Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : DH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1385

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à demande de prolongation de délai

Partie demanderesse : D. H.
Représentant :
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 6 septembre 2022 (GE-22-2562)

Membre du Tribunal : Stephen Bergen
Date de la décision : Le 21 novembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-756

Sur cette page

Décision

[1] Je refuse d’accorder au prestataire une prolongation de délai pour présenter une demande de permission de faire appel. Je n’examinerai pas la demande de permission de faire appel.

Aperçu

[2] La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a décidé que le demandeur, D. H. (le prestataire), ne remplissait pas les conditions requises pour recevoir des prestations d’assurance-emploi parce qu’il n’avait pas accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable au cours de sa période de référence. Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision, mais la Commission a décidé de la maintenir.

[3] Le prestataire a ensuite porté la décision de révision en appel à la division générale, mais il a déposé son appel en retard. La division générale a refusé d’examiner l’appel en retard. Elle n’a pas accepté que le prestataire avait l’intention persistante de faire appel, une explication raisonnable pour son retard ou un argument défendable. Par conséquent, la division générale a décidé qu’il n’était pas dans l’intérêt de la justice de permettre à l’appel d’aller de l’avant.

[4] Le prestataire demande maintenant à la division d’appel la permission de faire appel du refus de la division générale d’examiner son appel.

[5] Toutefois, la demande du prestataire à la division d’appel est également en retard. Je refuse d’accorder une prolongation de délai au prestataire et je n’examinerai pas son appel en retard. Je ne suis pas convaincu qu’il soit dans l’intérêt de la justice que la division d’appel examine l’appel en retard.

Analyse

La demande est en retard

[6] La première question que je dois trancher est de savoir si la demande de permission de faire appel est en retard.

[7] La loi prévoit qu’il faut présenter une demande à la division d’appel dans les 30 jours suivant la date où l’on reçoit communication de la décision de la division généraleNote de bas de page 1.

[8] Le prestataire n’a pas dit dans sa demande à la division d’appel quand il a effectivement reçu la décision de la division générale. Je lui ai écrit le 5 novembre 2022 pour lui poser la question. Je lui ai donné jusqu’au 18 novembre 2022 pour répondre, mais il ne l’a pas fait.

[9] Le demandeur a fait appel à la division générale en déposant un formulaire d’avis d’appel. Il a fourni dans le formulaire une adresse électronique et a confirmé que la division générale devait lui envoyer la correspondance et les documents par courrielNote de bas de page 2.

[10] La division générale a rendu sa décision et l’a envoyée au prestataire le 6 septembre 2022 par courriel.

[11] La loi dit qu’une décision est « présumée avoir été communiquée » le jour ouvrable suivant celui où elle est envoyée par courrielNote de bas de page 3. Cela signifie que je peux présumer que le prestataire a reçu la décision de la division générale le jour ouvrable suivant son envoi par courriel, à moins qu’il puisse démontrer qu’il l’a reçue un autre jour.

[12] Le jour ouvrable suivant le 6 septembre 2022 est le 7 septembre 2022.

[13] En l’absence d’élément de preuve contraire, je conclus que la division générale a communiqué la décision au prestataire le 7 septembre 2022.

[14] Le prestataire a daté sa demande à la division d’appel du 17 octobre 2022, mais la division d’appel ne l’a reçue que le 20 octobre 2022.

[15] La date limite pour déposer la demande était de 30 jours à compter du 7 septembre 2022, soit le 7 octobre 2022. La demande du prestataire est en retard.

Je ne prolonge pas le délai pour présenter la demande

[16] Une personne doit expliquer pourquoi son appel est en retard dans le formulaire de demande à la division d’appel. Le prestataire a écrit dans l’espace prévu qu’il [traduction] « fait appel en raison du temps qu’il lui a fallu pour obtenir tous les renseignementsNote de bas de page 4 ».

[17] Le prestataire a présenté le même argument pour justifier son appel en retard à la division générale, de sorte que je ne suis pas certain qu’il voulait expliquer pourquoi son appel à la division d’appel était en retard. Il est aussi possible qu’il tente d’expliquer pourquoi la décision de la division générale est erronée, c’est-à-dire qu’elle n’a pas compris qu’il attendait des renseignements et qu’elle aurait dû permettre à son appel en retard d’aller de l’avant.

