Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1387

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : D. S.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 29 août 2022 (GE-22-1438)

Membre du Tribunal : Charlotte McQuade
Date de la décision : Le 21 novembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-687

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] D. S., la prestataire, travaillait comme infirmière auxiliaire autorisée dans un hôpital. Elle a fait le choix médical personnel de refuser de se faire vacciner contre la COVID-19, même si elle était tenue de l’être selon la politique de son employeur. Par conséquent, l’employeur a mis fin à l’emploi de la prestataire.

[3] Après avoir été congédiée, la prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle l’a donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 31 octobre 2021.

[4] La prestataire a fait appel de la décision de la Commission auprès de la division générale du Tribunal. La division générale a rejeté l’appel. Selon la conclusion de la division générale, la Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La prestataire veut maintenant faire appel de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. Toutefois, elle doit obtenir la permission de faire appel pour pouvoir aller de l’avant.

[5] La prestataire soutient que la division générale a mal interprété la définition d’une inconduite lorsqu’elle a jugé que la décision médicale personnelle de refuser de se conformer à la politique de l’employeur constituait une inconduite. Elle affirme que le refus de lui accorder des prestations d’assurance-emploi en raison de sa décision médicale est de la discrimination et enfreint ses droits constitutionnels.

[6] Je suis convaincue que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès. Je refuse donc la permission de faire appel.

Question en litige

[7] Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur révisable lorsqu’elle a conclu que la conduite de la prestataire constituait une inconduite?

Analyse

[8] La procédure à la division d’appel comporte deux étapes. La prestataire doit d’abord obtenir la permission de faire appel. Si la permission est refusée, l’appel prend fin. Si la permission est accordée, l’appel passe à la deuxième étape. La deuxième étape est celle où l’on décide du bien-fondé de l’appel.

[9] Je dois refuser la permission de faire appel si je suis convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 1. La loi établit que je peux tenir compte de certains types d’erreurs seulement. Ces erreurs sont les suivantesNote de bas de page 2 :

  • la procédure de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre;
  • la division générale a commis une erreur de compétence (elle n’a pas tranché une question qui aurait dû l’être ou elle a tranché une question qui ne relevait pas d’elle);
  • la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante;
  • la division générale a commis une erreur de droit.

[10] L’appel a une chance raisonnable de succès lorsqu’il est possible de soutenir que la division générale a pu commettre au moins une de ces erreursNote de bas de page 3.

[11] Le critère auquel la partie prestataire doit satisfaire pour obtenir la permission de faire appel est peu exigeant. Même si la permission est accordée, cela ne garantit pas le bien-fondé de l’appel.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur révisable

[12] La prestataire travaillait comme infirmière auxiliaire autorisée dans un hôpital. Son employeur a mis en place une politique de vaccination contre la COVID-19. La raison pour laquelle la politique a été mise en place était pour réduire le risque d’infection grave et de transmission parmi les collègues de travail et les personnes recevant des soins. Elle visait aussi à satisfaire aux exigences de la Loi sur les hôpitaux publics de 1990, du Règlement 965 et de la directive no 6 du ministère de la SantéNote de bas de page 4.

[13] Selon la politique de l’employeur, les membres du personnel devaient avoir reçu leur première dose de vaccin contre la COVID-19 avant le 22 septembre 2021, à moins d’avoir une preuve médicale indiquant qu’ils ne pouvaient pas recevoir le vaccin pour des raisons médicales ou une exemption en vertu du Code des droits de la personne. Il était précisé dans la politique que l’hôpital devait examiner et approuver ces deux motifs d’exemptionNote de bas de page 5.

[14] La politique expliquait quelles étaient les conséquences si on ne la respectait pas. Ainsi, les membres du personnel qui n’avaient pas reçu leur première dose de vaccin avant le 22 septembre 2021 étaient mis en congé sans solde pour une durée de deux semainesNote de bas de page 6.

[15] La politique prévoyait aussi que les membres du personnel en congé sans solde qui n’avaient pas reçu leur première dose de vaccin au plus tard le 7 octobre 2021 pouvaient, le cas échéant, faire face aux mesures suivantes : cessation d’emploi, suspension des privilèges ou interdiction d’entrer dans l’hôpitalNote de bas de page 7.

[16] Étant donné que la prestataire ne s’est pas fait vacciner, l’employeur l’a mise en congé sans solde le 22 septembre 2021 pour une période de deux semaines.

[17] La prestataire a discuté d’une possible exemption avec son employeur. Elle avait déjà contracté la COVID-19 par le passé et ses résultats d’examen indiquaient la présence d’anticorps. Elle pensait donc ne pas avoir besoin de se faire vacciner. Cependant, l’employeur a refusé sa demande d’exemptionNote de bas de page 8.

