Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MV c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1254

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision sur la demande de permission d’en appeler

Demanderesse : M. V.
Défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 9 septembre 2022 (GE-22-1823)

Membre du Tribunal : Charlotte McQuade
Date de la décision : Le 14 novembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-719

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] M. V. est la prestataire. Elle travaillait comme inhalothérapeute dans un hôpital. Le médecin-hygiéniste provincial (MHP) de sa province a pris un décret exigeant que les travailleurs de la santé soient vaccinés, à défaut de quoi ils ne seraient pas autorisés à travailler. Seule l’exemption pour raisons médicales était permise. Par suite du décret, l’employeur de la prestataire a imposé une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19, avec pour seule exception les personnes qui demanderaient au MHP d’approuver un report ou une exemption pour des raisons médicales.

[3] La prestataire était en arrêt de travail en raison d’une maladie. Elle a demandé à son médecin un congé pour raisons médicales et une exemption de la vaccination, mais son médecin a refusé de les lui accorder. Elle n’a donc pas été en mesure de demander au bureau du MHP d’approuver une exemption pour des raisons médicales. Comme elle ne s’est pas fait vacciner, son employeur l’a mise en congé sans solde le 26 octobre 2021, puis l’a licenciée le 15 novembre 2021.

[4] Elle a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a exclu la prestataire du bénéfice des prestations parce qu’elle a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire en a appelé à la division générale du Tribunal, qui a rejeté son appel. La division générale a décidé que la Commission avait prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La prestataire souhaite maintenant faire appel de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. Toutefois, elle doit obtenir la permission pour que son appel puisse aller de l’avant.

[6] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit et une erreur de compétence lorsqu’elle a décidé qu’elle avait été licenciée en raison d’une inconduite.

[7] Je suis convaincue que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès et je refuse donc la permission de faire appel.

Questions en litige

[8] Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur susceptible de révision lorsqu’elle a décidé que la prestataire avait été licenciée en raison de son inconduite?

Analyse

[9] La division d’appel suit un processus en deux étapes. Le prestataire doit d’abord obtenir la permission de faire appel. Si la permission lui est refusée, son appel s’arrête là. Si la permission lui est accordée, son appel passe à la deuxième étape. C’est à cette étape que l’on décide du bien-fondé de l’appel.

[10] Je dois rejeter la demande de permission d’en appeler si je suis convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 1. La loi dit que je peux seulement examiner certains types d’erreursNote de bas de page 2. Ils sont les suivants :

  • Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une certaine façon.
  • La division générale a commis une erreur de compétence (elle n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle s’est prononcée sur une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher).
  • La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  • La division générale a commis une erreur de droit.

[11] Une chance raisonnable de succès signifie qu’il existe une preuve défendable selon laquelle la division générale pourrait avoir commis au moins une de ces erreursNote de bas de page 3.

[12] L’obtention de la permission d’en appeler est un critère peu exigeant et elle ne signifie pas que l’appel sera accueilli sur le fond.

On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur susceptible de révision

[13] On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur susceptible de révision lorsqu’elle a conclu que la conduite de la prestataire, qui ne s’est pas conformée à la politique de l’employeur sur la COVID-19, constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[14] La Commission a décidé que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[15] La prestataire a porté la décision de la Commission en appel devant la division générale du Tribunal.

[16] Le 14 octobre 2021, le MHP de la province de la prestataire a pris un décret qui s’appliquait aux travailleurs de la santé. Conformément à ce décret, un membre du personnel non vacciné ne devait pas travailler après le 25 octobre 2021, à moins qu’il ne se soit conformé aux conditions de l’exemption ou qu’il puisse fournir une preuve qu’il avait présenté une demande d’exemption, auquel cas il pourrait travailler jusqu’à ce qu’il ait obtenu réponse à sa demandeNote de bas de page 4.

[17] La prestataire travaillait comme inhalothérapeute dans un hôpital. Elle a admis devant la division générale que ce décret s’appliquait à elleNote de bas de page 5.

[18] Dans un courriel daté du 15 octobre 2021, l’employeur de la prestataire a informé ses employés que le décret du MHP exigeait qu’ils aient tous reçu au moins un vaccin avant le 26 octobre 2021 pour pouvoir continuer à travailler. Il les a informés que les employés qui n’avaient pas reçu un premier vaccin au plus tard le 26 octobre 2021 ne seraient pas autorisés à travailler et seraient mis en congé sans solde. Il a ajouté que les employés qui n’avaient pas reçu une première dose au plus tard le 15 novembre 2021 devraient s’attendre à être licenciésNote de bas de page 6.

[19] On pouvait lire aussi dans le courriel que la seule exception au décret de vaccination obligatoire concernait les personnes qui demanderaient au MHP d’approuver un report ou une exemption pour raisons médicales. L’employeur a expliqué dans le courriel les critères à prendre en considération pour l’exemption pour raisons médicales et précisé que les employés qui demanderaient une exemption devraient fournir à leur gestionnaire la preuve d’une demande en cours de traitement sous la forme d’une réponse du bureau du MHP ou d’un médecin-hygiéniste confirmant que la demande avait été présentée conformément au décretNote de bas de page 7.

