Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RE c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 8

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Demanderesse : R. E.
Défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 16 septembre 2022
(GE-22-1086)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Date de la décision : Le 3 janvier 2023
Numéro de dossier : AD-22-774

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse, R. E. (prestataire), a été suspendue, puis congédiée de son emploi d’infirmière autorisée parce qu’elle ne s’était pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Elle a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a décidé que le motif de la suspension et du congédiement de la prestataire était une inconduite. Elle a déclaré la prestataire non admissible et l’a ensuite exclue du bénéfice des prestations. La Commission a maintenu sa décision après que la prestataire eut présenté sa demande de révision.

[4] La prestataire a porté la décision de la Commission en appel devant la division générale du Tribunal. La division générale a rejeté l’appel de la prestataire. Elle a conclu que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, et qu’elle est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi et exclue du bénéfice des prestations.

[5] La prestataire veut maintenant interjeter appel de la décision de la division générale devant la division d’appel, mais a besoin d’une permission pour aller de l’avant avec son appel. La prestataire soutient que la division générale n’a pas respecté l’équité procédurale, a commis une erreur de droit et a commis une erreur de compétence. Elle soutient également que la division générale a fait preuve de partialité.

[6] Je dois décider si la division générale a fait une erreur susceptible de révision sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli. Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question préliminaire

[7] Devant la division générale, la prestataire a soutenu que la décision de lui refuser des prestations était contraire à la Charte canadienne des droits et libertés (Charte). La division générale a décidé que l’avis de contestation fondée sur la Charte de la prestataire ne satisfaisait pas aux exigences pour soulever une question constitutionnelle devant le Tribunal. Elle a rendu des motifs écrits de sa décision avant l’audience sur le fond de l’appel (décision fondée sur la Charte). C’est ce qu’on appelle une décision interlocutoire.

[8] L’audience devant la division générale a eu lieu et la décision a été rendue de rejeter l’appel (décision sur le fond). Dans sa demande de permission de faire appel, la prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de droit et de compétence et qu’elle n’a pas respecté l’équité procédurale. J’ai tenu compte des deux décisions de la division générale pour décider si la prestataire soulève un argument défendable selon lequel la division générale a commis une erreur.

Questions en litige

[9] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. a) Peut-on soutenir que la division générale n’a pas respecté l’équité procédurale en préjugeant l’appel de la prestataire ou en faisant preuve de partialité?
  2. b) Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit?
  3. c) Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en niant que les droits de la prestataire ont été violés et qu’elle n’a pas suivi la jurisprudence de la Cour suprême du Canada?

Analyse

[10] Le critère juridique auquel la prestataire doit satisfaire dans une demande de permission de faire appel est peu exigeant : Y a-t-il un moyen défendable sur le fondement duquel l’appel pourrait être accueilliNote de bas de page 1?

[11] Pour trancher cette question, je me suis concentrée sur la question de savoir si la division générale aurait pu commettre une ou plusieurs des erreurs pertinentes (ou des moyens d’appel) énumérées dans la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement socialNote de bas de page 2.

[12] Un appel n’est pas une nouvelle audition de la demande initiale. Je dois plutôt décider si :

  1. a) la division générale a omis d’offrir une procédure inéquitable;
  2. b) elle a omis de décider d’une question qu’elle aurait dû trancher ou a décidé d’une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  3. c) a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 3;
  4. d) a commis une erreur de droitNote de bas de page 4.

[13] Avant que l’appel de la prestataire puisse passer à la prochaine étape, je dois être convaincue qu’au moins un des moyens d’appel susmentionnés donne à l’appel une chance raisonnable de succès. Par « une chance raisonnable de succès », on entend qu’en faisant valoir ses arguments, la prestataire pourrait avoir gain de cause. Je devrais également tenir compte des autres moyens d’appel possibles qui n’ont pas été mentionnés expressément par la prestataireNote de bas de page 5.

On ne peut soutenir que la division générale a fait preuve de partialité

[14] La prestataire soutient que la division générale a été partiale et qu’elle a préjugé sa demande de prestations d’assurance-emploi. Elle affirme que chaque employé du gouvernement fédéral devait se conformer à une politique de vaccination obligatoireNote de bas de page 6.

