Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1368

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (473653) datée du 31 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Catherine Shaw
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 30 août 2022
Personnes présentes à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 16 septembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2109

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné son congédiement). Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a refusé de se conformer à la politique de vaccination de son employeur. Selon la politique, le prestataire était tenu d’être vacciné contre la COVID-19 ou d’avoir une exemption approuvée. Le prestataire n’a pas fourni de preuve de vaccination avant la date limite. Par conséquent, son employeur l’a mis en congé sans solde (suspension), puis l’a congédié par la suite.

[4] La Commission a jugé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[5] Le prestataire pense qu’il n’y a pas eu inconduite. L’exigence selon laquelle il devait être vacciné et divulguer des renseignements médicaux confidentiels ne faisait pas partie des conditions de son contrat de travail lorsqu’il a été embauché. De plus, l’employeur a refusé sans raison valable sa demande d’exemption pour motifs religieux.

Question que je dois examiner en premier

L’employeur n’est pas une partie à l’appel

[6] Le Tribunal a entrevu la possibilité d’ajouter l’ancien employeur du prestataire comme partie mise en cause dans l’appel. Le Tribunal lui a fait parvenir une lettre pour lui demander s’il avait un intérêt direct dans l’appel et s’il voulait être ajouté comme partie mise en cause. En date de la présente décision, l’employeur n’a pas répondu à la lettre. Comme rien dans le dossier n’indique que l’employeur a un intérêt direct dans l’appel, j’ai décidé de ne pas l’ajouter comme partie mise en cause.

Question en litige

[7] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] Selon la loi, une partie prestataire qui perd son emploi en raison d’une inconduite est exclue du bénéfice des prestationsNote de bas de page 2.

[9] La loi prévoit aussi qu’une partie prestataire suspendue de son emploi en raison d’une inconduite est inadmissible au bénéfice des prestations jusqu’à ce que l’une des conditions suivantes soit remplie :

  • la période de suspension prend fin;
  • la partie prestataire perd son emploi ou quitte volontairement son emploi;
  • la partie prestataire cumule chez un autre employeur, depuis le début de la période de suspension, un nombre d’heures suffisantNote de bas de page 3.

[10] Pour décider si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison le prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[11] Les deux parties s’entendent sur le fait que le prestataire a été suspendu puis congédié par la suite parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de l’employeur. Aucune preuve n’indique le contraire. J’accepte donc ce fait.

La raison du congédiement du prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[12] Le prestataire a été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite au sens de la loi.

[13] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 4. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 5. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il a voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 6.

[14] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 7.

[15] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a été congédié en raison de son inconduiteNote de bas de page 8.

[16] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire savait qu’il devait se conformer à la politique de l’employeur pour garder son emploi. Le prestataire n’a fourni ni preuve de vaccination ni exemption approuvée avant la date limite. Par conséquent, il a délibérément choisi de ne pas se conformer à la politique de son employeur.

[17] Le prestataire soutient qu’il n’y a pas eu inconduite parce que la politique de vaccination obligatoire de l’employeur ne faisait pas partie de ses conditions d’emploi lorsqu’il a été embauché. La politique enfreignait ses droits et la confidentialité de ses renseignements médicaux. L’employeur a aussi refusé sans raison valable sa demande d’exemption à la politique pour motifs religieux.

[18] Le prestataire travaillait dans une imprimerie. Le 30 septembre 2021, l’employeur a mis en place une politique qui exigeait que le personnel soit vacciné contre la COVID-19, sans quoi une exemption approuvée devait être fournie. Le personnel devait montrer une preuve de leur vaccination complète avant le 30 novembre 2021.

[19] Selon la politique, les employés qui n’étaient pas complètement vaccinés ou qui ne divulguaient pas leur statut vaccinal ne se conformaient pas à la politique. Toute personne qui ne s’y conformait pas avant le 30 novembre 2021 était mise en congé sans solde jusqu’à ce qu’elle s’y conforme. Si elle ne le faisait pas avant le 7 janvier 2022, elle était congédiéeNote de bas de page 9.

[20] Le prestataire a déclaré que son employeur lui avait remis une copie de la politique le 30 septembre 2021. Il a envoyé à son employeur une liste de questions, et il lui a demandé d’assumer la responsabilité dans le cas où la COVID-19 lui causerait du tort. Il a affirmé qu’il voulait avoir les réponses de son employeur avant de « consentir de manière éclairée » à se faire vacciner contre la COVID-19.

[21] L’employeur a envoyé une lettre au prestataire. La lettre était datée du 5 novembre 2021. Elle confirmait que l’employeur avait bel et bien reçu la documentation acheminée par le prestataire, mais que ce dernier n’avait pas divulgué son statut vaccinal ni fait parvenir de demande d’exemption à la politique. Dans la lettre, on rappelait au prestataire qu’il devait se conformer aux exigences de la politique, sans quoi il serait mis en congé sans solde à compter du 1er décembre 2021.

[22] Le 12 novembre 2021, le prestataire a demandé des mesures d’adaptation à la politique pour motifs religieux. L’employeur a refusé sa demande le 22 novembre 2021.

