Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LW c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1390

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : L. W.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (449964) rendue le 2 février 2022 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 1er juin 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 6 juin 2022
Numéro de dossier : GE-22-808

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné la perte de son emploi). Par conséquent, la prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire était consultante en aide à la décision dans un hôpital. Elle travaillait de chez elle pendant la pandémie. Son employeur l’a congédiée le 22 octobre 2021 parce qu’elle ne respectait pas la politique de vaccination contre la COVID-19 mise en place au travailNote de bas de page 2. Par la suite, la prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance-emploiNote de bas de page 3.

[4] La Commission a décidé que la prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle avait perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 4.

[5] La prestataire n’est pas d’accord, car elle ne veut pas divulguer son statut vaccinal à son employeur pour protéger sa vie privéeNote de bas de page 5. De plus, elle ne savait pas qu’elle perdrait son emploi si elle ne respectait pas la politique de l’employeur sur la vaccination contre la COVID-19.

Question que je dois examiner en premier

La prestataire m’a demandé de reporter l’audience

[6] Dans ce dossier, l’audience devait se dérouler par téléconférence le 1er juin 2022Note de bas de page 6. L’avis d’audience a été envoyé à la prestataire le 24 mars 2022.

[7] Le 30 mai 2022, la prestataire a écrit au Tribunal pour demander le report de l’audience à une autre dateNote de bas de page 7. Elle a expliqué qu’elle devait assister à une séance de médiation avec son employeur le 22 juin 2022. Elle craignait d’avoir à rembourser l’argent reçu en prestations d’assurance-emploi à la suite de l’entente qu’elle conclurait avec son employeur.

[8] J’ai rejeté la demande d’ajournement présentée par la prestataire parce que la médiation menée dans le cadre de sa plainte de congédiement injustifié n’a rien à voir avec sa demande de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 8. De plus, le Tribunal avait déjà réservé une plage horaire pour l’audience. J’ai aussi l’obligation de veiller à ce que l’audience se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettentNote de bas de page 9.

Question en litige

[9] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[10] Il y a exclusion du bénéfice des prestations d’assurance-emploi quand les prestataires perdent leur emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 10.

[11] Pour savoir si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison elle a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[12] Les parties conviennent que la prestataire a perdu son emploi le 21 octobre 2021 à la suite d’un congédiement. Cela concorde avec le témoignage de la prestataire et la preuve au dossierNote de bas de page 11.

Quelle était la politique de l’employeur?

[13] L’employeur a mis en œuvre une politique de vaccination contre la COVID-19 à compter du 5 juillet 2021. Il a revu la politique le 3 septembre 2021. Un exemplaire de la politique se trouve au dossierNote de bas de page 12.

[14] La politique exigeait que le personnel soit entièrement vacciné au plus tard le 8 octobre 2021. Cette date limite a été reportée au 21 octobre 2021. Elle exigeait aussi que les membres du personnel divulguent leur statut vaccinal à l’employeur.

[15] La prestataire a déclaré qu’elle comprenait la politique, tout comme l’exigence de divulguer son statut vaccinal et de se faire vacciner. Elle reconnaît avoir suivi un programme de formation sur la COVID-19 en juillet 2021. Toutefois, elle s’oppose à la politique avant tout parce qu’elle veut que son statut vaccinal demeure « non déclaré » auprès de l’employeur dans le but de protéger sa vie privée.

Qu’est-ce [sic] que la politique communiquait à la prestataire?

[16] L’employeur a dit à la Commission que tout le personnel avait été avisé le 31 août 2021 qu’il fallait être entièrement vacciné, même les gens qui travaillaient de la maison ou à distanceNote de bas de page 13.

[17] La prestataire convient que la police lui a été communiquée pour la première fois vers la fin août 2021. On lui a aussi fourni des hyperliens menant vers la politique. Elle l’a consultée et elle a communiqué avec l’employeur pour en discuter en septembre 2021 et en octobre 2021.

Quelles étaient les conséquences du non-respect de la politique?

