Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1261

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : J. N.
Représentant : T. N.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance emploi du Canada (452784) datée du 4 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Mark Leonard
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience  : Le 12 septembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Représentant de l’appelante
Date de la décision : Le 21 septembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2737

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante (la prestataire) n’a pas droit aux prestations anticipées d’assurance‑emploi de 2 000,00 $ qui lui ont été versées parce qu’aucune demande de semaines de chômage n’a été présentée dans le délai prescrit par la loi pour comptabiliser l’avance.

Aperçu

[3] La prestataire a établi une demande initiale de Prestation d’assurance‑emploi d’urgence (PAEU) à compter du 17 mai 2020. Cela rendait la prestataire admissible à la PAEU pour la période allant de l’établissement de sa demande jusqu’au 26 septembre 2020. Pendant cette période, la prestataire a dû présenter des déclarations bimensuelles (demandes) confirmant qu’elle était demeurée sans emploi pour recevoir des prestations.

[4] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada (Commission) affirme qu’elle a versé à la prestataire un paiement initial (avance) de 2 000,00 $ en mai 2020, conformément aux dispositions de la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi). Par la suite, la Commission a exclu la prestataire parce qu’elle affirme qu’elle n’a jamais produit de déclarations bimensuelles pour des semaines de chômage afin de tenir compte des prestations d’assurance‑emploi qui lui ont été versées. Cela a donné lieu à un trop‑payé de 2 000,00 $ pouvant faire l’objet d’un recouvrement.

[5] Le représentant de la prestataire affirme que cette dernière était incapable de prendre des décisions en raison du caractère précoce de la maladie d’Alzheimer. Il affirme qu’il n’était pas au courant de la demande de la prestataire et qu’il n’a obtenu une procuration pour ses affaires financières que beaucoup plus tard, lorsqu’il était trop tard pour faire les déclarations. Il soutient que la prestataire aurait été admissible aux prestations si elle avait fait ses déclarations. Comme elle était incapable, elle ne devrait pas être tenue responsable de les rembourser. Il demande au Tribunal d’annuler le trop‑payé pour des motifs humanitaires.

[6] Je dois décider si la prestataire avait droit aux prestations anticipées de la PAEU.

Questions en litige

[7] La prestataire a‑t‑elle droit aux prestations anticipées de la PAEU qui ont été versées?

[8] Le trop‑payé peut‑il être défalqué ou réduit?

Analyse

[9] En mars 2020, le gouvernement a modifié la Loi sur l’assurance‑emploi pour permettre au ministre de prendre des arrêtés provisoires afin d’atténuer les effets de la pandémie de COVID-19Note de bas page 1.

[10] L’un des arrêtés ajoutait une prestation temporaire appelée PAEU. Cette prestation est devenue disponible le 15 mars 2020. Les prestataires qui ont présenté une demande initiale de prestations entre le 15 mars 2020 et le 26 septembre 2020 étaient réputés avoir présenté une demande de PAEU. La période applicable à ces prestations allait du 15 mars 2020 au 3 octobre 2020. Par la suite, les prestataires devaient présenter une nouvelle demande ou faire établir automatiquement de nouvelles demandes d’assurance‑emploi par la Commission.

[11] Pour recevoir le maximum de 500,00 $ par semaine en prestations pendant cette période de prestations, les prestataires devaient remplir leurs déclarations bimensuelles habituelles confirmant leur chômageNote de bas page 2. La loi exige en outre explicitement que les prestataires présentent toutes les demandes de PAEU au plus tard le 2 décembre 2020Note de bas page 3.

Question en litige no 1 : La prestataire a‑t‑elle droit aux prestations de la PAEU versées?

[12] La prestataire n’est pas admissible au paiement anticipé de 2 000,00 $ parce qu’elle n’a pas présenté de déclarations bimensuelles pour les semaines de chômage comprises dans la période de prestations.

[13] La prestataire a présenté sa demande initiale en mai 2020 et la demande est réputée être entrée en vigueur le 17 mai 2020.