[18] Cependant, rien d’autre de ce que le prestataire a écrit dans sa demande à la division d’appel n’explique pourquoi il a tardé à présenter sa demande à la division d’appel. Et il n’a pas répondu à ma demande d’expliquer pourquoi sa demande était en retard. Je vais donc supposer que la raison pour laquelle le prestataire a présenté sa demande en retard à la division d’appel est liée au temps qu’il lui a fallu pour obtenir des renseignements.

[19] Pour décider d’accorder ou non une prolongation de délai, je dois tenir compte des mêmes éléments que la division générale a pris en considération dans sa décision. Ces éléments sont les suivants :

  1. 1.  Le prestataire a-t-il démontré l’intention persistante de poursuivre la demande?
  2. 2.  Le retard a-t-il été raisonnablement expliqué?
  3. 3.  La prolongation de délai causerait-elle un préjudice à l’autre partie?
  4. 4.  Le prestataire a-t-il soulevé un argument défendableNote de bas de page 5?

[20] L’importance de chaque élément peut varier selon la situation. Avant tout, je dois vérifier si l’octroi de la prolongation de délai est dans l’intérêt de la justiceNote de bas de page 6.

Intention persistante et explication raisonnable

[21] La demande du prestataire à la division d’appel a moins de deux semaines de retard. Néanmoins, rien dans le dossier n’indique qu’il ait pris des mesures pour poursuivre son appel jusqu’à ce qu’il ait finalement déposé sa demande. Il n’a pas parlé de sa situation pendant cette période ni de ce qu’il pensait. Il dit qu’il [traduction] « recueillait des renseignements », mais il n’y a pas d’autres éléments de preuve qui me permette de déduire qu’il avait l’intention de faire appel de la décision de la division générale ou qu’il avait « l’intention persistante » de faire appel à partir de la date à laquelle il a reçu la décision de la division générale.

[22] Je n’accepte pas que le fait que l’appelant [traduction] « recueillait des renseignements » démontre qu’il avait l’intention persistante de faire appel ou que ce soit une explication raisonnable pour son retard. Le prestataire a donné la même explication à la division générale pour son appel en retard devant celle-ci. La division générale a conclu que le fait qu’il attendait des renseignements ne constituait pas une explication raisonnable pour son retard à déposer son appel. Le prestataire n’a pas donné des copies des documents qu’il attendait à la division générale, et il n’a pas expliqué en quoi ces renseignements seraient pertinents pour son appel. La division générale a rejeté l’explication du prestataire parce qu’elle ne pouvait évaluer la pertinence des renseignements qu’il attendait d’obtenir.

[23] Bien que la division générale ait expliqué tout cela dans ses motifs, le prestataire souhaite maintenant que la division d’appel accepte qu’il a tardé à présenter sa demande pour la même raison. Encore une fois, il dit qu’il recueille des renseignements, mais ne précise pas lesquels ni en quoi ils sont pertinents pour son appel. Il n’a pas expliqué pourquoi il a laissé passer un autre délai d’appel pendant qu’il attendait des renseignements, même si la division générale lui avait déjà dit qu’il ne s’agissait pas d’une explication raisonnable pour retarder son appel. Compte tenu de cela, le prestataire aurait dû savoir qu’il était prudent de déposer sa demande à temps, même s’il n’avait pas tous les éléments de preuve qu’il espérait présenter.

[24] Je conclus que le prestataire n’a pas démontré qu’il avait l’intention persistante de faire appel et qu’il n’a pas fourni d’explication raisonnable pour sa demande tardive à la division d’appel.

[25] Mes conclusions sur ces deux-léments pèsent contre l’octroi d’une prolongation de délai.

Injustice envers une autre partie

[26] La Commission est la seule autre partie à cet appel.

[27] La Commission est consciente du fait que le retard de la demande du prestataire pose problème. Lorsque j’ai écrit au prestataire pour lui demander pourquoi sa demande était en retard, j’ai transmis une copie de ma demande à la Commission. La Commission n’a pas pris position sur cette question.

