Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1343

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (472449) rendue le 6 mai 2022 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Susan Stapleton
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 27 septembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 3 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1778

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était fondé (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi) à quitter son emploi quand il l’a fait. Son départ n’était pas fondé parce que ce n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] Le 4 février 2022, le prestataire a quitté son emploi de conducteur de camion dans une mine de X. Il se rendait au chantier par avion et faisait des rotations de trois semaines. Sa dernière journée de travail était le 15 décembre 2021.

[4] Du 7 février 2022 au 20 juin 2022, il a suivi un programme à temps plein d’alphabétisation des adultes et d’éducation de base.

[5] Il a demandé des prestations d’assurance-emploi.

[6] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a décidé que le prestataire avait volontairement quitté (c’est-à-dire choisi de quitter) son emploi sans justification. Par conséquent, elle ne pouvait pas lui verser des prestations.

[7] Je dois décider si le prestataire a prouvé que quitter son emploi au moment où il l’a fait était la seule solution raisonnable dans son cas.

[8] Selon la Commission, démissionner n’était pas la seule solution raisonnable qui s’offrait alors au prestataire. Il aurait pu garder son emploi ou suivre un programme d’études qui ne l’obligeait pas à quitter son emploi.

[9] Le prestataire n’est pas d’accord. Il dit avoir dû prendre une décision le 4 février 2022, à la dernière minute, pour assister à ses cours. C’était un programme à temps plein qui commençait quelques jours plus tard. Les cours avaient lieu le matin et l’après-midi les jours de semaine. Il ne pouvait donc pas continuer à travailler pendant ses études. Il ne savait pas si son employeuse l’aurait autorisé à prendre congé pour suivre ses cours, mais il pensait avoir peu de chances d’obtenir un congé.

[10] Il a ajouté que son superviseur et certains de ses collègues l’avaient harcelé au travail à quelques reprises. Il disait que c’était l’une des raisons pour lesquelles il avait démissionné.

Question en litige

[11] Le prestataire est-il exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification?

[12] Pour répondre à cette question, je dois d’abord décider s’il a choisi de quitter son emploi. Ensuite, je dois décider si son départ était fondé.

Analyse

Le prestataire a quitté son emploi volontairement

[13] Selon les tribunaux, pour savoir si le prestataire a quitté son emploi volontairement, il faut se demander s’il avait le choix de rester ou de partir .

[14] Durant son témoignage, le prestataire a dit qu’il a quitté son emploi le 4 février 2022 pour aller à l’école. Il a dit qu’il avait le choix de continuer à travailler. Je ne vois rien qui prouve le contraire. En conséquence, le prestataire a quitté son emploi volontairement.

Ce qu’on veut dire par « être fondé à »

[15] Les parties ne sont pas d’accord sur la question de savoir si le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi quand il l’a fait.

[16] La loi précise qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justification . Avoir une bonne raison de quitter un emploi ne suffit pas à démontrer que le départ est fondé ou justifié.

[17] La loi explique ce qu’on entend par une personne « est fondée à » faire quelque chose. Selon la loi, une personne est fondée à quitter son emploi si son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. La loi précise qu’il faut tenir compte de toutes les circonstances .

[18] Le prestataire est responsable de prouver que son départ était fondé . Il doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[19] Pour décider si le départ est fondé, je dois examiner toutes les circonstances entourant le départ du prestataire. Parmi celles-ci, il y en a quelques-unes qui sont prévues par la loi . Une fois que j’ai déterminé les circonstances qui s’appliquent au prestataire, il doit alors démontrer que son départ était la seule solution raisonnable à ce moment-là .

Circonstances entourant la démission du prestataire

Orientation des prestataires

[20] Parfois, la Commission (ou un programme approuvé par la Commission) dirige les gens vers un cours, un programme ou une formation. L’une des circonstances dont je dois tenir compte est la question de savoir si la Commission a envoyé le prestataire suivre son cours.

