Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RE c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1542

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : R. E.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentant : Joshua Toews

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (454439) datée du 8 mars 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Paul Dusome
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 7 septembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 16 septembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1086

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a été suspendue puis a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a posé un geste qui a entraîné sa suspension et qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, la prestataire est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi et est exclue du bénéfice des prestationsNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire a été suspendue de son emploi puis a été congédiée. Son employeur a dit qu’elle avait été suspendue et ensuite congédiée parce qu’elle ne s’était pas conformée à un décret de vaccination obligatoire contre la COVID-19 émis par le directeur de la santé publique (DSP) de la province. 

[4] La prestataire ne conteste pas ce qui s’est produit. Elle affirme que son non-respect du décret n’est pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté le motif de congédiement invoqué par l’employeur. Elle a conclu que la prestataire avait été suspendue et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi la Commission a décidé que la prestataire est non admissible aux prestations d’assurance-emploi et exclue du bénéfice des prestations.

Question que je dois examiner en premier

La prestataire a soulevé une contestation fondée sur la Charte canadienne des droits et libertés (Charte)

[1] La prestataire s’est fondée en partie sur la Charte pour contester en appel la décision de la Commission. Elle a déposé un avis de contestation fondée sur la Charte comme elle y avait droit. Cet avis permet une évaluation préliminaire de la question de savoir s’il existe des motifs suffisants pour que cet appel soit instruit en tant que contestation fondée sur la Charte. Par conséquent, la prestataire doit démontrer deux choses. Premièrement, invoquer une disposition particulière de la législation sur l’assurance-emploi qui contrevient à la Charte. Deuxièmement, donner les grandes lignes d’un argument constitutionnel. Si la prestataire obtenait gain de cause à l’égard de son avis, le présent appel serait traité comme comportant une contestation de la Loi sur l’assurance-emploi fondée sur la Charte. Une telle contestation nécessite de nombreux éléments de preuve et des observations juridiques, ainsi qu’un avis aux 14 procureurs généraux du Canada, qui sont ensuite autorisés à participer à l’appel. L’appel serait également confié à un autre membre du Tribunal, qui est désigné pour s’occuper des appels fondés sur la Charte.

[6] Après avoir évalué l’avis de la prestataire et les observations faites par la Commission, j’ai rendu une décision écrite selon laquelle l’avis ne satisfaisait pas aux exigences permettant de soulever une question constitutionnelle dans le présent appel. Le présent appel se poursuit comme un appel régulier, sans porter sur la Charte.

Question en litige

[7] La prestataire a-t-elle été suspendue, puis congédiée en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] Pour répondre à la question de savoir si la prestataire a été suspendue, puis congédiée en raison d’une inconduite, je dois trancher deux questions. Premièrement, je dois établir le motif pour lequel la prestataire a été suspendue, puis congédiée. Je dois ensuite décider si ce motif constitue une inconduite selon la loi.

Pourquoi la prestataire a-t-elle été suspendue, puis congédiée?

[9] Je conclus que la prestataire a été suspendue, puis congédiée parce qu’elle ne s’est pas fait vacciner contre la COVID-19 comme l’exige le décret obligatoire.

[10] La prestataire ne conteste pas qu’il s’agissait du motif de la suspension et du congédiement. La prestataire a admis dans son témoignage qu’il s’agissait du motif. Je ne vois aucun élément de preuve qui contredit le fait que le non-respect du décret était le motif. Je conclus que la prestataire a été suspendue, puis congédiée pour non-respect du décret.

Le motif de la suspension, puis du congédiement de la prestataire est-il une inconduite au sens de la loi?

[11] Le motif de la suspension, puis du congédiement de la prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[12] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 2. L’inconduite doit être une conduite à ce point insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 3. La prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, elle n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 4.

[13] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit congédiéeNote de bas de page 5.

[14] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 6.

[15] Les facteurs susmentionnés visant à établir l’inconduite aux fins de l’assurance-emploi s’appliquent à la fois à la suspension et au congédiement.

[16] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que les quatre éléments de la définition de l’inconduite étaient présents. Le refus de se conformer de la prestataire était délibéré. Elle savait que si elle n’était pas vaccinée à une certaine date, elle ne pourrait pas continuer à travailler. Cela a nui à sa capacité d’exécuter ses fonctions. Elle connaissait les conséquences de la non-conformité : suspension puis congédiement. Son refus de se conformer a entraîné sa suspension et son congédiement.

