Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : RZ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1384

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. Z.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (455945) datée du 10 février 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 25 août 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 28 août 2022
Numéro de dossier : GE-22-1159

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison de son inconduite (autrement dit, pour avoir fait quelque chose qui a entraîné la perte de son emploi). Cela signifie que le prestataire est inadmissible au bénéfice de prestations de l’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] R. Z. est le prestataire dans cette affaire. Il travaillait comme préposé de gare pour une compagnie aérienne. L’employeur a placé le prestataire en congé sans solde le 30 octobre 2021 parce qu’il n’a pas respecté la « politique de vaccination contre la COVID-19Note de bas de page 2 » au travail. Le prestataire a ensuite présenté une demande de prestations régulières de l’assurance-emploiNote de bas de page 3.

[4] La Commission a décidé que le prestataire n’avait pas le droit de recevoir des prestations de l’assurance-emploi parce qu’il avait été suspendu de son emploi en raison de sa propre inconduiteNote de bas de page 4.

[5] Le prestataire n’est pas d’accord parce qu’il affirme ne pas avoir consenti à la nouvelle politique de l’employeurNote de bas de page 5. De plus, il ne veut pas divulguer ses renseignements médicaux personnels à cet employeur et la vaccination ne faisait pas partie de ses conditions d’emploi.

Question que je dois examiner en premier

J’ai demandé plus de renseignements à la Commission avant l’audience

[6] J’ai écrit à la Commission avant l’audience pour lui demander si elle avait une copie de la politique de l’employeur puisque celle-ci a été citée dans ses documentsNote de bas de page 6.

[7] La Commission a répondu en fournissant une copie de la politique de l’employeurNote de bas de page 7, laquelle a également été envoyée par le Tribunal au prestataire avant l’audienceNote de bas de page 8.

Le prestataire a déposé un document après l’audience

[8] Après l’audience, le prestataire a envoyé un courriel au Tribunal présentant des « observations déposées après l’audienceNote de bas de page 9 ».

[9] J’ai accepté les arguments du prestataire parce que certains d’entre eux étaient pertinents et qu’il répétait les arguments qu’il avait déjà présentés dans son appel et à l’audience. Une copie a également été envoyée à la Commission.

Question en litige

[10] Le prestataire a-t-il été suspendu en raison de sa propre inconduite?

Analyse

[11] Les prestataires qui perdent leur emploi en raison d’une inconduite ou qui quittent volontairement leur emploi sans justification ne sont pas admissibles au bénéfice de prestations de l’assurance-emploiNote de bas de page 10.

[12] Les prestataires qui sont suspendus de leur emploi en raison d’une inconduite ne sont pas admissibles au bénéfice de prestations de l’assurance-emploiNote de bas de page 11.

[13] Les prestataires qui quittent volontairement leur emploi sans justification pendant une période ne sont pas admissibles au bénéfice de prestations de l’assurance-emploiNote de bas de page 12.

[14] Pour répondre à la question de savoir si le prestataire a cessé de travailler en raison d’une inconduite, je dois décider de deux choses. Premièrement, je dois apprendre pourquoi le prestataire a cessé de travailler, puis je dois décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il cessé de travailler?

[15] Je conclus que le prestataire a été placé en congé obligatoire sans solde avec des avantages sociaux le 30 octobre 2021 parce qu’il n’a pas respecté la politique de l’employeur.

[16] Plus précisément, le prestataire n’a pas respecté la politique parce qu’il ne voulait pas informer son employeur de son statut vaccinal concernant la COVID-19. Selon lui, il s’agissait de renseignements médicaux personnels.

[17] À mon avis, le congé sans solde du prestataire ressemblait à une suspension parce qu’il était obligatoire et imposé par l’employeur pendant six moisNote de bas de page 13. Pendant cette période, le prestataire n’avait pas le droit de retourner sur les lieux de travail ni de continuer à travailler.

[18] Cela concorde avec le témoignage du prestataire, le relevé d’emploi, les discussions entre le prestataire et la Commission, ainsi que l’employeur, etc.Note de bas de page 14

[19] Je conclus également qu’il n’y avait aucune preuve que le prestataire avait volontairement quitté son emploi ou pris un congé volontaireNote de bas de page 15.

Quelle était la politique de l’employeur?

[20] La politique mise en œuvre par l’employeur est entrée en vigueur le 10 septembre 2021. Le dossier contient une copie de la politiqueNote de bas de page 16.