[18] Le 22 septembre 2021, la prestataire a demandé à son employeur une exemption à la politique fondée sur les droits de la personne relatifs à la croyance. Elle a expliqué qu’elle avait demandé cette exemption parce qu’elle a décidé de refuser le vaccin pour des raisons liées à ses croyances, à ses connaissances et à sa santé personnelleNote de bas de page 9.

[19] Le 24 septembre 2021, l’employeur a répondu à la prestataire. Il a expliqué que les motifs pour lesquels elle refusait de se faire vacciner ne correspondaient à aucune exemption prévue par le Code des droits de la personne ou par la directive no 6 du ministère de la Santé. Il a mentionné qu’elle était toujours tenue de se conformer à la politique. Dans la lettre, l’employeur a rappelé à la prestataire qu’elle devait recevoir sa première dose de vaccin au plus tard le 7 octobre 2021. Elle devait aussi fournir une attestation confirmant qu’elle recevrait sa deuxième dose 28 jours après la première. Si elle ne respectait pas ces conditions, elle ferait l’objet d’un licenciement motivéNote de bas de page 10.

[20] Puisque la prestataire ne s’est pas fait vacciner et qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de l’employeur, elle a été congédiée le 7 octobre 2021. Elle a ensuite demandé des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 11.

[21] La Commission a conclu que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[22] La prestataire a porté en appel la décision de la Commission devant la division générale du Tribunal.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit ou une erreur de compétence

[23] La division générale devait décider si la conduite de la prestataire constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[24] Selon la Loi sur l’assurance-emploi, une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle perd son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 12.

[25] Le terme « inconduite » n’est pas défini dans la Loi sur l’assurance-emploi. Cependant, la Cour d’appel fédérale a adopté une définition pour ce terme.

[26] Pour être considérée comme une inconduite, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était conscience, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 13. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciance qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 14.

[27] La Cour d’appel fédérale a expliqué en d’autres mots qu’il y a inconduite si la partie prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 15.

[28] Personne n’a contesté devant la division générale que la prestataire avait perdu son emploi parce qu’elle ne s’était pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur au plus tard le 7 octobre 2021.

[29] La division générale a établi que la prestataire était au courant de la politique de l’employeur. La prestataire a confirmé ce fait pendant son témoignage et elle a déclaré qu’elle avait choisi de ne pas se conformer à la politique pour des raisons personnellesNote de bas de page 16.

[30] La division générale a aussi établi que l’employeur avait refusé la demande d’exemption médicale et la demande d’exemption en vertu des droits de la personne relatifs à la croyance de la prestataireNote de bas de page 17.

[31] La division générale a conclu que la Commission avait prouvé que la conduite de la prestataire était une inconduite, car elle était au courant de la politique de l’employeur et elle a pris la décision personnelle de ne pas s’y conformer. Elle était aussi au courant de la date limite à laquelle elle devait être vaccinée, sans quoi elle serait congédiéeNote de bas de page 18.

[32] La prestataire n’est pas d’accord avec la conclusion de la division générale. Elle soutient que la division générale a mal interprété la définition d’une inconduite.

[33] La prestataire établit une distinction entre la décision médicale personnelle de ne pas se faire vacciner et les autres types de comportements considérés comme une inconduite. Elle soutient que la définition d’une inconduite comprend tout geste inapproprié, toute infraction ou toute faute professionnelle que l’on commet volontairement ou délibérément tout en travaillant pour l’employeur. Par exemple, il pourrait s’agir de comportements menaçants ou violents, ou de la destruction intentionnelle de biens de l’entreprise.

[34] La prestataire a aussi mentionné que le gouvernement provincial avait annoncé le 4 novembre 2021 que le vaccin contre la COVID-19 ne serait pas obligatoire pour le personnel travaillant dans le domaine de la santé.

[35] La prestataire a pris la décision médicale personnelle de ne pas se conformer à la politique de son employeur. Elle savait qu’en refusant de s’y conformer, elle risquait de perdre son emploi. Le fait qu’une partie prestataire adopte volontairement un comportement alors qu’elle savait ou aurait dû savoir que ce comportement risquait de lui faire perdre son emploi est considéré comme une inconduite, selon la définition de la Cour d’appel fédéraleNote de bas de page 19. Par conséquent, il n’est pas possible de soutenir que la division générale a mal interprété la définition d’une inconduite au sens de la loi.

[36] Je reconnais que, selon la prestataire, la décision médicale personnelle de ne pas se faire vacciner n’est pas un type de comportement inapproprié qui s’inscrit dans la définition d’une inconduite. Toutefois, il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable pour qu’il y ait inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 20.

[37] Les obligations envers l’employeur vont au-delà des tâches liées au poste. Par exemple, les obligations envers l’employeur peuvent comprendre le respect des politiques de sécuritéNote de bas de page 21. Le manquement exprès ou implicite à une obligation envers son employeur peut constituer une inconduiteNote de bas de page 22.

