 2022 de corriger sa décision.

[28] La prestataire a envoyé une lettre à la Commission le 13 septembre 2022. La division d’appel a reçu cette lettre et l’a acceptée comme exprimant son intention d’interjeter appel.

[29] Ni la prestataire ni son représentant n’ont communiqué avec la Commission ou le Tribunal à quelque moment que ce soit entre le 12 mai 2022, date limite pour déposer une demande auprès de la division d’appel, et le 13 septembre 2022.

[30] Lorsque j’ai écrit au représentant de la prestataire le 22 octobre 2022, je lui ai demandé si la prestataire pouvait indiquer les mesures qu’elle avait prises et qui pourraient démontrer qu’elle avait toujours eu l’intention de présenter une demande. La prestataire a répondu à la lettre le 24 octobre 2022, sans toutefois répondre à cette question.

[31] Je n’admets pas que la prestataire ait eu l’intention persistante d’interjeter appel tout au long du délai.

[32] Ma conclusion quant à ce facteur milite contre la décision d’accorder la prorogation de délai.

Explication raisonnable

[33] Dans ma lettre au représentant de la prestataire, j’ai également demandé si cette dernière pouvait expliquer raisonnablement le retard.

[34] Il n’est pas clair si la prestataire a répondu à cette question. Toutefois, elle a décrit la lettre du 28 avril 2022 au Tribunal comme un « appel » et elle a dit avoir envoyé un formulaire d’appel. Ces propos suggèrent une explication possible : La prestataire croyait peut-être avoir déposé son appel le 28 avril 2022.

[35] Rien n’indique toutefois dans le dossier du Tribunal qu’il a reçu un formulaire d’appel avec le courriel du 28 avril 2022. La division générale a bien reçu le courriel, mais celui-ci ne faisait pas mention d’un formulaire d’appel ni ne l’incluait. Dans le courriel, la prestataire a demandé à la division générale de « clarifier » certaines conclusions de fait dans la décision de la division générale.

[36] La division générale a répondu à la prestataire le 10 mai 2022, comme si la prestataire lui demandait de corriger sa décision. Elle a rejeté cette demande. Elle a également rappelé à la prestataire le bon processus pour interjeter appel de la décision de la division générale.

[37] Après avoir reçu la lettre de la division générale, la prestataire a attendu quatre mois de plus avant d’écrire à la Commission. Si elle avait l’intention d’interjeter appel de la décision de la division générale, elle n’a pas expliqué pourquoi elle avait attendu si longtemps.

[38] Je n’admets pas que la prestataire ait une explication raisonnable du retard. Ma conclusion quant à ce facteur milite contre la décision d’accorder la prorogation de délai.

Injustice envers une autre partie

[39] La seule autre partie au présent appel est la Commission.

[40] La Commission sait que le délai de présentation de la demande par la prestataire était en cause. Lorsque j’ai demandé au représentant de la prestataire des renseignements supplémentaires sur la demande tardive et sur les raisons, j’ai envoyé une copie à la Commission. La Commission a également reçu une copie de la réponse transmise à la prestataire.

[41] La Commission n’a pas pris position sur cette question.

[42] En l’absence d’arguments ou d’éléments de preuve, je ne spéculerai pas sur la façon dont le retard de la prestataire a pu être injuste pour la Commission. Je conclus que le retard de la demande de permission d’en appeler n’était pas injuste pour la Commission.

[43] Ma conclusion quant à ce facteur milite en faveur de la prorogation du délai.

Argument défendable

[44] Enfin, je dois décider si la prestataire a un argument défendable. Un argument défendable serait un argument sur lequel la prestataire pourrait avoir gain de cause dans son appel.

[45] Pour que la demande de permission d’en appeler de la prestataire soit accueillie, les motifs de son appel doivent correspondre aux « moyens d’appel ». Je ne peux accorder la permission d’en appeler que si l’on peut soutenir que la division générale a commis une ou plusieurs des erreurs suivantesNote de bas de page 7 :

  1. a)  Le processus d’audience de la division générale n’était d’aucune façon équitable.
  2. b)  La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher (erreur de compétence).
  3. c)  La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. d)   La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[46] Dans sa lettre du 13 septembre 2022, la prestataire n’a pas clairement indiqué quelle erreur elle croyait que la division générale avait commise.

[47] J’ai énoncé les motifs d’appel dans ma lettre du 22 octobre 2022 adressée à la prestataire. Je lui ai également demandé de plus amples renseignements sur les raisons pour lesquelles elle croyait que la division générale avait commis l’un ou l’autre des types d’erreurs décrits dans les moyens d’appel.