Les parties sont d’accord : le prestataire n’a pas été dirigé vers son programme d’études

[21] La jurisprudence mentionne clairement que, si une personne quitte son emploi seulement pour suivre un programme d’études vers lequel elle n’a pas été dirigée, elle n’est pas fondée à quitter son emploi .

[22] Les parties s’entendent sur un point : le prestataire n’a pas été dirigé vers son programme d’études. Dans sa demande de prestations (aux pages GD3‑3 à GD3‑30 du dossier d’appel), il a déclaré qu’il avait décidé de suivre les cours de son propre chef. À l’audience, il a confirmé que c’était une décision personnelle.

[23] Le prestataire a déclaré que, le 5 janvier 2022, il avait manqué son vol pour se rendre au travail et qu’il avait failli être congédié parce qu’il n’avait pas téléphoné à son employeuse pour l’aviser. Mais il n’a pas perdu son emploi et il aurait repris le travail le 16 janvier 2022. Il a toutefois reçu un résultat positif au test de dépistage de la COVID‑19 à l’aéroport et il a dû s’isoler à la maison pendant deux semaines.

[24] Il a dit que s’il n’avait pas démissionné, il serait retourné au travail à la prochaine rotation, vers le 9 février 2022 (page GD3-44).

[25] À l’audience, il a ajouté qu’il avait été accepté dans le programme d’études en octobre 2021.

[26] Le 4 février 2022, il a pris la décision de quitter son emploi et de commencer ses cours le 7 février 2022. Le 4 février était la date limite pour informer l’école qu’il viendrait suivre les cours. Il voulait vraiment retourner à l’école et poursuivre ses études. Il ne voulait plus attendre. Il trouvait que c’était le bon moment pour suivre le programme.

[27] Il a expliqué qu’il avait pris la décision de démissionner et d’aller à l’école sans trop y penser à l’avance et sans planifier les choses. Il pensait surtout à aller un jour à l’université pour devenir ingénieur. Il croit qu’il aurait dû faire les choses de la bonne manière. Alors, il aurait peut-être pu recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant qu’il suivait ses cours.

[28] Il a dit qu’il aurait pu continuer à travailler s’il n’avait pas démissionné pour aller à l’école.

[29] Avant de démissionner, il n’a pas demandé de congé d’études à son employeuse. Il a expliqué qu’il a appelé les ressources humaines seulement après son départ. On lui a dit qu’il n’aurait probablement pas été autorisé à suivre le programme d’études, à cause du vol qu’il avait manqué. De plus, ses cours devaient durer quatre mois et, selon lui, s’absenter du travail pendant tout ce temps était trop long.

[30] Il a discuté avec l’école de la possibilité de suivre ses cours en dehors de ses heures de travail. Mais c’était un programme à temps plein et il fallait le suivre d’un coup. Il ne pouvait pas suivre un seul cours à la fois.

Harcèlement

[31] Le prestataire a déclaré que les mauvais traitements qu’il subissait de la part de son superviseur et de ses collègues étaient aussi une des raisons pour lesquelles il a quitté son emploi.

[32] Il a dit que son superviseur et certains de ses collègues l’avaient harcelé [traduction] « un peu » à quelques reprises, [traduction] « juste pour le plaisir ». Ils faisaient des commentaires offensants à son endroit et disaient des choses de nature sexuelle, des critiques et des remarques sur son caractère et son corps. Parfois, ils lui jouaient aussi des tours. Il a dit que c’était une des raisons pour laquelle il avait démissionné (pages GD3-43 à GD3-45).

[33] À l’audience, il a déclaré que son employeuse avait une politique sur le harcèlement au travail. Il a expliqué qu’il était censé signaler ce genre de comportement à son superviseur, au chef de chantier ou aux ressources humaines.

[34] Il ne l’a pas fait parce qu’il est une personne tranquille et qu’il avait l’impression que son superviseur était une bonne personne et qu’il ne voulait pas lui causer de problèmes. Il ne voulait pas que ses collègues perdent leur emploi.

