Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c CF, 2023 TSS 19

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Appelante : Commission de l’assurance emploi du Canada
Représentante : Angèle Fricker
Intimé : C. F.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 5 mai 2022 (GE 22 897)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 14 septembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante :
Intimé
Date de la décision : Le 3 janvier 2023
Numéro de dossier : AD-22-340

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] Le prestataire a choisi des prestations parentales standards. Le choix est irrévocable.

Aperçu

[3] L’appelante, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada, interjette appel de la décision de la division générale.

[4] La division générale a conclu que l’intimé, C. F. (prestataire), a choisi l’option des prestations standards lorsqu’il a demandé 10 semaines de prestations parentales. Il a fait cette demande environ une semaine avant le premier anniversaire de son enfant.

[5] La division générale a conclu que le prestataire avait commis une erreur et avait l’intention de choisir l’option des prestations prolongées. Elle a donc décidé qu’il avait choisi les prestations parentales prolongées. Cela signifiait que le prestataire recevrait le nombre total de semaines de prestations qu’il avait demandées, quoiqu’à un taux de prestations hebdomadaires inférieur.

[6] Si le prestataire avait continué de toucher des prestations parentales standards, il recevrait des prestations à un taux hebdomadaire plus élevé, mais il serait assujetti à ce qu’on appelle une période de prestations parentales. Un prestataire qui choisit de recevoir des prestations parentales standards touche des prestations parentales seulement pendant cette période, qui se termine un an après la naissance d’un enfant. Le prestataire n’aurait pas reçu les 10 semaines complètes de prestations parentales qu’il avait demandé si la division générale avait conclu qu’il avait choisi des prestations parentales standards.

[7] La Commission soutient que la division générale a commis des erreurs de compétence, de droit et de fait lorsqu’elle a conclu que le prestataire avait choisi des prestations parentales prolongées. La Commission demande à la division d’appel d’accueillir son appel et de rendre la décision qui, selon elle, aurait dû être rendue par la division générale. La Commission affirme que la division générale aurait dû conclure que le prestataire avait effectivement choisi des prestations parentales standards et que son choix est irrévocable.

[8] Le prestataire nie que la division générale a commis des erreurs ou, si elle l’a fait, affirme que la Commission l’a induit en erreur en l’amenant à croire qu’il avait choisi l’option la plus favorable pour lui. Il affirme que s’il n’avait pas reçu de conseil erroné, il aurait fait passer son choix des prestations parentales standards à des prestations parentales prolongées. Il soutient que l’appel de la Commission devrait être rejeté.

Questions en litige

[9] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :

  1. a) La division générale a‑t‑elle commis une erreur de droit et de compétence en modifiant le choix du prestataire après que des prestations lui aient été versées?
  2. b) La division générale a‑t‑elle outrepassé sa compétence en établissant quelle option le prestataire a choisie?
  3. c) La division générale a‑t‑elle ignoré certains éléments de preuve?
  4. d) La division générale a‑t‑elle omis d’appliquer les principes selon lesquels l’ignorance de la loi ne constitue pas une excuse?

Analyse

[10] La division d’appel peut intervenir dans les décisions de la division générale s’il existe des erreurs de compétence, de procédure, de droit ou certains types d’erreurs de faitNote de bas page 1. Dans ce dernier cas, la division générale doit avoir fondé sa décision sur une erreur commise de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments de preuve dont elle est saisie.

Faits à l’origine du litige

[11] Le prestataire a déposé une demande de prestations parentales d’assurance‑emploi le 20 janvier 2022. Sa fille est née le 27 janvier 2021.

[12] Deux types de prestations parentales peuvent être choisies :

  • Les prestations parentales standards — Le taux de prestations correspond à 55 % de la rémunération hebdomadaire assurable d’un prestataire jusqu’à concurrence d’un montant maximal. Jusqu’à 35 semaines de prestations sont payables à un parent. Si les parents se partagent les prestations parentales, ils peuvent toucher un total combiné d’au plus 40 semaines.
  • Les prestations parentales prolongées — Le taux de prestations correspond à 33 % de la rémunération hebdomadaire assurable d’un prestataire jusqu’à concurrence d’un montant maximal. Jusqu’à 61 semaines de prestations sont payables à un parent. Si les parents se partagent les prestations parentales, ils peuvent toucher un total combiné d’au plus 69 semaines.

[13] Le prestataire a choisi des prestations parentales standards sur le formulaire de demande.

