Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1306

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : K. G.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (460368) datée du 7 mars 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 7 juillet 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 13 juillet 2022
Numéro de dossier : GE-22-961

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a été suspendu et qu’il a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension et son congédiement). Par conséquent, le prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] K. G. est le prestataire dans cette affaire. Il avait un emploi de chauffeur. Son employeur l’a mis en congé sans solde, puis l’a congédié parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 mise en place au travail. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploiNote de bas de page 2.

[4] La Commission a décidé que le prestataire n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi parce qu’il avait perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 3.

[5] Le prestataire n’est pas d’accord, car le vaccin contre la COVID-19 est expérimental et les tests de dépistage sont inexacts et donnent de faux résultatsNote de bas de page 4. Selon le prestataire, c’est l’employeur qui est coupable d’inconduite parce qu’il n’a pas consenti à son congé sans solde ni à son congédiement.

Question en litige

[6] Le prestataire a-t-il été suspendu et congédié en raison de son inconduite?

Analyse

[7] Une personne qui perd son emploi en raison de son inconduite ou qui le quitte volontairement sans justification n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 5.

[8] Une personne qui est suspendue en raison de son inconduite n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 6.

[9] Une personne qui prend volontairement une période de congé sans justification n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 7.

[10] Pour établir si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison le prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[11] J’estime que le prestataire a été mis en congé sans solde obligatoire le 28 octobre 2021, puis congédié le 1er novembre 2021 parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de l’employeur sur la COVID-19. C’est ce que l’on peut constater dans le témoignage du prestataire et dans la lettre de cessation d’emploi au dossierNote de bas de page 8.

Quelle était la politique de l’employeur?

[12] Le 28 septembre 2021, l’employeur a mis en œuvre la [traduction] « Politique sur les mesures d’atténuation de la COVID-19 en Amérique du Nord ». L’objectif de cette politique est d’instaurer des mesures de sécurité améliorées visant à protéger le personnel et l’entreprise, conformément aux directives de santé publique et aux rapports faisant état d’une augmentation constante de la transmission de la COVID-19 et du nombre de cas dans les régions où l’entreprise exerce ses activitésNote de bas de page 9. Une copie de la politique se trouve au dossierNote de bas de page 10.

[13] La politique n’exige pas la vaccination, mais demande aux membres du personnel de fournir leur statut vaccinal en matière de COVID-19 au plus tard le 4 octobre 2021Note de bas de page 11. Toute personne qui n’est pas entièrement vaccinée ou qui choisit de ne pas communiquer son statut vaccinal serait considérée comme non vaccinée et tenue de participer au programme de test de dépistage rapide de l’entrepriseNote de bas de page 12.

[14] La politique prévoyait aussi des mesures d’adaptation pour des raisons médicales ou des motifs religieux, ou pour d’autres raisons fondées sur des motifs protégés.

La politique a-t-elle été communiquée au prestataire?

[15] Le prestataire convient que la politique lui a été communiquée de différentes façons. Il a participé à une téléconférence à l’échelle de l’entreprise le 17 septembre 2021, puis a vu un message de son employeur au sujet de la politique au travail. Il a également reçu un avis l’invitant à aller en ligne pour accepter les conditions de la politique, ce qu’il n’a pas fait.

[16] L’employeur a dit à la Commission que la politique a été communiquée au personnel lors d’une téléconférence à l’échelle de l’entreprise le 17 septembre 2021, par un message à grande échelle le 28 septembre 2021, par un avis envoyé le 28 septembre 2021, et que certains membres du personnel avaient eu des discussions individuelles avec l’employeurNote de bas de page 13.

Quelles étaient les conséquences du non-respect de la politique?

[17] La politique énonce : [traduction] « le non-respect de cette politique ou toute déclaration inexacte sur le statut vaccinal peut entraîner des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’à la cessation d’emploiNote de bas de page 14 ».

[18] L’employeur a dit à la Commission que les personnes qui ne se conformeraient pas à la politique seraient mises en congé sans solde pendant 72 heures, afin de leur donner le temps de réfléchir à leur décision, de poser des questions et de demander des précisions et des conseils à l’externeNote de bas de page 15. Avant la fin du congé de 72 heures, toute personne visée serait invitée à se conformer à la politique en participant au programme de test de dépistage rapide, ou bien à poursuivre le congé sans solde pour recevoir toutes les doses de vaccin et éviter les tests rapides.

[19] L’employeur a également dit à la Commission qu’après le congé sans solde de 72 heures, si une personne ne se conformait toujours pas à la politique, il y aurait cessation d’emploi sur-le-champ. Dans le cas du prestataire, l’employeur lui a donné 24 heures de plus après la fin d’emploi au cas où il changerait d’avis, comme l’indique la lettre de cessation d’emploiNote de bas de page 16.

[20] Le prestataire a déclaré que les ressources humaines lui ont dit qu’il serait suspendu pour non-respect de la politique. Il admet qu’il savait que des mesures disciplinaires seraient prises.

Y a-t-il une raison pour laquelle le prestataire n’a pas pu se conformer à la politique?

[21] Le prestataire a déclaré qu’il savait que la politique prévoyait des exemptions et des mesures d’adaptation pour des motifs précis, mais qu’il n’a pas été en mesure de présenter une demande à l’employeur. Il a expliqué qu’il devait accepter la politique avant de présenter une demande d’exemption. Pour cette raison, il n’a pas pu demander une mesure d’adaptation.