[35] À l’audience, le prestataire a déclaré que ces mauvais comportements n’étaient pas la principale raison de sa démission. Il a quitté son emploi surtout pour retourner à l’école. Si ce n’était de ses études, le harcèlement au travail ne l’aurait pas poussé à démissionner à ce moment-là. Il a ajouté qu’il avait songé à démissionner en raison des mauvais traitements, mais qu’il prévoyait attendre quelques mois ou un an.

[36] Je conclus que le prestataire a quitté son emploi le 4 février 2022 pour entreprendre un programme d’études débutant le 7 février 2022. J’admets que son superviseur et ses collègues ont fait des commentaires offensants à son égard. Mais ce n’est pas ce qui l’a poussé à démissionner. Il a confirmé qu’il n’aurait pas quitté son emploi si ce n’était du programme. Et il aurait quitté son emploi pour étudier même s’il n’avait pas été malmené par son superviseur et ses collègues.

[37] Voici donc les circonstances entourant la démission du prestataire le 4 février 2022. Il était inscrit à un programme d’études qui a commencé le 7 février 2022. Il n’a pas été dirigé vers ce programme. Il n’a pas demandé de congé d’études à son employeuse. Il a subi des mauvais traitements de la part de son superviseur et de ses collègues, mais ce n’est pas la raison pour laquelle il a démissionné.

[38] Comme il n’a pas été dirigé vers son programme d’études, la jurisprudence s’applique. Par conséquent, le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi.

D’autres solutions raisonnables

[39] Selon la Commission, le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi parce qu’à ce moment-là, ce n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Elle avance qu’il aurait pu continuer à travailler ou il aurait pu s’arranger pour poursuivre ses études sans avoir à quitter son emploi.

[40] Quant au harcèlement dont le prestataire a parlé, la Commission a déclaré qu’au lieu de la démission, une solution raisonnable aurait été de discuter de ses préoccupations directement avec son superviseur. Il aurait aussi pu en faire part au chef de chantier ou aux ressources humaines pour tenter de résoudre le problème.

[41] Selon le prestataire, il n’avait d’autre choix que de quitter son emploi quand il l’a fait parce que ses cours allaient commencer quelques jours plus tard. Il ne pouvait pas continuer à travailler à la mine et suivre ses cours près de chez lui en même temps.

[42] Je juge que quitter son emploi au moment où il l’a fait n’était pas la seule solution raisonnable dans le cas du prestataire.

[43] Garder son emploi au lieu de s’inscrire au programme d’études était une solution raisonnable. Je comprends qu’il avait de bonnes raisons de quitter son emploi pour aller à l’école. Il voulait poursuivre ses études et aller à l’université pour devenir ingénieur. Mais c’était là un choix personnel. Quelqu’un qui démissionne pour faire des études n’est pas fondé à quitter son emploi .

[44] Au lieu de démissionner, il aurait pu demander un congé d’études à son employeuse. C’était une solution raisonnable. Il affirme que les ressources humaines lui ont dit que le congé n’aurait [traduction] « probablement » pas été approuvé. Mais il leur a posé la question seulement après avoir démissionné. À l’audience, il a dit qu’il aurait dû poser la question plus tôt et que sa demande aurait peut-être été approuvée.

[45] Étant donné toutes les circonstances entourant le départ du prestataire, je conclus que des solutions raisonnables s’offraient à lui : il aurait pu garder son emploi ou demander un congé d’études à son employeuse.

[46] C’est une bonne chose qu’il ait voulu poursuivre ses études et faire avancer sa carrière. Cependant, c’est un choix personnel qui ne concorde pas avec l’idée à la base du régime d’assurance‑emploi .

[47] L’assurance-emploi vise à indemniser les personnes au chômage pour des raisons indépendantes de leur volonté. Comme pour n’importe quel autre régime d’assurance, il faut remplir certaines conditions pour avoir droit aux prestations. Dans cette affaire-ci, le prestataire ne répond pas aux exigences parce qu’il s’est placé dans une situation de chômage alors que quitter son emploi n’était pas la seule solution raisonnable.

[48] Le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Conclusion

[49] Le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi. Il est donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[50] L’appel est rejeté.

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