Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KF c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 15

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Rachel Paquette

Intimée : K. F.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 17 juin 2022 (GE-22-1310)

Membre du Tribunal : Jude Samson
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 1er novembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante
Intimée 
Date de la décision : Le 9 janvier 2023
Numéro de dossier : AD-22-434

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Décision

[1] J’accueille l’appel. La prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi qu’elle a reçu entre le 4 octobre et le 16 décembre 2020.

Aperçu

[2] K. F. est la prestataire dans la présente affaire. Elle a demandé et reçu des prestations régulières d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a par la suite examiné son dossier et a décidé que la prestataire n’était pas disponible pour travailler pendant qu’elle étudiait à temps plein. Elle lui a donc demandé de rembourser certaines des prestations qu’elle avait reçues.

[3] La prestataire a interjeté appel avec succès de la décision de la Commission devant la division générale du Tribunal. La Commission interjette maintenant appel de la décision de la division générale devant la division d’appel du Tribunal. Elle soutient que la division générale n’a pas appliqué le droit correctement. Je suis d’accord. Le Tribunal doit se conformer à certaines décisions judiciaires. Compte tenu de ces décisions, la prestataire n’était pas disponible pour travailler et était inadmissible aux prestations d’assurance-emploi qu’elle a reçues pendant ses études.

Question en litige

[4] Cet appel soulève une question principale : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’appliquer des décisions exécutoires de la Cour d’appel fédérale?

Analyse

[5] Je peux intervenir en l’espèce si une erreur de droit a été commise dans la décision de la division généraleNote de bas de page 1.

La division générale a commis une erreur de droit en omettant d’appliquer les décisions de la Cour d’appel fédérale

[6] En l’espèce, la division générale devait décider si la prestataire était disponible pour travailler, comme l’exige la loiNote de bas de page 2.

[7] Trois éléments guident l’évaluation par le Tribunal de la disponibilité d’une personne. Ces éléments sont souvent appelés les éléments de l’arrêt FaucherNote de bas de page 3 :

  • La personne veut-elle retourner au travail dès qu’un emploi convenable lui sera offert?
  • La personne a-t-elle déployé des efforts raisonnables pour trouver un emploi convenable?
  • La personne a-t-elle établi des conditions personnelles qui pourraient limiter indûment (trop) ses chances de retourner au travail?

[8] En l’espèce, la principale question consistait à savoir si l’horaire de cours de la prestataire était une condition personnelle qui limitait trop ses chances de travailler. La prestataire a établi qu’elle voulait travailler et qu’elle a déployé des efforts importants pour trouver un nouvel emploi.

[9] La prestataire a travaillé comme éducatrice de la petite enfance au sein de son conseil scolaire local pendant environ 10 ansNote de bas de page 4. Elle travaillait généralement pendant les heures de classe, du lundi au vendredi. Toutefois, son horaire de cours signifiait qu’elle devait quitter son emploi à son retour à l’universitéNote de bas de page 5. Elle a plutôt cherché des emplois en garderie, en offrant des services de garde avant et après l’école.

[10] Néanmoins, la division générale a conclu que la prestataire n’avait pas trop limité ses chances de trouver du travail. Pour en arriver à sa conclusion, la division générale s’est appuyée sur la preuve de la prestataire démontrant qu’elle a postulé un certain nombre d’emplois et qu’on lui a rapidement offert un nouvel emploi. Toutefois, la prestataire a tardé à entrer en fonctions en raison du temps nécessaire pour obtenir une vérification du casier judiciaire pendant la pandémie de COVID-19.

[11] La Commission soutient que la division générale a mal compris le droit relatif à la disponibilité. Elle mentionne que les élèves qui restreignent leur disponibilité en fonction de leur horaire de classe ne sont pas disponibles pour travailler. Plus particulièrement, la Commission s’appuie sur plusieurs décisions de la Cour d’appel fédérale que la division générale aurait dû suivreNote de bas de page 6.

[12] Je conviens que la division générale n’avait pas de bonnes raisons de s’écarter des décisions exécutoires de la Cour d’appel fédérale. Bref, la prestataire a placé ses études en premier et son travail en deuxième.