[18] La politique précise que, pour être considérée comme immunisée ou vaccinée, chaque personne qui travaille pour l’employeur doit fournir une preuve de vaccinationNote de bas de page 14. Elles sont autorisées à ne pas divulguer cette information, mais la politique prévoit que celles qui choisissent de ne pas déclarer leur statut seront considérées comme non vaccinées, sauf si elles bénéficient de mesures d’adaptation pour des raisons médicales ou des motifs liés aux droits de la personne.

[19] La politique précise aussi que les personnes réputées non vaccinées ne feront l’objet d’aucune mesure d’adaptation et ne pourront pas se présenter au travailNote de bas de page 15. Une telle situation entraînerait un congé non approuvé et non payé jusqu’à ce que les personnes soient entièrement vaccinées depuis 14 jours.

[20] Le 13 octobre 20221 [sic], l’employeur a rencontré la prestataire pour discuter de la politique. La prestataire a déposé les notes qu’elle a prises durant cette rencontreNote de bas de page 16. Elle a appris qu’elle était congédiée et que la rencontre de cessation d’emploi aurait lieu le 22 octobre 2021.

[21] À l’audience, la prestataire a fait valoir que la politique n’était pas claire parce qu’elle ne dit pas rien de précis sur le congédiement. Elle ne savait pas qu’elle serait congédiée si elle ne respectait pas la politique.

Y a-t-il une raison pour laquelle la prestataire ne pouvait pas se conformer à la politique?

[22] La politique prévoyait des mesures d’adaptation pour les personnes ayant une exemption médicale valide ou celles ayant une exemption aux termes du Code des droits de la personne à compter du 21 octobre 2022Note de bas de page 17.

[23] La politique précise que si une mesure d’adaptation est approuvée, il est possible de faire soi-même un test antigénique de la COVID-19 et de consigner les résultats avant de se présenter au travail.

La raison du congédiement est-elle une inconduite au sens de la loi?

[24] Pour être une inconduite au sens de la loi, il faut que la conduite soit délibérée. En d’autres termes, la conduite doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 18. Cela comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 19.

[25] Pour qu’il y ait inconduite, il n’est cependant pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de malNote de bas de page 20).

[26] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et que la possibilité d’être congédiée pour cette raison était bien réelleNote de bas de page 21.

[27] Il faut que la Commission prouve que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire que la Commission doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 22.

[28] Je juge que la Commission a prouvé qu’il y avait eu inconduite. Voici pourquoi.

[29] Premièrement, après avoir examiné la preuve de la prestataire, je ne suis pas convaincue qu’elle ne savait pas ou ne pouvait pas savoir qu’elle serait congédiée. La prestataire a pris des notes lors de sa rencontre du 13 octobre 2021 avec l’employeur. Ce jour-là, elle lui a dit qu’elle ne consentirait pas à la divulgation de ses renseignements médicaux sur le statut vaccinal. Son employeur a alors répondu qu’elle était congédiée et qu’une rencontre de cessation d’emploi aurait lieu le 22 octobre 2021.

[30] Sa rencontre de cessation d’emploi a eu lieu le 22 octobre 2022 [sic], soit neuf jours plus tard. Je remarque que la prestataire n’a fait aucune démarche pour tenter de se conformer à la politique pendant la période précédant cette rencontre.

[31] À mon avis, la prestataire aurait dû savoir que le non-respect de la politique pouvait l’empêcher de remplir ses fonctions à l’hôpital, même si elle travaillait à distance pendant la pandémie. Elle aurait dû savoir qu’elle risquait d’être congédiée parce qu’elle ne respectait toujours pas la politique. La politique ne précise pas en toutes lettres que le congédiement était une conséquence du non-respect de la politique, mais elle dit que cela entraîne un congé non approuvé et non payé et ajoute que le personnel ne pourrait alors pas se présenter au travail.

[32] Deuxièmement, je conclus que la prestataire a choisi de façon délibérée et consciente de ne pas respecter la politique. L’employeur lui a communiqué la politique d’une façon claire et elle a eu assez de temps pour s’y conformer. Elle a fait le choix délibéré de ne pas respecter la politique et sa conduite a entraîné la perte de son emploi. Comme je l’ai mentionné plus haut, il n’est pas nécessaire que la prestataire ait une intention coupable pour qu’il y ait inconduiteNote de bas de page 23.

