Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MV c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1255

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : M. V.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (468921) datée du 4 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Elizabeth Usprich
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 30 août 2022
Personne présente à l’audience : Mya Volk
Appelante

Date de la décision : Le 9 septembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1823

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Elle est donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire, M. V., travaillait comme inhalothérapeute. Elle a travaillé pour le même employeur pendant plus de 31 ans. Elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Ce dernier l’a mise en congé le 26 octobre 2021 et l’a ensuite congédiée le 15 novembre 2021 parce qu’elle ne s’est pas fait vacciner ni n’a fourni d’exemption. Elle a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[4] La Commission a décidé que la prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a été suspendue et qu’elle a ensuite perdu son emploi en raison de son inconduite.

[5] La prestataire n’est pas d’accord pour dire qu’elle a commis quelque type d’inconduite que ce soit. Elle avait ses propres problèmes de santé et voulait attendre avant de se faire vacciner.

[6] La Commission a accepté le motif de congédiement invoqué par l’employeur. Elle a décidé que la prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite. C’est pourquoi la Commission a décidé que la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Questions que je dois examiner en premier

Documents soumis

[7] La Commission s’est appuyée sur la politique de vaccination obligatoire de l’employeur, mais elle n’en a pas fourni de copie au Tribunal. Le Tribunal lui a demandé de le faire. À sa réception, le document s’est vu attribuer le code GD7. Une copie a été envoyée à la prestataire.

[8] À l’audience, la prestataire a lu un courriel de son employeur daté du 15 octobre 2021 et on lui a demandé de le soumettre après l’audience. À sa réception, le document s’est vu attribuer le code GD11.

[9] La prestataire avait également en sa possession le processus de demande de révision (exemption) qui était en vigueur et l’a soumis. À sa réception, le document s’est vu attribuer les codes GD9-4 et GD9-5.

[10] Au cours de l’audience, la prestataire a déclaré qu’elle avait un exemple de courriel du médecin-hygiéniste provincial (MHP) selon lequel les demandes d’exemption pour des raisons médicales n’étaient pas traitées en raison du volume élevé de demandes. Ce document n’a pas été reçu. La prestataire a plutôt présenté une réponse automatique générique du MHP. Elle a déclaré que cette réponse avait été envoyée en lien non pas avec une demande d’exemption, mais avec une question différente. À sa réception, ce document s’est vu attribuer les codes GD10-2 à GD10-3.

[11] La prestataire a déclaré à l’audience que, lors de sa suspension, son employeur lui avait offert la possibilité de conserver son emploi si elle acceptait le vaccin de Janssen (Johnson & Johnson). À sa réception, ce courriel s’est vu attribuer les codes GD11-4 à GD11-6.

Question en litige

[12] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison de son inconduite?

Analyse

[13] Pour répondre à la question de savoir si la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, je dois trancher deux points. Premièrement, je dois établir pourquoi la prestataire a perdu son emploi. Je dois ensuite décider si la loi considère ce motif comme étant une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[14] Je conclus que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination obligatoire de son employeur. La prestataire est d’accord pour dire qu’elle a été congédiée parce qu’elle ne s’est pas conformée à l’obligation de se faire vacciner imposée par son employeur. Elle estime toutefois que cette omission de se conformer ne constitue pas une inconduite. À son avis, elle devrait avoir droit à des prestations.

La raison du congédiement de la prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[15] La raison du congédiement de la prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[16] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 2. L’inconduite doit être une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 3. La prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, elle n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 4.

[17] Il y a inconduite si la prestataire savait ou qu’elle aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur et qu’il existait une possibilité réelle d’être congédiée à cause de celaNote de bas de page 5.

[18] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 6.

[19] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que la prestataire savait qu’il y avait une politique de vaccination obligatoire et qu’elle a choisi de ne pas se faire vacciner.

[20] La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’elle aurait pu s’acquitter de toutes ses fonctions si l’employeur lui avait permis de se présenter au travail.

[21] La prestataire affirme qu’elle a perdu son emploi parce qu’elle n’a pas été vaccinée dans les délais prescrits par l’employeurNote de bas de page 7. Elle s’est demandé si le courriel de l’employeur était en fait une politique. Elle a déclaré qu’elle n’avait pas été en mesure d’obtenir une exemption de la politique de vaccination pour des raisons médicales. Elle croit que son travail aurait dû tenir compte de ses besoins. Elle souffrait d’un problème de santé qui est demeuré inchangé lorsqu’elle a été suspendue, puis congédiéeNote de bas de page 8.

