Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1209

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelant : R. K.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de l’assurance emploi du Canada (460388) datée du 7 avril 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Lilian Klein
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience  : Le 18 août 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 14 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1550

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel du prestataire. Cette décision explique pourquoi.

[2] Je suis d’accord avec la Commission de l’assurance‑emploi du Canada pour dire que le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler du 4 mai 2020 au 5 août 2020 et du 8 septembre 2020 au 31 décembre 2020.

[3] Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi pendant ces périodes.

Aperçu

[4] Le prestataire, un étudiant à temps plein, a demandé des prestations d’assurance‑emploi après avoir été mis à pied de son emploi à temps partiel le 18 avril 2020. Le paiement de prestations a commencé.

[5] La Commission a examiné la situation du prestataire. Le 30 décembre 2021, elle a décidé qu’il n’était pas disponible pour travailler du 4 mai 2020 au 5 août 2020 et du 8 septembre 2020 au 31 décembre 2020. Elle l’a exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi pendant ces périodes. La Commission affirme qu’il doit rembourser les prestations qu’il a reçues.

[6] Pour recevoir des prestations régulières d’assurance‑emploi, le prestataire doit prouver qu’il est disponible pour travailler. Pour prouver sa disponibilité, il doit chercher du travail et n’établir aucune condition personnelle qui pourrait limiter indûment (déraisonnablement) ses chances de trouver un emploi convenable.

[7] La Commission affirme que le prestataire n’était pas disponible, puisqu’il a fait peu de démarches pour chercher du travail.

[8] Le prestataire soutient qu’il était disponible pour travailler, puisque son cours a été offert en ligne en raison de la COVID-19. Il affirme qu’il aurait pu accepter un emploi n’importe quand, mais qu’il n’y avait pas d’emplois en raison de la pandémie. Il affirme qu’il est injuste de lui demander de rembourser de l’argent qu’il n’a pas.

La question que je dois trancher

[9] Le prestataire était‑il disponible pour travailler pendant les périodes susmentionnées?

Analyse

[10] La loi édicte que tous les prestataires doivent démontrer qu’ils sont disponibles pour travaillerNote de bas page 1. Une nouvelle disposition temporaire de la Loi sur l’assurance‑emploi confirme que les étudiants à temps plein ne peuvent obtenir de prestations à moins de prouver qu’ils sont capables de travailler et disponibles à cette finNote de bas page 2. Ils doivent démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’ils soient disponibles.

Présomption selon laquelle les étudiants à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler

[11] Il existe une présomption selon laquelle les prestataires aux études à temps plein ne sont pas disponibles pour travaillerNote de bas page 3. Cela signifie que l’on peut supposer (tenir pour acquis) que les étudiants à temps plein ne sont pas disponibles, à moins qu’ils puissent démontrer le contraire. Je commencerai par répondre à la question de savoir si je peux supposer que le prestataire n’était pas disponible. Ensuite, je vais déterminer s’il était réellement disponible pour travailler.

[12] Lorsque le prestataire a demandé des prestations, il a déclaré qu’il était étudiant à temps plein. Donc, la présomption s’applique à son égard.

[13] La Commission affirme que le prestataire ne peut réfuter cette présomption, puisqu’il n’était pas disposé à abandonner son cours pour accepter du travail et qu’il ne cherchait aucun type d’emploi convenable.

[14] Je conclus cependant que le prestataire peut réfuter la présomption compte tenu de son expérience de travail à temps partiel pendant ses études à temps plein. La présomption peut être réfutée lorsqu’un prestataire possède de l’expérience de travail à temps plein pendant ses études à temps pleinNote de bas page 4 ou qu’il existe des circonstances exceptionnellesNote de bas page 5.

