Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1241

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Appelant : R. S.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Angèle Fricker

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 6 mai 2022 (GE 22 926)

Membre du Tribunal : Charlotte McQuade
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 3 novembre 2022
Personne présente à l’audience : Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 8 novembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-364

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. La division générale a commis une erreur de droit. J’ai substitué ma décision à celle de la division générale, mais j’en arrive au même résultat que la division générale. Le prestataire ne peut obtenir de prorogation de délai pour interjeter appel devant la division générale du Tribunal.

Aperçu

[2] R. S. est le prestataire. Il a demandé à la Commission d’antidater une demande de prestations d’assurance‑emploi pour proches aidants au 1er janvier 2010. La Commission de l’assurance‑emploi du Canada (Commission) a refusé cette demande. Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision. Le 15 décembre 2021, la Commission a décidé que la demande de révision du prestataire était tardive. La Commission a décidé que le prestataire ne satisfaisait pas aux exigences énoncées dans la loi concernant la prorogation du délai pour donner suite à sa demande de révisionNote de bas de page 1.

[3] Le 12 mars 2022, le prestataire a interjeté appel de la décision de la Commission rendue le 15 décembre 2021 devant la division générale du Tribunal. Toutefois, la division générale a décidé que le prestataire avait interjeté appel au Tribunal après le délai requis pour le faire et lui a refusé une prorogation du délai pour poursuivre son appel.

[4] Ce dernier a présenté une demande de permission d’en appeler de la décision de la division générale à la division d’appel. Il a déclaré que la division générale avait commis une erreur de fait importante, mais n’a pas expliqué ce qu’était une erreur de fait. Malgré tout, j’ai accordé au prestataire la permission d’interjeter appel, car j’ai remarqué que la division générale aurait pu commettre plusieurs erreurs susceptibles de révisionNote de bas de page 2. 

[5] Je conclus que la division générale a commis une erreur de droit en n’analysant pas des éléments de preuve importants fournis par le prestataire au sujet des motifs de son appel tardif. J’ai donc substitué ma décision à celle de la division générale. Toutefois, j’arrive au même résultat que la division générale. Le prestataire ne peut obtenir de prorogation de délai pour poursuivre son appel devant la division générale. 

Questions préliminaires

L’audience s’est déroulée en l’absence du prestataire

[6] Le 1er novembre 2022, le prestataire a demandé un ajournementNote de bas de page 3. J’ai refusé cette demande le 2 novembre 2022. Le même jour, le prestataire a été informé par courriel de ma décision et des motifs de celle-ci, ainsi que de la tenue de l’audience comme prévuNote de bas de page 4. Le prestataire n’a pas assisté à l’audience le 3 novembre 2022. Un membre du personnel du Tribunal a tenté sans succès de communiquer avec le prestataire pour voir s’il éprouvait de la difficulté à se connecter à la téléconférence. Il a laissé un message vocal, qui est demeuré sans réponse.    

[7] J’ai procédé à l’audience en l’absence du prestataire, car j’étais convaincue qu’il avait reçu l’avis d’audience et qu’il était au courant de la date de l’audienceNote de bas de page 5. L’avis d’audience a été envoyé au prestataire le 13 septembre 2022Note de bas de page 6. Le prestataire a confirmé qu’il connaissait cette date au personnel du Tribunal le 28 septembre 2022Note de bas de page 7. Le prestataire a également reconnu la date de l’audience dans sa demande d’ajournement du 1er novembre 2022Note de bas de page 8.

[8] L’avis d’audience indiquait au prestataire que si le Tribunal n’acceptait pas une demande d’ajournement, l’audience se déroulerait comme prévuNote de bas de page 9. La décision de refuser l’ajournement du 2 novembre 2022 a également confirmé que l’audience aurait lieuNote de bas de page 10.

[9] Comme le prestataire était au courant de la date de l’audience et qu’il a été informé que sa demande d’ajournement avait été refusée et que l’audience se déroulerait comme prévu, j’ai procédé en l’absence du prestataire.

Question en litige

[10] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :

  1. a)  La division générale a‑t‑elle commis une erreur de droit en omettant d’analyser des éléments de preuve importants fournis par le prestataire au sujet des motifs de son appel tardif?
  2. b)  La division générale a‑t‑elle commis une erreur de droit en omettant d’expliquer pourquoi elle a décidé que la lettre de décision de la Commission avait été communiquée au prestataire le jour même de son envoi?
  3. c)  La division générale a‑t‑elle fondé sa décision sur une erreur de fait importante concernant le moment où le prestataire a interjeté appel devant la division générale?
  4. d)  Si la division générale a commis l’une ou l’autre de ces erreurs, quel est le recours?

