Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LY c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1308

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : L. Y.
Représentante ou représentant : M. Y.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (478195) datée du 6 juin 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Date de la décision : Le 1er septembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2229

Sur cette page

Introduction

[1] La prestataire travaillait dans un établissement de soins de santéNote de bas de page 1. Son employeur a instauré une politique exigeant que tous les membres du personnel fournissent une preuve de vaccination complète contre la COVID-19Note de bas de page 2. La prestataire a demandé une exemption, mais son employeur a refusé. La prestataire ne s’est pas fait vacciner. Son employeur l’a d’abord mise en congé, puis licenciée parce qu’elle ne respectait pas la politiqueNote de bas de page 3. La Commission a refusé de verser des prestations d’assurance-emploi à la prestataire, puisqu’elle avait perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 4.

Questions que je dois examiner en premier

L’employeur n’est pas mis en cause

[2] Parfois, le Tribunal de la sécurité sociale envoie une lettre à l’ex-employeur de la partie prestataire pour demander s’il souhaite être ajouté comme partie mise en cause dans l’affaire. Le Tribunal a envoyé une lettre à l’employeur, mais n’a reçu aucune réponse.

[3] Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas le mettre en cause dans le présent appel, car rien dans le dossier n’indique que ma décision lui imposerait des obligations légales quelconques.

Question en litige

[4] Je dois décider s’il faut rejeter l’appel de la prestataire de façon sommaire.

Législation

[5] Selon l’article 53(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la division générale rejette de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès.

[6] Selon l’article 22 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, avant de rejeter de façon sommaire l’appel, la division générale avise la partie appelante par écrit et lui donne un délai raisonnable pour présenter des observationsNote de bas de page 5.

[7] L’article 31 de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une partie prestataire suspendue de son emploi en raison de son inconduite n’est pas admissible au bénéfice des prestations jusqu’à, selon le cas :

  1. a) la fin de la période de suspension;
  2. b) la perte de cet emploi ou son départ volontaire;
  3. c) le cumul chez un autre employeur, depuis le début de la période de suspension, du nombre d’heures d’emploi assurable exigé à l’article 7 ou 7.1.

[8] Selon l’article 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi, la partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison de son inconduite.

Preuve

[9] Le dossier d’appel montre que la prestataire a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi le 7 décembre 2021Note de bas de page 6.

[10] Dans le dossier d’appel, on peut aussi voir un relevé d’emploi modifié qui a été produit pour la prestataire le 15 décembre 2021Note de bas de page 7. La raison pour laquelle le relevé a été produit est un congédiement ou une suspension. Le dernier jour payé était le 23 novembre 2021.

[11] Le 6 juin 2022, une personne représentant l’employeur a parlé à un membre du personnel de Service CanadaNote de bas de page 8. Cette personne a confirmé que la prestataire a été licenciée parce qu’elle n’avait pas reçu la vaccination contre la COVID-19 obligatoire pour l’ensemble du personnel. L’employeur a dit qu’il avait annoncé sa politique vaccinale le 6 octobre 2021. La politique disait que les personnes non vaccinées au 15 novembre 2021 seraient mises en congé sans solde. L’employeur a ajouté qu’il avait révisé sa politique le 15 novembre pour préciser que les personnes non vaccinées au 21 décembre seraient licenciées. Des rencontres individuelles ont eu lieu entre les membres du personnel et l’employeur. Celui-ci a mentionné que des mesures d’adaptation étaient prévues pour des raisons médicales. La prestataire a présenté une note à cet effet, mais elle ne satisfaisait pas aux critères de l’employeur permettant d’être exemptée pour des raisons médicales. L’employeur a répondu que le diabète ne faisait pas partie de sa liste d’exemptions médicales.

[12] Le 6 juin 2022, la prestataire a parlé à un membre du personnel de Service CanadaNote de bas de page 9. Elle a dit qu’elle avait été licenciée sans motif valable à cause de la politique vaccinale de son employeur. Elle a expliqué qu’elle a discuté de la vaccination avec son médecin. Il l’a avertie qu’elle aurait une réaction inflammatoire et une variation de sa glycémie. La prestataire a demandé une exemption à ce médecin, mais il n’a pas pu la lui accorder puisqu’il était tenu de suivre les directives de santé publique. La prestataire a dit à Service Canada qu’elle a décidé de ne pas se faire vacciner, car elle estimait que les risques d’un vaccin expérimental dépassaient les avantages. Selon elle, l’employeur avait d’autres options. Il n’avait pas à la licencier.

[13] Le dossier d’appel comprend une copie de la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeurNote de bas de page 10. Elle a été mise en place le 7 septembre 2021 et s’appliquait à tout le personnel. Elle exigeait que tout membre du personnel déclare son statut vaccinal et fournisse une preuve de vaccination complète contre la COVID-19 ou une preuve écrite d’exemption médicale. Aux termes de la politique, si une personne ne fournissait aucune preuve d’une première dose de vaccin au 25 novembre 2021, elle serait mise en congé sans solde. Sans preuve de première dose au 3 décembre 2021, son emploi prendrait fin.