[21] La politique souligne que son objectif est d’assurer un milieu de travail sécuritaire pour tous les employés, et que cela comprend la lutte contre les maladies infectieuses comme la COVID-19Note de bas de page 17. La politique indique que chaque employé joue un rôle essentiel pour assurer la sécurité de ses collègues, notamment en contribuant à prévenir la propagation du virus de la COVID-19 en milieu de travail.

[22] La politique exige que les employés obtiennent leur premier vaccin contre la COVID-19 au plus tard le 8 septembre 2021Note de bas de page 18. La deuxième dose du vaccin doit être reçue au plus tard le 8 octobre 2021.

[23] La politique indique que les employés doivent signaler leur statut vaccinal à l’employeur au plus tard le 8 septembre 2021.

[24] La politique prévoit également des exceptions et des mesures d’adaptation pour les employés ayant des raisons médicales, religieuses ou autres fondées sur des motifs de discrimination interditsNote de bas de page 19.

La politique a-t-elle été envoyée au prestataire?

[25] L’employeur a dit à la Commission que la politique avait été envoyée pour la première fois aux employés le 25 août 2021Note de bas de page 20. L’employeur a également déclaré que cela avait été suivi d’un courriel envoyé le 9 septembre 2021 aux employés qui n’avaient pas fourni leur statut vaccinal. Un autre courriel a été envoyé le 22 octobre 2021 aux employés qui n’avaient pas divulgué leur statut vaccinal ou qui n’avaient pas reçu une seule dose du vaccin pour leur rappeler qu’ils avaient jusqu’au 31 octobre 2021 pour le faire.

[26] Le prestataire a déclaré que l’employeur a tenté de lui demander ses renseignements médicaux personnels aux alentours d’octobre 2021, mais qu’il n’a pas accepté. Il a confirmé avoir reçu des courriels de son employeur, peut-être en septembre 2021, mais il n’en était pas certain. Il a par la suite reconnu qu’il était au courant de la date limite pour se faire vacciner.

[27] J’estime qu’il est plus probable qu’improbable que la politique ait été communiquée pour la première fois au prestataire le 25 août 2021. Je préférais la discussion de l’employeur avec la Commission contenue dans le dossier parce qu’elle offrait des dates et des détails précis qui appuyaient le fait que la politique avait été communiquée au prestataire et aux autres employés. Je signale également que le prestataire ne semble pas contester que la politique lui a été communiquée.

Quelles étaient les conséquences du non-respect de la politique?

[28] La politique indique que le fait de ne pas être entièrement vacciné au plus tard le 31 octobre 2021 entraînerait un congé sans solde sans avantages sociaux pendant six mois, après quoi on réévaluerait la relation d’emploi de l’employé avec la compagnie aérienneNote de bas de page 21.

[29] L’employeur a dit à la Commission qu’il avait envoyé un courriel aux employés qui ne s’étaient pas encore conformés à la politique le 22 octobre 2021 pour leur rappeler de fournir leur statut vaccinal au plus tard le 31 octobre 2021Note de bas de page 22. Sinon, ces employés seraient placés en congé sans solde avec des avantages sociaux.

[30] Le prestataire a déclaré que le non-respect de la politique entraînerait un congé sans solde le 31 octobre 2021. Il estimait que son employeur violait ses droits en imposant le congé sans solde.

Y a-t-il une raison pour laquelle le prestataire n’a pas pu se conformer à la politique?

[31] Comme il a été mentionné ci-dessus, la politique prévoyait des exceptions et des mesures d’adaptation pour les employés ayant des raisons médicales, religieuses ou autres fondées sur des motifs de discrimination interditsNote de bas de page 23. L’employeur exige que les employés présentent une demande et fournissent des renseignements à l’appui, qu’il examinera de façon confidentielle et sécuritaire.

[32] Le prestataire a déclaré qu’il ne veut pas divulguer s’il a fait une demande de mesures d’adaptation parce que ces renseignements sont confidentiels.

S’agit-il d’inconduite selon la loi, la Loi sur l’assurance-emploi?

[33] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 24. L’inconduite comprend aussi une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 25.

[34] Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (autrement dit, qu’il ait voulu mal agir) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 26.

[35] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à nuire à l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédiéNote de bas de page 27.

[36] La Commission doit prouver que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 28.

[37] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les motifs suivants.

[38] Premièrement, je constate que la politique a été communiquée au prestataire et qu’il était au courant des dates limites pour se conformer. Le prestataire a également eu suffisamment de temps pour se conformer à la politique.

[39] Plus précisément, la politique a été communiquée aux employés le 25 août 2021. De plus, deux courriels de rappel ont été envoyés au prestataire et aux autres employés le 9 septembre 2021 et le 22 octobre 2021Note de bas de page 29.