Analyse

[11] Le prestataire avait demandé à la Commission de réviser une décision qu’elle avait prise de rejeter sa demande d’antidater une demande de prestations pour proches aidants au 1er janvier 2010. 

[12] Le 15 décembre 2021, la Commission a décidé que la demande de révision du prestataire était tardive et que le prestataire ne satisfaisait pas aux exigences de la loi concernant une prorogation du délai pour donner suite à sa demande de révisionNote de bas de page 11.

[13] Le 12 mars 2022, le prestataire a interjeté appel de la décision de la Commission rendue le 15 décembre 2021 devant la division générale du TribunalNote de bas de page 12.

[14] L’appel interjeté par le prestataire devant la division générale du Tribunal semblait tardif. La division générale devait donc décider si l’appel était tardif et, le cas échéant, si elle pouvait accorder au prestataire une prorogation du délai pour poursuivre son appel.

[15] La division générale a décidé que l’appel du prestataire était tardif et lui a refusé une prorogation de délai. 

[16] Le prestataire interjette maintenant appel de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. Il a fait valoir dans sa demande à la division d’appel que la division générale a commis une erreur de fait, mais il ne s’est pas expliqué. La division d’appel a envoyé au prestataire une lettre lui demandant d’autres explications sur ce qu’il voulait dire, mais le prestataire n’a pas répondu. 

[17] J’ai quand même accordé la permission d’en appeler au prestataire, car mon examen de la division générale a révélé plusieurs erreurs susceptibles de révision. 

[18] Avant l’audition de l’appel, les parties ont été invitées à présenter des observations sur les erreurs qui auraient pu être commises par la division générale. Le prestataire n’a pas présenté d’observations. La Commission l’a fait, acceptant que la division générale ait commis une erreur de droit en omettant d’examiner la preuve dont elle disposait au sujet des raisons du retard du prestataire. Toutefois, la Commission me demande de substituer ma décision à celle de la division générale et de conclure que le prestataire devrait se voir refuser une prorogation de délai.

La division générale a commis une erreur de droit

[19] La division générale a commis une erreur de droit en omettant de traiter d’importants éléments de preuve fournis par le prestataire au sujet des motifs de son retard à déposer son appel.

[20] En vertu de la loi, un appel d’une question d’assurance‑emploi doit être porté devant la division générale dans les 30 jours suivant la communication de la décision à l’appelantNote de bas de page 13. Toutefois, la division générale peut accorder une prorogation de délai d’au plus un anNote de bas de page 14.

[21] La division générale possède le pouvoir discrétionnaire de proroger le délai d’appel. La Cour fédérale a déclaré que les facteurs à prendre en considération pour accorder une prorogation de délai sont les suivantsNote de bas de page 15 :

  1. Il y a intention persistante de poursuivre la demande ou l’appel;
  2. La cause est défendable;
  3. Le retard a été raisonnablement expliqué;
  4. La prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

[22] Le poids à accorder à chacun de ces facteurs peut varier selon les faits de chaque affaire. Dans certains cas, des facteurs différents seront pertinents. La considération première est l’intérêt de la justiceNote de bas de page 16.

[23] Le prestataire a déclaré dans son avis d’appel à la division générale qu’il ne se souvenait pas à quel moment il a reçu la décision qu’il portait en appel. Il n’a donné aucun motif pour justifier l’appel, si ce n’est pour dire [traduction] « se reporter au dossier ».

[24] Le prestataire a expliqué très brièvement dans son avis d’appel pourquoi son appel était tardif. Il a déclaré que « votre » position ne subissait aucun préjudice et que le retard était involontaire et imputable à la complexité de la question. Il a ajouté qu’il était aidant à temps plein de sa mère de 94 ansNote de bas de page 17.

