Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1153

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : C. L.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (458289) datée du 7 mars 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Elizabeth Usprich
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 28 septembre 2022
Personne présente à l’audience : Lu Chen
Appelante

Date de la décision : Le 10 novembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1910

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Décision

[42] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec la prestataire.

[43] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). Cela signifie que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 1.

[44] La prestataire n’a pas démontré non plus qu’elle était fondée à quitter son emploi (c’est‑à‑dire qu’elle avait une raison acceptable selon la loi) au moment où elle l’a fait. La prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi parce que son départ ne constituait pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, elle est exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

Aperçu

[45] La prestataire, C. L., travaillait comme chercheuse en médecine. L’employeur l’a mise en congé sans solde le 16 octobre 2021 parce qu’elle ne s’était pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 au travail. La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance‑emploi.

[46] Même si la prestataire ne conteste pas que cela s’est produit, elle affirme qu’aller à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur ne constitue pas une inconduite. La prestataire affirme que son employeur a refusé de tenir compte de sa sensibilité quant à ce qui est introduit dans son corps.

[47] La Commission d’assurance‑emploi du Canada a accepté le motif de suspension invoqué par l’employeur. Elle a conclu que la prestataire avait été suspendue en raison de son inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé le 24 janvier 2022 que la prestataire n’était pas admissible à des prestations d’assurance‑emploi.

[48] Le 31 janvier 2022, la prestataire a démissionné. Elle affirme qu’elle avait besoin d’une aide financière et qu’elle n’avait pas été en mesure de trouver un autre emploi. Elle ajoute qu’en démissionnant, elle a pu avoir accès à une partie de ses fonds de pension.

[49] Dans le cadre de la révision, la Commission a examiné les motifs du départ de la prestataire. Elle a décidé que cette dernière avait quitté volontairement (ou avait choisi de quitter) son emploi sans justification, et donc qu’elle n’était pas en mesure de lui verser des prestations.

[50] Je dois décider si la prestataire a été suspendue de son poste en raison d’une inconduite. Je dois décider aussi si la prestataire a prouvé que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas.

Question que je dois examiner en premier

Observations supplémentaires

[51] La Commission a été priée de préciser sa position concernant la période d’inadmissibilité et la période d’exclusion. La prestataire a été informée pendant l’audience que cela pouvait se produire. Après leur réception, les observations supplémentaires de la Commission ont reçu le code GD12.

[52] La prestataire a eu l’occasion de répondre aux observations supplémentaires de la Commission. Sa réponse a reçu le code GD14.

[53] La Commission a envoyé une autre réponse qui a reçu le code GD15. La prestataire a envoyé une réponse supplémentaire qui a reçu le code GD16. Une copie antérieure des réponses de la prestataire portant la date du 16 octobre 2022 a reçu le code GD17. Toutes les observations supplémentaires ont été examinées.

Questions en litige

[54] La prestataire est‑elle inadmissible à des prestations à compter du 17 octobre 2021 parce qu’elle a été suspendue en raison d’une inconduite?

[55] La prestataire est-elle exclue du bénéfice des prestations à compter du 31 janvier 2022 parce qu’elle n’était pas fondée à quitter son emploi? 

Analyse

i) La prestataire est inadmissible à des prestations à compter du 17 octobre 2021

[56] Selon la loi, le prestataire qui perd son emploi en raison d’une inconduite ne peut toucher de prestations d’assurance‑emploi. Cette règle s’applique lorsque l’employeur congédie ou suspend le prestataireNote de bas page 2. Il en découle non pas une exclusion du bénéfice des prestations, mais une inadmissibilité aux prestationsNote de bas page 3.

[57] Pour répondre à la question de savoir si la prestataire a été suspendue pour inconduite, je dois trancher deux éléments. Premièrement, je dois établir pourquoi la prestataire a été suspendue. Je dois ensuite décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle été suspendue?