[20] La prestataire n’a pas contesté qu’elle avait reçu le courriel de l’employeur daté du 15 octobre 2021Note de bas de page 8.

[21] La prestataire a témoigné devant la division générale qu’elle avait des problèmes de santé et qu’elle était en arrêt de travail. Elle a demandé à son médecin de famille de la mettre en congé de maladie et de lui accorder une exemption de la vaccination pour des raisons médicales, ce qu’il a refusé de faireNote de bas de page 9. La prestataire n’a donc pas demandé un report ou une exemption pour raisons médicales au MHP, car elle avait besoin qu’un médecin remplisse le formulaireNote de bas de page 10.

[22] La division générale en est arrivée à la conclusion de fait que la politique de l’employeur s’appliquait à la prestataire.

[23] Elle en est arrivée à la conclusion de fait également que cette dernière avait été licenciée parce qu’elle ne s’était pas conformée à l’obligation de vaccination imposée par l’employeurNote de bas de page 11. La prestataire n’a pas contesté le motif se son licenciement.

[24] La division générale devait décider si la prestataire avait été licenciée en raison de son inconduite.

[25] La Loi sur l’assurance-emploi prévoit que le prestataire qui a perdu son emploi en raison de son inconduite est exclu du bénéfice des prestationsNote de bas de page 12.

[26] Le terme « inconduite » n’est pas défini dans la Loi sur l’assurance-emploi. Toutefois, les tribunaux ont établi une définition de ce terme.

[27] L’inconduite exige une conduite délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 13. L’inconduite comprend aussi une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 14.

[28] Autrement dit, il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur et qu’il existait une possibilité réelle d’être congédiée à cause de celaNote de bas de page 15.

[29] La division générale en est arrivée à la conclusion de fait que la prestataire avait l’obligation envers son employeur de se faire vacciner parce qu’il ressortait clairement du décret pris par le MHP et de la directive de son employeur qu’elle ne pouvait pas travailler si elle n’était pas vaccinée et qu’elle n’avait pas d’exemption fondée sur des raisons médicales. Comme elle était incapable de travailler, elle ne pouvait pas s’acquitter de ses obligations envers son employeurNote de bas de page 16.

[30] La division générale en est arrivée à la conclusion de fait que la prestataire avait fait son propre choix de ne pas se faire vacciner, car son médecin de famille n’avait pas appuyé une demande d’exemption fondée sur des raisons médicales.

[31] La prestataire a dit à la division générale qu’elle savait qu’en ne se faisant pas vacciner ou en ne bénéficiant pas d’une exemption, elle pourrait être licenciée. Elle espérait toutefois qu’on lui donnerait plus de temps pour se conformer ou qu’il y aurait une conséquence différenteNote de bas de page 17.

[32] La division générale a donc conclu que la prestataire savait que le licenciement était une possibilité réelleNote de bas de page 18.

[33] La division générale a donc conclu que la conduite de la prestataire, qui n’avait pas respecté la politique de vaccination obligatoire, équivalait à une inconduite.

[34] La prestataire souhaite maintenant faire appel de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. Elle soutient que la division générale a commis une erreur de droit et une erreur de compétence lorsqu’elle a décidé que ses actions constituaient une inconduite.

[35] La prestataire soutient que le décret du MHP prévoyait un processus de demande d’exemption, mais qu’il n’y avait pas de processus viable à appliquer. Elle affirme que la présentation d’une demande sur le site Web n’a pas fonctionné. La prestataire affirme également que le MHP a déclaré que son bureau ne traitait pas les demandes d’exemption fondées sur des raisons médicales ou religieuses, et qu’à sa connaissance, aucun travailleur de la santé licencié dans sa province n’avait pu demander une exemption.

[36] On ne peut soutenir que la division générale a négligé le témoignage de la prestataire au sujet du processus de demande d’exemption.

[37] La division générale a pris en note le témoignage de la prestataire selon lequel le MHP envoyait aux auteurs de demandes d’exemption des réponses selon lesquelles [traduction] « aucune exemption n’est prise en considération en raison du volume élevé de demandes et du manque de personnel pour en assurer le traitement ». Toutefois, la division générale a noté que, si la prestataire lui a dit qu’elle pouvait fournir de documents à l’appui de cette affirmation, les documents qu’elle a soumis après l’audience n’en ont pas fait la preuveNote de bas de page 19.

[38] La division générale a également souligné que, même si le MHP avait reçu les demandes d’exemption, la prestataire n’aurait pas pu demander une exemption, puisqu’il fallait joindre à la demande les documents d’un médecin. Or, le médecin de famille de la prestataire n’appuyait pas son exemption et la prestataire n’avait communiqué avec aucun autre médecin.

[39] La division générale n’a pas fait fi du témoignage de la prestataire au sujet du processus d’exemption ni omis de le prendre en considération. La division générale a simplement conclu qu’il n’était pas pertinent, étant donné que la prestataire n’aurait pu demander une exemption de toute façon sans le soutien de son médecin. À mon avis, on ne peut soutenir qu’il y a une erreur dans cette conclusion.

