Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1373

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : S. R.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Isabelle Thiffault

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 24 juin 2022 GE-22-1243)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 15 novembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 22 novembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-490

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelante (prestataire) a travaillé comme agente de ressources techniques chargée de la comptabilité de la TPS. Elle fournissait des services de soutien aux employés de X, et non au public. L’employeur a suspendu la prestataire le 13 décembre 2021 parce qu’elle ne s’était pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 (la politique). La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] L’intimée (la Commission) a conclu que la prestataire avait été suspendue en raison d’une inconduite. La Commission ne pouvait donc pas lui verser des prestations. Après le rejet de sa demande de révision, la prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue à la suite de son refus de se conformer à la politique de l’employeur. Elle a conclu que la prestataire savait que, dans les circonstances, l’employeur allait probablement la suspendre. La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue en raison d’une inconduite.

[5] La division d’appel a accordé à la prestataire la permission de faire appel. La prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte du fait qu’elle travaillait de la maison et que le site Web de la Commission mentionne expressément que le fait de ne pas se conformer à une politique de vaccination ne rend pas nécessairement une personne inadmissible aux prestations si l’application de la politique était déraisonnable dans son lieu de travail.

[6] Je dois décider si la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait été suspendue en raison d’une inconduite.

[7] Je rejette l’appel de la prestataire.

Question en litige

[8] La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait été suspendue en raison d’une inconduite?

Analyse

Le mandat de la division d’appel

[9] La Cour d’appel fédérale a établi que, lorsque la division d’appel instruit des appels par application de l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, le mandat de la division d’appel lui est conféré par les articles 55 à 69 de la LoiNote de bas de page 1.

[10] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel pour les décisions rendues par la division générale. Elle n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui exercé par une cour supérieureNote de bas de page 2.

[11] Par conséquent, à moins que la division générale ait omis d’observer un principe de justice naturelle, qu’elle ait commis une erreur de droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, je n’ai d’autre choix que de rejeter l’appel.

La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait été suspendue en raison d’une inconduite?

[12] La prestataire soutient que la division générale a ignoré la preuve dont elle disposait et a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu qu’elle avait été suspendue en raison de son inconduite.

[13] La prestataire fait valoir que la politique de l’employeur était déraisonnable étant donné que le vaccin n’a pas empêché la transmission du virus. Elle soutient que l’employeur n’a jamais répondu à ses questions sur le vaccin et qu’elle n’a donc pas pu prendre une décision éclairée.

[14] La prestataire soutient que la politique a modifié unilatéralement les modalités de son contrat de travail et que son application à son égard était déraisonnable compte tenu de son lieu de travail.

[15] La prestataire affirme qu’elle travaillait de la maison et qu’elle ne représentait aucune menace pour ses collègues de travail et le public. Elle soutient que le site Web de la Commission mentionne expressément que le fait de ne pas se conformer à une politique de vaccination ne rend pas nécessairement une partie prestataire inadmissible aux prestations si l’application de la politique était déraisonnable dans le milieu de travail de la partie prestataire. La prestataire soutient qu’elle est maintenant de retour au travail et qu’elle travaille toujours de la maison.

[16] La division générale devait décider si la prestataire avait été suspendue en raison de son inconduite.

[17] La notion d’inconduite ne veut pas nécessairement dire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, l’acte reproché doit avoir été délibéré ou, à tout le moins, être d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé d’ignorer les répercussions de ses actes sur son rendement au travail.

[18] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction imposée par l’employeur ni de décider si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant la prestataire de telle manière que sa suspension était injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si la prestataire était coupable d’inconduite et si l’inconduite a entraîné sa suspensionNote de bas de page 3.

[19] La division générale a conclu que la prestataire avait refusé de se conformer à la politique et qu’elle n’avait pas demandé d’exemption autorisée avant la date limite. Elle a conclu que la politique s’appliquait à la prestataire même si elle travaillait de la maison. La division générale a conclu que la prestataire savait que l’employeur était susceptible de la suspendre dans ces circonstances et que son refus était intentionnel, conscient et délibéré. La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue en raison d’une inconduite.