[14] La Commission a émis une avance initiale immédiate de 2 000,00 $. Cette avance couvre quatre semaines de prestations qui doivent être comptabilisées avec les demandes de prestations pour les semaines de chômage.

[15] La Commission soutient que la prestataire n’a présenté aucune déclaration pour demander des semaines de chômage avant que son représentant possédant une procuration ne présente une autre demande initiale en son nom à compter du 8 octobre 2020. Lorsque le représentant a présenté la nouvelle demande, la Commission a appliqué sa politique de réactivation automatique de sa demande antérieureNote de bas page 4. Elle a ensuite appliqué les dispositions du Règlement lui permettant de verser des prestations admissibles liées à cette demandeNote de bas page 5.

[16] Comme la prestataire n’avait fait aucune déclaration au cours des quatre semaines précédentes, la Commission a décidé qu’elle ne pouvait payer qu’une semaine de prestations liées à la demande de mai 2020 (du 27 septembre 2020 au 3 octobre 2020). Elle a versé 500,00 $ à la prestataire. La Commission mentionne qu’aucune autre déclaration bimensuelle n’a été soumise.

[17] Elle affirme que, puisque la prestataire n’a pas présenté de déclarations pour rendre compte des quatre semaines de prestations anticipées, elle n’a pas droit aux prestations qui lui ont été versées. Par conséquent, elle a établi un trop‑payé de 2 000,00 $ pouvant faire l’objet d’un recouvrement.

[18] Le représentant de la prestataire ne conteste pas que celle‑ci a reçu à la fois le paiement anticipé de 2 000,00 $ et des prestations hebdomadaires de 500,00 $. Il convient également que ni lui ni la prestataire n’ont présenté de déclarations bimensuelles pour tenir compte des semaines de chômage survenues au cours de la période de prestations.

[19] Toutefois, le représentant affirme que la prestataire avait une bonne raison de ne pas déposer de demandes. Il affirme que la prestataire, son épouse, souffrait d’Alzheimer précoce. La famille avait remarqué que la santé mentale de la prestataire se détériorait au début de 2020. Il a expliqué que ses oublis de plus en plus fréquents étaient la raison pour laquelle elle a perdu son emploi. Il ignorait qu’elle avait présenté une demande d’assurance‑emploi en mai 2020 avec l’aide d’un ami. Il a affirmé qu’il n’était pas inhabituel que son épouse oublie de l’informer de choses qu’elle avait faites. S’il avait été au courant, il aurait veillé à ce que les déclarations soient soumises.

[20] Les médecins de la prestataire ont finalement posé un diagnostic d’Alzheimer précoce. Ils ont confirmé que la capacité de la prestataire de mener ses propres affaires a été gravement affectée dès mars 2020.

[21] Compte tenu de ces renseignements, le représentant a pris des mesures pour obtenir une procuration afin de gérer la santé et les finances de son épouse. Il n’a pas reçu cette procuration approuvée avant octobre 2020.

[22] Une fois dûment autorisé à prendre des décisions au nom de son épouse, le représentant a présenté une demande initiale de prestations de maladie de l’assurance‑emploi au nom de la prestataire. Le représentant affirme qu’il n’était pas au courant de la demande de mai 2020. Ce n’est qu’après avoir été approuvé et après avoir reçu un code d’accès qu’il a pu accéder à son compte en ligne et a appris en février 2021 qu’il existait une autre demande antérieure et qu’elle faisait l’objet d’un trop‑payé de prestations.

[23] Le représentant a témoigné qu’il avait tenté de fusionner les demandes, puis d’antidater les demandes afin de pouvoir présenter des déclarations bimensuelles pour tenir compte des semaines de chômage vécues par son épouse. Il affirme que la Commission a rendu une décision rejetant l’antidatation des demandes. Il est à noter que la décision de la Commission concernant l’antidatation des réclamations ne fait pas l’objet du présent appel. Le seul objet du présent appel est l’admissibilité de la prestataire à recevoir des prestations découlant de sa demande de mai 2020.