[58] Je conclus que la prestataire a été suspendue parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire de son employeur. La prestataire affirme qu’elle n’a pas été suspendue, mais qu’elle a plutôt été mise en congé sans solde parce qu’elle n’a pas respecté l’obligation de vaccination de son employeur. Elle estime qu’il ne s’agit pas d’une inconduite pour avoir omis de se conformer à la politique. Elle est d’avis que la politique de l’employeur était une solution universelle injuste. Elle estime en outre qu’elle devrait avoir droit à des prestations.

La raison de la suspension de la prestataire est‑elle une inconduite au sens de la loi?

[59] La prestataire affirme qu’elle n’a pas été suspendue, mais qu’elle a plutôt été mise en congé sans solde au motif qu’elle n’était pas vaccinée. En outre, selon le relevé d’emploi (RE) de la prestataire, celui‑ci a été délivré en raison d’un « congé ». Je ne suis pas liée par la façon dont l’employeur et l’employé qualifient leur séparationNote de bas page 4. L’article 31 renvoie à une « suspension » en raison d’une inconduiteNote de bas page 5. Autrement dit, lorsque l’employeur a décidé de mettre un employé en congé sans solde en raison d’une inconduite, c’est habituellement la même chose qu’une suspension pour l’application de la Loi sur l’assurance‑emploi (la Loi sur l’AE). Je parlerai du congé sans solde de la prestataire comme étant une suspension parce que c’est le terme qu’utilise la Loi sur l’AE.

[60] Le motif de la suspension de la prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[61] La Loi sur l’AE ne dit pas ce que signifie une inconduite. Mais la jurisprudence (décisions des tribunaux administratifs et judiciaires) nous montre comment déterminer si la suspension de la prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’AE. Elle énonce le critère juridique applicable à l’inconduite – les questions et les critères à prendre en considération lors de l’examen de la question de l’inconduite.

[62] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 6. L’inconduite doit être une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas page 7. La prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, elle n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas page 8.

[63] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur et qu’il existait une possibilité réelle qu’elle soit congédiée à cause de celaNote de bas page 9.

[64] La loi ne dit pas que je dois tenir compte de la façon dont l’employeur s’est comportéNote de bas page 10. Je dois plutôt me concentrer sur ce que la prestataire a fait ou a omis de faire et sur la question de savoir si cela équivaut à une inconduite au sens de la Loi sur l’AENote de bas page 11.

[65] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi sur l’AE. Je ne peux rendre aucune décision sur la question de savoir si la prestataire a d’autres options en vertu d’autres lois. Il ne m’appartient pas de me prononcer sur la question de savoir si la prestataire a été congédiée à tort ou si l’employeur aurait dû mettre en place des mesures raisonnables (accommodements) pour la prestataireNote de bas page 12. Je ne peux examiner qu’une chose : la question de savoir si ce que la prestataire a fait ou a omis de faire est une inconduite au sens de la Loi sur l’AE.

[66] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer que, selon toute vraisemblance, la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduiteNote de bas page 13.

[67] La Commission affirme que l’employeur avait une politique de vaccinationNote de bas page 14. L’employeur a clairement communiqué à la prestataire ses attentes en matière de vaccinationNote de bas page 15. La prestataire connaissait ou aurait dû connaître les conséquences du non‑respect de la politique. La Commission affirme que la prestataire était au courant de la politique et qu’il y a eu inconduite parce que la prestataire savait qu’il y avait une politique de vaccination obligatoire et a choisi de ne pas se faire vacciner.

[68] La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’elle aurait pu s’acquitter de ses fonctions si l’employeur lui avait permis de se présenter au travail. La prestataire estime également que son employeur a tenté d’adopter une politique « universelle » qui était injusteNote de bas page 16. La prestataire affirme qu’une exemption lui a été refusée et que sa situation personnelle n’a pas été prise en compte.

[69] La prestataire ne conteste pas que son employeur avait une politique de vaccination et qu’elle était au courant de celle‑ci.

