Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1183

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. K.
Représentante ou représentant : J. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (471673) datée du 13 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Audrey Mitchell
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 18 octobre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant
Date de la décision : Le 31 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1788

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné la perte de son emploi). Cela signifie que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a été suspendu de son emploi. L’employeur du prestataire affirme qu’il a été suspendu parce qu’il a contrevenu à sa politique de vaccination en refusant de se faire vacciner.

[4] Même si le prestataire ne conteste pas que cela s’est produit, il affirme qu’aller à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur n’est pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison fournie par l’employeur pour expliquer le congédiement. Elle a décidé que le prestataire avait été suspendu de son emploi pour inconduite et qu’il était donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question que je dois examiner en premier

Le représentant du prestataire a témoigné à l’audience

[6] Le requérant a désigné son représentant syndical comme son représentant pour l’appel. Mais le représentant syndical voulait aussi témoigner à l’audience. Par conséquent, il a fait une affirmation solennelle.

Question en litige

[7] Le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] La loi dit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cette règle s’applique tant en cas de congédiement qu’en cas de suspensionNote de bas page 2.

[9] Pour répondre à la question de savoir si le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois savoir pourquoi le prestataire a été suspendu. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi?

[10] Je juge que le prestataire a été suspendu de son emploi parce qu’il a contrevenu à la politique de l’employeur sur la vaccination.

[11] Le prestataire affirme avoir demandé à son employeur une exemption religieuse afin de ne pas avoir à se faire vacciner contre la COVID-19. Mais son employeur a refusé.

[12] La Commission dit que le prestataire a refusé de respecter la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19 et que c’est pour cette raison que l’employeur l’a suspendu.

[13] J’estime que le prestataire a été suspendu parce qu’il a refusé de se conformer à la politique de son employeur sur la vaccination.

[14] La Commission a parlé à l’employeur du prestataire. L’employeur a dit avoir mis le prestataire en congé sans solde parce qu’il ne s’était pas conformé à son mandat de vaccination. L’employeur a dit que le prestataire était suspendu et qu’il pourrait retourner à son poste une fois qu’il serait vacciné. L’employeur a envoyé à la Commission du texte d’une lettre qu’il a envoyé au prestataire pour l’aviser qu’il serait mis en congé sans solde à compter du 1er novembre 2021.

[15] Le requérant ne conteste pas la raison pour laquelle son employeur l’a mis en congé sans solde. Mais il n’est pas d’accord pour dire qu’il n’a pas respecté sa politique. Il soutient qu’il ne peut pas se faire vacciner contre la COVID-19 en raison de ses croyances religieuses. Cependant, l’employeur n’a pas approuvé de mesures d’adaptations pour des motifs religieux. Je conclus donc que l’employeur l’a mis en congé sans solde, ce qui signifie qu’il a été suspendu. J’estime que l’employeur a suspendu le prestataire parce qu’il n’a pas respecté sa politique de vaccination contre la COVID-19.

La raison de la suspension du prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[16] La raison pour laquelle le prestataire a été suspendu est une inconduite au sens de la loi.

[17] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’on entend par inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions de cours et de tribunaux) nous montre comment établir si la suspension du prestataire constitue une inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle établit le critère juridique relatif à l’inconduite; les questions et les critères à prendre en considération lors de l’examen de la question de l’inconduiteNote de bas page 3.

[18] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. En d’autres termes, la conduite doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 4. Cela comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas page 5. Il n’est pas nécessaire que la partie prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas page 6.

[19] Il y a inconduite si la partie prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit suspendue ou congédiée pour cette raisonNote de bas page 7.

[20] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas page 8. Je dois plutôt me concentrer sur ce que le prestataire a fait (ou n’a pas fait) et vérifier si cela constitue une inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 9.

[21] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si le prestataire a d’autres options au titre d’autres lois. Il ne m’appartient pas de décider si le prestataire a été congédié à tort ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables (mesures d’adaptation) pour le prestataireNote de bas page 10. Je peux seulement tenir compte d’une chose : la question de savoir si ce que le prestataire a fait (ou n’a pas fait) constitue une inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

[22] La Commission doit prouver que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que la suspension du prestataire découle d’une inconduiteNote de bas page 11.

[23] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire a refusé de respecter la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19.

[24] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’il ne pouvait pas se faire vacciner en raison de ses croyances religieuses. Il dit que sa convention collective ne contient aucune disposition sur la vaccination ou les interventions médicales. Par conséquent, il dit que son employeur a carrément enfreint la convention collective.

[25] Je juge que la Commission a prouvé qu’il y avait eu inconduite, parce que le prestataire savait que s’il ne se faisait pas vacciner contre la COVID-19 et s’il n’avait pas d’exemption approuvée, il pouvait être suspendu.