[15] La prestataire fait référence aux commentaires de la division générale selon lesquels elle n’a pas été contrainte de se faire vacciner, mais qu’il y a eu des conséquences désagréables. Elle soutient qu’elle ne pouvait pas être assurée d’obtenir un jugement impartial de la part d’une personne qui était soumise à la même contrainte et à la même menace de perdre son emploiNote de bas de page 7.

[16] La prestataire renvoie à une annonce faite par le gouvernement avant sa suspension, qui indiquait que les employés qui n’étaient pas vaccinés ne seraient pas admissibles aux prestations d’assurance-emploi. Elle soutient que sa demande de prestations d’assurance-emploi a été préjugée par les mesures du gouvernementNote de bas de page 8.

[17] Dans la décision relative à la Charte, la division générale devait décider si l’avis de contestation fondée sur la Charte de la prestataire était conforme aux exigences énoncées dans le Règlement sur le Tribunal de la sécurité socialeNote de bas de page 9. La prestataire devait préciser les dispositions de la législation sur l’assurance-emploi qui contreviennent à la Charte et présenter ses arguments à l’appui des questions qu’elle a soulevéesNote de bas de page 10.

[18] La division générale a décidé que la prestataire avait précisé les articles 30 et 31 de la Loi sur l’assurance-emploi, mais que ses observations n’étayaient pas un argument constitutionnelNote de bas de page 11. Elle a conclu que les arguments de la prestataire faisaient référence au décret du directeur de la santé publique de la Colombie-Britannique (décret sanitaire provincial) exigeant la vaccination obligatoire contre la COVID-19, et non aux articles de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour examiner la validité du décret sanitaire provincialNote de bas de page 12.

[19] Dans la décision sur le fond, la division générale devait décider si la prestataire avait été suspendue, puis congédiée en raison de son inconduite. Elle devait examiner la preuve dont elle disposait, appliquer les faits pertinents à la question juridique et rendre une décision juste, impartiale et conforme à la loi.

[20] La prestataire ne cite aucun élément de preuve à l’appui de son allégation de partialité. La Cour d’appel fédérale a déclaré qu’une allégation de partialité portée à l’encontre d’un tribunal est une allégation sérieuse et doit être étayée par des éléments de preuve démontrant que le membre du tribunal a fait preuve de partialitéNote de bas de page 13.

[21] L’allégation de la prestataire selon laquelle la division générale a fait preuve de partialité parce qu’une politique de vaccination obligatoire s’appliquait aux fonctionnaires n’est pas étayée par des éléments de preuve. Elle fait référence au fait que la division générale a conclu qu’elle n’était pas contrainte d’être vaccinée, mais qu’il y avait des conséquences désagréables pour elle. La division générale fait référence au fait que la décision de la prestataire de ne pas se faire vacciner avait des conséquences. Je ne crois pas que ces déclarations démontrent un parti pris.

[22] Les arguments de la prestataire selon lesquels sa demande de prestations d’assurance-emploi a été préjugée en raison d’annonces du gouvernement fédéral ne font ressortir aucune erreur de la part de la division générale. La prestataire conteste la conduite du gouvernement dans ses arguments selon lesquels sa demande de prestations d’assurance-emploi a été préjugée.

[23] Je n’ai trouvé aucun élément de preuve démontrant que la division générale avait fait preuve de partialité. Le membre a écouté le témoignage de la prestataire et a rendu une décision fondée sur ses conclusions de fait. Je conclus que le présent motif n’a aucune chance raisonnable de succès.

On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence

[24] La division générale a conclu que la conduite de l’employeur n’est pas pertinente à une détermination d’inconduite et qu’elle n’avait pas compétence pour décider si le vaccin est efficace ou si l’employeur a agi de façon raisonnable en instaurant une politique de vaccinationNote de bas de page 14. La prestataire soutient que, si cela est vrai, la Commission et le Tribunal ne pourraient pas ensuite déterminer si ses convictions religieuses sont suffisantes ou raisonnablesNote de bas de page 15.