[70] Suivant cette politique, l’employé qui n’était pas entièrement vacciné ou qui n’avait pas obtenu d’exemption devait suivre une séance de formation et effectuer des tests antigéniques avant de se présenter au travailNote de bas page 17. La prestataire affirme s’être conformée à cette exigence. J’admets qu’elle l’a fait.

[71] La prestataire estime que la politique de son employeur n’était pas raisonnable. Elle estime avoir eu la capacité de continuer à maintenir une distance avec les autres.

Exemption pour des raisons médicales ou autres

[31] La prestataire savait que son employeur exigeait que, pour maintenir son emploi, elle obtienne une exemption si elle ne se faisait pas vacciner. La politique de l’employeur prévoyait des exemptions à la politique de vaccination fondées sur des raisons médicales ou d’autres raisons documentées, liées aux droits de la personneNote de bas page 18. La prestataire a présenté une demande d’exemptionNote de bas page 19 dans laquelle elle a expliqué ses réactions indésirables aux médicaments, entre autres choses. Elle affirme qu’elle avait un nouveau médecin et qu’elle n’avait aucun dossier médical corroborant sa position. L’employeur n’a pas accepté la demande d’exemption de la prestataireNote de bas page 20.

[32] La prestataire a témoigné et fourni d’autres documents concernant ses convictions sincères au sujet de la vaccination et de ses réactions indésirables. J’admets que la prestataire refuse de se faire vacciner contre la COVID-19 en raison de ses préoccupations concernant sa sécurité personnelle.

Éléments de l’inconduite?

[33] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les motifs suivants.

[34] Il n’est pas contesté que l’employeur avait une politique de vaccination. La prestataire était au courant de la politique de vaccination et savait notamment qu’elle risquait entre autres choses d’être mise en congé sans solde. Je conclus que la prestataire a elle‑même choisi de ne pas se faire vacciner. Il s’ensuit que son choix de ne pas se faire vacciner était conscient, délibéré et intentionnel.

[35] L’employeur de la prestataire ne lui a pas accordé d’exemption. Il a clairement déclaré qu’en l’absence d’une exemption, un employé non vacciné pourrait faire l’objet de mesures disciplinaires, y compris être mis en congé sans solde (autrement dit, être suspendu)Note de bas page 21. La prestataire a dit qu’elle était consciente de ce risque de perdre son emploi. 

[36] La prestataire n’était pas vaccinée et elle n’avait pas d’exemption. La politique exigeait que tous les employés soit aient une exemption, soit se fassent vacciner. La prestataire était au courant de ces exigences. Cela signifie qu’elle n’a pas respecté la politique de son employeur. Il s’ensuit qu’elle ne pouvait pas travailler et s’acquitter de ses fonctions envers son employeur. Il s’agit d’une inconduite.

[37] La prestataire a dit qu’elle savait qu’en ne se faisant pas vacciner (ou en n’ayant pas d’exemption), elle pourrait être mise en congé sans solde (suspendue). Je conclus donc que la prestataire savait qu’il était réellement possible qu’elle soit mise en congé sans solde (suspendue) pour ne pas avoir respecté la politique.

[38] En raison de l’omission de se faire vacciner ou d’obtenir une exemption (l’inconduite), la prestataire a été suspendue.

[39] La loi ne dit pas que je dois tenir compte de la façon dont l’employeur s’est comportéNote de bas page 22. Je dois plutôt me concentrer sur ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela équivaut à une inconduite au sens de la Loi sur l’AENote de bas page 23.

[40] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi sur l’AE. Je ne peux pas décider si la prestataire a d’autres options en vertu d’autres lois. Il ne m’appartient pas de me prononcer sur la question de savoir si la prestataire a été congédiée à tort ou si l’employeur aurait dû mettre en place des mesures raisonnables (accommodements) pour la prestataireNote de bas page 24. Je ne peux examiner qu’une chose : si ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi sur l’AE.

[41] Je conclus que la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu inconduite parce que la prestataire ne s’est pas conformée à une politique de vaccination obligatoire ou obtenu une exemption à cet égard et qu’elle savait que, par conséquent, il était réellement possible qu’elle soit mise en congé sans solde (suspendue).