[17] La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que la vaccination obligatoire portait atteinte à sa foi religieuse. Elle était prête à accepter d’autres mesures pour assurer sa sécurité et celle des autres, comme des tests périodiques. Elle a attrapé la COVID-19 et s’est rétablie. Elle a donc une immunité naturelle. Le vaccin entraînait de graves effets secondaires.

[18] Je conclus que la Commission a démontré qu’il y a eu inconduite parce qu’elle a prouvé les quatre facteurs qui composent l’inconduite aux fins de l’assurance-emploi.

Conclusions de fait relatives à la question de l’inconduite

[19] La prestataire travaillait comme infirmière autorisée auprès d’une autorité sanitaire provinciale. Le DSP de la province avait émis le décret imposant une politique obligatoire de vaccination contre la COVID-19 à tous les fournisseurs de soins de santé et à tous les travailleurs de la santé. Selon le décret, les employés devaient être entièrement vaccinés contre la COVID au plus tard le 25 octobre 2021 ou prendre des mesures afin d’être entièrement vaccinér au plus tard le 14 novembre 2021. Une autre exigence du décret était que l’employeur ne pouvait pas permettre aux employés non vaccinés de travailler. L’employeur était tenu de se conformer aux conditions du décret. Rien ne prouve que l’employeur avait sa propre politique de vaccination. L’employeur a interprété le décret pour autoriser la suspension ou le congédiement des membres du personnel qui ne se conformaient pas à l’exigence de vaccination obligatoire énoncée dans le décret. L’employeur a suspendu puis a congédié la prestataire pour défaut de se conformer au décret. Le décret prévoyait une exemption à la vaccination pour des raisons médicales seulement. La prestataire n’a pas demandé d’exemption. Elle n’a pas reçu le vaccin contre la COVID-19.

[20] La preuve documentaire à l’appui du décret et de son contenu est incomplète. Il n’y a pas de copie du décret. Le ministère de la Santé de la province a élaboré une directive de cinq pages sur le processus de demande d’exemption à la vaccination. Celle-ci est datée du 8 octobre 2021, mais ne traite que du processus d’exemption. Le seul motif de demande d’exemption était [traduction] « que la santé de la personne serait gravement compromise si elle se conformait au décret ». Les critères pour satisfaire à ces motifs étaient extrêmement rigoureux. Il n’y a pas de copie de la politique écrite de l’employeur sur la COVID-19, s’il en existait une. L’employeur a envoyé à tous les employés une lettre datée du 15 octobre 2021. Seule la première page de cette lettre est présente. Cette page indique la date limite du 25 octobre pour recevoir au moins une dose du vaccin pour pouvoir continuer à travailler. Cette page indique que, si un employé n’a pas reçu la première dose du vaccin avant le 26 octobre, [traduction] « vous ne serez pas autorisé à travailler, que ce soit sur place ou à distance ». Dans un courriel daté du 26 octobre 2021, l’employeur a envoyé à la prestataire une lettre datée du 22 octobre 2021 qui était adressée à celle-ci. La lettre renferme une importante mise à jour sur la vaccination obligatoire. Elle renvoie au décret du DSP du 13 septembre 2021 qui exige que tous les employés du secteur de la santé soient entièrement vaccinés contre la COVID-19 au plus tard le 26 octobre 2021. Elle renvoie également à une mise à jour du décret du 14 octobre 2021 qui permet aux employés de continuer à travailler s’ils ont reçu la première dose du vaccin au plus tard le 25 octobre, ont reçu la deuxième dose dans les 28 à 35 jours suivant la première dose et ont continué de suivre les mesures préventives jusqu’à sept jours après la réception de la deuxième dose. La lettre indiquait que, à moins que l’employé ne soit vacciné comme l’exige le décret ou qu’il possède une exemption médicale approuvée ou soit en voie de l’obtenir, il ne pourra pas travailler à compter du 26 octobre 2021. Elle précisait également ce qui suit : [traduction] « Si vous ne recevez pas la première dose pendant la période de congé sans solde, vous serez congédié ». Le dernier document est la lettre du 22 novembre 2021 mettant fin à l’emploi de la prestataire. La prestataire a fourni tous ces documents à la Commission. Le seul commentaire de l’employeur a été une conversation que la Commission a eue avec l’adjoint aux relations de travail de l’employeur. Ce commentaire indiquait le motif de cessation d’emploi énoncé dans la lettre de cessation d’emploi, c’est-à-dire le non-respect du décret concernant la vaccination obligatoire.