[25] La prestataire affirme qu’il incombe au gouvernement de prouver que les restrictions imposées à ses droits et libertés étaient raisonnables. Elle soutient que le gouvernement n’a pas prouvé que les restrictions étaient raisonnablesNote de bas de page 16.

[26] Je conclus que les arguments de la prestataire ne soulèvent pas d’éventuelles erreurs de compétence de la division générale.

[27] La division générale a examiné les arguments de la prestataire selon lesquels le gouvernement a contrevenu à ses droits garantis par la Charte et n’a pas prouvé que la restriction était raisonnable. Elle a conclu qu’il n’appartient pas au Tribunal de décider si la politique de l’employeur était juste ou raisonnable. La division générale a fait remarquer qu’elle n’a pas non plus compétence pour rendre une décision sur l’équité du décret de santé publiqueNote de bas de page 17.

[28] La division générale a cité une décision de la Cour fédéraleNote de bas de page 18. Dans cette décision, la Cour a affirmé que le Tribunal doit se demander si le geste posé par l’employé constitue une inconduite. On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence en ne tenant pas compte de la conduite du gouvernement ou de l’employeur qui a exigé la vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[29] La Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont toutes deux déclaré que ce n’est pas la conduite de l’employeur qui est en cause dans l’examen de l’inconduite et que ces questions peuvent être traitées devant d’autres instancesNote de bas de page 19.

On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de droit

[30] La prestataire soutient que la Commission a refusé son exemption religieuse parce qu’elle a décidé que son interprétation personnelle du texte religieux était insuffisante, qu’il s’agissait d’une décision personnelle de ne pas se faire vacciner et qu’aucun chef religieux ne lui a conseillé de refuser le vaccin. Elle dit avoir réfuté ces motifs dans son avis de contestation fondée sur la CharteNote de bas de page 20.

[31] La prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de droit en décidant que son avis de contestation fondée sur la Charte ne satisfaisait pas aux exigences permettant de soulever une question constitutionnelle et en ne suivant pas la jurisprudence de la Cour suprême du Canada. Elle affirme que son exemption religieuse aurait été permise si la jurisprudence avait été suivieNote de bas de page 21.

[32] Je conclus que les arguments de la prestataire n’ont aucune chance raisonnable de succès. Dans la décision relative à la Charte, la division générale a examiné ces arguments et la jurisprudence citée par la prestataireNote de bas de page 22. Elle a conclu que les préoccupations de la prestataire concernaient le décret de santé publique et non la législation sur l’assurance-emploiNote de bas de page 23. On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de droit.

[33] La division générale a également tenu compte de cette jurisprudence dans sa décision sur le fond de l’appel de la prestataire. La division générale a conclu que la prestataire était au courant du décret de santé publique et que son employeur exigeait que tous les employés soient vaccinés. Elle a conclu que la prestataire savait qu’elle pouvait être congédiée et a consciemment choisi de ne pas se faire vacciner. Une exemption était disponible pour des raisons médicales, mais la prestataire n’a pas demandé cette exemptionNote de bas de page 24.

[34] La division générale a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour modifier la politique de l’employeur ou le décret de santé publique. Il ne relevait pas de sa compétence d’accorder à la prestataire une exemption pour des motifs religieux, ce que la politique de l’employeur ne permettait pasNote de bas de page 25.

[35] La Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont toutes deux affirmé que la question de savoir si un employeur a omis de prendre des mesures d’adaptation à l’égard d’un employé n’est pas pertinente à la question de l’inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi. C’est parce que ce n’est pas la conduite de l’employeur qui est en cause et que de telles questions peuvent être traitées devant d’autres instancesNote de bas de page 26.

[36] Je conclus qu’on ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de droit. Outre les arguments de la prestataire, j’ai également examiné l’autre moyen d’appel. La prestataire n’a fait état d’aucune erreur de fait et je n’en ai relevé aucune.

[37] La prestataire n’a signalé aucune erreur de la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli. Par conséquent, je refuse la permission de faire appel.

Conclusion

[38] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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