Consigne sanitaire provinciale/politique de l’employeur

[22] Le 14 octobre 2021, le médecin-hygiéniste provincial (MHP) a pris un décret en Colombie-Britannique sur le statut vaccinal contre la COVID-19Note de bas de page 9. Ce décret s’appliquait aux travailleurs de la santé. La prestataire ne conteste pas le fait que ce décret s’appliquait à elle.

[23] Aux termes de ce décret, tout membre du personnel non vacciné [traduction] « ne doit pas travailler après le 25 octobre 2021, à moins qu’il ne se soit conformé aux conditions de l’exemption »Note de bas de page 10.

[24] Le décret prescrit également qu’[traduction] « un membre du personnel non vacciné qui a fourni la preuve d’une demande d’exemption peut travailler jusqu’à ce que moi-même ou le médecin-hygiéniste y répondions […] »Note de bas de page 11.

[25] Le 15 octobre 2021, l’employeur de la prestataire a envoyé un courriel à tous les employés de la santé et au personnel médicalNote de bas de page 12. Ce courriel mentionnait que ceux qui [traduction] « n’ont pas reçu une première dose de vaccin contre la COVID-19 avant le 26 octobre ne seront pas autorisés à travailler, sur place ou à distance »Note de bas de page 13.

[26] Suivant le même courriel, [traduction] « les employés qui n’ont pas reçu une première dose de vaccin contre la COVID-19 au plus tard le 15 novembre doivent s’attendre à être licenciés ou à ce que d’autres ententes contractuelles conclues avec IH soient résiliées »Note de bas de page 14.

[27] Le même courriel aborde la question des demandes d’exemption de la vaccination. Il prévoit que [traduction] « la seule exception au décret de vaccination obligatoire concerne les personnes qui demandent au MHP d’approuver un report ou une exemption pour des raisons médicales. Pour être admissible à une exemption, une personne aura probablement reçu une dose du vaccin et aura subi un événement indésirable grave ou aura un problème de santé préexistant justifiant une exemption pendant un certain temps. Si vous demandez une exemption pour des raisons médicales, faites-le dès que possible. Pour en savoir plus, consultez les Lignes directrices sur le processus de demande de révision (exemption). »Note de bas de page 15

[28] La prestataire était au courant de l’exigence de son employeur de se faire vacciner contre la COVID-19.

[29] La prestataire savait que le licenciement [traduction] « pouvait » avoir lieu, mais elle estimait qu’il ne s’agissait que de lignes directrices et que son employeur aurait pu en faire davantage pour tenir compte de sa situation. Elle affirme que son employeur a dit qu’il se conformait au décret du MHP. La prestataire a fait valoir que le décret du MHP ne disait rien au sujet d’un licenciement.

[30] La prestataire croit qu’elle était en mesure de s’acquitter de toutes ses fonctions et que, par conséquent, ce qu’elle a fait ne devrait pas être qualifié d’inconduite.

S’agit-il d’une politique?

[31] La prestataire ne conteste pas qu’elle était au courant des lettres envoyées par courriel par son employeur au sujet de la vaccination obligatoire.

[32] La prestataire s’est demandé si la lettre envoyée par courriel par son employeur le 15 octobre 2021Note de bas de page 16 est une politique étant donné qu’elle n’était pas présentée sous forme de politique. La convention collective de la prestataire peut comprendre des directives sur le format dans lequel une politique doit être présentée. Si tel est le cas et que la prestataire croit que la politique n’est pas conforme, la mesure appropriée consisterait à déposer un grief par l’entremise de son syndicat. Toutefois, aux fins de l’assurance-emploi, la lettre envoyée par courriel constitue une communication de la politique de l’employeur.

[33] La prestataire ne nie pas qu’elle était au courant de la politique de son employeur. Elle savait également qu’elle était fondée sur le décret du médecin-hygiéniste provincialNote de bas de page 17.

[34] Je conclus que l’employeur de la prestataire avait une politique sur la vaccination obligatoire. Je conclus que la prestataire était au courant de cette politique. Je ne peux pas me prononcer sur la question de savoir si la politique respectait les modalités de sa convention collective.

Exemption pour raisons médicales

[35] La prestataire a déclaré qu’en raison d’un problème cardiaque et neuromusculaireNote de bas de page 18, qui était antérieur à la politique de vaccination, elle ne voulait pas se faire vacciner contre la COVID-19 à ce moment-là. Elle a affirmé qu’elle voulait attendre avant de se faire vacciner en raison de ses problèmes de santé.

[36] La prestataire a déclaré que ses problèmes de santé n’étaient pas liés à la COVID-19 ou au vaccin contre la COVID-19. Ils l’ont amenée à prendre des congés pour raisons médicales. La prestataire affirme avoir pris une semaine de congé en juin 2021, août 2021 et septembre 2021Note de bas de page 19 en raison de ces problèmes de santé. Elle croit que la dernière semaine pourrait avoir été consignée comme étant un congé annuel plutôt qu’un congé de maladie.