[26] L’employeur du prestataire a acheminé à la Commission des messages qui avaient été envoyés au personnel au sujet de l’exigence de se faire vacciner contre la COVID-19. Le premier est un message d’août 2021. Il précise que le personnel doit se faire vacciner au plus tard le 31 octobre 2021 comme condition d’emploi.

[27] Un deuxième message de septembre 2021 que l’employeur a envoyé au personnel dit que les membres du personnel qui ne sont pas entièrement vaccinés seront suspendus sans salaire ou congédiés après le 1er novembre 2021. La date limite a par la suite été reportée au 15 novembre 2021. Tous les messages font référence à des exemptions pour différents motifs.

[28] L’employeur du prestataire a également envoyé le texte d’une lettre datée du 16 novembre 2021 envoyée aux membres du personnel qui n’avaient pas respecté l’exigence de se faire vacciner. La lettre précise que ces personnes seront mises en congé sans solde à compter du 15 novembre 2021.

[29] Le prestataire a confirmé à l’audience qu’il avait vu les deux messages mentionnés ci-dessus. Il a dit qu’il n’avait pas demandé d’exemption médicale parce qu’il n’arrivait pas à trouver un médecin prêt à signer les formulaires requis. Il a également confirmé avoir reçu une lettre confirmant son congé. Le prestataire a envoyé à la Commission une copie de la lettre que son employeur lui a envoyée dans laquelle il refusait sa demande de mesures d’adaptation.

[30] Je conclus de ce qui précède que le prestataire était au courant de l’exigence de son employeur selon laquelle il devait se faire vacciner contre la COVID-19 comme condition d’emploi. La nouvelle politique mise en place par son employeur prévoyait des exemptions. J’estime que le prestataire a demandé une exemption en raison de ses croyances, mais que l’employeur a refusé. Je conclus donc qu’en ne se faisant pas vacciner contre la COVID-19, le prestataire a contrevenu à la politique de son employeur.

[31] Le prestataire a déclaré qu’il était au courant des conséquences de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19 en raison des lettres qu’il a reçues. Toutefois, lui et son témoin disent qu’il ne peut être suspendu ou congédié sans qu’une enquête juste et impartiale soit menée.

[32] Le témoin du prestataire a déclaré que celui-ci avait fait une demande d’exemption pour motifs religieux. Mais l’employeur ne lui a jamais accordé d’audience. Il dit que l’employeur n’a pas respecté la convention collective. Le prestataire a présenté une copie de sa convention collective à l’appui de cet argument. Il a aussi déposé un grief auprès de l’employeur.

[33] Le prestataire a insisté sur le fait qu’il avait présenté une demande d’exemption pour motifs religieux, et qu’il respectait donc entièrement la politique de son employeur. Il a dit que personne ne sait qui fait partie du comité qui refuse ou approuve ces demandes et que personne n’a signé le refus de sa demande. Il a déclaré qu’il n’appartient pas à l’employeur de décider si les croyances d’un employé sont sincères.

[34] Le prestataire a envoyé à la Commission une copie de sa demande de mesures d’adaptation pour motifs religieux et de la réponse de l’employeur. Il a également envoyé des copies de deux documents liés à sa foi à l’appui de ses croyances concernant le vaccin contre la COVID-19. Cependant, les deux documents ont été signés le 13 avril 2022, après la décision initiale de la Commission.

[35] Comme il a été mentionné ci-dessus, ce n’est pas à moi de décider du caractère raisonnable des actions de l’employeur. Cela comprend la question de savoir si l’employeur a agi correctement lorsqu’il a suspendu le prestataire sans tenir d’audience, et s’il a eu raison de refuser la demande de mesures d’adaptation pour des motifs religieux du prestataire. Je dois plutôt décider si la décision du prestataire de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19 constitue une inconduite.

[36] Je juge que l’action du prestataire, à savoir le non-respect de la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19, était délibérée. Il a fait le choix conscient, délibéré et intentionnel de ne pas se faire vacciner. Il l’a fait en sachant qu’il serait mis en congé sans solde. J’ai conclu que cela signifie qu’il a été suspendu. J’estime donc que la Commission a prouvé qu’il y avait eu inconduite.

Donc, le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

[37] Compte tenu des conclusions que je viens de mentionner, je conclus que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[38] Cela est dû au fait que les actions du prestataire ont mené à sa suspension. Il a agi délibérément. Il savait qu’en refusant de se faire vacciner, il serait probablement suspendu de son emploi.

Conclusion

[39] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[40] Cela signifie que l’appel est rejeté.

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