[28] En l’absence d’arguments ou d’éléments de preuve à ce sujet, je ne spéculerai pas sur les conséquences injustes que le retard du prestataire a pu avoir eues sur la Commission. Je conclus que ce retard n’a pas entraîné d’injustice envers la Commission.

[29] Ma conclusion sur cet élément penche en faveur de la prolongation de délai.

Argument défendable

[30] Enfin, je dois décider si le prestataire a soulevé un argument défendable. Un argument défendable est un argument qui peut permettre au prestataire d’avoir gain de cause en appel.

[31] Pour que sa demande de permission de faire appel du prestataire soit accueillie, ses motifs d’appel doivent correspondre aux « moyens d’appel ». Je ne peux accorder la permission de faire appel que si la division générale a commis au moins une des erreurs suivantesNote de bas de page 7 :

  1. 1.  Le processus d’audience de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2.  La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. 3.  La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4.  La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[32] Le seul type d’erreur que le prestataire a relevé dans sa demande à la division d’appel est le moyen d’appel concernant une erreur de fait importante.

[33] La division générale commet une « erreur de fait importante » lorsqu’elle fonde sa décision sur une erreur de faitNote de bas de page 8. D’une manière générale, une erreur de fait est une conclusion de fait tirée en ignorant ou en interprétant incorrectement des éléments de preuve pertinents.

[34] Pour ce qui est de l’élément de « l’argument défendable » dans cette affaire, je dois seulement me demander s’il est possible de soutenir que la division générale a fondé son refus de tenir compte de l’appel en retard sur une conclusion qu’elle a tirée en ignorant ou en interprétant incorrectement des éléments de preuve pertinents.

[35] Le prestataire a dit deux choses dans sa demande à la division d’appel. Premièrement, il a soutenu qu’il faisait appel en raison du temps qu’il lui a fallu pour obtenir tous les renseignements. Deuxièmement, il a affirmé qu’il avait manqué des jours de travail en raison d’un protocole lié à la COVID-19 et qu’il lui manquait sept heures pour être admissible aux prestations.

Temps nécessaire pour obtenir des renseignements

[36] La division générale a fondé sa décision en partie sur sa conclusion selon laquelle le prestataire n’avait pas d’explication raisonnable pour son retard.

[37] Le prestataire n’a pas dit ce qu’il pense que la division générale a mal compris dans son explication. Il n’a cité aucun élément de preuve que la division générale a ignoré ou interprété incorrectement.

[38] Toutefois, le prestataire semble croire que la division générale n’a pas compris qu’il attendait des renseignements ou qu’elle a ignoré des éléments de preuve qui pourraient expliquer pourquoi il devait retarder son appel.

[39] Il est clair que la division générale a compris que le prestataire attendait d’obtenir renseignements, y compris des documents d’un employeur. La division générale n’a tout simplement pas accepté que cela était une explication raisonnable. Elle n’a pas pu décider si ces documents étaient pertinents parce que le prestataire n’a fourni « aucun détail sur la nature de ses appels ni sur les renseignements qu’il attendait d’obtenir » et qu’« aucun nouvel élément de preuve ou nouveau renseignement provenant d’un ancien employeur n’[était] cependant inclus dans son appel […]Note de bas de page 9 ».

[40] Il semble que le prestataire soit simplement en désaccord avec l’importance que la division générale a accordé à son témoignage ou avec sa conclusion selon laquelle son explication n’était pas raisonnable. Toutefois, il n’appartient pas à la division d’appel de réévaluer les éléments de preuve et de parvenir à un résultat différent sur les mêmes faitsNote de bas de page 10.

[41] Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a ignoré ou interprété incorrectement le témoignage du prestataire selon lequel il attendait d’obtenir des renseignements.

Heures pour être admissible

[42] Le prestataire a fait appel de la décision de la Commission selon laquelle il n’était pas admissible aux prestations parce qu’il n’avait pas accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable au cours de sa période de référence. Le prestataire a fait valoir qu’il lui manquait seulement sept heures uniquement à cause de la COVID-19.

[43] La division générale a fondé sa décision en partie sur sa conclusion selon laquelle le prestataire ne peut pas soutenir que la décision de la Commission était erronée.