[37] Après avoir reçu les courriels de l’employeur, la prestataire a déclaré qu’elle s’était rendue chez son médecin de famille pour tenter d’obtenir une exemption pour des raisons médicales. Son médecin de famille a refusé de soutenir une telle exemption. La prestataire affirme que son médecin lui a dit avoir reçu comme directive de ne pas accorder d’exemptions pour des raisons médicales. Le médecin n’a pas précisé qui a donné cette directive.

[38] Les demandes d’exemption pour raisons médicales devaient être soumises au MHP. La prestataire le savait. Elle a remis au Tribunal une copie du processus d’exemptionNote de bas de page 20. Le document dit : [traduction] « Pour être admissible à une exemption, vous aurez probablement reçu une dose du vaccin et aurez subi un événement indésirable grave ». On peut aussi y lire [traduction] « ou aurez un problème de santé préexistant justifiant une exemption pendant un certain temps ».

[39] La prestataire a admis qu’elle n’avait pas présenté une demande d’exemption pour raisons médicales au MHP. Elle a déclaré que son médecin de famille n’appuierait pas un congé ou une exemption pour raisons médicales. Elle a ajouté que, pour la présentation d’une demande d’exemption auprès du MHP, son médecin de famille devrait remplir un formulaire. La prestataire a déclaré que son médecin de famille ne l’aurait pas fait.

[40] La prestataire a dit croire que, pendant un certain temps, le MHP envoyait des réponses aux demandes d’exemption selon lesquelles [traduction] « aucune exemption n’est prise en considération en raison du volume élevé de demandes et du manque de personnel pour en assurer le traitement »Note de bas de page 21. À l’audience, la prestataire a dit qu’elle pouvait fournir au Tribunal des documents le confirmant. Mais aucun document soumis par la prestataire n’en a fait la preuve.

[41] Le problème de la prestataire tenait au fait que son médecin de famille n’appuyait pas sa demande d’exemption. Même si le bureau du MHP recevait les demandes d’exemption, la prestataire n’aurait pas été en mesure de présenter une demande parce qu’il exigeait des documents de son médecin de famille. J’ai demandé à la prestataire si elle avait communiqué avec le médecin de la salle d’urgence qui lui avait remis une note pour son congé de maladie. La prestataire a dit que non.

[42] Je conclus que la prestataire n’a pas demandé d’exemption pour raisons médicales. Je conclus que la prestataire n’a pas pu obtenir l’appui de son médecin de soins primaires (son médecin de famille) pour demander une exemption de la vaccination pour raisons médicales.

Quatre éléments de l’inconduite

[43] L’inconduite comporte quatre éléments. Les actions du prestataire doivent être délibérées (conscientes, délibérées, intentionnelles); le prestataire devait savoir ou devrait avoir su que cela causerait des problèmes pour ce qui est de s’acquitter de ses fonctions envers l’employeur; le prestataire devait savoir ou devrait avoir su qu’il y avait une possibilité réelle d’être congédié; et l’inconduite alléguée a causé le licenciement.

[44] Je conclus que la prestataire a fait le choix de ne pas se faire vacciner. Le médecin de famille de la prestataire n’a pas appuyé une demande d’exemption pour des raisons médicales.

[45] Le décret du MHPNote de bas de page 22 et l’employeur de la prestataireNote de bas de page 23 ont dit en des termes clairs qu’en l’absence d’une telle exemption, un employé non vacciné ne pourrait pas se présenter au travail. La prestataire n’était pas vaccinée et elle n’avait pas d’exemption pour raisons médicales. Cela signifie qu’elle ne pouvait pas se rendre au travail pour s’acquitter de ses fonctions envers son employeur. Il s’agit d’une inconduite.

[46] La prestataire a admis qu’elle savait qu’en ne se faisant pas vacciner (ou sans une exemption), elle pourrait être licenciée. Elle a dit qu’elle espérait qu’on lui accorderait un délai plus long pour se conformer ou qu’il y aurait une conséquence différente. Je comprends la prestataire, qui a fait une longue carrière chez l’employeur. Malheureusement, le courriel de l’employeur et le fait que la prestataire a compris le courriel signifient que le licenciement était une possibilité réelle.

[47] En raison de son omission de se faire vacciner ou d’obtenir une exemption (l’inconduite), la prestataire a été congédiée.

[48] Je conclus que la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu inconduite parce que la prestataire ne s’est pas conformée à une politique de vaccination obligatoire ni n’a obtenu d’exemption.

Donc, la prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison de son inconduite?

[49] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées ci-dessus, j’estime que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.

Conclusion

[50] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. C’est pourquoi elle a décidé que la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’AE.

[51] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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