[14] Le demandeur doit également choisir le nombre de semaines de prestations parentales qu’il veut. L’une des questions du formulaire de demande était : « Combien de semaines souhaitez-vous demander? » Le prestataire s’attendait à reprendre le travail le 28 mars 2022. Par conséquent, il a demandé 10 semaines de prestations parentales dans le menu déroulant du formulaire de demande.

[15] Le formulaire de demande mentionnait qu’un demandeur ne peut pas modifier ses options — qu’il s’agisse de prestations standards ou prolongées — une fois qu’un parent reçoit des prestations parentalesNote de bas page 2.

[16] Le prestataire a reçu la confirmation de son choix pendant le processus de demande. La confirmation est ainsi rédigée :

[Traduction]

Type de prestations parentales

Prestations standards : Vous avez choisi de recevoir des prestations au taux de 55 % de votre rémunération hebdomadaire assurable (jusqu’à concurrence d’un montant maximal) chaque semaine pendant 10 semaines.

La période de versement des prestations parentales standards commence la semaine au cours de laquelle l’enfant est né ou placé chez vous en vue de son adoption et se termine 52 semaines plus tard.

Nombre choisi de semaines parentales

10 semaines payées au taux de 55 % de votre rémunération hebdomadaire assurable

Rappel : Vous ne pouvez pas modifier votre sélection (prestations standards ou prolongées) une fois que vous avez commencé à recevoir des prestations parentales.

[17] Quelques jours après le dépôt de sa demande de prestations, le prestataire a reçu un courriel de la Commission au sujet de la déclaration de ses heures. Il a appelé Service Canada le lendemain, soit le 28 janvier 2022. Il a parlé à un agent de la nécessité de déclarer ses heures.

[18] Au cours du même appel téléphonique, le prestataire a également posé des questions à l’agent au sujet des prestations parentales. Il se souvient d’avoir demandé s’il y avait des enjeux ou des problèmes et s’il pouvait s’attendre à recevoir tous ses versements, ou quelque chose du genre. Il a compris, d’après la réponse de l’agent, qu’il n’y avait aucun enjeu ni aucune préoccupation. La réponse de l’agent ne l’a pas amené à réexaminer son choix de prestations parentales.

[19] La décision en révision de la Commission en date du 4 mars 2022 renvoie à une décision datée du 27 janvier 2022Note de bas page 3. La décision du 4 mars 2022 laisse croire que la Commission avait informé le prestataire le 27 janvier 2022 qu’il ne pouvait pas modifier son choix de type de prestations parentales parce que la Commission lui avait déjà versé des prestations parentalesNote de bas page 4.

[20] La Commission a effectué le paiement par dépôt direct le 30 janvier 2022. Les fonds ont été déposés dans le compte bancaire du prestataire le 1er février 2022. Le prestataire avait donc jusqu’à cette date pour modifier son choixNote de bas page 5.

[21] Le 16 février 2022, le prestataire a déposé une demande de révision. Il a demandé à la Commission de réviser sa décision du 27 janvier 2022. Le prestataire a déclaré que la Commission lui avait envoyé sa lettre à cette dateNote de bas page 6. Il affirme toutefois que la lettre du 27 janvier 2022 manquait de renseignements. Il soutient que la lettre ne mentionnait pas quand les prestations parentales prendraient finNote de bas page 7.

[22] La Commission a maintenu sa position selon laquelle elle ne pouvait pas faire passer le choix du prestataire de prestations parentales standards à des prestations parentales prolongées parce qu’elle lui avait déjà versé des prestationsNote de bas page 8.

[23] Le prestataire a interjeté appel de la décision en révision de la Commission auprès de la division générale. La division générale a accepté le témoignage du prestataire selon lequel le formulaire de demande comportait des lacunes, en ce sens qu’il ne contenait aucun renseignement sur la période des prestations parentalesNote de bas page 9. La division générale a également accepté que cette [traduction] « absence de renseignements […] l’ait amené à faire un choix erroné »Note de bas page 10.

[24] La division générale a conclu qu’il s’agissait [traduction] « d’un cas où la Commission n’a pas évité de fournir des renseignements trompeurs sur le choix de prestations parentales du prestataire et n’a pas fait de suivi lorsque son choix n’était pas clair compte tenu des dates qu’il a données et du nombre de semaines de prestations qu’il voulait demanderNote de bas page 11. »

[25] La division générale a conclu que, lorsque le prestataire a parlé à la Commission, l’agente n’a rien dit au sujet de la période des prestations parentales. La division générale a conclu que si elle l’avait fait, le prestataire aurait pu corriger son erreur avant le traitement du premier paiementNote de bas page 12.