[13] Je salue les efforts de la prestataire pour reprendre le travail aussi rapidement. Toutefois, la prestataire exerçait habituellement sa profession dans le domaine de l’éducation. Elle avait travaillé dans ce domaine pendant environ 10 ans. L’horaire des cours de la prestataire était cependant incompatible avec le travail dans ce domaine, de sorte qu’elle a dû quitter son emploi et passer à un secteur différent (quoique connexe).

[14] Dans ces circonstances, la division générale aurait dû suivre les décisions de la Cour d’appel fédérale sur lesquelles la Commission s’appuie. Elle a commis une erreur de droit en s’écartant de ces décisions.

[15] En outre, je conclus que la division générale a commis une erreur de droit en concluant qu’un ajout récent à la loi a écarté la présomption selon laquelle les étudiants à temps plein ne sont pas disponibles pour travaillerNote de bas de page 7. La division générale n’a pas expliqué pourquoi elle interprétait ce nouvel article de la loi comme s’il modifiait le droit sur la disponibilité, y compris les décisions antérieures de la Cour d’appel fédérale.

Je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre

[16] Les parties conviennent que je devrais rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 8. La prestataire a reconnu qu’elle était en mesure de présenter complètement ses arguments au niveau de la division générale.

[17] J’ai écouté l’enregistrement de l’audience de la division générale et j’accepte qu’il convient pour moi de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. En effet, les faits de l’affaire ne sont pas particulièrement complexes ou controversés.

La prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi qu’elle a reçu

[18] Comme je l’ai mentionné précédemment, une personne qui veut des prestations régulières d’assurance-emploi doit démontrer (entre autres choses) qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’elle n’est pas en mesure de trouver un emploi convenableNote de bas de page 9. La loi ne définit pas « disponible », mais la Cour d’appel fédérale a établi les éléments de l’arrêt Faucher pour guider le Tribunal dans l’évaluation de la disponibilité d’une personne.

Le Tribunal tient compte du contexte lorsqu’il évalue la disponibilité d’une personne

[19] Le Tribunal ne peut évaluer la disponibilité d’une personne dans l’abstrait. Autrement dit, une personne n’a pas à démontrer qu’elle est disponible pour tous les emplois. L’accent est plutôt mis sur un emploi convenableNote de bas de page 10.

[20] D’autres parties de la loi renforcent également l’importance d’un emploi convenable. Une personne qui veut des prestations d’assurance-emploi doit être disponible pour un emploi convenable et doit faire des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un tel emploiNote de bas de page 11.

[21] La loi fournit des indications sur ce qu’est un emploi convenableNote de bas de page 12. Cela dépend de facteurs comme la profession habituelle d’une personne, sa situation personnelle, ses revenus antérieurs et ses conditions de travail.

La loi suppose que les étudiants à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler

[22] La loi suppose que les étudiants à temps plein ne sont pas disponibles pour travaillerNote de bas de page 13. La présomption est particulièrement forte pour les élèves qui quittent un emploi à temps plein pour fréquenter l’école.

[23] La présomption semble constituer une façon rapide de signaler que, pour tenir compte de leur horaire de cours, les étudiants à temps plein limitent normalement leur disponibilité de façon disparate. Par conséquent, il est souvent difficile pour les étudiants à temps plein de satisfaire au troisième élément de l’arrêt Faucher.

[24] Toutefois, la présomption ne s’applique pas aux étudiants qui peuvent démontrer qu’ils vivent une situation exceptionnelle, notamment des antécédents de travail et d’études en même tempsNote de bas de page 14.

La prestataire n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler

[25] La présomption d’indisponibilité s’applique à la prestataire.

[26] La prestataire était une étudiante à temps plein et elle n’a pas démontré qu’elle présentait l’une ou l’autre des circonstances spéciales nécessaires pour écarter la présomption d’indisponibilité.

[27] Je reconnais que la prestataire a maintenu une certaine disponibilité pour travailler et qu’elle a pu trouver du travail dans un autre domaine avec une rapidité raisonnable.

[28] Toutefois, la prestataire a accordé la priorité à ses études.