[42] Par conséquent, je conclus que la prestataire est inadmissible à des prestations à compter du 17 octobre 2021 parce qu’elle a été suspendue en raison d’une inconduite.

[43] Puisque j’ai conclu que la prestataire était inadmissible à des prestations à compter du 17 octobre 2021, je dois maintenant déterminer si cela a changé lorsque la prestataire a démissionné le 31 janvier 2022.

ii) La prestataire est exclue du bénéfice des prestations à compter du 31 janvier 2022

Question en litige : Départ volontaire

[44] La prestataire est-elle exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle a volontairement quitté son emploi sans justification?

[45] Pour répondre à cette question, je dois d’abord traiter du départ volontaire de la prestataire. Je dois ensuite décider si la prestataire était fondée à quitter son emploi.

Analyse Départ volontaire

Les parties s’entendent pour dire que la prestataire a volontairement quitté son emploi

[46] J’accepte que la prestataire a quitté volontairement son emploi. La prestataire confirme qu’elle a démissionné le 31 janvier 2022. Rien ne prouve le contraire.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi

[47] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi au moment où elle l’a fait.

[48] La loi prévoit qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas page 25. Le fait d’avoir une bonne raison de quitter un emploi ne suffit pas à prouver que le prestataire était fondé à le faire.

[49] La loi explique ce qu’elle entend par « justification ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas. Elle prescrit qu’il faut tenir compte de toutes les circonstancesNote de bas page 26.

[50] Le prestataire est fondé à quitter son emploi au moment où il le fait si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son casNote de bas page 27. C’est au prestataire qu’il incombe de le prouverNote de bas page 28. Dans la présente affaire, la prestataire doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que son départ constituait la seule solution raisonnable à ce moment‑làNote de bas page 29. 

[51] Lorsque je décide si un prestataire était fondé à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances qui existaient lorsqu’il a démissionné. La loi énonce certaines des circonstances que je dois examinerNote de bas page 30.

[52] Il appartient à la prestataire de prouver qu’elle avait une justification. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que sa seule option raisonnable était de démissionnerNote de bas page 31.

[53] Une fois que j’ai établi les circonstances qui s’appliquent à la prestataire, celle‑ci doit démontrer que son départ constituait la seule solution raisonnable à ce moment‑làNote de bas page 32.

[54] Un prestataire peut être fondé à quitter volontairement son emploi si son départ constitue la seule solution raisonnable en réponse à un changement important dans ses fonctionsNote de bas page 33, si les pratiques d’un employeur sont contraires à la loiNote de bas page 34 ou s’il subit des pressions indues de la part d’un employeur pour qu’il quitte son emploiNote de bas page 35. La seule présence d’une ou de toutes ces circonstances ne signifie pas nécessairement que le départ de la prestataire constituait « la seule solution raisonnable » dans son cas.

Les circonstances du départ de la prestataire

[55] La prestataire affirme que trois des circonstances énoncées dans la loi s’appliquent. Plus précisément, elle affirme qu’il y a eu des modifications importantes de ses tâches, que certaines des pratiques de son employeur étaient contraires à la loi et qu’elle croit que son employeur faisait des pressions indues pour qu’elle quitte son emploi.

Modification importante des tâches

[56] La prestataire soutient que l’employeur a considérablement modifié ses tâches en mettant en œuvre une politique de vaccination. Le contrat initial de la prestataire ne précisait peut‑être pas certaines exigences en matière de vaccination. Toutefois, l’employeur ne pouvait pas savoir qu’il y aurait une pandémie et que cela rendrait de nouvelles exigences nécessaires. De plus, l’employeur est autorisé à élaborer des politiques en milieu de travail afin de protéger la santé et la sécurité d’autrui. La politique de l’employeur ne précisait pas de modifications des tâches de la prestataire. Elle précisait les exigences selon lesquelles les employés devaient être au travail. Par conséquent, la politique de l’employeur ne constitue pas une modification des tâches professionnelles, mais une politique sur les exigences d’être au travail.