[26] La division générale a accepté que le prestataire choisisse des prestations parentales prolongées lorsqu’il a présenté sa demande.

Relevé des prestations

[27] Le dossier d’audience comprend un relevé des prestations pour la semaine débutant le 23 janvier 2022. Le relevé précise qu’il s’agissait du dernier versement de prestations parentalesNote de bas page 13. Le document laisse croire que le prestataire avait été avisé qu’il ne recevrait pas 10 semaines de prestations parentales.

[28] La Commission explique toutefois qu’elle n’envoie pas de relevés des prestations aux prestataires. Ces derniers doivent communiquer avec le service automatisé d’information téléphonique de Service Canada ou accéder à Mon dossier Service Canada pour consulter le relevé des prestationsNote de bas page 14.

[29] Il se peut que le prestataire n’ait pas reçu ou consulté le relevé des prestations avant le paiement des prestations parentales. Le prestataire affirme également que le relevé des prestations qui figure au dossier d’audience diffère de celui qu’il a pu consulter dans Mon dossier Service Canada.

[30] Bref, l’existence du relevé des prestations au dossier n’établit pas que le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il n’obtiendrait pas le nombre de semaines de prestations parentales auquel il s’attendait.

Mon dossier Service Canada du prestataire

[31] Après l’audience de la division d’appel, le prestataire a fourni des captures d’écran de ce qu’il voyait lorsqu’il a consulté Mon dossier Service Canada le 27 janvier 2022Note de bas page 15. Le prestataire s’appuie sur cette preuve pour démontrer qu’il n’a reçu aucun renseignement mentionnant qu’il obtiendrait un seul paiement de prestations parentales.

[32] Le prestataire reconnaît que les captures d’écran représentent de nouveaux éléments de preuve que la division générale n’avait pas. Règle générale, la division d’appel n’accepte pas de nouveaux éléments de preuve.

[33] Je n’accepte pas les captures d’écran en preuve, car elles n’avaient pas été produites en preuve devant la division générale.

La division générale a‑t‑elle ignoré certains éléments de preuve?

[34] La Commission fait valoir que la division générale a ignoré certains éléments de preuve. Plus particulièrement, la Commission soutient que la division générale a ignoré l’information contenue dans le formulaire de demande qui décrivait la durée pendant laquelle un prestataire pouvait s’attendre à recevoir des prestations parentales standards.

[35] La division générale a accepté le témoignage du prestataire selon lequel [traduction] « l’absence de renseignements portant sur la période de prestations parentales dans la demande de prestations l’a amené à faire un choix erronéNote de bas page 16. »

[36] La division générale a conclu que le formulaire de demande comportait des lacunes. Elle a conclu que le formulaire de demande ne fournissait pas assez de renseignements pour que le prestataire sache quelle option de prestations parentales convenait le mieux à sa situation.

[37] Plus particulièrement, la division générale a jugé que le formulaire de demande ne mentionnait rien au sujet de la période de prestations parentalesNote de bas page 17. Autrement dit, elle a conclu qu’elle n’avait pas dit au prestataire que s’il choisissait des prestations parentales standards, les prestations prendraient fin 52 semaines après la naissance de son enfant, c’est-à-dire qu’il n’obtiendrait pas 10 semaines de prestations parentales standards.

[38] La Commission fait remarquer que le formulaire de demande indiquait clairement que si le prestataire choisissait l’option standard, les prestations prendraient fin 52 semaines après la naissance de l’enfant. Le formulaire de demande est rédigé ainsi :

La période de versement des prestations parentales standards commence la semaine au cours de laquelle l’enfant est né ou placé chez vous en vue de son adoption et se termine 52 semaines plus tardNote de bas page 18.

(Mis en évidence par la soussignée.)

[39] La Commission soutient que ces renseignements contredisent carrément la conclusion de la division générale selon laquelle la demande ne disait rien au sujet du paiement des prestations parentales standards se terminant 52 semaines après la naissance de l’enfant.