[21] En l’absence d’une politique écrite de l’employeur, je conclus que la politique de l’employeur était constituée du décret et de l’interprétation du décret par l’employeur relativement au congé et au licenciementNote de bas de page 7.

[22] La prestataire était au courant du décret. Elle l’avait lu, mais ne savait pas quand exactement. Le décret ne mentionnait rien au sujet du licenciement. Avant octobre, l’employeur n’avait aucun document écrit au sujet de la vaccination. Des renseignements indiquaient que l’employeur recommandait de se faire vacciner, mais rien au sujet des conséquences de ne pas le faire. Il était question que le vaccin soit obligatoire. La direction de l’hôpital n’était pas certaine si des employés seraient congédiés pour non-conformité. Son gestionnaire a exprimé cette incertitude lorsqu’il l’a rencontrée avant la date limite du 25 octobre. Selon la lettre de l’employeur datée du 15 octobre 2021, elle a compris qu’elle ne serait pas autorisée à travailler ou à être à l’hôpital si elle n’avait pas reçu la première dose avant le 25 octobre. Son gestionnaire le lui a confirmé lors d’une réunion qui a eu lieu le vendredi précédant le 26 octobre. Lors de cette réunion, le gestionnaire a bel et bien dit à la prestataire qu’il était possible qu’elle soit congédiée. Elle a bien reçu la lettre de l’employeur datée du 22 octobre 2021 dans le courriel du 26 octobre. Elle l’a lue. Elle pensait que le licenciement était une menace en l’air ou un argument alarmiste. Des collègues et certains gestionnaires ont cru qu’il s’agissait d’une menace en l’air, compte tenu du manque de personnel à l’hôpital. À certains moments, l’hôpital avait atteint 125 % de sa capacité avant la COVID-19. La pandémie n’a fait qu’empirer la situation en raison de l’augmentation du nombre d’admissions et des absences du personnel pour cause de maladie ou de stress.

[23] La prestataire n’a pas demandé d’exemption à l’obligation de vaccination. Elle estimait ne pas avoir de motifs médicaux valables pour obtenir une exemption. Rien ne permettait une exemption pour des motifs religieux. Elle n’a pas reçu le vaccin contre la COVID-19.

Décision sur l’inconduite

[24] La Commission a prouvé les quatre facteurs qui constituent une inconduite aux fins de l’assurance-emploi.

[25] Premièrement, le non-respect de l’exigence de vaccination obligatoire était délibéré. La décision de la prestataire de ne pas se faire vacciner était consciente, voulue et intentionnelle. Elle a fait le choix en fonction de sa foi religieuse. La prestataire a déclaré que sa conduite n’était ni délibérée ni malveillante. Elle était fondée sur sa foi. La malveillance ne fait pas partie de la définition d’inconduite dans le contexte de l’assurance-emploi, comme je l’ai mentionné précédemment. Pour ce qui est du choix fondé sur sa foi, la prestataire a été confrontée à un dilemme : d’un côté, la pression de se faire vacciner pour conserver son emploi; de l’autre, la pression de respecter les principes de sa foi. La prestataire a résolu le problème en optant pour un côté plutôt que l’autre. Malgré des pressions opposées, elle a fait le choix intentionnel, voulu et conscient de se ranger du côté de sa foi et de refuser le vaccin. Ce geste correspond à la définition du caractère délibéré.