[25] La division générale croyait qu’elle avait besoin de plus de renseignements pour prendre une décision. Elle a donc fait parvenir une lettre au prestataire le 19 avril 2022 lui demandant de répondre aux questions suivantesNote de bas de page 18 :

[Traduction]
  1. « a) Expliquez pourquoi l’appel est tardif; y a-t-il une explication raisonnable du retard de plus de 2 mois au-delà du délai de 30 jours indiqué dans la lettre de décision datée du 15 décembre 2021?
  2. b) Expliquez de quelle façon il y a eu une intention persistante de votre part d’interjeter appel et quelles mesures vous avez prises pour démontrer votre intention d’interjeter appel.
  3. c) Expliquez pourquoi vous croyez qu’il existe une cause défendable. »

[26] La lettre indiquait que si le prestataire n’avait pas répondu dans les 10 jours, la division générale pouvait décider si la prorogation devait être accordée ou refusée en fonction des renseignements déjà versés au dossierNote de bas de page 19. Comme le prestataire n’a pas répondu à la demande de renseignements, le 6 mai 2022, la division générale a rendu sa décision en se fondant sur les renseignements dont elle disposait déjàNote de bas de page 20.

[27] Pour statuer sur le dépôt tardif ou non de l’appel du prestataire, la division générale devait d’abord établir quand la décision de la Commission lui a été communiquée et quand il a déposé son appel devant la division générale.

[28] Celle-ci a affirmé que le prestataire n’avait pas mentionné à quel moment il a reçu la décision de révision. Cependant, son appel de la décision constituait la preuve qu’elle lui avait été communiquée. 

[29] La division générale semble avoir conclu que la décision du 15 décembre 2021 a été communiquée au prestataire à cette date, car elle a décidé que le prestataire avait jusqu’au 15 janvier 2022 pour interjeter appelNote de bas de page 21.

[30] La division générale a décidé que le prestataire avait déposé tardivement son appel devant elle, soit le 24 mars 2022Note de bas de page 22.

[31] Ayant décidé que l’appel du prestataire était tardif, la division générale devait ensuite décider si le prestataire pouvait bénéficier d’une prorogation de délai pour poursuivre son appel.

[32] Pour décider s’il y a lieu d’accorder au prestataire une prorogation du délai pour interjeter appel, la division générale a tenu compte du critère juridique appropriéNote de bas de page 23.

[33] La division générale a décidé que le court retard ne nuisait pas à la Commission étant donné qu’elle avait déjà fourni ses documents et ses observations. Toutefois, la division générale avait décidé que le prestataire n’avait pas démontré une intention persistante d’interjeter appel et n’avait pas expliqué raisonnablement le retard ni démontré qu’il avait une cause défendable. La division générale en a décidé ainsi parce que le prestataire n’avait pas répondu à la demande de renseignements de la division générale au sujet de ces questionsNote de bas de page 24.

[34] La division générale a conclu que, compte tenu de ces quatre facteurs et de l’intérêt de la justice, le prestataire ne pouvait pas bénéficier d’une prorogation de délai.

[35] Je conclus qu’en rendant cette décision, la division générale a commis une erreur de droit en omettant d’examiner la preuve dont elle disposait au sujet des raisons du retard du prestataire.

[36] La division générale dit ne pas avoir reçu de réponse à sa demande de renseignements supplémentaires. Elle a donc conclu que le prestataire n’avait pas expliqué raisonnablement le retardNote de bas de page 25.

[37] Toutefois, la division générale n’a ni mentionné ni analysé l’explication du prestataire concernant le retard figurant dans son avis d’appel.

[38] La division générale est présumée avoir tenu compte de tous les éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 26. Toutefois, elle doit tout de même analyser les éléments de preuve de façon significative et traiter les éléments de preuve clés.

[39] L’explication du prestataire au sujet du retard dans son avis d’appel constituait un renseignement important concernant la question de savoir si le prestataire avait manifesté une intention persistante d’interjeter appel et a fourni une explication raisonnable du retard. Il se peut que la division générale n’ait pas conclu que l’explication du prestataire était une explication « raisonnable » du retard ou qu’il ne démontrait pas une intention persistante. Toutefois, si tel était le cas, la division générale devait se pencher sur l’explication du prestataire et expliquer pourquoi elle ne satisfaisait pas à ces deux facteurs.

[40] La Commission convient que la division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de la preuve fournie par le prestataire concernant la raison du retardNote de bas de page 27. 

[41] En omettant de traiter des éléments de preuve clés fournis par le prestataire au sujet des raisons du retard, la division générale a commis une erreur de droit.

[42] Comme la division générale a commis une erreur de droit, je peux intervenir dans la décisionNote de bas de page 28. Je n’ai pas besoin de tenir compte d’autres erreurs possibles.

Réparation

[43] Pour remédier à l’erreur, je peux renvoyer l’appel à la division générale pour réexamen ou rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 29.