[40] Le prestataire soutient que ces renseignements auraient dû figurer beaucoup plus tôt dans le formulaire de demande. Il prétend que ces renseignements auraient dû figurer avant qu’il doive choisir entre les types de prestations parentales. Ainsi, il aurait pu prendre une décision en toute connaissance de cause quant aux prestations parentales qui convenaient à sa situation.

[41] Comme l’a déclaré la Cour fédérale dans une affaire appelée KarvalNote de bas page 19, « [i]l est presque toujours possible, après coup, de conclure qu’il aurait fallu donner plus d’information, recourir à un langage plus clair et fournir de meilleures explications. » L’endroit et la façon dont ces renseignements sont offerts ou peuvent être trouvés revêtent tout autant d’importance. Il ne fait aucun doute que les renseignements portant sur la période des prestations parentales auraient été plus utiles au prestataire s’ils avaient été présentés avant même qu’il fasse son choix et si le libellé avait été plus clair.

[42] Malgré tout, le formulaire de demande comprenait des renseignements sur la période des prestations parentales, même si ceux-ci figuraient après le choix du prestataire quant au type de prestations parentales qu’il préférait. Il aurait pu revenir aux pages précédentes de son formulaire de demande pour modifier le choix ou changer son choix en tout temps jusqu’à ce qu’il reçoive le paiement des prestations parentales.

[43] Étant donné que le formulaire de demande renfermait clairement des renseignements sur le début et la fin des versements, j’estime que la division générale a commis une erreur de fait en concluant que le formulaire de demande ne disait rien au sujet de la période des prestations parentales.

Autres erreurs

[44] La Commission soutient également que la division générale a commis d’autres erreurs juridiques et factuelles. Compte tenu de la nature de l’erreur juridique que j’ai relevée, il n’est pas nécessaire d’aborder ces autres arguments.

Réparation

[45] Comment puis-je corriger l’erreur de la division générale? J’ai deux choixNote de bas page 20. Je peux substituer ma propre décision à celle de la division générale ou renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen. Si je substitue ma propre décision à celle de la division générale, cela signifie que je peux tirer des conclusions de faitNote de bas page 21.

[46] La Commission me demande de rendre la décision que, selon elle, la division générale aurait dû rendre en premier lieu. C’est la réparation appropriée en l’espèce. Rien ne laisse croire que la preuve comporte des lacunes ou que des précisions sont nécessaires. J’ai les renseignements qu’il me faut pour trancher. Rien n’indique que l’une ou l’autre des parties n’a pas bénéficié d’une audience équitable à la division générale.

[47] Il s’agit d’un cas dans lequel le prestataire a reçu des renseignements dans son formulaire de demande au sujet du début et de la fin de la période de prestations parentales standards. Bien que le formulaire n’ait pas mentionné ces renseignements au début, ils étaient toujours présents. Le choix du prestataire était celui qu’il a fait dans le formulaire de demandeNote de bas page 22.

[48] Le prestataire a toujours eu la possibilité de modifier son choix jusqu’au 1er février 2022, date à laquelle il a reçu un versement. S’il avait découvert son erreur et s’était rendu compte qu’il aurait dû choisir l’option des prestations prolongées, il aurait pu modifier son choix. Il aurait pu le faire en tout temps, jusqu’à ce qu’il commence à recevoir des prestations parentales.

[49] Toutefois, le prestataire a témoigné que, quelques jours après avoir soumis son formulaire de demande, il a reçu un courriel général. Le courriel l’a informé que la Commission avait approuvé son formulaire de demande. Il devrait déclarer ses heures.

[50] Le prestataire a témoigné qu’il a communiqué avec la Commission le lendemain, soit le 28 janvier 2022Note de bas page 23. Le prestataire a communiqué avec la Commission pour préciser ses exigences en matière de déclarations. Le prestataire a témoigné qu’une fois que l’agente a enquêté sur son dossier, elle l’a informé qu’il n’avait plus à déclarer d’heures.

[51] Le prestataire a également interrogé l’agente au sujet du paiement des prestations parentales. Il voulait être convaincu de recevoir 10 semaines de prestations parentales au taux standard. Il a témoigné qu’il lui avait demandé : [traduction] « Alors, ça ira pour tous mes autres paiements? Ils seront effectués? Parce qu’il ne devrait pas y avoir de problèmes. » Elle a répondu : « Oui, ça ira »Note de bas page 24. Le prestataire a compris, d’après la réponse de l’agente, que sa demande ne posait aucun problème et qu’il pouvait s’attendre à recevoir 10 semaines de prestations au taux standard des prestations parentales.