[24] Il affirme que la prestataire était légitimement sans emploi et qu’elle aurait reçu les prestations de la PAEU si elle avait soumis les déclarations. Il fait valoir que c’est son état de santé qui a causé son oubli de produire les déclarations. Il soutient que le trop‑payé n’existerait pas sans ce fait.

[25] Je suis convaincu, d’après les renseignements médicaux contenus dans les observations et le témoignage du représentant, que la prestataire éprouvait un problème de santé qui nuisait à sa capacité de faire ses déclarations bimensuelles.

[26] Habituellement, la prestataire ou son représentant pourrait demander que les demandes tardives soient antidatées à une date antérieureNote de bas page 6. Les dispositions de la partie I de la Loi reconnaissent que, dans certains cas, des circonstances exceptionnelles pourraient empêcher un prestataire de faire des déclarations et que ces circonstances répondront à la définition de motif valable justifiant un retard. Dans ces cas, les demandes peuvent être antidatées et les prestations admissibles peuvent être versées.

[27] À mon avis, l’état de santé de la prestataire est une circonstance exceptionnelle qui aurait probablement été considérée comme un motif valable justifiant le retard à présenter ses demandes.

[28] Toutefois, les dispositions contenues dans les arrêtés provisoires ne permettent pas d’antidater une demandeNote de bas page 7. Les dispositions prévoient explicitement qu’aucune demande ne peut être faite plus tard que le 2 décembre 2020. En outre, les arrêtés provisoires précisent également qu’en cas de conflit avec d’autres parties de la Loi, les dispositions des arrêtés provisoires l’emportentNote de bas page 8.

[29] J’accuse réception de renseignements supplémentaires (GD5) du représentant. Ceux‑ci décrivent un échéancier regrettable indépendant de sa volonté qui a contribué au retard dans la production de déclarations au nom de la prestataire. Dans des circonstances différentes, ces renseignements auraient pu s’ajouter aux circonstances exceptionnelles pour justifier un motif valable de retard. Cependant, le libellé strict de l’arrêté provisoire prévaudrait toujours.

[30] Par conséquent, peu importe la nature exceptionnelle des circonstances qui ont entraîné le retard de la prestataire à produire des déclarations, il n’existe tout simplement pas d’option pour les antidater afin de prendre en compte des semaines de chômage qui s’inscrivent dans la période de prestations de la PAEU.

[31] Je conclus que la prestataire a reçu un paiement anticipé de 2 000,00 $ de prestations d’assurance‑emploi. Elle n’a pas rempli de déclarations bimensuelles (demandes) des semaines de chômage pour tenir compte du paiement anticipé. Par conséquent, la prestataire n’a pas droit aux 2 000,00 $ de prestations d’assurance‑emploi qui ont été versées.

[32] Le représentant a témoigné qu’il avait déjà remboursé le trop‑payé, mais que ce geste lui a occasionné des difficultés financières.

Question en litige no 2 : Le trop-payé peut‑il être défalqué ou réduit?

[33] Ma compétence se limite aux décisions qui ont été révisées par la CommissionNote de bas page 9. Dans le présent appel, la seule question en litige est le droit à des prestations anticipées d’assurance‑emploi qui ont été versées à la prestataire.

[34] Je comprends que le représentant de la prestataire a vécu une longue période stressante en raison de l’état de santé de son épouse. Je fais preuve d’empathie à l’égard de ses préoccupations concernant sa situation financière défavorable découlant du trop‑payé.

[35] Toutefois, je n’ai pas le pouvoir discrétionnaire de renoncer au trop‑payé, même si la situation de la prestataire peut se révéler impérieuse. La loi ne me permet tout simplement pas de dégager la prestataire de sa responsabilité à l’égard du trop‑payéNote de bas page 10. Je ne peux pas réécrire la loi, ni l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaire, même si le résultat peut sembler injusteNote de bas page 11.

Conclusion

[36] L’appel est rejeté.

[37] La prestataire n’a pas droit aux prestations anticipées d’assurance‑emploi qui lui ont été versées parce qu’elle n’a pas présenté les demandes requises dans le délai prescrit par la loi pour comptabiliser les semaines de chômage.

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