[44] La Commission me demande de substituer ma décision à celle de la division générale et de refuser au prestataire une prorogation de délai. 

[45] Je suis convaincue que le prestataire a eu la possibilité complète et équitable de fournir des renseignements et de présenter tout argument qu’il croyait pertinent afin d’établir s’il pouvait bénéficier d’une prorogation du délai pour interjeter appel. Le prestataire a reçu une lettre lui demandant de fournir d’autres renseignements. Il a été averti que si ces renseignements n’étaient pas fournis dans les 10 jours, la division générale pourrait rendre sa décision en se fondant sur les renseignements dont elle disposait déjà.

[46] Comme la division générale a procédé de façon équitable et que le prestataire a eu l’occasion de fournir des renseignements pertinents, je conclus qu’il s’agit d’un cas approprié pour que je substitue ma décision à celle de la division générale.

Substitution de décision

[47] J’ai décidé que l’appel du prestataire était tardif et que ce dernier ne peut obtenir de prorogation de délai pour interjeter appel de la décision de la Commission rendue le 15 décembre 2021 devant la division générale du Tribunal.

[48] Je ne peux accepter la conclusion de fait de la division générale selon laquelle la décision du 15 décembre 2021 a été communiquée au prestataire le même jour. Bien que la décision puisse avoir été communiquée verbalement au prestataire ce jour‑là, la division d’appel a statué auparavant que la communication verbale d’une révision ne fait pas en sorte que le délai commence à courir. Je souscris au raisonnement exposé dans ces décisionsNote de bas de page 30. Le délai de 30 jours commence à courir à la date de communication écrite de la décision.

[49] Le prestataire a déclaré dans son avis d’appel qu’il ne se souvenait pas de la date à laquelle il a reçu la décision du 15 décembre 2021Note de bas de page 31.

[50] La Commission soutient qu’il est raisonnable de conclure que le prestataire a reçu la décision du 15 décembre 2021 au moins d’ici la fin de décembre 2021. La Commission souligne que la lettre de décision a été envoyée au prestataire le 15 décembre 2021. Le prestataire n’a fourni aucun renseignement laissant entendre qu’il avait changé d’adresse, qu’il était à l’étranger, ou qu’il y avait une autre raison pour laquelle il n’aurait pas reçu la lettre au plus tard à la fin de décembre 2021.

[51] En vertu de l’article 19(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, certaines décisions prises par la division générale ou la division d’appel sont réputées avoir été communiquées à une partie si elles sont envoyées par courrier ordinaire dans les 10 jours suivant la date de leur mise à la poste. Cependant, cette disposition ne concerne pas les décisions transmises par la Commission.

[52] Toutefois, j’estime que cette disposition donne des indications sur l’heure prévue de réception des documents acheminés par courrier ordinaire. Compte tenu de ces indications et de l’envoi de la lettre de décision pendant la période des Fêtes, je conviens avec la Commission qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a reçu la décision du 15 décembre 2021 au plus tard le 31 décembre 2021. Aucun renseignement au dossier ne laisse croire qu’il existe des motifs pour lesquels le prestataire n’aurait pas reçu la lettre de décision à cette date.

[53] Puisque la décision a été communiquée au prestataire au plus tard le 31 décembre 2021, ce dernier avait jusqu’au 31 janvier 2022 pour déposer son appel auprès de la division générale du TribunalNote de bas de page 32.

[54] La division générale a décidé que le prestataire avait déposé son appel devant la division générale le 24 mars 2022Note de bas de page 33. Toutefois, je crois qu’il pourrait s’agir d’une coquille, car le courriel accompagnant l’avis d’appel du prestataire est daté du 12 mars 2022 et le timbre dateur du Tribunal sur l’avis d’appel indique qu’il a été reçu le 12 mars 2022.

[55] Le prestataire a donc déposé son appel le 12 mars 2022, après la date limite du 31 janvier 2022. 

[56] Je dois ensuite décider si le prestataire peut bénéficier d’une prorogation de délai, compte tenu des quatre facteurs pris en considération par la division générale et de l’intérêt de la justice.

[57] Je conclus que la courte période de retard d’environ un mois et demi ne cause aucun préjudice à la Commission. La Commission ne le conteste pas.