[44] En tirant cette conclusion, la division générale a noté que le prestataire avait besoin de 420 heures, mais qu’il n’avait accumulé que 417 heures au cours de sa période de référenceNote de bas de page 11. Elle a également souligné qu’il avait manqué quatre jours de travail parce qu’il avait la COVID-19, et qu’il aurait eu suffisamment d’heures s’il n’avait pas manqué ces jours-làNote de bas de page 12.

[45] Le prestataire n’a contesté aucun de ces faits. Il n’a pas indiqué les éléments de preuve que la division générale a ignorés ou interprétés incorrectement par rapport à son manque d’heures.

[46] La division générale a fait remarquer à juste titre qu’elle n’avait pas le pouvoir discrétionnaire de ne pas tenir compte des exigences de la Loi sur l’assurance-emploi. Sans 420 heures au cours de sa période de référence, le prestataire ne pouvait être admissible aux prestations. Il importait peu qu’il ne lui manquait que sept heures parce qu’il avait la COVID-19Note de bas de page 13.

[47] Le prestataire affirme maintenant que ce n’était pas [traduction] « sa décision » de s’absenter du travail et qu’il a manqué des jours de travail en raison d’un « protocole » lié à la COVID-19Note de bas de page 14. La décision de la division générale ne mentionne rien au sujet d’un « protocole » lié à la COVID-19.

[48] Je ne vois pas en quoi l’existence d’un « protocole » aurait changé quoi que ce soit à la conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire n’avait pas établi qu’il avait suffisamment d’heures pour être admissible. Cependant, je n’ai pas besoin de considérer la pertinence d’un quelconque protocole. S’il existait un protocole du gouvernement ou de l’employeur qui empêchait le prestataire de travailler lorsqu’il était malade, je ne peux trouver aucun élément de preuve se rapportant à celui-ci dans le dossier de la division générale. La division générale ne pouvait pas ignorer un élément de preuve qu’elle n’avait pas.

[49] Le prestataire a mentionné un protocole pour la première fois dans sa demande à la division d’appel. Il ne l’avait pas mentionné dans sa demande de révision : il a seulement dit qu’il avait manqué quatre jours « à cause de la COVID-19Note de bas de page 15 ». Lorsqu’il s’est adressé à la Commission le 14 juin 2022, il a dit la même choseNote de bas de page 16. Dans son avis d’appel à la division générale, il a seulement dit avoir manqué des jours de travail en raison de la COVID-19Note de bas de page 17.

[50] Par conséquent, la mention par le prestataire d’un protocole lié à la COVID-19 est un nouvel élément de preuve. À de rares exceptions près, la division d’appel ne peut examiner de nouveaux éléments de preuveNote de bas de page 18. Aucune de ces exceptions ne s’applique dans cette affaire, et je ne tiendrai pas compte de l’affirmation du prestataire selon laquelle il a manqué des jours de travail à cause d’un protocole.

[51] Pour décider s’il fallait permettre à l’appel d’aller de l’avant, la division générale devait tenir compte de quatre éléments. Elle devait examiner si le prestataire avait l’intention persistante de faire appel, s’il avait une explication raisonnable pour son retard, si une prolongation de délai causerait un préjudice à l’autre partie et si le prestataire pouvait soutenir que la décision de révision de la Commission était erronée. Je ne peux conclure à un argument défendable selon lequel la division générale a ignoré ou interprété incorrectement des éléments de preuve lorsqu’elle a examiné l’un ou l’autre de ces éléments.

[52] Ma conclusion à l’égard de cet élément pèse contre la prolongation de délai.

Résumé

[53] J’ai examiné tous les éléments. Le prestataire n’a pas démontré qu’il avait l’intention persistante de faire appel à la division d’appel ou une explication raisonnable pour son retard, et il n’a pas présenté d’argument défendable. Le seul élément en sa faveur est qu’il ne serait pas injuste pour la Commission que j’accorde une prolongation de délai.

[54] Compte tenu de mes conclusions sur ces éléments, je ne suis pas convaincu qu’accorder une prolongation de délai soit dans l’intérêt de la justice.

Conclusion

[55] Je refuse d’accorder une prolongation de délai. Cela signifie que l’appel n’ira pas de l’avant.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.