[26] Deuxièmement, la prestataire savait qu’elle risquait réellement d’être suspendue ou congédiée en raison de son non-respect de l’exigence de vaccination. La preuve démontre que l’employeur s’est d’abord mal exprimé quand il a informé le personnel des exigences du décret et des exigences relatives aux congés et au licenciement selon son interprétation du décret. La date définitive pour que l’employeur communique la possibilité d’un congé est la lettre envoyée par courriel le 15 octobre 2021 à tous les employés. La prestataire a reçu, lu et compris cette lettre. La lettre était claire. Si un employé n’avait pas reçu la première dose du vaccin avant le 26 octobre, [traduction] « vous ne serez pas autorisé à travailler, sur place ou à distance… » Un gestionnaire avait averti la prestataire de la suspension lors de leur rencontre du vendredi précédant le début du congé. La prestataire savait dès le 15 octobre 2021 qu’elle serait suspendue.

[27] En ce qui concerne le licenciement, la preuve de la possibilité de congédiement est ambiguë au départ. Il n’y a rien dans la preuve de l’employeur concernant le licenciement avant sa lettre à la prestataire datée du 22 octobre 2021, mais qui lui a été envoyée par courriel le 26 octobre tandis qu’elle était déjà suspendue. La lettre était claire : [traduction] « Si vous n’avez pas reçu la première dose d’ici le 25 octobre, vous serez mis en congé sans solde du 26 octobre 2021 au 14 novembre 2021. Si vous ne recevez pas la première dose pendant cette période de congé sans solde, vous serez congédié. » Cette affirmation contredit son témoignage selon lequel elle n’avait pas été avertie de la possibilité d’un congédiement. Dans la lettre sont aussi décrites les étapes qu’elle doit suivre pour être entièrement vaccinée afin de conserver son emploi. Au départ, le personnel et certains gestionnaires pensaient que le licenciement constituait une menace en l’air, un argument alarmiste. La prestataire a également témoigné qu’elle ne savait pas avec certitude qu’elle serait congédiée avant le 22 novembre, date à laquelle cela s’est produit. Le 26 octobre, l’employeur a mis la prestataire en congé sans solde. À ce moment-là, la prestataire aurait dû savoir que le licenciement pour défaut de se faire vacciner était une réelle possibilité et non une menace en l’air. Elle s’est retrouvée en congé sans solde. On lui a indiqué les étapes qu’elle devait suivre pour conserver son emploi ainsi que la date limite du 14 novembre pour la première étape. On lui a précisé qu’elle serait la conséquence du défaut de procéder à la première étape avant le 14 novembre, soit le licenciement. Elle aurait dû savoir dès le 26 octobre 2021 que le congédiement était une réelle possibilité.

[28] Troisièmement, la prestataire savait ou aurait dû savoir que son manquement pouvait nuire à l’exécution de ses obligations envers son employeur. Il devait être évident pour la prestataire que si elle était suspendue ou congédiée, l’entrée à l’hôpital lui serait interdite et elle ne pourrait donc exécuter aucune de ses obligations envers l’employeur. De plus, l’employeur était tenu, aux termes du décret, de s’assurer que le personnel était vacciné. Le fait de ne pas être vacciné comme il se doit constituait un manquement à une obligation envers l’employeur. Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8. La prestataire a témoigné que sa capacité d’exercer ses fonctions n’était pas compromise. Son rendement au travail n’était pas affecté, elle entretenait d’excellentes relations de travail et elle était disposée à prendre d’autres précautions pour protéger les patients et ses collègues, de sorte qu’elle ne présentait pas plus de danger pour la santé que le personnel vacciné. Ces points sont valables. Mais ils ne tiennent pas compte du fait qu’aux termes du décret elle ne pouvait pas être présente à l’hôpital pour exercer ses fonctions. Ses capacités personnelles n’ont peut-être pas été affectées. Mais sa capacité à se rendre au travail pour exercer ses fonctions a été suspendue, puis elle a pris fin. C’est son non-respect qui l’empêchait d’exécuter ses obligations envers son employeur. Si elle s’était conformée, elle aurait continué à travailler.

[29] Quatrièmement, le non-respect de l’exigence de vaccination par la prestataire était la cause de sa suspension, puis de son congédiement. La prestataire l’a admis dans son témoignage.

[30] En statuant sur la question de l’inconduite, je n’ai pas abordé un certain nombre des motifs invoqués par la prestataire à l’appui de son appel. Elle a affirmé qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que la vaccination obligatoire portait atteinte à sa foi religieuse. Elle était prête à accepter d’autres mesures pour assurer sa sécurité et celle des autres, comme des tests périodiques. Elle a attrapé la COVID-19 et s’est rétablie. Elle a donc une immunité naturelle. Le vaccin entraînait de graves effets secondaires.