[14] On trouve au dossier d’appel une lettre de l’employeur à l’intention de la prestataire datée du 24 septembre 2021Note de bas de page 11. On peut y lire que la correspondance fournie par la prestataire ne lui permet pas d’obtenir une exemption valide et que l’employeur allait suivre sa politique en espérant que la prestataire s’y conforme.

[15] Dans sa demande de prestations d’assurance-emploi, la prestataire a indiqué qu’elle a été informée de la politique de son employeur par une déclaration écrite.

Observations

[16] Dans son appel au Tribunal, la prestataire a écrit que sa convention collective ne comprenait aucun énoncé sur la vaccination contre la COVID-19Note de bas de page 12. Elle a dit qu’elle s’était conformée à tous les vaccins requis lors de son embauche, comme le stipulent son contrat d’emploi et sa convention collective. La prestataire a écrit qu’elle a déposé des griefs auprès de son syndicat contre les actions de l’employeur. Elle a soutenu que, dans le cadre d’un congédiement, les termes « motif valable » ou « inconduite » étaient liés à des comportements graves de manquement à un contrat, ce qui n’est pas le cas dans sa situation. Selon la prestataire, à moins qu’une loi exige qu’un employeur fasse vacciner son personnel contre la COVID-19, le refus de la vaccination ne devrait pas constituer un « motif valable » de congédiement ou une « inconduite ». Elle a déclaré qu’elle a demandé à son employeur de vive voix et par écrit une mesure d’adaptation en raison de ses problèmes de santé, mais que celui-ci avait refusé. La prestataire a aussi déclaré avoir reçu un avis juridique selon lequel son employeur avait l’obligation de l’aider. Elle a écrit qu’il n’était pas déraisonnable que son employeur prenne une mesure d’adaptation à son égard. Elle a ajouté que d’autres employeurs, dans le même secteur d’activités réglementé par la province, ont offert des mesures d’adaptation au personnel. La prestataire a dit qu’elle voulait continuer de travailler et que, depuis son congédiement, elle avait obtenu un emploi ailleurs. Elle a mentionné que deux membres de la profession médicale (médecin de famille et spécialiste) ne pouvaient pas garantir sa sécurité lorsqu’elle leur a posé des questions. La prestataire a expliqué qu’elle estimait que les risques de complications dépassaient les avantages de ce vaccin tout récent, qui n’avait d’ailleurs pas encore passé l’étape des essais cliniques.

[17] En réponse à l’avis d’intention de rejet sommaire du Tribunal, la représentante de la prestataire a affirmé qu’elle et la prestataire ne consentaient pas au rejet sommaire de l’appelNote de bas de page 13.

[18] La représentante a fait valoir que le refus de la prestataire de se conformer à la politique vaccinale de l’employeur ne l’aurait aucunement empêchée de remplir ses obligations professionnelles envers lui. Avant la vaccination, la prestataire suivait tous les protocoles, comme celui du port du masque, et accomplissait toutes les tâches qui lui étaient confiées. La représentante a affirmé que la prestataire aurait pu continuer ainsi avec ou sans le vaccin contre la COVID-19.

[19] La représentante a expliqué que la prestataire ne conteste pas le fait qu’elle a été informée des conséquences si elle ne suivait pas la politique vaccinale. Toutefois, la prestataire savait que les gouvernements fédéral et provincial n’avaient donné aucun ordre de mettre fin à l’emploi d’une personne qui refusait de se faire vacciner contre la COVID-19. Elle a écrit que la loi n’exigeait en aucun cas que l’employeur mette en place une politique vaccinale. Ce n’était pas non plus une condition d’emploi lorsque la prestataire a été embauchée.

[20] La représentante a affirmé que j’étais responsable de prouver toute « inconduite » de la part de la prestataire qui justifierait le refus des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 14.

[21] Pour appuyer son argument, la représentante a cité le Guide de la détermination de l’admissibilitéNote de bas de page 15. Elle a écrit que l’employeur a peut-être pu instaurer une politique vaccinale illégale ou déraisonnable, et informer son personnel de la suivre. Mais l’employeur n’avait pas le droit de licencier une personne pour cause d’inconduite, si elle n’avait aucunement enfreint son contrat de travail ou sa convention collective. La représentante a soutenu que le refus de la prestataire d’être contrainte à la vaccination ne l’aurait jamais empêchée de remplir ses obligations professionnelles envers son employeur.