[29] Tout en essayant d’éviter de juger les priorités de la prestataire, son horaire de cours limitait de façon importante sa disponibilité pour travailler. Elle s’est retrouvée en chômage et a dû se trouver du travail dans un autre domaine. La prestataire a démontré et a répété à plusieurs reprises à la Commission qu’elle ne quitterait pas son programme ou ne modifierait pas son horaire pour accepter du travailNote de bas de page 15.

[30] Dans les circonstances, je ne suis pas en mesure de trouver une différence significative entre cette affaire et d’autres affaires dans lesquelles les tribunaux ont conclu que l’horaire de cours d’une personne limitait sa disponibilité d’une manière qui signifiait qu’elle n’était pas disponible pour travailler et qu’elle n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 16.

[31] Je reconnais que la prestataire a cotisé au régime d’assurance-emploi pendant de nombreuses années et je soutiens qu’il aurait dû être disponible pendant qu’elle en avait besoin. Toutefois, les prestations d’assurance-emploi ne sont pas versées en fonction des besoins d’une personne. La loi établit plutôt divers critères à respecter pour qu’une personne reçoive des prestations d’assurance-emploi.

Les pouvoirs limités du Tribunal de surveiller la qualité des services que la Commission a fournis à la prestataire

[32] Lors des deux audiences du Tribunal, la prestataire s’est dit préoccupée par la qualité du service qu’elle a reçu de la Commission. Elle a dit avoir répondu honnêtement aux questions de la Commission au sujet de son horaire de cours que la Commission a confirmé son admissibilité aux prestations, puis qu’elle a changé d’idée beaucoup plus tard sur la base des mêmes renseignements.

[33] Bien que ce ne soit pas formulé de cette façon, la prestataire semble soutenir que la Commission n’a pas agi de façon judiciaire lorsqu’elle a utilisé ses pouvoirs discrétionnaires pour rouvrir sa demandeNote de bas de page 17. Par exemple, la Commission a examiné les renseignements fournis par la prestataire au sujet de sa disponibilité et a approuvé sa demande. La Commission ne devrait pas, alors, être en mesure de changer d’avis et d’exiger un remboursement fondé sur les mêmes renseignements.

[34] Je conviens que la Commission a fourni à la prestataire un mauvais service en l’espèce. Toutefois, la Cour d’appel fédérale a affirmé que la mésinformation et le mauvais service de la Commission ne peuvent pas modifier les exigences de la loi ni libérer une personne de devoir rembourser des prestations qu’elle n’aurait pas dû recevoirNote de bas de page 18.

[35] Je dois également reconnaître que la loi confère à la Commission de vastes pouvoirs pour réexaminer la demande d’une personneNote de bas de page 19. Compte tenu de toutes les circonstances de la présente affaire, la prestataire n’a pas démontré que la Commission a omis d’utiliser ses pouvoirs discrétionnaires de façon judiciaire.

[36] La prestataire se plaint également que la Commission a retenu les prestations qui lui étaient dues pour recouvrer sa dette, même si son appel devant le Tribunal était toujours en instance.

[37] Je compatis avec la prestataire et je comprends comment cela a pu la placer dans une situation financière difficile. Selon ce que je comprends, la Commission ne procède pas ainsi d’habitude. Toutefois, je n’ai pas le pouvoir ni les renseignements nécessaires pour traiter cette plainte. Je dirigerais plutôt la prestataire vers le Bureau de la satisfaction des clients de Service CanadaNote de bas de page 20.

Conclusion

[38] La division générale a mal compris le droit relatif à la disponibilité. Par conséquent, je fais droit à l’appel de la Commission et rends la décision que la division générale aurait dû rendre. La prestataire n’était pas disponible pour travailler entre le 4 octobre et le 16 décembre 2020, ce qui signifie qu’elle n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi qu’elle a reçues entre ces dates.

[39] Cette décision signifie également que la prestataire doit rembourser un montant important de prestations. Si elle ne l’a pas déjà fait, la prestataire pourrait également communiquer avec l’Agence du revenu du Canada pour lui demander si une partie ou la totalité de sa dette pourrait être défalquée parce que cela lui cause de graves difficultés financièresNote de bas de page 21. Par ailleurs, la prestataire et l’Agence du revenu du Canada pourraient convenir d’un plan de remboursement gérable.

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