Réponse aux motifs de la prestataire qui n’ont pas été examinés dans la décision

[31] Dans l’évaluation de ces motifs, le point de départ de l’analyse est le pouvoir limité du Tribunal de trancher les appels en matière d’assurance-emploi. Contrairement aux cours supérieures, le Tribunal n’a pas une vaste compétence ou autorité pour juger de la plupart des questions de fait ou de droit dont il peut être saisi. La section de l’assurance-emploi de la division générale du Tribunal n’a compétence que pour statuer sur une décision précise découlant d’une révision de la CommissionNote de bas de page 9. Dans le cas d’un appel de cette décision en particulier, le Tribunal peut rejeter l’appel, confirmer, annuler ou modifier la décision de la Commission en totalité ou en partie ou rendre la décision que la Commission aurait dû rendreNote de bas de page 10. Cela limite ce que le Tribunal peut faire dans les affaires d’assurance-emploi à la révision des décisions que la Commission rend en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi et de son règlement d’application. La section de l’assurance-emploi de la division générale du Tribunal doit respecter les limites de ce cadre.

[32] Je n’ai pas compétence pour décider si la requérante a une immunité naturelle contre la COVID-19 du fait qu’elle a attrapé le virus et s’est rétablie. Je n’ai pas non plus le pouvoir de décider dans quelle mesure les vaccins peuvent être efficaces ou s’ils peuvent causer des graves effets secondaires. Je ne peux donc pas me prononcer sur la question de savoir si le vaccin confère une immunité aux personnes qui le prennent ou s’il n’y a aucune preuve que le vaccin fonctionne ou que la prestataire risquait de propager la COVID-19 à d’autres personnes. Le recours de la prestataire dans ces affaires relève des tribunaux judiciaires.

[33] La prestataire affirme qu’elle était prête à accepter d’autres mesures pour assurer sa sécurité et celle des autres, comme des tests périodiques. Les employeurs ont un vaste pouvoir en ce qui concerne l’élaboration de politiques visant leurs employés. Comme il a été mentionné précédemment, l’employeur a été obligé d’appliquer le décret comme s’il s’agissait de sa propre politique, et y a ajouté les congés et le congédiement suivant son interprétation de l’exigence du décret selon laquelle l’employeur ne pouvait pas permettre aux employés non vaccinés de continuer à travailler. L’employé est lié par ces politiques. L’employeur a également le droit de modifier les politiques. Ce droit sert de réponse à l’argument de la prestataire selon lequel l’exigence de la vaccination ne faisait pas partie de son contrat initial, de sorte qu’elle n’a pas à s’y conformer. Elle doit respecter la politique de vaccination. La Cour d’appel fédérale a déclaré que le Tribunal n’a pas à décider si la politique de l’employeur était raisonnable ou si le congédiement d’un prestataire était justifié. Le Tribunal doit déterminer si la conduite de la prestataire constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 11.

[34] La prestataire affirme que l’employeur aurait dû prendre des mesures d’adaptation en lui permettant de continuer à travailler avec de l’équipement de protection et des tests fréquents de dépistage de la COVID-19. Il n’appartient pas au Tribunal de modifier la politique de l’employeur. La compétence du Tribunal consiste à trancher chaque appel qu’il instruit, dans le contexte de la loi sur l’assurance-emploi. Cette compétence ne consiste pas à porter un jugement sur l’application plus large des politiques de l’employeur ou des conditions contractuelles. Je ne peux pas statuer qu’un employeur aurait dû faire quelque chose de différent dans ses politiques. Cette compétence ne me permet pas non plus de rendre une décision qui modifierait la politique d’un employeur ou, par extension, un décret du DSP. La prestataire demande implicitement au Tribunal de modifier la condition du décret selon laquelle les employés non vaccinés ne sont pas autorisés à travailler, et l’interprétation de l’employeur concernant la suspension et le congédiement. La modification aurait pour effet de transformer l’interdiction de travailler visant les employés non vaccinés pour permettre aux employés non vaccinés de continuer à travailler sous réserve de l’utilisation d’équipement de protection et de résultats négatifs à tests de dépistage réguliers de la COVID-19. Je ne peux pas le faire.