[52] Le prestataire reconnaît qu’avec le recul, l’agente n’avait peut-être pas entièrement examiné son dossier pour être en mesure de lui dire que les versements seraient interrompus au terme des 52 semainesNote de bas page 25. Toutefois, il a déclaré qu’il avait dit à l’agente qu’il prenait 10 semaines de congé parental, qu’il s’attendait à quelques versements et qu’il voulait savoir si [traduction] « ça ira » pour ceux-ciNote de bas page 26.

[53] La Commission avait accès au formulaire de demande du prestataire. Elle aurait pu vérifier la date de naissance de l’enfant et informer le prestataire qu’il ne recevrait pas 10 semaines de prestations parentales parce que les prestations parentales standards ont pris fin 52 semaines après la naissance de l’enfant. À défaut, la Commission aurait pu simplement reformuler les renseignements généraux concernant le début et la fin de la période des prestations parentales.

[54] En fait, le prestataire a eu l’impression fausse et trompeuse qu’il recevrait 10 semaines de prestations parentales au taux standard. Le prestataire s’est fié aux conseils de la Commission, à son détriment. Il n’a pas cherché à modifier son choix. Il a témoigné devant la division générale que, si l’agente lui avait donné des renseignements exacts, il aurait immédiatement fait passer son choix de prestations standards à prestations prolongées. Même si cela avait entraîné des prestations à un taux hebdomadaire plus faible, dans l’ensemble, il aurait reçu plus de prestations parce qu’elles auraient été versées pendant 10 semaines.

[55] Le prestataire ne s’est pas rendu compte que le paiement du 1er février 2022 était le dernier paiement de prestations parentales. Il ne s’en est aperçu que le 15 février 2022 environNote de bas page 27. À ce moment-là, il était trop tard pour qu’il modifie son choix.

[56] L’article 23(1.2) de la Loi et la Cour d’appel fédéraleNote de bas page 28 précisent tous deux qu’une fois qu’un prestataire choisit le type de prestations parentales et le nombre de semaines qu’il souhaite demander, et une fois que les paiements de ces prestations commencent, il ne peut plus révoquer ou modifier son choixNote de bas page 29.

[57] La Cour fédérale a laissé la possibilité d’exercer un recours juridique lorsqu’un prestataire « est réellement induit en erreur parce qu’il s’est fié à des renseignements officiels et erronés ».Note de bas page 30 Dans l’arrêt Karval, la Cour a statué :

Il incombe fondamentalement au prestataire d’analyser soigneusement les options possibles et de tenter de les comprendre puis, si des doutes subsistent, de poser des questions. Mme Karval a délibérément opté pour des prestations prolongées et, si elle avait lu le formulaire, elle aurait compris que le montant des prestations était alors moindre. Elle aurait été également au fait que son choix était irrévocable une fois que des prestations lui étaient versées. Ces éléments d’information étaient clairement énoncés dans le formulaire et résidaient au cœur de la décision de la division générale de rejeter son appel et de la décision du Tribunal de lui refuser la permission d’en appeler.

[58] Le prestataire soutient que l’agente avec qui il a parlé le 28 janvier 2022 l’a induit en erreur en l’amenant à croire qu’il avait choisi à juste titre les prestations parentales standards.

[59] Comme la Cour a statué, un prestataire a la responsabilité première de lire attentivement et de comprendre les options auxquelles il a droit. Si le prestataire l’avait fait en l’espèce et avait lu attentivement le formulaire de demande, il aurait reconnu que la période des prestations parentales standards payables se termine 52 semaines après la naissance de l’enfant.

[60] Cependant, s’il ressentait de la confusion ou éprouvait des doutes au sujet de ces renseignements, il avait tout de même la responsabilité de poser les questions nécessaires. Il lui faudrait poser des questions précises sur ces renseignements.

[61] En l’espèce, il n’existe aucune preuve que le prestataire a orienté l’agente vers la partie du formulaire de demande qui décrivait à quel moment la période de versement des prestations parentales standards commencerait et se terminerait. Il n’y a aucune preuve que le prestataire était même au courant de cette description dans le formulaire de demande ou qu’elle avait engendré de la confusion chez lui.