[20] La division générale a décidé qu’elle n’avait pas l’expertise ou la compétence pour trancher les questions sur l’efficacité du vaccin. Elle a jugé que sa compétence ne s’étendait pas à la décision de décider si l’application de la politique à la prestataire était raisonnable, surtout compte tenu de son lieu de travail. Elle a décidé que ces questions devaient être tranchées par les tribunaux appropriés.

[21] La prestataire soulève la question de savoir si la division générale a refusé d’exercer sa compétence en ne décidant pas si l’application de la politique de l’employeur à son égard était raisonnable compte tenu de son contexte de travail.

[22] Il est important de rappeler que le site Web est un guide d’interprétation qui n’est pas juridiquement contraignant pour le Tribunal. Une politique reflète simplement l’opinion de l’administrateur qui agit en vertu de la loi. Cette opinion ne correspond pas nécessairement à la loiNote de bas de page 4.   

[23] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation légale de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de son personnel sur le lieu de travail. Il n’appartient pas au Tribunal de décider s’il était raisonnable pour l’employeur d’étendre cette protection aux personnes qui travaillaient de la maison pendant la pandémie.

[24] Autrement dit, le Tribunal n’a pas l’expertise ni la compétence nécessaires pour décider si les obligations de l’employeur en matière de santé et de sécurité liées à la COVID-19 ont pris fin au moment où la prestataire a commencé à travailler à domicile ou si elles ont continué à s’appliquer.

[25] Je suis d’accord avec la division générale pour dire que le fait de trancher une question de santé publique dépasse largement la portée de l’expertise du Tribunal en matière d’assurance-emploi et ne relève pas de sa compétence.

[26] Par conséquent, je ne trouve aucune erreur dans la conclusion de la division générale selon laquelle elle n’a pas compétence pour décider de l’efficacité du vaccin ou du caractère raisonnable de la politique de l’employeur qui s’applique au personnel travaillant à distance et faisant du télétravailNote de bas de page 5.

[27] La preuve prépondérante montre que la politique de l’employeur s’appliquait à la prestataire qui travaillait de la maison. La prestataire a refusé de se conformer à la politique et n’a pas obtenu d’exemption. Elle savait que l’employeur était susceptible de la suspendre, dans ces circonstances, et son refus était intentionnel, conscient et délibéré. Son refus de se conformer à la politique était la raison de sa suspension.

[28] La prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse à la situation unique et exceptionnelle engendrée par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension.

[29] Selon une jurisprudence bien établie, une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 6.

[30] La prestataire soutient que l’employeur a refusé de lui accorder des mesures d’adaptation, qu’il a fait preuve de discrimination à son égard et qu’il a porté atteinte à ses droits de la personne. Ces questions doivent être tranchées par une autre tribune. Le Tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que la prestataire demandeNote de bas de page 7.

[31] Je dois rappeler que la question soumise à la division générale n’était pas de savoir si l’employeur était coupable d’inconduite en suspendant la prestataire de telle sorte que cela constituerait une suspension injuste. La question était plutôt de savoir si la prestataire était coupable d’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et si cette inconduite a entraîné sa suspension.

[32] Je ne vois aucune erreur commise par la division générale lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite d’après les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[33] Même si la prestataire soutient que son employeur l’a rappelée au travail et qu’elle travaille toujours de la maison, cela ne change rien à la nature de l’inconduite qui a initialement mené à sa suspensionNote de bas de page 9.

[34] Je suis pleinement conscient que la prestataire peut demander réparation devant une autre autorité si l’existence d’une violation est établieNote de bas de page 10. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite.

[35] Pour ces motifs, je n’ai d’autre choix que de rejeter l’appel de la prestataire.

Conclusion

[36] L’appel est rejeté.

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