[40] Deuxièmement, je constate que le prestataire a volontairement choisi de ne pas se conformer à la politique pour des raisons personnelles. Il a décidé qu’il ne voulait pas fournir son statut vaccinal à l’employeur avant la date limite initiale du 8 septembre 2021 ni avant le 31 octobre 2021.

[41] Il a fait un choix délibéré. La cour a déjà établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite en vertu de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 30 .

[42] Troisièmement, je conclus que le prestataire savait ou aurait dû savoir que les conséquences de ne pas se conformer entraîneraient un congé obligatoire sans solde et une suspension de six mois.

[43] Les conséquences étaient décrites dans la politiqueNote de bas de page 31. De plus, l’employeur avait communiqué les conséquences aux employés (y compris au prestataire) par courriel, le 9 septembre 2021 et le 22 octobre 2021Note de bas de page 32. Le prestataire a confirmé avoir reçu des courriels de l’employeur au sujet de la politique.

[44] Le témoignage du prestataire selon lequel il pensait que la politique ne s’appliquerait pas à lui, car il n’y avait pas consenti, ne m’a pas convaincue.

[45] Je reconnais généralement que l’employeur a le droit d’exercer son droit de gestion d’élaborer et d’imposer des politiques en milieu de travail. L’employeur n’a pas besoin du consentement du prestataire pour élaborer et imposer une politique en milieu de travail. Même si le prestataire n’accepte pas ou ne consent pas à la politique, cela ne signifie pas qu’il n’est pas assujetti aux conséquences du non-respect. Dans ce cas, la conséquence a été un congé sans solde de six mois.

[46] De plus, je ne suis pas convaincue par l’argument du prestataire selon lequel il n’avait pas consenti à ce que les cotisations d’assurance-emploi soient déduites de son chèque. Le prestataire occupe un emploi assurable pour une grande compagnie aérienne. Il doit donc payer des cotisations d’assurance-emploi.

[47] Quatrièmement, je conclus que le prestataire ne m’a pas prouvé qu’il était exempté de la politique. À l’audience, il a expliqué qu’il ne voulait pas divulguer s’il avait demandé une exemption parce que ces renseignements étaient confidentiels.

[48] Finalement, le prestataire a été suspendu parce qu’il a refusé de se conformer à la politique de l’employeur qui l’obligeait de divulguer son statut vaccinal et de se faire vacciner contre la COVID-19. On lui a parlé de la politique et on lui a donné le temps de s’y conformer. Il a choisi de ne pas s’y conformer pour ses propres raisons. Cela a entraîné sa suspension. Il connaissait les conséquences de la non-conformité.

Qu’en est-il des autres arguments du prestataire?

[49] Lors de l’audience et dans sa documentation, le prestataire a soulevé d’autres arguments pour appuyer sa positionNote de bas de page 33. En voici quelques-uns :

  1. a) L’employeur voulait qu’il divulgue ses renseignements médicaux personnels, lesquels sont protégés;
  2. b) Il n’y avait pas de consentement éclairé;
  3. c) Les actions de l’employeur allaient à l’encontre de ses droits civils;
  4. d) Il invoque l’article 96(1) de la Common law et de l’equity;
  5. e) Il était illégal pour son employeur de le mettre en congé autorisé;
  6. f) Il a des droits constitutionnels et la Déclaration des droits le protège.

[50] La Cour a déclaré que le Tribunal ne peut décider si le congédiement ou la sanction était justifié. Il doit décider si la conduite de la partie prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 34. J’ai déjà décidé que la conduite du prestataire équivalait à une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi.

[51] Je reconnais que le prestataire a déposé des arguments supplémentaires, mais je n’ai pas le pouvoir de les examiner. Le recours du prestataire consiste à intenter une action en justice, ou devant tout autre tribunal qui peut traiter de ses arguments particuliers.

[52] À l’audience, le prestataire a reconnu qu’un grief syndical avait été déposé et que la date de l’arbitrage syndical avait été reportée.

Conclusion

[53] Le prestataire avait le choix et a décidé de ne pas se conformer à la politique pour des raisons personnelles. Cela a entraîné un résultat indésirable, un congé obligatoire sans solde et une suspension.

[54] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu de son poste pour inconduite du 30 octobre 2021 au 11 mai 2022. Ainsi, le prestataire n’a pas droit aux prestations d’assurance-emploi pour cette périodeNote de bas de page 35. Toutefois, comme le prestataire est retourné au travail le 12 mai 2022 – la période de suspension ayant pris fin après six mois – l’inadmissibilité aux prestations d’assurance-emploi est levée, car il a recommencé à travaillerNote de bas de page 36.

[55] Cela signifie que l’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.