[35] La prestataire fonde son principal argument sur sa foi religieuse. Selon elle, ses motifs religieux devraient être acceptés. Sa foi ne nuit pas à sa capacité de faire son travail. Sa croyance n’est pas une inconduite. C’était une erreur de se concentrer sur elle et non sur l’employeur. Elle ne désobéissait pas à l’employeur; elle demandait une exemption fondée sur la foi religieuse. Elle n’était pas disposée à créer une brèche entre elle et Dieu en se faisant vacciner. C’est sa foi qui a été utilisée pour lui refuser des prestations d’assurance-emploi. Cela est une erreur. La Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte de sa religion dans sa décision.

[36] Les trois premiers éléments (sa capacité de faire son travail, il n’y a pas eu d’inconduite, c’était une erreur de se concentrer sur elle et non sur l’employeur) ont été traités dans les paragraphes précédents. En ce qui concerne le fait de ne pas désobéir à l’employeur et de demander une exemption fondée sur la foi, la preuve n’appuie pas cet argument. Le décret (que l’employeur avait l’obligation légale d’appliquer) exigeait qu’elle soit vaccinée, elle ne l’était pas, de sorte qu’elle a désobéi à l’employeur. En ce qui concerne la demande d’exemption fondée sur la foi, elle n’a jamais demandé d’exemption à l’employeur. Elle a discuté de sa foi avec l’employeur. Elle n’a soulevé la question de l’exemption qu’auprès de la Commission, et maintenant auprès du Tribunal. L’exemption ne peut lui être accordée, car la prestataire demande au Tribunal de modifier le décret pour y inclure une exemption fondée sur des motifs religieux. Comme je l’ai mentionné précédemment, le Tribunal n’a pas le pouvoir de modifier le décret.

[37] La principale partie de l’argument de la prestataire est que les décisions de la Commission sont illégales et contraires aux avis de la Cour suprême du Canada sur la liberté de religion. Elle n’était pas disposée à créer une brèche entre elle et Dieu en se faisant vacciner. C’est sa foi qui l’a empêchée de recevoir des prestations d’assurance-emploi. La Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte de sa religion dans sa décision. Les décisions de la Commission sont illégales et contraires aux avis de la Cour suprême du Canada sur la liberté de religion. Cet argument ne peut pas être retenu. L’argument repose sur une citation tirée d’un arrêt de la Cour suprême du CanadaNote de bas de page 12. La citation est la suivante :

L’un des objectifs importants de la Charte est de protéger, dans les limites raisonnables, contre la coercition et la contrainte. La coercition comprend non seulement la contrainte flagrante exercée, par exemple, sous forme d’ordres directs d’agir ou de s’abstenir d’agir sous peine de sanction, mais également les formes indirectes de contrôle qui permettent de déterminer ou de restreindre les possibilités d’action d’autrui. La liberté au sens large comporte l’absence de coercition et de contrainte et le droit de manifester ses croyances et pratiques. La liberté signifie que, sous réserve des restrictions qui sont nécessaires pour préserver la sécurité, l’ordre, la santé ou les mœurs publics ou les libertés et droits fondamentaux d’autrui, nul ne peut être forcé d’agir contrairement à ses croyances ou à sa conscience.

La citation fait état d’une interprétation large de la liberté de religion qui appuie initialement la position de la prestataire. Mais la dernière phrase qualifie cette interprétation large des mots « restrictions qui sont nécessaires pour préserver la sécurité, l’ordre, la santé ou les mœurs publics ou les libertés et droits fondamentaux d’autrui ». Dans le cas de la pandémie de COVID-19, la liberté de religion de la prestataire est assujettie à des restrictions, comme le décret, pour préserver la sécurité, l’ordre et la santé publics et pour protéger les droits et libertés d’autrui.

Ainsi, la prestataire a-t-elle été suspendue, puis congédiée en raison d’une inconduite?

[38] Selon mes conclusions qui précèdent, j’estime que la prestataire a été suspendue, puis congédiée en raison d’une inconduite.

Conclusion

[39] La Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue, puis congédiée en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi pour la période de sa suspension, soit du 26 octobre au 19 novembre 2021, et est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 21 novembre 2021.

[40] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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