[23] Le 25 novembre 2021, le prestataire a envoyé un avis à son employeur. Cet avis mentionnait que l’employeur était tenu de lui offrir des mesures d’adaptation pour des motifs liés aux droits de la personne. L’employeur a refusé cette demande le 29 novembre 2021. Dans la lettre que l’employeur a envoyée au prestataire, il lui a rappelé qu’il perdrait son emploi s’il ne se faisait pas vacciner avant le 7 janvier 2022.

[24] Le prestataire a été mis en congé sans solde (suspendu) le 29 novembre 2021.

[25] Le prestataire a soumis plusieurs autres demandes d’exemption à la politique. Le 1er décembre 2021, il a fait parvenir un [traduction] « avis de revendication éventuelle » à son employeur dans lequel il affirme qu’il devrait lui offrir des mesures d’adaptation pour motifs religieux. Le 24 décembre 2021, il a envoyé un [traduction] « avis de possibilité de réparation » dans lequel il demande à son employeur de lui fournir les renseignements qu’il lui avait demandés et d’assumer la responsabilité de tout effet néfaste découlant de sa politique de vaccination contre la COVID-19.

[26] L’employeur a congédié le prestataire le 7 janvier 2022. La lettre de cessation d’emploi explique que le prestataire ne s’est pas conformé à la politique de vaccination avant la date limite et que, pour cette raison, l’employeur mettait fin à son emploi.

[27] Je conclus que la Commission a démontré qu’il y a eu inconduite.

[28] Le prestataire a été mis au courant de la politique en septembre 2021. Il a délibérément et consciemment choisi de ne pas s’y conformer. Les éléments de preuve démontrent clairement que le prestataire aurait dû raisonnablement savoir que le non-respect de cette politique entraînerait la perte de son d’emploi.

[29] Le prestataire a affirmé ne pas comprendre pourquoi il pouvait perdre son emploi en raison de cette politique puisqu’aucune politique de cette nature n’avait été mise en place auparavant. Toutefois, la politique et les communications acheminées par l’employeur indiquaient clairement que le non-respect de cette politique entraînerait la perte de son emploi. Cela me laisse croire que le prestataire aurait dû raisonnablement savoir qu’il devait être complètement vacciné et fournir une preuve de son statut vaccinal ou une exemption approuvée pour garder son emploi.

[30] À la lumière de ces éléments de preuve, je suis convaincue que le prestataire a été informé de la politique de l’employeur et qu’il savait que le non-respect de la politique entraînerait la perte de son d’emploi.

[31] Je comprends que le prestataire a demandé une exemption ou des mesures d’adaptation à la politique. Cependant, l’employeur a refusé ses demandes. Le prestataire savait qu’il n’était pas exempté de la politique de l’employeur. Malgré cela, il a choisi de ne pas se conformer aux exigences de la politique. S’il avait eu l’intention de s’y conformer, il aurait pu le faire savoir à son employeur et lui demander plus de temps.

[32] Après avoir été suspendu le 29 novembre 2021, le prestataire avait encore l’occasion de se conformer à la politique de son employeur. Ce dernier a informé le prestataire qu’il avait jusqu’au 7 janvier 2021 [sic] pour se conformer aux exigences de la politique. Donc, le prestataire avait le choix de se conformer à la politique de son employeur pendant sa période de suspension, mais il a délibérément choisi de ne pas le faire.

[33] À la lumière de ces éléments de preuve, je suis convaincue que le prestataire a agi de façon délibérée quand il a choisi de ne pas se conformer à la politique de vaccination de l’employeur.

[34] Le prestataire a fait valoir que la politique de son employeur enfreignait son droit à la vie privée. Il ne devrait pas avoir à divulguer ses renseignements médicaux à son employeur, et la politique ne faisait pas partie des conditions d’emploi lorsqu’il a été embauché.

[35] L’employeur a le droit de gérer ses activités quotidiennes, y compris le pouvoir d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques en milieu de travail. Lorsque l’employeur a mis en œuvre cette politique, elle est devenue une exigence pour tous les employés ainsi qu’une condition d’emploi expresse du prestataireNote de bas de page 10.

[36] Je comprends les préoccupations du prestataire quant au fait qu’aucune option autre que la vaccination n’était envisagée dans la politique de l’employeur. Je reconnais qu’il n’est pas d’accord avec cette politique et qu’il estime que la perte de son emploi était injustifiée. Toutefois, je n’ai pas le pouvoir de décider si l’employeur a porté atteinte à ses droits en le congédiant, ou s’il aurait dû approuver sa demande d’exemption pour motifs religieux ou lui offrir d’autres mesures d’adaptation.

[37] La Cour d’appel fédéral a déclaré que le Tribunal n’a pas à décider si la politique d’un employeur est raisonnable ou si le congédiement d’une partie prestataire est justifié. Le Tribunal doit décider si la conduite du prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 11.

[38] Le prestataire peut avoir d’autres recours pour faire valoir ses allégations selon lesquelles la politique de l’employeur portait atteinte à ses droits et qu’il a été injustement congédié. Ces questions doivent toutefois être traitées par la cour ou le tribunal approprié.

Alors, le prestataire a-t-il été congédié en raison d’une inconduite?

[39] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite.

Conclusion

[40] La Commission a prouvé que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite. C’est pourquoi le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

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