[15] Je me fonde sur une décision rendue par la division d’appel (DA) du Tribunal dans une situation factuelle semblableNote de bas page 6. La DA a conclu que l’emploi à temps partiel antérieur d’une prestataire et sa capacité de maintenir ce niveau de travail pendant ses études à temps plein constituaient une circonstance exceptionnelle. La DA a déclaré que cela était suffisant pour réfuter la présomption dans son cas.

[16] Bien que j’aie suivi la logique de la DA pour conclure que le prestataire a réfuté la présomption selon laquelle il n’était pas disponible, je dois quand même déterminer s’il était disponible pour travailler.

[17] La Commission affirme que les prestataires doivent faire des démarches « habituelles et raisonnables » pour trouver du travail. Mais la Commission n’a demandé au prestataire une preuve de recherche d’emploi qu’après la période de sa demande.

[18] Pour cette raison, je n’envisagerai pas une exclusion en application de l’article 50 de la Loi sur l’assurance‑emploi pour défaut d’effectuer une recherche d’emploi raisonnable et habituelleNote de bas page 7. Je n’examinerai que le critère suivant de la disponibilité prévu à l’article 18(1)a) et à l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance‑emploi.

Le prestataire était-il disponible pour travailler et incapable de trouver un emploi convenable?

[19] Pour démontrer qu’il était disponible pour travailler, le prestataire devait prouver les trois éléments suivants :

  1. i) Il voulait retourner au travail dès qu’il pourrait trouver un emploi convenable.
  2. ii) Il a tenté de le faire en faisant des démarches pour trouver du travail.
  3. iii) Il n’avait aucune condition personnelle susceptible de limiter indûment ses chances de trouver un emploi convenableNote de bas page 8.

[20] Je dois tenir compte de chacun de ces facteurs pour trancher la question de la disponibilité. Je dois également examiner l’attitude et la conduite du prestataireNote de bas page 9.

Le prestataire voulait-il retourner au travail dès qu’il pourrait trouver un emploi convenable?

[21] Non. Le prestataire n’a pas prouvé qu’il voulait retourner au travail dès qu’il trouverait un emploi convenable, à moins qu’il ne s’agisse de retourner à son ancien emploi à temps partiel.

[22] Le prestataire n’était pas cohérent quant à savoir s’il abandonnerait son cours pour occuper un emploi à temps plein. Il a d’abord dit qu’il n’abandonnerait pas son cours pour accepter un emploi à temps plein. Il a ensuite dit qu’il accepterait l’emploi s’il pouvait modifier son horaire de cours. En appel, il a dit qu’il mettrait son cours en attente pour accepter toute forme de travail à temps plein.

[23] Les déclarations initiales spontanées sont généralement considérées étant comme plus fiables que les déclarations faites par les prestataires après que la Commission leur a refusé pour la première fois des prestationsNote de bas page 10. Par conséquent, j’accorderais normalement plus de poids à la déclaration initiale du prestataire qu’à ses déclarations ultérieures.

[24] Mais sur ce point, j’accepte comme étant crédible l’explication du prestataire selon laquelle il a modifié ses propos après que son cours eut été mis en ligne, ce qui lui a permis d’accepter du travail en tout temps.

[25] Toutefois, il ne suffit pas qu’un prestataire dise qu’il a le temps de travailler et qu’il veut travailler. Il doit démontrer par ses actions qu’il voulait vraiment retourner au travail.

[26] Le prestataire n’a pas démontré qu’il voulait retourner au travail au point où il était motivé à chercher un nouvel emploi. Il en va de même pour son incapacité à trouver plus d’heures de travail après qu’il eut été rappelé à son ancien emploi à temps partiel, où on lui offrait moins d’heures qu’auparavant.

Le prestataire a-t-il fait suffisamment de démarches pour trouver un emploi convenable?

[27] Non. Le prestataire affirme qu’il postulait « constamment » des emplois, mais il n’a pas démontré qu’il a constamment fait des démarches pour trouver un emploi convenable. La loi prévoit que le prestataire doit prouver qu’il a effectué une recherche d’emploi chaque jour ouvrable pour lequel il a demandé des prestations.

