Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1300

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance emploi du Canada (515903) datée du 22 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Catherine Shaw
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 20 octobre 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 20 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2833

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada n’a pas prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Cela signifie qu’elle n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire travaillait occasionnellement dans un magasin Shoppers Drug Mart. L’employeur lui a retiré son rabais d’employée et l’a retirée de la liste du personnel de l’entreprise. L’employeur de la prestataire a déclaré qu’elle avait été congédiée parce qu’elle avait enfreint sa politique sur les médias sociaux en publiant un billet désobligeant au sujet de l’entreprise.

[4] La prestataire admet qu’elle ne s’est pas conformée à cette politique, mais elle affirme que ce n’est pas la véritable raison pour laquelle l’employeur l’a licenciée. La prestataire affirme qu’elle était amie avec le gérant. Ils avaient récemment eu une dispute et elle affirme que le gérant l’a licenciée en raison de ses sentiments envers elle.

[5] La Commission a accepté le motif de congédiement invoqué par l’employeur. Elle a décidé que la prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite. C’est pourquoi la Commission a décidé que la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Questions que je dois examiner en premier

La prestataire a interjeté plusieurs appels

[6] La prestataire a trois dossiers d’appel distincts. J’ai choisi d’entendre tous ses appels dans le cadre de la même audience afin de procéder de la manière la plus informelle et rapide que les circonstances, la justice naturelle et l’équité permettent.

[7] Toutefois, je n’ai pas regroupé les appels. Je ne peux regrouper les appels que si une question de droit ou de fait commune survient dans les appels et qu’aucune injustice n’est susceptible d’être causée à une partieNote de bas de page 2 En l’espèce, les appels ne partagent pas une question de droit ou de fait commune. Par conséquent, je rendrai des décisions distinctes.

L’employeur n’est pas mis en cause dans l’appel

[8] Le Tribunal a établi que l’ancien employeur de la prestataire pouvait être mis en cause dans l’appel de la prestataire. Le Tribunal a envoyé à l’employeur une lettre lui demandant s’il avait un intérêt direct dans l’appel et voulait être mis en cause. L’employeur n’a pas répondu à la date de cette décision. Comme rien dans le dossier n’indique que l’employeur a un intérêt direct dans l’appel, j’ai décidé de ne pas l’ajouter comme mis en cause au présent appel.

Question en litige

[9] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison de son inconduite?

Analyse

[10] Selon la loi, les prestataires qui perdent leur emploi en raison d’une inconduite sont exclus du bénéfice des prestationsNote de bas de page 3.

[11] Pour répondre à la question de savoir si la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, je dois trancher deux éléments. Premièrement, je dois établir pourquoi la prestataire a été congédiée. Je dois ensuite décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[12] Je conclus que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle a fait paraître une publication sur les médias sociaux qui faisait référence à Shoppers Drug Mart de façon négative.

[13] La prestataire et la Commission ne s’entendent pas sur la raison pour laquelle la prestataire a perdu son emploi.

[14] La Commission affirme que la raison donnée par l’employeur est la véritable raison du congédiement. L’employeur a dit à la Commission que la prestataire avait été congédiée pour avoir fait paraître une publication sur les médias sociaux qui contrevenait à la politique de l’entreprise sur les médias sociaux.

[15] La prestataire n’est pas d’accord. Elle affirme que la vraie raison pour laquelle elle a perdu son emploi est que le gérant était fâché contre elle pour des raisons personnelles. Après avoir découvert la publication sur les médias sociaux, il l’a utilisée comme excuse pour la licencier.

[16] La prestataire occupait un poste occasionnel chez Shoppers Drug Mart. Elle a expliqué qu’elle était amie avec le gérant et qu’elle avait accepté le poste pour pouvoir l’aider lorsqu’il avait besoin de personnel supplémentaire.

[17] Le 25 mars 2020, la prestataire a fait paraître une publication sur ses médias sociaux au sujet des restrictions liées à la pandémie de COVID-19Note de bas de page 4. Le billet critiquait le choix d’un magasin Shoppers Drug Mart de considérer les conseillers en cosmétiques comme des travailleurs essentiels. Selon elle, cela faisait courir des risques supplémentaires à des travailleurs sous-payés simplement pour faire plus d’argent.