[57] La prestataire soutient qu’elle a été congédiée de façon déguisée. Il ne convient pas de faire valoir cet argument iciNote de bas page 36.

Les pratiques de l’employeur étaient contraires à la loi

[58] La prestataire soutient que la politique de son employeur a excédé la portée de la Directive no 6Note de bas page 37 et qu’elle est donc contraire à la loiNote de bas page 38.

[59] Les employeurs sont généralement autorisés à élaborer des politiques pour leur organisation. L’employeur a imposé une politique de vaccination à tous les employés de façon égale. Il en a donné un préavis aux employés. Il a dit aux employés à quoi s’attendre s’ils ne se conformaient pas. L’employeur peut élaborer des politiques raisonnables pour régler des problèmes de santé et de sécurité. Par conséquent, je ne crois pas que la prestataire m’ait convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que la politique de son employeur était contraire à la loi.

L’employeur a exercé des pressions indues sur la prestataire pour qu’elle quitte son emploi

[60] La prestataire soutient qu’elle a fait l’objet d’un congédiement déguiséNote de bas page 39. Elle soutient que son employeur tentait d’éviter de verser des indemnités de départ et de licenciementNote de bas page 40. La prestataire soutient que son employeur [traduction] « profitait de la pandémie et utilisait son obligation de vaccination inventée non seulement pour contraindre la vaccination et me punir d’avoir pris la décision médicale personnelle de subir le test ordinaire de dépistage de la COVID-19 plutôt que de me faire vacciner, mais aussi pour exercer des représailles parce qu’il était contrarié par mes contestations, mes questions et mes préoccupations légitimes concernant son obligation de vaccination injustifiée. Mon employeur m’a ordonné de cesser d’exprimer mes opinions, puisqu’il ne pouvait pas défendre son obligation de vaccination universelle. Lorsque la vaccination forcée a échoué, mon employeur m’a d’abord refusé l’accès à tous les [lieux du travail] et courriels [professionnels] (afin que ne puisse avoir accès à aucune autre information et que je ne puisse plus contester quoi que ce soit), puis il a laissé traîner le congé sans solde indéfiniment afin que le stress mental et émotionnel énorme et les difficultés financières qui en ont découlé puissent m’obliger à quitter mon emploi »Note de bas page 41.

[61] La prestataire soutient que l’employeur a exercé des pressions indues sur elle. Bien que le fait de ne pas savoir combien de temps le congé durerait soit certainement stressant, la Commission souligne que la prestataire aurait pu se conformer à la politique pour mettre fin au congé sans solde. La prestataire ne conteste pas qu’elle a pris sa propre décision médicale, comme elle a le droit de le faire. Il n’est pas surprenant que l’employeur n’ait pas été en mesure de fournir une date de fin du congé à la prestataire. Il ignorait combien de temps durerait la pandémie. L’employeur ne savait pas combien de temps sa politique de vaccination serait en place. La prestataire a choisi, de son propre gré, de ne pas se conformer à sa politique et a décidé qu’elle n’avait d’autre choix que de quitter son emploi afin d’avoir accès à ses fonds de pension.

[62] Je ne crois pas que l’employeur ait exercé des pressions indues sur la prestataire pour qu’elle quitte son emploiNote de bas page 42. Encore une fois, bien qu’il ait dû être stressant pour la prestataire de ne pas avoir de réponses, rien ne laisse entendre que l’employeur tentait de l’amener à rompre la relation d’emploi. Je ne conclus pas que la prestataire a établi, selon la prépondérance des probabilités, que l’employeur a exercé des pressions indues sur elle pour qu’elle quitte son emploi. Autrement dit, le fait que l’employeur n’avait pas de réponses aux questions de la prestataire n’équivaut pas à des pressions indues pour qu’elle mette fin à son emploi.