[40] La prestataire soutient également que le défaut de se conformer à une nouvelle politique n’équivaut pas à une inconduite volontaire. Elle soutient que son refus de divulguer son statut vaccinal n’a eu aucune incidence sur son rendement au travail. Selon elle, les données actuelles montrent que les vaccins contre la COVID-19 n’empêchent pas l’infection ou la transmission de façon significative. De plus, elle affirme que le refus de divulguer un traitement médical n’équivaut pas au refus d’exécuter des tâches professionnelles ou de se présenter au travail.

[41] Quelle qu’ait été l’incidence de l’obligation de se faire vacciner sur les tâches professionnelles réelles de la prestataire à titre d’inhalothérapeute, les obligations envers un employeur sont plus vastes que les tâches professionnelles elles-mêmes.

[42] La Cour d’appel fédérale a déclaré que le manquement à une obligation expresse ou implicite découlant d’un contrat de travail peut constituer une inconduiteNote de bas de page 20. En l’espèce, la division générale a décidé que l’obligation de se faire vacciner était un devoir que la prestataire avait envers son employeur.

[43] La conclusion de la division générale à cet égard était conforme à la preuve au dossier. Le décret du MHP et l’employeur exigeaient, en l’absence d’une demande d’exemption accueillie ou en traitement, que la prestataire soit vaccinée pour pouvoir travailler. Cette exigence était donc clairement devenue une obligation essentielle de son emploi. N’ayant obtenu aucune exemption et ne s’étant pas fait vacciner, la prestataire n’était pas en mesure de s’acquitter de ses fonctions.

[44] La Cour d’appel fédérale a déclaré qu’une violation délibérée de la politique d’un employeur peut également être considérée comme étant une inconduiteNote de bas de page 21. C'est ce qui s'est passé ici. La prestataire connaissait les exigences de la politique, mais elle a choisi de ne pas respecter celle-ci, sachant qu’elle mettait son emploi en danger.

[45] La prestataire distingue ses actions d’autres types d’inconduite, comme le refus d’exercer des fonctions professionnelles ou le fait d’être absent. Or, elle ne doit pas nécessairement avoir une intention fautive pour que son comportement constitue une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 22. Ainsi qu’il a été mentionné, une violation délibérée de la politique d’un employeur peut constituer une inconduite.

[46] La prestataire affirme également que la division générale ne devrait pas retenir la qualification d’inconduite de l’employeur lorsque le licenciement de travailleurs de la santé en vertu du décret du MHP est contesté par le syndicat et qu’une contestation privée est instituée devant la Cour suprême de la C.-B. par un groupe de médecins et d’infirmières.

[47] La division générale n’a toutefois pas simplement accepté la qualification d’inconduite de l’employeur. Elle a énoncé et appliqué le critère juridique relatif à l’inconduite sous le régime de la Loi sur l’assurance-emploi, tel qu’il a été décrit par la Cour d’appel fédéraleNote de bas de page 23.

[48] Le critère qui s’applique à l’égard du licenciement injustifié sous le régime d’une convention collective n’est pas le même critère que celui de savoir si le prestataire a été licencié pour inconduite sous le régime de la Loi sur l’assurance-emploi. La division générale était tenue de suivre la définition d’inconduite énoncée par la Cour d’appel fédérale, ce qu’elle a faitNote de bas de page 24.

[49] En outre, la division générale n’a pas à décider si le congédiement était justifié ou s’il s’agissait de la sanction appropriéeNote de bas de page 25.

[50] Je ne vois aucun argument défendable selon lequel la division générale a mal interprété ce que signifie l’inconduite sous le régime de la Loi sur l’assurance-emploi, et la décision de la division générale a été étayée par la preuve.

[51] La prestataire répète essentiellement les mêmes arguments qu’elle a présentés à la division générale. Toutefois, la division d’appel n’est pas une tribune où il est possible de faire valoir à nouveau des arguments et espérer une issue différente.

[52] Outre les arguments de la prestataire, j’ai examiné le dossier documentaire et j’ai écouté la bande audio de l’audience de la division générale. Je n’ai trouvé aucune preuve importante dont la division générale aurait pu faire fi ou qu’elle aurait pu mal interpréterNote de bas de page 26.

[53] La prestataire n’a signalé aucune injustice procédurale de la part de la division générale, et je ne vois aucune preuve d’une telle injustice.

[54] Bien que la prestataire ait coché la case « erreur de compétence » dans sa demande à la division d’appel, elle n’a fourni aucune explication à cet égard.

[55] La division générale devait décider si la Commission a prouvé que la prestataire a été licenciée en raison de son inconduite et elle a décidé que la Commission en a fait la preuve. La division générale n’a tranché aucune question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher. On ne peut donc soutenir qu’il y a eu erreur compétence.

[56] Comme la prestataire n’a pas soulevé d’argument défendable selon lequel la division générale a commis une erreur susceptible de révision, son appel ne peut aller de l’avant.

[57] Compte tenu du dossier, de la décision de la division générale et des arguments avancés par la prestataire dans sa demande à la division d’appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Je refuse donc la permission d’en appeler.

Conclusion

[58] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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