[18] Dans la section des commentaires du billet, elle a répondu au commentaire d’une autre personne en disant qu’elle savait que Shoppers Drug Mart ne se souciait pas de ses travailleurs et que son choix d’avoir des conseillers en cosmétiques comme travailleurs essentiels renforçait cette opinion. Elle félicite ensuite l’un des magasins de la chaîne d’avoir choisi de fermer l’entrée de la section des cosmétiques et de ne pas avoir d’employés en poste dans cette section.

[19] Le 30 mars 2020, la prestataire a découvert que son rabais d’employée n’était plus actifNote de bas de page 5. Elle a communiqué avec son gérant, qui a répondu que la prestataire était égocentrique et centrée sur elle-même, comme le montrent ses publications sur les médias sociaux. La prestataire a demandé pourquoi le gérant avait pris la décision de couper son rabais d’employée. Le gérant a demandé pourquoi elle pensait que c’était lui et a dit qu’elle devait comprendre que c’était parce qu’elle avait publié ce qu’elle voulait sur l’entrepriseNote de bas de page 6. Le gérant demande ensuite pourquoi elle lui fait des reproches au sujet de son rabais alors qu’elle n’a pas travaillé depuis plus de quatre mois.

[20] Le gérant affirme ensuite que la prestataire a formulé [traduction] « des commentaires méchants » au sujet de l’entreprise [traduction] « ce qui a fait qu’il a [remis] en question son poste »Note de bas de page 7. La prestataire répond en reconnaissant que le gérant est contrarié par sa publication sur les médias sociaux et en se demandant pourquoi il ne lui en a pas parlé avant qu’elle découvre son congédiement lorsqu’elle a tenté d’utiliser son rabais d’employée dans un magasin. Le gérant ne confirme pas que c’est la raison de son congédiement, mais mentionne que la prestataire aurait dû tenir compte de sa propre responsabilité dans la perte de son rabais d’employée plutôt que de le blâmer.

[21] Il ressort clairement des messages textes qu’il y avait de l’hostilité de nature personnelle entre la prestataire et son gérant. Le gérant a formulé plusieurs remarques désobligeantes au sujet de la personnalité de la prestataire. La prestataire a expliqué que son billet ne portait pas sur le magasin où elle travaillait, mais plutôt sur un article au sujet d’un magasin Shoppers Drug Mart à Vancouver. Elle a qualifié sa réaction à sa publication sur les réseaux sociaux d’« extrême » et lui a demandé d’expliquer pourquoi il réagissait ainsi et pourquoi son rabais d’employée lui a été retiré. Le gérant ne donne pas de réponse claire, mais parle plutôt en termes vagues de la façon dont la prestataire est responsable du retrait de son rabais dans un magasin qu’elle a mépriséNote de bas de page 8.

[22] La Commission a parlé à plusieurs représentants de l’employeur.

[23] Le propriétaire de la pharmacie a déclaré que la prestataire travaillait comme employée de relève occasionnelle, mais qu’elle n’a pas été disponible pendant une période prolongée parce qu’elle était à l’étranger. Puis, la prestataire [traduction] « a fait une diatribe » sur les médias sociaux au sujet de l’entreprise, ce qui a amené l’entreprise à la congédierNote de bas de page 9.

[24] Le gérant a déclaré qu’il s’agissait d’un abandon de poste parce que la prestataire a fait un long voyage à l’extérieur du pays, et qu’elle n’était pas disponible pour des quarts de travail à son retour. Selon lui, le « dénigrement » de la pharmacie sur les réseaux sociaux était « la goutte qui a fait déborder le vase »Note de bas de page 10.

[25] L’administrateur du magasin a déclaré que la prestataire avait été retirée du système de paie du magasin le 26 mars 2020. Son rabais d’employée aurait été désactivé automatiquement lorsque cela s’est produitNote de bas de page 11.

[26] La preuve révèle que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle a fait paraître une publication sur les médias sociaux qui faisait référence à Shoppers Drug Mart de façon négative. Cela est étayé par les déclarations de l’employeur à la Commission, ainsi que par le moment où la prestataire a été retirée du système de paie un jour après sa publication.

[27] Je ne doute pas des déclarations de la prestataire selon lesquelles le gérant était fâché contre elle personnellement et que ses sentiments à ce sujet ont pu influencer la décision de l’employeur de la licencier. Toutefois, je conclus que la publication de la prestataire sur les médias sociaux était la conduite qui a mené à son congédiement. La preuve le montre largement.