La prestataire disposait d’autres solutions raisonnables

[63] Je dois maintenant décider si la prestataire n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi au moment où elle l’a fait.

[64] La prestataire affirme qu’elle a quitté son emploi parce qu’elle avait besoin d’argent. Après qu’elle eut été mise en congé sans solde, elle a écrit fréquemment à son employeur pour lui demander s’il y avait une date de retour prévue. L’employeur n’a pas pu donner de date de retour prévu. La prestataire affirme que c’était difficile parce qu’elle ne pouvait pas planifier son avenir.

[65] La prestataire affirme qu’elle n’avait aucun autre revenu sur lequel compter. Elle affirme en outre qu’elle a cherché d’autres emplois, mais que la plupart exigeaient une vaccination complète comme condition d’emploi.

[66] La prestataire a déclaré que, parce qu’elle n’avait pas d’autres fonds auxquels elle avait accès, elle estimait que sa seule solution était d’accéder à ses fonds de pension. Pour avoir accès à ces fonds, elle devait rompre la relation d’emploi. La prestataire a ensuite remis à son employeur une lettre de démissionNote de bas page 43.

[67] La Commission affirme que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi parce qu’elle était déjà en congé sans solde (suspendue) en raison de son inconduite. La Commission affirme que le départ de la prestataire ne constituait pas la seule solution raisonnable dans son cas. Plus précisément, elle soutient que la prestataire aurait pu conserver son emploi en se conformant à la politique de l’employeur ou en trouvant un autre emploi avant de démissionnerNote de bas page 44.

[68] J’admets que la prestataire était dans une situation financière difficile. J’admets que la prestataire ne savait pas quand elle serait autorisée à retourner au travail. J’admets que la prestataire estimait que sa seule option était de démissionner pour s’acquitter de ses obligations financières.

[69] Toutefois, la prestataire est responsable de la situation dans laquelle elle se trouvait. J’ai entendu et compris que la prestataire n’était pas d’accord avec la politique de vaccination de son employeur. Elle a fait un choix médical pour elle‑même. La prestataire a convenu qu’elle n’avait aucun renseignement médical pouvant étayer sa position. Elle avait le droit de prendre la décision qu’elle a prise. Cette décision était assortie de conséquences. La prestataire savait et comprenait que si elle ne se conformait pas à la politique, elle serait mise en congé (suspendue). Elle ne le nie pas.

[70] J’en suis arrivée à la conclusion que les circonstances qui, la prestataire a‑t‑elle fait valoir, s’appliquaient à sa situation, ne s’appliquent pas. Si j’examine toutes les circonstances prises ensemble, cela ne constitue pas un motif valable. La prestataire a pris une décision financière pour elle‑même. Je comprends pourquoi elle a pris la décision qu’elle a prise. Bien que la raison du départ de la prestataire soit une bonne raison, elle n’est pas suffisante pour établir que ce départ était « fondé » au sens de la Loi sur l’AENote de bas page 45.

[71] Comme il a été mentionné précédemment, la prestataire était en congé en raison de son inconduite. Je réalise que la prestataire n’est pas d’accord avec le terme « inconduite », mais c’est le terme qu’utilise la Loi sur l’AE et que je dois appliquer.

[72] Comme j’ai conclu qu’il n’y avait aucune circonstance qui établissait qu’elle était fondée à quitter son emploi, je conclus que la prestataire avait d’autres solutions raisonnables.

[73] La prestataire aurait pu chercher d’autres emplois. Après n’avoir rien trouvé dans son domaine qui ne nécessitait pas la vaccination, elle aurait pu envisager de chercher un emploi à l’extérieur de son domaine de compétences.  

[74] Cela signifie que la prestataire n’était pas fondée à quitter volontairement son emploi au moment où elle l’a fait.

Conclusion

[75] Je conclus que la prestataire est inadmissible à des prestations du 17 octobre 2021 au 30 janvier 2022.

[76] Je conclus que la prestataire est exclue du bénéfice des prestations à compter du 31 janvier 2022.

[77] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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