[28] Le prestataire affirme qu’il ne savait pas qu’il devait prouver qu’il avait cherché du travail jusqu’à ce que la Commission l’en informe. Or, la demande de prestations mentionne que le prestataire doit être disponible pour travailler, chercher activement un emploi et conserver un dossier de sa recherche d’emploi pendant six ans. Les questionnaires sur la formation rappellent également au prestataire qu’il doit continuer à chercher du travail.

[29] Le prestataire n’a présenté aucun dossier de recherche d’emploi, bien qu’il ait dit qu’il essaierait de le faire après l’audienceNote de bas page 11. Mais il a dit à la Commission qu’il avait postulé un poste de vente au détail à temps partiel chez X, deux postes à temps partiel chez X et un poste à temps partiel comme caissier chez X. Il a dit qu’il avait également postulé un poste virtuel à temps plein en ressources humaines chez X et un poste à temps plein comme caissier de banque chez XNote de bas page 12. Il a admis qu’il n’avait aucune expérience pour les emplois postulés chez X et X, mais a dit que son cours l’aiderait.

[30] Le prestataire affirme qu’il a postulé les six emplois susmentionnés au cours des trois premiers mois, puis qu’il a cessé sa recherche. Il dit avoir cherché des emplois en ligne et avoir réseauté avec des amis au sujet d’emplois.

[31] Ces renseignements, sans une preuve à l’appui, ne viennent pas étayer l’argument du prestataire selon lequel il a « constamment » cherché un emploi convenable.

[32] Le témoignage du prestataire ne correspond pas aux déclarations suivantes. Cela mine sa crédibilité.

[33] Le 2 avril 2020, le prestataire a écrit dans son questionnaire sur la formation qu’il n’avait pas cherché de travail depuis qu’il s’était retrouvé sans emploi parce que [traduction] « je travaille seulement à temps partiel »Note de bas page 13. Le 19 septembre 2020, il a écrit qu’il n’avait pas fait de démarches pour trouver un emploi, puisque même s’il travaillait moins d’heures qu’auparavant, il pouvait demander la Prestation canadienne d’urgenceNote de bas page 14. Le 29 décembre 2021, il a dit à la Commission qu’il [traduction] « a essayé de se garder du temps pour qu’il [son travail à temps partiel] » soit compatible avec son horaire de coursNote de bas page 15.

[34] Après avoir examiné ces incohérences, je conclus que le prestataire n’a pas démontré qu’il a cherché du travail tous les jours pour lesquels il a demandé des prestations. Sans une recherche d’emploi documentée, il ne peut pas démontrer qu’il a postulé des emplois convenables qui étaient réellement libres.

[35] Le prestataire affirme qu’il y avait peu de postes vacants en raison de la pandémie. Je suis d’accord avec lui pour dire que le marché du travail était difficile. Mais il devait essayer de trouver du travail même s’il estimait qu’il était peu probable qu’il réussisseNote de bas page 16.

[36] Toutefois, postuler des emplois pour lesquels il n’avait aucune expérience de travail, comme les postes chez Nestlé et à la Banque TD, ne démontre pas qu’il a effectué une recherche d’emploi réaliste.

[37] Donc, j’estime qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire attendait qu’on le rappelle à son ancien emploi à temps partiel même si sa lettre de mise à pied mentionnait seulement qu’il [traduction] « pouvait » être rappeléNote de bas page 17. Or, attendre un rappel n’est pas suffisant. Il faut chercher un autre emploi convenable.

[38] Le curriculum vitæ présenté par le prestataire après l’audience est celui qu’il dit avoir utilisé pendant les mois visant sa demandeNote de bas page 18. Il ressemble à un résumé qui serait utile pour obtenir des emplois dans le commerce de détail. Il n’appuie pas l’idée qu’il a cherché un emploi convenable.