[48] Dans sa réponse, la prestataire a déclaré que la division générale avait commis une erreur d’équité procédurale et une erreur de fait importante. Son souci d’équité procédurale semble fondé sur la qualité de l’interprétation. L’« erreur de fait » y est liée; elle croit que la division générale a mal compris la preuve au sujet de « K. »

Processus injuste

[49] Si la prestataire n’était pas en mesure de se faire comprendre à l’audience, cela nuirait à son droit d’être entendue. Ce serait injuste.

[50] Toutefois, la division générale savait que cela pouvait se révéler problématique. Elle a consacré plusieurs paragraphes de sa décision à expliquer comment elle s’assurait que la prestataire serait comprise pendant l’audience. Elle a souligné que la prestataire pouvait parler et comprendre l’anglais. Cependant, elle n’était pas convaincue que son anglais était suffisamment bon aux fins d’une audience. Par conséquent, la division générale a pris des dispositions pour qu’elle témoigne par l’entremise d’un interprète. L’interprète a également été chargé de traduire tous les commentaires et toutes les questions du membre à la prestataire.

[51] De plus, la prestataire était représentée à l’audience. Son représentant parlait couramment l’anglais. Il a confirmé à l’audience qu’il comprenait parfaitement ce que l’interprète a dit en mandarin.

[52] Au cours de l’audience, ni la prestataire ni son représentant n’ont soulevé d’objection quant à la qualité de l’interprétation.

[53] On ne peut soutenir que la prestataire a été incapable de se faire comprendre à l’audience ou que l’audience ait été injuste en raison de la qualité de l’interprétation.

Erreur de fait importante

[54] La division générale a compris que la prestataire voulait présenter une demande à « K. », comme si K. était une entreprise ou un employeur personnel. Elle a également compris que la prestataire avait parlé avec un conseiller en France pour qu’il l’aide à trouver un emploi.

[55] La prestataire affirme que la division générale s’est trompée au sujet de ces faits. Elle affirme que K. est le nom du conseiller qui l’aidait à trouver du travail et que K. se trouvait en Colombie-Britannique.

[56] On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante.

[57] La décision de la division générale représente avec exactitude ce que l’interprète a dit au sujet de K. Lorsque l’interprète a relaté ce que la prestataire avait dit au sujet de K., elle a affirmé que la prestataire voulait présenter une demande dans une entreprise appelée K. L’interprète a également déclaré qu’elle avait demandé à la prestataire d’épeler le nom de l’« entreprise »Note de bas de page 8. Le représentant de la prestataire n’a pas corrigé l’interprète pendant l’audience.

[58] Il y a un cas où l’interprète parlait au nom de la prestataire, et il me semble qu’elle a dit [traduction] « Je parlais à mon conseiller et à mes amis ». Toutefois, son accent est tel que le membre l’a peut-être entendu comme « mon conseiller en France »Note de bas de page 9.

[59] Même si l’interprète a mal traduit ce que la prestataire avait dit au sujet de K., ou si le membre de la division générale a mal entendu le seul détail, cette preuve n’était pas importante pour la décision de la division générale.

[60] On peut soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante seulement si elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait qui a ignoré ou mal compris la preuveNote de bas de page 10. La division générale n’a pas fondé sa décision sur l’identité ou la nature de K. ni sur l’endroit où K. se trouvait.

[61] La division générale a décidé que la prestataire n’avait pas droit à des prestations parce qu’elle n’avait pas déployé assez d’efforts pour trouver du travail entre le 10 janvier 2021 et le 1er décembre 2021. Elle a dit s’être fondée sur les déclarations initiales de la prestataire à la Commission, qui, selon elle, concordaient avec la preuve médicale au dossier. Elle a déclaré que cette preuve témoigne de son état et de son incapacité de travailler jusqu’au 1er novembre 2021Note de bas de page 11.

[62] La demande de la prestataire ne constitue pas un argument défendable.

[63] Ce dernier facteur milite contre la décision d’accorder une prorogation de délai.

Résumé des facteurs de prorogation de délai

[64] J’ai tenu compte de tous les facteurs. La prestataire n’a pas démontré qu’elle avait une intention persistante d’interjeter appel, n’a pas fourni d’explication raisonnable pour justifier le retard et n’a pas établi d’argument défendable. Le seul facteur en sa faveur est qu’il ne serait pas injuste pour la Commission si j’accordais une prorogation.

[65] Compte tenu de mes conclusions sur ces facteurs, je ne suis pas convaincu qu’une prorogation de délai soit dans l’intérêt de la justice.

Conclusion

[66] Je refuse la prorogation de délai. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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