[22] L’employeur a dit à la Commission que le prestataire n’a pas demandé de mesure d’adaptation et que son refus de se conformer à la politique n’était pas fondé sur un motif de distinction illicite protégé par la législation sur les droits de la personneNote de bas de page 17.

La raison du congédiement du prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[23] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la façon d’agir doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 18. Une inconduite peut aussi se présenter comme une conduite à ce point insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 19.

[24] Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il ne faut pas nécessairement avoir une intention coupable (c’est-à-dire vouloir faire quelque chose de mal)Note de bas de page 20.

[25] Il y a inconduite si une personne savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 21.

[26] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 22.

[27] J’estime que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes.

[28] Premièrement, je constate que la politique a été communiquée au prestataire plus d’une fois, qu’il connaissait les dates limites pour s’y conformer et qu’il aurait eu le temps de le faire. Plus précisément, le prestataire savait qu’il devait fournir son statut vaccinal à son employeur au plus tard le 4 octobre 2021, et que s’il ne se faisait pas vacciner, il devait accepter les tests rapides.

[29] Deuxièmement, j’estime que le prestataire a choisi de façon délibérée de ne pas se conformer à la politique pour des raisons personnelles. Après l’audience, il a fourni une copie d’un courriel qu’il a envoyé à son employeur le 31 octobre 2021. Il y mentionnait qu’il ne se conformerait pas à la politique et qu’il refusait la vaccination et les testsNote de bas de page 23.

[30] C’était un choix intentionnel de sa part. Les tribunaux ont déjà établi qu’une violation délibérée de la politique d’un employeur est considérée comme une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 24 .

[31] Troisièmement, je constate que le prestataire savait (ou aurait dû savoir) que les conséquences du non-respect de la politique seraient un congé sans solde ou une suspension et un congédiement. Le prestataire a été avisé des conséquences les 28 septembre et 28 octobre 2021, et elles se trouvaient également dans la politiqueNote de bas de page 25.

[32] Quatrièmement, le prestataire n’était pas exempté de la politique. L’employeur a confirmé qu’il n’a demandé aucune exemptionNote de bas de page 26.

[33] Je ne suis pas convaincue de l’argument du prestataire selon lequel il n’a pas été en mesure de demander une exemption parce qu’il devait d’abord accepter la politique. Le prestataire aurait pu demander une exemption et une mesure d’adaptation comme le prévoyait la politique. Je remarque qu’il a envoyé un courriel à l’employeur au sujet de son refus et qu’il aurait pu demander une mesure d’adaptation à ce moment-làNote de bas de page 27. De plus, l’employeur a écrit que les membres du personnel devaient communiquer avec leur partenaire de ressources humaines pour demander une mesure d’adaptation au travailNote de bas de page 28.

[34] Enfin, je reconnais de façon générale que l’employeur peut élaborer et imposer des politiques au travail. Dans le cas présent, l’employeur a imposé une politique vaccinale liée à la pandémie de COVID-19. C’est donc devenu une condition d’emploi. Le prestataire a enfreint la politique en décidant de ne pas s’y conformer, ce qui a nui à sa capacité de remplir ses obligations envers son employeur.

[35] La Loi sur l’assurance-emploi vise à indemniser les personnes qui ont perdu leur emploi involontairement et qui sont sans travail. La perte d’un emploi assuré ou la suspension de cet emploi doit être involontaireNote de bas de page 29. Dans la présente affaire, ce n’était pas involontaire, car ce sont les actions du prestataire qui ont mené à son congédiement.

Qu’en est-il des autres arguments du prestataire?

[36] Voici quelques autres arguments du prestataire :

  1. a) Il ne consent pas à recevoir un vaccin expérimental.
  2. b) Les tests donnent de faux résultats et ne sont pas fiables.
  3. c) Sa santé passe avant son emploi, et ses antécédents médicaux sont confidentiels.
  4. d) L’employeur a dépassé les limites en imposant la politique. Elle est contraire à la loi et injuste.
  5. e) Il n’a reçu aucune indemnité de départ.
  6. f) Il n’a pas pu bénéficier d’une mesure d’adaptation de la part de l’employeur.
  7. g) La politique va à l’encontre de la Loi sur la non-discrimination génétique.
  8. h) Il travaille seul dans un camion et n’a aucun contact avec d’autres personnes, alors il n’était pas un danger pour qui que ce soit.
  9. i) La politique n’était pas une condition de son emploi.

[37] Il a déjà été établi en cour que le Tribunal ne peut pas décider si un congédiement ou une sanction est justifié. Son rôle est plutôt de décider si la façon d’agir d’une partie prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 30 . J’ai déjà décidé que la façon d’agir du prestataire constituait une inconduite selon la Loi.

[38] J’ai pris connaissance des autres arguments du prestataire, mais je n’ai pas le pouvoir de trancher en la matière. Le recours du prestataire est d’intenter une action en justice ou devant tout autre tribunal compétent pour examiner ses arguments particuliers.

Conclusion

[39] Le prestataire avait le choix et a décidé de ne pas se conformer à la politique pour des raisons personnelles. Ce choix a donné un résultat indésirable, soit un congé sans solde obligatoire ou une suspension, puis un congédiement.

[40] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. C’est pourquoi il n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi.

[41] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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