[58] La Commission soutient que le prestataire n’a pas fourni d’explication raisonnable du retard ni démontré une intention persistante d’interjeter appel. La Commission soutient que même si le prestataire mentionne que le retard était involontaire en raison de la complexité de la question et qu’il était un aidant naturel à temps plein pour sa mère, cette explication à elle seule ne suffit pas pour démontrer une intention persistante d’interjeter appel et pour être considérée comme une explication raisonnable du retard. La Commission soutient que le prestataire a eu l’occasion de fournir des détails et des arguments supplémentaires à la suite de la demande de la division générale, mais qu’il ne l’a pas fait.

[59] Je conviens avec la Commission que l’explication du prestataire fournit simplement trop peu de détails pour démontrer une intention persistante d’interjeter appel ou une explication raisonnable du retard. Je note que le prestataire a pu déposer une demande d’antidatation et demander une révision auprès de la Commission alors qu’il était un aidant naturel. Par conséquent, on voit mal comment son rôle d’aidant naturel expliquerait le retard dans le dépôt de son appel devant la division générale. En outre, on voit mal en quoi la complexité de la question faisant l’objet de l’appel a joué un rôle dans le retard. Aucun renseignement au dossier ne laisse croire que le prestataire cherchait à obtenir de l’aide pour comprendre la question ou que quelque chose avait changé quant à sa compréhension de la question au moment où il a interjeté appel le 12 mars 2022.

[60] Bien que le délai soit bref, le prestataire n’a pas démontré une intention persistante de poursuivre son appel. Aucun renseignement au dossier ne laisse croire que le prestataire a pris des mesures pour faire progresser son appel avant le dépôt de celui-ci. 

[61] Le prestataire n’a pas non plus démontré de cause défendable. Pour expliquer cela, je dois décrire le contexte de l’appel interjeté par le prestataire.

[62] Le prestataire a été mis à pied le 2 mai 2011Note de bas de page 34. Il a reçu 41 semaines de prestations régulières et 9 semaines de prestations de maladie au cours d’une période de prestations qui a commencé le 1er mai 2011 et s’est terminée le 28 avril 2012Note de bas de page 35. Le 9 janvier 2020, le prestataire a présenté une demande d’antidatation d’une demande de prestations pour proches aidants au 1er janvier 2010Note de bas de page 36. 

[63] Le 1er mars 2021, la Commission a refusé la demande du prestataire d’antidater une demande de prestations pour proches aidants. La Commission a décidé que le prestataire avait reçu le maximum combiné de 50 semaines de prestations spéciales et régulières au cours de sa période de prestations échelonnée du 1er mai 2011 au 28 avril 2012. De plus, le prestataire n’avait pas travaillé depuis le 2 mai 2011, de sorte qu’il n’avait pas droit à d’autres prestations d’assurance‑emploi. La Commission a également noté que le prestataire ne pouvait antidater sa demande au 1er janvier 2010, car il recevait de l’argent de son employeur pendant cette périodeNote de bas de page 37.

[64] Le 18 novembre 2021, le prestataire a déposé une demande de révision de la décision rendue par la Commission le 1er mars 2021. Il a soutenu que la Commission ne lui avait pas fourni les renseignements appropriés et qu’il aurait dû recevoir des prestations pour proches aidants plutôt que des prestations de maladieNote de bas de page 38.

[65] La Commission a décidé que la demande de révision du prestataire avait été déposée après le délai de 30 jours pour le faire. La Commission devait décider si le prestataire pouvait obtenir une prorogation de délai.

[66] La Commission peut accorder un délai plus long pour présenter une demande de révision d’une décision. Pour accorder la prorogation en l’espèce, la Commission devait être convaincue que le prestataire avait fourni une explication raisonnable pour demander une période plus longue et qu’il avait manifesté une intention persistante de demander une révisionNote de bas de page 39.

[67] La décision de la Commission concernant une prorogation de délai est une décision discrétionnaireNote de bas de page 40. Le Tribunal ne peut intervenir dans une décision discrétionnaire que si la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. 

[68] Agir de façon judiciaire signifie agir de bonne foi, dans le but et le motif appropriés, tenir compte de tous les facteurs pertinents, ignorer les facteurs non pertinents et agir de manière non discriminatoireNote de bas de page 41.

[69] La Commission a décidé le 15 décembre 2021 que le prestataire ne satisfaisait pas aux exigences de prorogation de délai. Le prestataire a interjeté appel de cette décision devant la division générale du Tribunal.

[70] Pour que le prestataire démontre qu’il avait une cause défendable en appel devant la division générale, il devrait établir que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle lui a refusé une prorogation du délai pour donner suite à sa demande de révision.