[22] La représentante a affirmé que la prestataire avait été licenciée injustement. Elle a dit que beaucoup de travailleuses et de travailleurs du milieu hospitalier ont été rappelés au travail. Elle demande s’il est juste qu’un employeur invoque l’inconduite dans un relevé d’emploi en se fondant sur une politique quelconque au lieu de suivre les conventions collectives ou contrats de travail signés. Selon la représentante, évidemment pas, surtout dans un milieu syndiqué. Elle a fait remarquer que l’employeur a congédié la prestataire sans attendre l’issue du grief. Voilà pourquoi la prestataire fait appel; l’employeur n’avait aucun motif pour invoquer l’inconduite. La prestataire et sa représentante n’estiment pas que [traduction] « [la] Commission a prouvé l’inconduite d’après les renseignements [au dossier] »Note de bas de page 16.

[23] La Commission dit que la prestataire était au courant de la politique vaccinale et de la date à laquelle elle devait s’y conformerNote de bas de page 17. La prestataire a demandé d’être exemptée, mais sans succès. Elle a refusé la vaccination de façon délibérée, en sachant que cette façon d’agir constituerait une inconduite. En assurance-emploi, la Commission explique qu’une inconduite survient lorsqu’une personne fait quelque chose en sachant que son comportement entraînera la perte de son emploi.

[24] La Commission a conclu que la violation du contrat de l’employeur, par le refus de respecter la politique de vaccination contre la COVID-19, constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La raison est que la prestataire était au courant de la politique et du fait qu’elle serait congédiée si elle ne s’y conformait pas. La Commission a dit que la prestataire a fait le choix délibéré d’être non vaccinée, ce qui contrevenait à la politique de l’employeur. La Commission a fait valoir que la prestataire était au courant de la politique et des répercussions si elle décidait de ne pas la suivre. Selon la Commission, la prestataire aurait dû savoir que son refus entraînerait la perte de son emploi.

Analyse

Questions qui excèdent ma compétence

[25] Il ne m’appartient pas de décider si la politique ou les actions de l’employeur étaient raisonnables ou contraires à la convention collective de la prestataireNote de bas de page 18.

[26] Ce type de cause peut être présentée et tranchée devant d’autres instances.

[27] Mon rôle n’est pas non plus de décider si la fin d’emploi de la prestataire constitue un congédiement injuste ou déguisé, puisque ce concept relève du droit canadien sur le travail et de la common law. Dans ce cadre, par exemple en arbitrage, le critère qui sert à vérifier le « motif valable » est différent du critère juridique utilisé pour trancher un cas d’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 19.

[28] Il ne m’appartient pas non plus d’évaluer la sûreté ou l’efficacité des vaccins contre la COVID-19.

Questions qui relèvent de ma compétence

[29] Mon rôle est de décider si l’appel de la prestataire doit être rejeté de façon sommaire.

[30] Je peux procéder à un rejet sommaire si je suis convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 20. 

[31] Je dois voir s’il est clair et évident d’après le dossier que l’appel est voué à l’échec.

[32] La question n’est pas de savoir si l’appel doit être rejeté après un examen des faits, de la jurisprudence et des arguments des parties. C’est plutôt de savoir si l’appel est voué à l’échec indépendamment de la preuve et des arguments qui pourraient être présentés durant une audienceNote de bas de page 21.

[33] Lorsque j’applique la loi et les deux critères juridiques pertinents, j’arrive à une seule conclusion : l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

[34] Pour décider s’il y a eu inconduite dans le cadre de la Loi sur l’assurance-emploi, je devrais examiner si la prestataire a posé des gestes délibérés. Il me faudrait évaluer si elle savait ou aurait dû savoir que ceux-ci pouvaient l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 22.

[35] Une conduite délibérée est une façon d’agir consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 23. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il ne faut pas nécessairement avoir une intention coupable (c’est-à-dire vouloir faire quelque chose de mal)Note de bas de page 24.

[36] La politique de l’employeur exigeait que tout membre du personnel fournisse une preuve de vaccination complète contre la COVID-19 ou une preuve d’exemption médicale. Si une personne ne fournissait aucune preuve d’une première dose au 25 novembre 2021, elle serait mise en congé sans solde. Sans preuve de première dose au 3 décembre 2021, son emploi prendrait fin. La prestataire a demandé une exemption, mais on la lui a refusée. Elle n’avait pas reçu la première dose de vaccin à la date requise. Le dossier d’appel montre qu’en refusant de se faire vacciner, la prestataire n’a pas respecté la politique dont elle était d’ailleurs au courant. Elle savait qu’elle risquait d’être suspendue, puis de perdre son emploi si elle ne respectait pas la politique et, par conséquent, qu’elle serait incapable de remplir ses obligations envers son employeur. Aucune preuve qui pourrait être présentée à une audience ne changerait le cours des choses. Il m’apparaît clair que, d’après le dossier, l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès. Par conséquent, je dois rejeter cet appel.

Conclusion

[37] Je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. L’appel est donc rejeté de façon sommaire.

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