Assurance-emploi (AE)

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Citation : DB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1477

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (481946) datée du 9 juin 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Manon Sauvé
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 20 octobre 2022
Personne présente à l’audience : L’appelant

Date de la décision : Le 4 novembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2158

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 1.

Aperçu

[3] Depuis plusieurs années, le prestataire travaille pour une entreprise de télécommunication à titre d’agent de liaison.

[4] L’employeur met en œuvre une politique de vaccination en raison de la pandémie de la COVID-19. Le prestataire ne se conforme pas à la politique de l’employeur. Il est suspendu.

[5] Le 17 janvier 2022, il présente une demande pour recevoir des prestations d’assurance-emploi. La Commission refuse de lui verser des prestations, parce qu’il a été suspendu en raison de son inconduite. Il n’est donc pas admissible à recevoir des prestations.

[6] Le prestataire n’est pas d’accord avec la décision de la Commission. Il ne s’agit pas d’une inconduite, il a toujours eu un comportement exemplaire. Il a le droit de refuser un traitement médical. Il travaille à l’extérieur, il n’a pas besoin d’être vacciné. Il suit les consignes sanitaires qui empêchent la propagation de la COVID-19. De plus, l’employeur ne peut pas l’obliger à suivre la politique de vaccination.

Question que je dois examiner en premier

[7] Le prestataire a produit ses observations concernant les représentations de la Commission. Il a fait parvenir un courriel, afin que le document soit corrigé en raison d’un problème technique.

[8] Lors de l’audience, le prestataire a partagé son écran, afin que je puisse lire correctement ses commentaires. De plus, l’enregistrement me permet d’avoir accès aux corrections.

Question en litige

[9] Le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite ?

Analyse

[10] Pour décider si le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison le prestataire a été suspendu de son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi ?

[11] Je constate qu’il n’est pas contesté que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison de son refus de respecter la Politique vaccinale de son employeur.

La raison de la suspension du prestataire est-elle une inconduite selon la loi ?

[12] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 2. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 3. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupableNote de bas page 4.

[13] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit suspendu pour cette raisonNote de bas page 5.

[14] La Commission doit prouver que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison de son inconduiteNote de bas page 6.

[15] Selon la Commission, le prestataire a été suspendu en raison de son inconduite. Son employeur a mis en œuvre une politique de vaccination qui s’applique à tout le personnel. Le prestataire a été informé de l’application de la politique. Il devait fournir son statut vaccinal à son employeur. À défaut, il serait suspendu.

[16] Par conséquent, le prestataire savait qu’en ne se conformant pas à la Politique de son employeur, il serait suspendu. Il a fait le choix de refuser de se conformer, malgré les avertissements de son employeur.

[17] Pour sa part, le prestataire soutient qu’il n’avait pas besoin de suivre la politique de l’employeur. Il travaille toujours à l’extérieur et plus de 90 % des gens sont vaccinés. Cette politique ne fait pas partie de la convention collective. Il pouvait passer des tests de dépistage régulièrement, même à ses frais. Le gouvernement du Québec n’a pas appliqué la même politique de vaccination.

[18] Également, en réponse aux observations de la Commission, le prestataire soutient qu’il n’y a jamais eu de formulaire pour être exempté de la politique de vaccination. Il y avait des pourparlers avec le syndicat, mais l’employeur n’a pas fourni de réponses à ce sujet.

[19] Je vais disposer des arguments du prestataire, avant de poursuivre mon analyse.

[20] Je ne suis pas d’accord avec le prestataire concernant les exemptions. La politique prévoit que des personnes peuvent être exemptées pour des raisons médicales et l’employeur a déclaré à la Commission qu’il pouvait y avoir des exceptions.

[21] Le débat sur la notion du télétravail pour les fins de l’impôt n’est pas pertinent dans la présente affaire. En fait, le prestataire travaille sur la route et il doit se rendre au bureau à la demande de son employeur.

[22] Par ailleurs, je comprends que le prestataire ne soit pas d’accord avec l’utilisation de l’expression « avoue » utilisée par la Commission, mais cela n’a pas d’incidence sur l’issue du litige.

[23] Le prestataire réfère aux informations disponibles sur le site de l’assurance-emploi concernant le relevé d’emploiNote de bas page 7. La Commission indique qu’elle pourrait communiquer avec l’employeur pour savoir si l’application de la politique à l’employé était raisonnable et s’il y a des exceptions.

[24] Je ne suis pas liée par les informations fournies par la Commission dans un contexte général. Je dois tenir compte de la Loi, des décisions des tribunaux et des faits dans la présente affaire.

[25] Après avoir étudié le dossier, entendu le prestataire et pris en compte les observations des parties, je suis d’avis que le prestataire a été suspendu en raison de son inconduite.

[26] Mon rôle n’est pas de déterminer la légalité de la politique de l’employeur, ni le droit de refuser de transmettre des informations médicales à son employeur, ni le droit de refuser de recevoir un vaccin, ni que les droits et libertés n’ont pas été respectés en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que l’absence d’obligation vaccinale dans son contrat de travail ou la convention collective ; le Tribunal n’a pas le pouvoir de trancher ces questions. Il existe des instances spécialisées pour ces enjeuxNote de bas page 8.

[27] Je n’ai pas à décider si la politique de l’employeur est justifiée ou raisonnable. Cependant, je suis d’avis qu’il faut prendre en compte le contexteNote de bas page 9. Ainsi, le gouvernement du Canada a adopté un ensemble de mesures pour gérer la pandémie de la COVID-19, dont une politique de vaccination. L’employeur qui relève des lois fédérales a mis en œuvre la politique vaccinale.

[28] Je retiens que le prestataire a été informé le 15 septembre que l’employeur mettait en place une politique de vaccination. La politique de vaccination s’appliquerait à tous les employés. Il avait jusqu’au 10 janvier 2022 pour se soumettre à la politique.

[29] L’employeur a rappelé à plusieurs reprises au prestataire la nécessité de se conformer aux obligations liées à la politiqueNote de bas page 10. Le 10 janvier 2022, l’employeur a mis en congé sans solde le prestataire.

[30] Dans l’arrêt NelsonNote de bas page 11, la Cour d’appel fédérale réitérait qu’il faut appliquer une appréciation objective comme l’exige la Loi. En effet, « il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié. »

[31] Dans cette perspective, le prestataire a été informé que l’employeur a mis en œuvre une politique de vaccination pour contrer la pandémie de la COVID-19. Le prestataire disposait d’un délai pour s’y conformer, il a fait le choix de ne pas respecter la politique. C’est pour cette raison qu’il a été suspenduNote de bas page 12. Il savait ou aurait dû savoir qu’il serait suspendu pour ce motif. Il a créé sa situation de chômageNote de bas page 13.

[32] J’estime que l’inconduite peut prendre différentes formes dont le non-respect d’une politique de vaccination qui est une condition essentielle au maintien en emploiNote de bas page 14. Ce qui est le cas du prestataire.

[33] Je suis donc d’avis que la Commission a démontré que le prestataire a été suspendu en raison de son inconduite.

Alors, le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite ?

[34] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[35] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Par conséquent, l’appel est rejeté.

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