[39] Un emploi convenable pour le prestataire aurait été semblable à son emploi et à son salaire antérieurs et aurait été compatible avec les limites de ses capacités physiques et de sa santéNote de bas page 19. Son curriculum vitae démontre que, depuis 2018, il n’avait occupé des emplois que dans le commerce de détail. Il aurait tout de même pu chercher un emploi convenable dans un autre secteur. Mais rien n’indique qu’il a tenté de trouver des types d’emplois autres que ceux qui dépassaient ses compétences.

[40] C’est pourquoi je conclus que le prestataire n’a pas démontré qu’il a fait suffisamment de démarches pour trouver du travail.

Le prestataire a-t-il établi des conditions personnelles?

[41] Oui. J’estime qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire ait établi des conditions personnelles en ce qui concerne les emplois qu’il accepterait. De telles conditions limitent indûment les chances d’un prestataire de trouver du travailNote de bas page 20.

[42] Les tribunaux ont conclu que le fait de consacrer plus de temps à l’école qu’au travail est une condition personnelle qui limite indûment les chances d’un prestataire de trouver un emploiNote de bas page 21.

[43] Le prestataire a dit à la Commission que ses heures à temps partiel permettaient ses études à temps pleinNote de bas page 22. Je conviens donc qu’il a accordé la priorité à son cours plutôt qu’à la recherche d’emploi.

[44] Je conclus également que le prestataire a accordé la priorité à son cours plutôt qu’à la recherche d’un nombre d’heures de travail accru pour ainsi obtenir le revenu supplémentaire dont il avait besoin. Il a également été incohérent sur ce point. Il a d’abord dit qu’il n’avait pas demandé plus d’heures à son employeur après son rappel; il dit maintenant qu’il ne se souvient pas d’avoir dit cela. Il se souvient plutôt d’avoir demandé plus d’heures et même d’avoir cherché un deuxième emploi à temps partiel.

[45] Sur ce point, j’estime que sa première déclaration est plus fiable, puisqu’il n’a changé son récit qu’après que la Commission lui eut refusé des prestations une première fois.

[46] Par conséquent, le fait de préférer travailler à temps partiel était une condition personnelle qui aurait limité la capacité du prestataire de trouver du travail.

Donc, le prestataire était-il capable de travailler et disponible à cette fin?

[47] Compte tenu de mes conclusions sur les trois facteurs susmentionnés, je conclus que le prestataire n’a pas démontré qu’il était capable de travailler et qu’il était disponible à cette fin et incapable de trouver un emploi convenable.

[48] Je comprends la situation financière du prestataire. Mais l’assurance-emploi n’est pas une bourse d’études. Les étudiants qui veulent recevoir des prestations doivent démontrer par leurs actions qu’ils sont disponibles pour travailler, selon l’interprétation faite ci‑dessus. Je ne peux pas changer la loiNote de bas page 23.

[49] En vertu de la loi, la Commission peut vérifier rétroactivement si les étudiants avaient droit aux prestations régulières qu’ils ont reçuesNote de bas page 24. Comme le prestataire n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était disponible pour travailler, il doit rembourser ces prestations.

[50] Le prestataire affirme qu’il n’a pas l’argent nécessaire pour les rembourser. Je n’ai pas le pouvoir de réduire ou d’effacer sa dette. Mais il a des options.

[51] Le prestataire peut demander à la Commission d’envisager de radier la totalité ou une partie de sa dette en raison de difficultés excessivesNote de bas page 25. Si la Commission refuse, il peut interjeter appel devant la Cour fédérale. Il peut aussi communiquer avec le Centre d’appels et de la gestion des créances au 1 866‑864‑5823 pour établir un calendrier de remboursement qu’il peut gérer.

Conclusion

[52] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin du 4 mai 2020 au 5 août 2020 et du 8 septembre 2020 au 31 décembre 2020. Il ne peut donc pas obtenir de prestations pendant ces périodes. Cela signifie que je rejette son appel.

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