[33] Troisièmement, la politique prévoyait des exceptions pour les personnes qui avaient une exemption médicale valide ou qui invoquaient le Code des droits de la personneNote de bas de page 24. La prestataire n’a pas demandé d’exemption parce qu’elle ne voulait pas divulguer son statut vaccinal. Elle s’identifie comme chrétienne et possède les documents pour le prouver, mais elle pensait qu’il était inapproprié que le service des ressources humaines se prononce sur la question. À mon avis, la prestataire a fait le choix personnel de ne pas se conformer à la politique. Elle n’a pas demandé d’exemption, même si la politique le lui permettait.

[34] La Commission ontarienne des droits de la personne a déclaré que la vaccination demeure volontaire, mais que l’obligation de présenter une preuve de vaccination pour protéger les personnes qui travaillent ou qui reçoivent des services est généralement permise au titre du Code des droits de la personne de l’OntarioNote de bas de page 25, pourvu que des garanties soient mises en place pour s’assurer que les personnes qui ne peuvent pas se faire vacciner pour des raisons prévues par le Code aient accès à des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas de page 26.

[35] Je reconnais que la prestataire a le pouvoir de décider si elle veut se faire vacciner ou si elle veut divulguer son statut vaccinal à son employeur. C’est son choix qui, au bout du compte, a eu des conséquences indésirables, comme la perte de son emploi et de ses revenus.

[36] Je reconnais aussi que l’employeur a le pouvoir de gérer ses activités quotidiennes, ce qui peut comprendre l’élaboration et l’imposition de politiques en milieu de travail pour assurer la santé et la sécurité du personnel et d’autres personnes. Dans la présente affaire, l’hôpital a mis en œuvre une politique [traduction] « pour veiller à ce que le personnel, les membres des sociétés affiliées, les patientes et patients, les personnes qui visitent l’hôpital et les partenaires de soins évoluent dans un milieu sûr et sainNote de bas de page 27 ».

[37] La Loi sur l’assurance-emploi a pour objet d’indemniser les personnes sans travail dont l’emploi a pris fin pour des raisons indépendantes de leur volonté. Il faut que la perte de l’emploi assuré soit involontaireNote de bas de page 28. Il ne s’agit pas d’un droit automatique, même si la prestataire a payé des cotisations d’assurance-emploi.

[38] Dans cette affaire-ci, la prestataire n’a pas été congédiée pour des raisons indépendantes de sa volonté, car c’est son choix de ne pas suivre la politique de l’employeur qui a entraîné son congédiement. D’après les conclusions que j’ai tirées ci‑dessus, je conclus que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Qu’en est-il des autres arguments de la prestataire?

[39] Je comprends que, pour diverses raisons, la prestataire est en désaccord avec la politique de l’employeur et la sanction imposée. Elle a fourni des renseignements sur la façon dont la cheffe de la direction a été traitée, sa plainte de congédiement injustifié, la violation du droit à la vie privée et le défaut de l’employeur de lui offrir des mesures d’adaptation.

[40] La Cour a déclaré que les tribunaux doivent se pencher sur la conduite de la prestataire, et non sur celle de l’employeur. La question n’est pas de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite quand il a congédié la prestataire, ce qui aurait rendu le congédiement injuste. La question est plutôt de savoir si la prestataire était coupable d’inconduite et si l’inconduite a entraîné la perte de son emploiNote de bas de page 29.

[41] Le rôle du Tribunal n’est pas de décider si le congédiement était justifié ou si la sanction imposée par l’employeur était appropriéeNote de bas de page 30.

[42] Par conséquent, je n’ai pas le pouvoir de décider si, le jour du congédiement, l’employeur a porté atteinte aux droits de la prestataire en tant qu’employée ou s’il aurait pu faire autrement et mettre en place des mesures d’adaptation pour elle.

[43] Je dois vérifier si la conduite de la prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 31. À la lumière des faits dans cette affaire, j’ai décidé que la conduite de la prestataire constitue bel et bien une inconduite délibérée.

[44] Le recours de la prestataire contre son employeur consiste à s’adresser à la cour ou à tout autre tribunal qui peut juger ces questions particulières. Je remarque qu’elle a déjà retenu les services d’un avocat et qu’une date a été fixée pour la médiation avec son employeur.

Conclusion

[45] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[46] L’appel est donc rejeté.

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