[38] Dans ce cas-ci, l’employeur a mis en place une politique afin de réduire le risque d’infection grave et de transmission chez les collègues de travail et les personnes recevant des soins. Selon la politique, la prestataire devait être vaccinée afin de pouvoir travailler. Donc, le respect de la politique constituait une obligation d’emploi essentielle de la prestataire.

[39] La Cour d’appel fédérale a déclaré qu’une violation délibérée de la politique d’un employeur peut être considérée comme une inconduiteNote de bas de page 23. C’est le cas dans la présente affaire. La prestataire a délibérément enfreint la politique de son employeur, bien qu’elle savait qu’elle risquait de perdre son emploi pour cette raison.

[40] La prestataire a dit à la division générale qu’elle ne pensait pas avoir besoin du vaccin, puisqu’elle avait des anticorps naturels. Toutefois, la division générale n’a pas la compétence de trancher les questions d’ordre médical, comme celle de savoir s’il est nécessaire ou non de recevoir le vaccin. La prestataire avait discuté d’une exemption médicale avec son employeur, et elle lui a fait parvenir une demande d’exemption en vertu des droits de la personne. Cependant, l’employeur a refusé ces deux demandes d’exemption. La politique s’appliquait donc à la prestataire.

[41] Lorsqu’il faut trancher un cas d’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, on examine le comportement de la personne employée, et non celui de l’employeurNote de bas de page 24. La division générale n’avait pas à décider si l’employeur avait offert ou non des mesures d’adaptation adéquates à la prestataire en vertu de sa propre politique ou du Code des droits de la personne de l’Ontario. La Cour fédérale a affirmé que ces questions ne sont pas un facteur déterminant du critère relatif à l’inconduite. Il revient à une autre instance de trancher ce type de questionsNote de bas de page 25.

[42] La prestataire a aussi mentionné que le gouvernement provincial avait annoncé le 4 novembre 2021 que le vaccin contre la COVID-19 ne serait pas obligatoire pour le personnel travaillant dans le domaine de la santé. Malgré cela, cette annonce n’est pas un facteur pertinent pour examiner la conduite ou la cessation d’emploi de la prestataire, car elle a été faite après son congédiement le 7 octobre 2021. Quoi qu’il en soit, la conduite de la prestataire à l’égard de son employeur était la question qui devait être examinée par la division générale.

[43] Je ne vois pas en quoi il est possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit ou de compétence lorsqu’elle a conclu que la conduite de la prestataire constituait une inconduite. La décision de la division générale était conforme à la loi ainsi qu’à la preuve portée à sa connaissance.

[44] La prestataire a aussi affirmé que la façon dont le gouvernement traite les Canadiennes et les Canadiens qui prennent une décision médicale personnelle est une atteinte flagrante à leur intégrité physique et à leurs droits constitutionnels. Elle a déclaré qu’il était inacceptable que le gouvernement refuse d’accorder des prestations d’assurance-emploi aux personnes qui prennent une décision médicale, et qu’il s’agit de discrimination envers les personnes qui refusent de se faire vacciner contre la COVID-19. Elle a ajouté que cette discrimination n’était fondée sur rien d’autre que de faux renseignements de santé publique selon lesquels la vaccination contre la COVID-19 empêche la transmission. Elle a soutenu que le vaccin sert à produire des anticorps, mais qu’elle en a déjà, ce que son employeur refuse de prendre en considération.

[45] J’ai examiné le dossier et l’enregistrement audio de l’audience de la division générale. La prestataire n’a soulevé aucun argument au sujet d’une discrimination ou d’une atteinte à ses droits constitutionnels auprès de la division générale. Donc, il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit ou une erreur de compétence en omettant de tenir compte de ces arguments. On ne peut pas reprocher à la division générale de ne pas avoir tenu compte d’arguments qui n’ont pas été portés à sa connaissance.

[46] La division d’appel ne permet pas aux parties de débattre de la demande originale ni de présenter de nouveaux arguments en espérant obtenir une conclusion différente. Le rôle de la division d’appel est de repérer des erreurs révisables.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante ou qu’elle n’a pas respecté l’équité procédurale

[47] La prestataire n’a relevé aucune injustice procédurale de la part de la division générale. Aucune preuve n’indique que la procédure a été inéquitable.

[48] La prestataire n’a pas non plus relevé d’erreur de fait de la part de la division générale. En plus des arguments de la prestataire, j’ai examiné le dossier documentaire et j’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale. Je n’ai trouvé aucun élément de preuve que la division générale aurait pu ignorer ou mal interpréterNote de bas de page 26.

[49] La prestataire n’a soulevé aucun argument permettant de soutenir que la division générale a commis une erreur révisable.

[50] Après avoir examiné le dossier et la décision de la division générale, et après avoir tenu compte des arguments présentés par la prestataire dans sa demande à la division d’appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Par conséquent, je refuse la permission de faire appel.

Conclusion

[51] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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