Le motif du congédiement de la prestataire est-il une inconduite au sens de la loi?

[28] Non. Le motif du congédiement de la prestataire n’est pas une inconduite au sens de la loi.

[29] Pour qu’il y ait une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 12. L’inconduite doit être une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 13. La prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, elle n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 14.

[30] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur et qu’il existait de ce fait une possibilité réelle qu’elle soit congédiéeNote de bas de page 15.

[31] La Commission doit prouver que la prestataire a été congédiée de son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer que, selon toute vraisemblance, la prestataire a été congédiée en raison d’une inconduiteNote de bas de page 16.

[32] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que les commentaires désobligeants de la prestataire au sujet de Shoppers Drug Mart ont enfreint la politique de l’entreprise sur les médias sociaux. Par conséquent, elle aurait dû savoir que sa publication pourrait entraîner son licenciementNote de bas de page 17.

[33] La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que sa publication sur les médias sociaux n’a pas enfreint la politique de l’employeur et qu’elle ne croyait pas que cela aurait une incidence sur son emploi.

[34] L’employeur a fourni une copie de la politique sur les médias sociauxNote de bas de page 18. Elle prévoit que le personnel qui mentionne le nom de l’entreprise à des fins personnelles doit indiquer clairement qu’il parle en son nom et non au nom de l’entreprise. La politique est signée par la prestataire et datée du 25 avril 2018.

[35] Je conclus que la Commission n’a pas prouvé qu’il y avait eu inconduite parce que la preuve ne confirme pas que la conduite de la prestataire a enfreint la politique de l’employeur sur les médias sociaux.

[36] La prestataire a témoigné qu’elle comprenait que la politique signifiait que le personnel ne pouvait pas parler au nom de Shoppers Drug Mart sur sa page personnelle de médias sociaux. Je suis d’accord avec son interprétation.

[37] La politique de l’employeur n’impose pas au personnel de restrictions quant à la publication de commentaires négatifs au sujet de l’entreprise sur sa page personnelle de médias sociaux. La politique fixe plutôt des limites aux publications qui donnent l’impression que le membre du personnel parle au nom de l’entreprise. Elle demande au personnel de préciser qu’il n’est pas un représentant autorisé de Shoppers Drug Mart lorsqu’il publie des messages sur les médias sociaux. Elle donne plusieurs exemples d’avis de non-responsabilité que le personnel peut utiliser pour préciser qu’il ne représente pas Shoppers Drug Mart avec ses publications.

[38] Je suis d’avis que la politique de l’employeur sur les médias sociaux concerne le fait que le personnel publie des renseignements en ligne qui peuvent être confondus avec des renseignements officiels ou autorisés alors qu’ils ne le sont pas. Je ne vois aucune preuve à l’appui du fait que la politique sur les médias sociaux limitait la capacité de la prestataire de publier des opinions de l’employeur ou de sa société mère.

[39] Il ne fait aucun doute que le billet de la prestataire sur Shoppers Drug Mart emploie un langage désobligeant envers l’entreprise. Cependant, il était clair que ces billets exprimaient son opinion.

[40] Par exemple, la prestataire a notamment déclaré que [traduction] « Shoppers Drug Mart semble croire qu’il est essentiel d’avoir des conseillers cosmétiques là pour vous. Ce qu’ils veulent vraiment, c’est diriger nos clients merdiques vers le lait » et « J’ai toujours su que [Shoppers Drug Mart] s’en fichait de ses travailleurs. » Ces déclarations seraient clairement comprises comme étant le point de vue personnel de la prestataire sur l’entreprise et ses actions. Il est évident que ces déclarations n’ont pas été faites au nom de l’employeur ou de Shoppers Drug Mart dans son ensemble.

[41] Compte tenu de la preuve dont je dispose, je conclus que la prestataire n’a pas enfreint la politique de l’employeur sur les médias sociaux. Ainsi, la Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.

Donc, la prestataire a-t-elle été congédiée en raison d’une inconduite?

[42] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées ci-dessus, j’estime que la prestataire n’a pas été congédiée en raison d’une inconduite.

Conclusion

[43] La Commission n’a pas prouvé que la prestataire a été congédiée en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la prestataire n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[44] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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