[62] Comme le prestataire n’était pas au courant de la période des prestations parentales, il est peu probable qu’il ait posé des questions à l’agente à ce sujet. En fait, rien ne prouve que la conversation du prestataire avec l’agente portait expressément sur la période des prestations parentales ou sur la question de savoir s’il y avait des facteurs ou des considérations qui pourraient limiter les semaines de prestations parentales standards qu’il pouvait s’attendre à recevoir. Il n’y a aucune preuve non plus que le prestataire a orienté l’agente vers la date de naissance de son enfant.

[63] En l’absence de discussions ou de questions précises avec l’agente au sujet de la période des prestations parentales ou du nombre de semaines de prestations parentales standards, je ne peux pas nécessairement conclure que le prestataire a posé les « questions nécessaires » ou, plus important encore, a fourni tous les renseignements pertinents à l’agente pour lui permettre de bien comprendre la situation particulière du prestataire.

[64] Je ne peux pas non plus nécessairement conclure, à la lumière des questions du prestataire, que l’agente de la Commission a compris le prestataire ou qu’elle a donné des conseils trompeurs ou inexacts au sujet de la période des prestations parentales ou des semaines de prestations parentales standards que le prestataire pouvait s’attendre à recevoir.

[65] En l’état actuel des choses, l’agente n’a peut-être pas reconnu le moment de la naissance de l’enfant du prestataire. L’agente a peut-être présumé à tort que le prestataire a présenté une demande de prestations vers le moment de la naissance de l’enfant. Dans ce cas, les assurances de l’agente que le prestataire recevrait ses paiements se seraient révélées exactes. Si l’agente ignorait la date de naissance de l’enfant, les conseils ou les renseignements n’étaient pas nécessairement incohérents ou en conflit avec les renseignements figurant sur le formulaire de demande.

[66] Il ne fait aucun doute que l’agente aurait pu approfondir la situation du prestataire. Dans l’état actuel des choses, les problèmes entourant les types de prestations parentales sont limités. Les deux principaux enjeux qui préoccuperaient la plupart des prestataires seraient nécessairement le taux de prestations et le nombre de semaines de versement des prestations. Il aurait dû être évident pour l’agente que le prestataire, tout comme les autres prestataires, craignait de s’assurer qu’il avait choisi l’option la plus avantageuse compte tenu de sa situation.

[67] Le prestataire s’est fié aux conseils ou aux renseignements de l’agente. Cependant, pour avoir un recours juridique, le prestataire doit établir qu’il a été induit en erreur en étant amené à se fonder sur des renseignements officiels et erronés. Sans connaître les questions précises posées et les réponses de l’agente de la Commission, et la connaissance par l’agente des fondements factuels de ces questions, la preuve ne permet pas d’établir que l’agente a fourni des renseignements erronés au prestataire.

[68] En fin de compte, le formulaire de demande précisait les renseignements sur la période de prestations parentales et le moment où le paiement des prestations parentales standards prendrait fin. Ces renseignements auraient pu être mieux mis en évidence et auraient pu apparaître avant que le prestataire fasse son choix. Parallèlement, toutefois, le prestataire aurait pu en outre être plus attentif au formulaire de demande.

[69] Enfin, même s’il avait été établi que l’agente avait donné des renseignements erronés au prestataire, je n’ai pas le pouvoir ou l’autorité d’accorder la réparation que le prestataire demandeNote de bas page 41. La Cour a indiqué que « la doctrine des attentes raisonnables lui offre certains recours juridiques » afin que le prestataire puisse [sic]

Conclusion

[70] L’appel est accueilli.

[71] La division générale n’a pas tenu compte du fait que le formulaire de demande renfermait des renseignements sur la période des prestations parentales standards. Le formulaire de demande n’était pas lacunaire et ne contenait pas de renseignements inexacts ou trompeurs au sujet de la période de prestations parentales.

[72] Ma décision remplace celle de la division générale. Le prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales standards. Son choix est irrévocable.

[73] Le prestataire s’est fondé sur des renseignements provenant de la Commission. Il n’a donc pas modifié son choix avant de recevoir des paiements. Toutefois, il n’a pas été établi que ces renseignements étaient nécessairement erronés. Malgré cela, l’agente aurait dû se renseigner pleinement sur la situation du prestataire, de sorte qu’elle aurait pu reconnaître le problème. Parallèlement, toutefois, le prestataire aurait dû être plus attentif aux renseignements qui figuraient dans le formulaire de demande, de sorte que si les options suscitaient chez lui de la confusion ou de la perplexité, il aurait pu poser les questions nécessaires et fournir des renseignements pertinents à l’agente.

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