[71] La Commission soutient que le prestataire n’a fourni aucune explication décrivant une cause défendable et que la preuve au dossier montre que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. La Commission affirme que son « compte rendu des décisions » indique qu’elle a tenu compte de tous les facteurs pertinents et qu’elle n’a pas tenu compte des facteurs non pertinentsNote de bas de page 42.

[72] Je conviens que le prestataire n’a pas démontré de cause défendable. Il n’a signalé aucun facteur suggérant que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. Mon examen du compte rendu des décisions de la Commission montre que celle‑ci a tenu compte des facteurs pertinents et non des facteurs non pertinents.

[73] Plus précisément, la Commission a pris en compte que la période de retard était de 232 jours. La Commission a examiné l’explication du prestataire au sujet du retard. Selon cette explication, il effectuait des recherches sur la loi. La Commission a cependant décidé que ce n’était pas une explication raisonnable du retard.

[74] La Commission a également tenu compte du fait que le prestataire était au courant du délai pour demander la révision et que nul ne l’avait empêché de s’informer auprès de la Commission. Le retard était plutôt dû à des recherches au sujet de la loi. La Commission a décidé que cela ne démontrait pas une intention persistante de donner suite à la demande de révision. La Commission a également noté que le prestataire n’avait aucune chance de succès en ce qui concerne la question sous‑jacente, car il avait reçu le maximum de 50 semaines de prestations qu’il pouvait recevoir au cours de sa période de prestationsNote de bas de page 43.

[75] Je ne vois aucun argument défendable selon lequel la Commission n’a pas agi de façon judiciaire lorsqu’elle a refusé au prestataire une prorogation du délai pour donner suite à sa demande de révision.

[76] Par conséquent, le prestataire ne peut obtenir de prorogation de délai pour interjeter appel devant la division générale. Bien que le court retard ne porte pas préjudice à la Commission, le prestataire n’a pas fourni d’explication raisonnable pour le justifier ni n’a démontré une intention persistante de poursuivre son appel ou une cause défendable.

[77] Je conclus également qu’il n’est pas dans l’intérêt de la justice d’accorder une prorogation de délai.

[78] La Commission soutient que le prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès sur la question de fond pour laquelle il a demandé une révision. Comme le prestataire a reçu le maximum de 50 semaines de prestations spéciales et régulières combinées pendant la période de prestations ayant débuté le 1er mai 2011, aucune prestation pour proches aidants ni prestation hebdomadaire ne pouvaient être versées au cours de cette période de prestations.

[79] La Commission souligne également que la demande du prestataire d’antidater sa demande de prestations pour proches aidants jusqu’au 1er janvier 2010 ne pouvait être accordée parce qu’il n’y avait aucune preuve qu’il avait eu un arrêt de rémunération à ce moment‑là. De plus, les prestations pour proches aidants n’ont été intégrées à la Loi sur l’assurance‑emploi qu’en 2017Note de bas de page 44.

[80] Je conclus qu’il n’est pas dans l’intérêt de la justice d’accorder au prestataire une prorogation du délai pour poursuivre un appel qui ne peut en fin de compte lui permettre d’obtenir les prestations pour proches aidants qu’il demande. Comme l’a souligné la Commission, de multiples raisons expliquent que la demande de révision du prestataire ne puisse être accueillie.

[81] Toutefois, le facteur primordial est que les prestations pour proches aidants n’ont été intégrées à la Loi sur l’assurance‑emploi que le 3 décembre 2017Note de bas de page 45. Cela signifie que la question de fond pour laquelle le prestataire a demandé une révision n’a aucune chance de succès. Il n’y a aucun moyen pour le prestataire de recevoir les prestations pour proches aidants pour la période de versement qu’il demande.

[82] Je comprends que le prestataire puisse être déçu de ce résultat. Toutefois, compte tenu des quatre facteurs susmentionnés et de l’intérêt de la justice, je refuse au prestataire une prorogation du délai pour interjeter appel de la décision de la Commission rendue le 15 décembre 2021 devant la division générale.

Conclusion

[83] L’appel est rejeté. La division générale a commis une erreur de droit. J’ai substitué ma décision à celle de la division générale, mais le résultat est le même. Le prestataire ne peut obtenir une prorogation de délai pour interjeter appel de la décision de la Commission rendue le 15 décembre 2021 devant la division générale du Tribunal. 

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